L’Annuaire arrive : le compte à rebours va commencer

L’Annuaire arrive : le compte à rebours va commencer

Alors que les remous du communiqué de presse du 15 octobre se dissipent, l’écosystème des éditeurs se prépare pour l’arrivée de l’Annuaire prévue en mars 2025. A partir de cette date, les éditeurs pourront commencer à s'y connecter pour tester concrètement et préparer des pilotes avec leurs clients (au mieux pour septembre 2025), tandis qu’il faudra attendre début 2026 pour la partie e-reporting. Et d’une certaine façon, le retrait de la plateforme publique suscite bien des inquiétudes chez les grandes entreprises, et par ricochet leurs éditeurs, qui se demandent comment ils vont gérer les incontournables retardataires qui n’auront pas de PDP au 1er septembre 2026 pour recevoir les factures émises par les Grandes Entreprises et les ETI.

Voyons sur quoi se fondent ces inquiétudes, et quelques pistes pour anticiper.

1. Rappel des principes et du fonctionnement de l’Annuaire

1.1. Qu’est-ce que l’Annuaire ?

L’Annuaire est une base de données constituée des SIREN (les entités juridiques) et des SIRET (les établissements de ces entités juridiques) des entreprises de France, à l’exclusion des structures non assujetties à la TVA (ex : associations, syndicats, CSE…). L’Annuaire va également contenir une table des codes routages associés aux SIRET, héritage du secteur public qui s’ouvre comme une possibilité pour le secteur privé, que l’on recommandera d’éviter au profit du système « SIREN_SUFFIXE » mis en place dans la version 2.4 des spécifications externes.

Enfin, l’Annuaire contiendra surtout la liste des données d’adressage des factures pour les assujettis TVA. Une ligne d’adressage, c’est une boîte aux lettres : on indique une adresse (SIREN seul ou SIREN_SUFFIXE) et on y relie le matricule de la PDP en charge de la réception des factures. On peut avoir plusieurs boîtes aux lettres qui pointent sur une même PDP ou sur des PDP différentes.

De façon générale, il est important d’aborder le paramétrage de l’Annuaire comme un projet de « courrier entrant » : on va chercher à « massifier » la réception du courrier via un point d’entrée unique (la PDP) et ensuite organiser le tri et le traitement du courrier, généralement via un workflow d’approbation.

L’une des erreurs communes dans les projets (que j’ai faite aussi au début de mes travaux sur les specs avant d’en comprendre les travers) est de vouloir utiliser le système d’adressage pour trier le courrier voire faire de l’imputation analytique : mauvaise idée. Il vaut mieux avoir un système d’adressage simple et réduit, puis gérer le tri et la ventilation analytique à partir des données métier dans les factures dans un outil de workflow d'approbation. C'est la recommandation "bonne pratique" de la FNFE-MPE que Cyrille Sautereau rappelle dans son article "Les essentiels de la réforme : Adressage et annuaire".

Et donc, dans la mesure où nous sommes sur un projet d’organisation du « courrier entrant », l’arrivée de la facture électronique correspond à la mise à jour de toutes les « adresses de facturation » des clients professionnels assujettis à la TVA dans les systèmes d'information.

1.2. Pourquoi l’absence de plateforme publique est un problème ?

L’un des intérêts de la plateforme publique est qu’elle devait être la « plateforme par défaut » des entreprises, jusqu’à ce qu’une PDP mette à jour la ligne d’annuaire pour indiquer qu’elle en assurait la gestion. Sans plateforme publique, l’Annuaire sera initialisé avec une « plateforme vide », et il sera impossible de transmettre une facture tant qu’une PDP n’aura pas été renseignée.

Et là c’est le drame : « Comment allons-nous gérer les entreprises qui n’auront pas souscrit de PDP au 1er septembre 2026 ? » Même si ce n’est que 5 à 10%, pour certains émetteurs de gros volumes de factures, ça peut représenter des dizaines, voire des centaines de milliers de factures revenant en « NPAI » (N’habite Pas à l’Adresse Indiquée). Et autant de retraitements administratifs, plus ou moins complexes selon votre chaîne de facturation, une fois qu’on a échangé avec les clients concernés pour qu’ils souscrivent à une PDP et puissent recevoir leurs factures !

