J’ai gagné 50 euros en grattant un MaxiAstro. Des astres. La première fois de ma vie. Je ne joue pas, je ne tente pas la chance que je n’ai pas. Avec le RSA et les quelques vêtements que je vends sur Vinted, ce sera ma seule entrée d’argent ce mois-ci. Et mes économies diminuent comme peau de chagrin. Désastre. J’ai 46 ans, et cela fait 6 mois que je ne travaille pas. J’envoie des CV, des candidatures spontanées, je réponds à des offres sur France Travail, Indeed, Hellowork. Candidatures non retenues, pas de réponses, pas de recrutement, anciens employeurs qui laissent en “vu”. J’envoie dans mon secteur d’activités même si je n’ai plus envie, je me dis que l’envie reviendra dans l’action, j’envoie aussi pour des postes de préparateur de commandes, de femme de ménage, d’aide-cuisinière, de vendeuse, d’enfileuse de perles, etc, je traverse aussi souvent la rue. Rien. J’ai aussi écrit un essai, “Les Magasins de Pauvres”, je cherche un éditeur. Mais, rien non plus. Je me suis inscrite à un concours pour dans quelques jours maintenant, un concours alors que j’ai un Bac+5, la tête dans la bassine à chaque examen - mais je sais que je ne le réussirai pas, trop d’inscrits, trop peu de reçus. Des tas de trucs à apprendre pour rien, des efforts, du stress, pour de la déception, et rien au bout, je le sais d’avance. Quand on a construit son identité sur le travail, et qu’on n’en trouve plus, on n’est plus rien. On n’a pas de filet de secours mental. Je n’ai pas construit de famille, je n’ai plus d’utérus. Je n’ai pas d’amis, je n’en ai pas trouvé de fiables. Je n’ai pas d’amoureux, je n’ai pas le physique pour. Cela fait 3 mois que je ne suis pas allée chez le coiffeur. Officiellement, pour laisser pousser et essayer d’avoir un carré. Officieusement, pour éviter de dépenser 40 euros, et de m’écrouler quand la coiffeuse va me demander “comment ça va ?”. Je ne vais plus chez la psy, elle ne m’aide pas, et me coûte cher. Je ne prends plus d’antidépresseurs, ils ruinent ma mémoire. Je descends des Euphytose comme des Smarties. Je regarde des TikTok de dépressifs ou d’anciens dépressifs, ça m’aide à comprendre et à me sentir moins seule. Je me rends compte qu’on est nombreux. Je fais des TikTok sur "Plus belle la vie", ça me fait des vues, à défaut de monétisation. Linkedin n’est pas fait pour ce type de post façon "journal extime", comme on disait en 2013. C’est bien de parler de sa dépression, mais seulement quand on est sorti du tunnel de l’échec, pas dedans. Cela ne fait pas successful, aspirationnel, Linkedin friendly. Il paraît que quand on écrit ses problèmes, ça les divise par deux. Le journaling, ils appellent ça, sur TikTok. Alors, j’écris.
Des grosses bises Ingrid, faut réussir à retourner la routourne
Courage Ingrid ! J'aimerais trouver quelque chose à t'écrire de réconfortant et surtout qui soit aussi drôle que tes fulgurances sur Twitter, qui ont égayé nombre de mes journées. Mais je n'ai pas ton talent... À travers tes posts, ta personnalité à la fois forte et sensible transparaissait, avec en permanence cette autodérision lucide et détachée (et tellement drôles) dont seules sont capables les personnes dotées d'un réel sens de l'humour. Je suis certain que tu vas vite rebondir, force à toi. Juste une dernière question : es tu mobile en France ?
(Je t'ai DM un truc sur Twitter)
Concepteur-rédacteur professionnel chez Notchup
7 moisAlors ça ne te soulagera sûrement en rien, et ça ne te rapportera encore moins, mais pour moi, Twitter a longtemps valu la peine parce que pouvais te lire (et te rire). Alors merci pour ça et force à toi