Scénario catastrophe. Heureusement, la DGFIP aura la liste des entreprises qui n’ont pas souscrit à une PDP et fera des campagnes de rappel avant le 30/09/2026…

2. Un sous-projet de mise à jour des adresses de facturation

2.1. Une mauvaise réponse à une question mal posée

Dans la présentation de l’Annuaire, il est indiqué qu’on pourra venir y rechercher les adresses de facturation des entreprises, en recherchant par SIREN, SIRET, nom, etc. Et de la façon dont le fonctionnel est présenté, on peut avoir l’impression qu’on va « découvrir » l’adresse au moment de l’envoi de la facture. Et pour ceux qui se sont intéressés à Peppol, c’est pire, on parle de « découverte dynamique » des « capacités » à recevoir tel ou tel format.

Je n’ai jamais vu ce fonctionnement en entreprise. Dès les premières phases de prise de contact pour l’établissement d’un devis, on va collecter des informations sur le prospect, parmi lesquelles la ou les adresses : adresse du siège social, adresse de facturation (si différente du siège social), adresse de livraison (le cas échéant)... Ainsi, l’adresse de facturation est une information qui relève de la relation contractuelle. Jamais un client ne va vous dire « va chercher mon adresse de facturation dans les pages jaunes à partir de ma raison sociale ». Il vous donne l’adresse à laquelle il veut recevoir la facture.

De la même façon, vous n’irez pas consulter l’Annuaire pour déterminer à quelle combinaison « SIREN_SUFFIXE » vous devez adresser une facture. Vous irez consulter l’Annuaire pour vérifier que la combinaison indiquée par votre client existe bien et qu’il n’y a pas d’erreur de saisie (processus #KYC : Know Your Customer). Autrement dit, tous les logiciels de CRM, ERP, facturation devraient modifier/compléter les champs de l’adresse de facturation, si ce n’est déjà fait, avec la possibilité de renseigner les combinaison SIREN / SIREN_SUFFIXE / SIREN_SIRET / SIREN_SIRET_Code routage, au niveau des fiches clients, des contrats, des commandes, etc, selon la granularité pertinente. Et un petit contrôle API automatique qui ira vérifier que l’adresse renseignée existe bien dans l’Annuaire du de la PDP (puisque l’on ne pourra pas accéder à l’Annuaire du PPF par API).

Ce qui veut dire que dans un futur proche, tous les devis / contrats / bons de commande contiendront des champs « Adresse de facturation électronique » à renseigner par ou avec le client.

2.2. Comment on gère la transition ?

OK, dans le futur, quand on aura tout modifié, ce sera facile. Le problème, c’est le 1er septembre 2026. Sauf que les grandes entreprises et ETI ne vont pas attendre le 31 août 2026 pour bouger les lignes. Rappelons que l’adresse de facturation est une information qui s’inscrit dans la relation contractuelle (pas forcément dans le contrat parce qu’elle peut changer comme dans le cas présent) et que les partenaires sont engagés à signaler toute modification, fusse-t-elle due à la réforme de la facturation électronique ! Ainsi, toutes les entreprises ont normalement l’obligation d’informer leurs fournisseurs, dans un délai « raisonnable », d’un changement d’adresse de facturation, autrement dit avant le 1er septembre 2026.

2.2.1. Les entreprises en avance de phase

Avec un Annuaire disponible en mars 2025, le temps de réaliser les premiers tests, on devrait voir des communications d’entreprises dès septembre 2025 qui indiqueront qu’elles sont en capacité de recevoir et d’émettre des factures électroniques avec leurs partenaires clients ou fournisseurs qui le souhaitent. Et elles communiqueront leurs SIREN_SUFFIXE et collecteront les données d’adressage des clients qui le souhaitent.

2.2.2. L’exigence bienveillante (ou l’inverse) vers les clients

Progressivement, la communication des entreprises va se faire plus pressante, demandant à leurs clients de leur communiquer dès que possible leur adresse de facturation électronique. Et autant dire que pour les renouvellements de contrats ou les commandes qui seront passées à partir de janvier 2026, indiquer sa PDP de réception sera de moins en moins une option, avec un engagement à la communiquer dans les plus brefs délais au risque de pénalités contractuelles ! En effet, les grandes entreprises voudront lisser la mise à jour et hors de question d’attendre la dernière semaine d’août pour tout traiter en urgence.

2.2.3. A défaut d’information contraire de votre part…

Ce sera le dernier coup de semonce (en recommandé pour en rajouter une couche) pour ceux qui ne se seront pas manifestés : un courrier qui devrait partir entre avril et juin 2026 (en tout cas avant les congés d’été) dont le texte sera peu ou prou :

« Madame, Monsieur, Cher client,

Malgré nos multiples sollicitations, nous n’avons pas reçu l’information de votre adresse de facturation électronique à utiliser au plus tard à compter du 1er septembre 2026. A défaut de retour de votre part avant « date limite de mise à jour », nous adresserons vos factures sur la base de votre SIREN : 129456789.

Nous vous rappelons qu’en cas de rejet de nos factures pour défaut d’adressage, nous serons contraints de suspendre immédiatement l’exécution de nos contrats en attente de régularisation et de vous adresser une facture de pénalité administrative d’un montant de X € HT correspondant aux traitements administratifs résultant du rejet. 

Sincères salutations (ou toute autre formule de politesse adaptée après une menace de pénalités) ».

2.2.4. Et dans l’autre sens (exigence fournisseurs) ?

Bien que la DGFIP communique depuis fin 2023 sur les échéances de septembre 2026 et septembre 2027 comme des dates « au plus tard » (sous-entendu : on vous encourage à y aller avant), beaucoup d’entreprises considèrent toujours qu’elles vont s’occuper du projet en vue d’être en conformité le 31 août 2026 en réception, et de s’intéresser à l’émission dans les mois qui suivent.

Cela peut être une erreur si l’on travaille avec des grandes entreprises et ETI qui seront prêtes avant septembre 2026 et qui n’ont pas l’intention d’attendre septembre 2027 pour récolter les gains attendus de la facture électronique. Concrètement, si l’obligation légale sera l’émission au 1er septembre 2027 pour les TPE-PME, il est fort probable que les appels d’offres des grandes entreprises et ETI contiendront des conditions d’émission de facture électronique bien avant ! Et là c’est comme pour l’EDI actuellement : si vous voulez répondre au RFP, vous êtes capables de facturer au format électronique (et pas en BASIC WL sans les lignes, directement au format complet voire étendu), de la même façon que de nombreux appels d’offres contiennent désormais des parties RSE, dont l’obligation percole des grandes entreprises vers leurs fournisseurs.

2.2.5. Quelques cas dans l’angle mort

Il apparaît donc probable qu’en parallèle de l’action de la DGFIP, les grandes entreprises, en première ligne de l’énergie et des télécoms, vont porter le démarrage de la réforme auprès de leurs clients. Pour autant, dans les TPE, il n’est pas rare d’avoir une offre box internet de particulier, et de « passer la facture » dans la comptabilité (facture PDF téléchargée sur le site de l’opérateur et qui n’est théoriquement pas un justificatif de déductibilité TVA conforme). Ces clients risquent de passer sous le radar des relances des grandes entreprises car ils n’ont pas souscrit à une offre pro. La facture n’est d’ailleurs pas libellée au nom de l’entreprise, bref rien ne va, mais la pratique est installée. Sauf qu’à compter de septembre 2026, ces factures ne tomberont pas dans le calcul de la TVA déductible pré-remplie. Il faudra donc choisir de souscrire une offre pro pour pouvoir déduire la TVA, ou renoncer à récupérer la TVA sur ces factures.

Et pour les fournisseurs qui envisagent de continuer à émettre des factures papier au-delà des dates légales, il faut qu’ils soient conscients, ainsi que leurs clients, du risque :

  • Pour le fournisseur, c’est 15 € par facture plafonné à 75 000 € par an (ça vaut presque la peine de prendre le risque pour les grandes entreprises).
  • Pour le client, c’est le risque de rejet d’un justificatif de déductibilité de la TVA non conforme (une facture papier ne permet plus de déduire la TVA à compter de septembre 2027), et un rejet de la TVA déductible de l’entreprise sur 3 ans (imagine tu as une amende de 20% de tes achats des 3 dernières années). Donc le client a plutôt intérêt à ne pas accepter une facture papier au-delà de l'échéance de septembre 2027 !

Vous êtes prêts à courir le risque dans un système de contrôle automatisé ?

3. Comment Generix vous accompagne ?

Cette démarche d’organisation de la réception du « courrier » factures se réalise normalement en dehors et en amont du projet de mise en œuvre de la PDP. Les équipes de Generix vous accompagneront bien entendu dans la phase projet pour vous présenter l’Annuaire puis en challengeant le modèle choisi ou en émettant des recommandations de bonnes pratiques. En parallèle, l’organisation des mailings vers vos clients et vos fournisseurs sera du ressort des services concernés qui peuvent être coordonnés par l’équipe projet en charge de la mise en œuvre de la facture électronique, avec si nécessaire un appui de consultants partenaires.

Conclusion

Il est important de bien identifier les impacts de la réforme sur les processus actuels, tout en réalisant un travail de comparaison / jointure avec la gestion actuelle du courrier pour assurer une transition en douceur et être pédagogue dans l’accompagnement du changement (avant / après). Et surtout, il est important d’être à l’écoute de ses clients, en particulier dans une situation de relation déséquilibrée, quand le client a un poids significativement élevé dans la négociation et peut imposer ses conditions, notamment les modalités de facturation. L’orientation de mise en œuvre de la facture électronique « au plus tard » a bien été intégrée par de nombreuses grandes entreprises qui ont des enjeux significatifs de ROI sur leur projet, et vont vouloir réduire le plus vite possible le flux des factures papier qui sera très coûteux. Il est possible qu’elles poussent leurs partenaires à suivre leur rythme plutôt que celui de la réforme.


#factureelectronique #einvoicing #fnfempe #ereporting #ViDA #facturX #dgfip #aife #TVA #PDP #O2C #OrderToCash #P2P #ProcureToPay

Nicolas VEYSSIER

Responsable fiscal & douane groupe | 🐟 Labeyrie Fine Foods 🦆🍤 | Ancien avocat

10 mois

Merci pour cet article. La tentation est séduisante en effet de faire du SIREN_SUFFIXE une déclinaison de notre analytique. Mais à long terme, et à maintenir, ca paraît peu efficient! Finalement, la maille SIREN seule équivaut bien à l'adresse email "compta four_sté A" utilisée typiquement en porte d'entrée de solution de démat factures fournisseurs. On va y réfléchir cette semaine :)

Quentin Houard

Product analyst Plateforme Agréée chez Generix Group | Facture électronique | E-invoicing & e-reporting | Offre PDP en marque blanche | Membre Commission AFNOR Facture électronique

10 mois

Merci pour la republication VERONIQUE SEGUIN !

Jean-Michel MARCELIN

Accélérateur de digitalisation pour les professionnels de l’agroalimentaire | Dématérialisation, eFacture, GED, EDI 💻

10 mois

Toujours un réel plaisir à lire. Avec de l'humour et des cas concrets. 💡 👏

Jonathan Plateau

We are business partners ! Building something new on data quality for finance ! Ex Safran, Valeo, EY

10 mois

L arrêt du portail c'est quand même un sacré bazar je trouve. Dommage de ne pas prendre en main le sujet côté état pour faciliter la vie des "petits" acteurs...

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