Le chef
Le propre de l’action militaire est d’être collective. Le chef est donc celui qui discerne le but et les voies permettant de l’atteindre, qui mobilise les énergies et fait agir ensemble des individus, et qui organise leur contribution à la réalisation de l’objectif. Que l’on parle de leader, de manager, de fédérateur, de catalyseur de compétences, de visionnaire, d’inspirateur, de personnalité charismatique, les militaires, de façon simple voire simpliste, pensent le chef au travers de trois dimensions.
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Le chef militaire est d’abord un meneur d’hommes qui fonde son autorité sur ses compétences tactiques et techniques, son esprit de décision, sa détermination, son allant, son optimisme, son engagement physique et moral, son exemplarité et ses qualités humaines. En opérations, la réussite de la mission présuppose qu’il soit capable « d’enlever la troupe ». Cependant, même si «Tout Hussard qui n’est pas mort à trente ans est un Jean-Foutre » (1) il est comptable avant tout de la vie de ses hommes. Il commande donc « Par le cœur, l’exemple et la raison » (2). Cette dimension est essentielle en opérations. Mais elle l’est tout autant en temps de paix, dans l’entraînement, le service courant, ou bien dans la conduite des réorganisations qui rythment la vie de l’armée de Terre. Toutes activités dans lesquelles les « servitudes » l’emportent sur les « grandeurs militaires ».
C’est aussi un organisateur, un manager pour employer un terme civil, qui doit parvenir à obtenir la meilleure performance d’une organisation par l’utilisation la plus efficiente possible de l’ensemble des ressources, de toute nature, mises à sa disposition. Dès les premiers niveaux de commandement (section, compagnie), il exerce des responsabilités sur des structures pluridisciplinaires dont il faut combiner les capacités et les effets de la façon la plus pertinente. C’est vrai dans les activités du temps de paix, les armées étant des « centres de coûts » aux ressources de plus en plus mesurées. Mais c’est également fondamental en opérations. L’économie des moyens, au sens de leur utilisation judicieuse, constitue l’un des trois principes de la guerre (3). Même s’il reflète des réalités différentes, le « Return On Investment » est une donnée de la réflexion tactique.
La troisième dimension est plus difficile à nommer, tant la terminologie foisonne. (leader, dirigeant inspiré, visionnaire, charismatique etc.). C’est la capacité à définir un projet, une vision et à les porter ; à donner un sens supérieur aux actions demandées et à obtenir naturellement une adhésion totale et active d’un groupe, au sens le plus large du terme. Elle relève d’une compréhension des choses dans leur globalité et d’une intelligence politique, au sens noble du terme, qui font que l’intérêt supérieur s’efface devant des intérêts individuels ou de groupe. Elle est vitale dans les situations difficiles Ce sont celles d’ailleurs où on l’identifie le plus aisément. Elle ne l’est pas moins, bien au contraire, « par petit temps », le confort, le sentiment de sécurité et les fausses certitudes étant propices au repli sur soi, aux atermoiements et à l’individualisme.
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Aucune de ces dimensions n’est spécifiquement militaire mais le chef militaire doit cultiver les trois. Il les sollicite à des degrés divers, et de façon différente en fonction du contexte et des situations, dans la totalité des postes de commandement ou de responsabilités qui lui sont confiés. Et ce, dès le premier poste à la sortie des écoles de formation initiale puis de spécialisation. Dans ce domaine, rien ne relève intégralement de l’inné mais tout ne s’acquiert pas totalement non plus. Sauf exception, chacun est doté de prédispositions plus ou moins affirmée pour chacune de ces dimensions ; très peu les incarnent toutes au plus haut degré. Les écoles de formation (Saint-Cyr, Navale, Ecole de l’Air) ont pour mission essentielle d’en amorcer le développement ; l’équilibrage. Mais, fondamentalement, c’est le parcours professionnel des officiers qui leur permet de les développer et de les conforter. Parcours riche, qui ne les enferme pas dans un métier spécifique mais les conduit à exercer dans des fonctions opérationnelles et dans des emplois de nature civile (finances, SI, RH, infrastructure, organisation, communication etc.) très différents ; qui les conduit à servir, alternativement et non successivement, dans des unités, dans des commandements et des directions déconcentrés (filiales) et au « siège » ; qui leur permet de commander en garnison et en opérations ; enfin, parcours qui les « ramène » périodiquement « dans la troupe » au contact des hommes et des réalités.
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- (1) Général Antoine Charles Louis de Lassalle (mort à Wagram à 34 ans…).
- (2) Devise de l’Ecole du Train et de la Logistique Opérationnelle.
- (3) Les trois principes formalisés par Foch : liberté d’action ; concentration des efforts ; économie des moyens.
Voir également mon billet "l'exercice du commandement dans l'armée de Terre" https://www.linkedin.com/pulse/article/lexercice-du-commandement-dans-larm%25C3%25A9e-de-terre-pierre-vuillaume/edit
cadre comptable rh - Référent SI
8 ansj'adhère totalement et surtout quand vous dites : "C’est la capacité à définir un projet, une vision et à les porter ; à donner un sens supérieur aux actions demandées et à obtenir naturellement une adhésion totale et active d’un groupe, au sens le plus large du terme".
Vice-président chez CCMSTN/PR (Présidence République Bénin)
8 ansÉdifiant comme article M. Vuillaume.
Consultant spécialiste chez SURETE SECURITE PRIVEE
8 ansUn chef doit respecter la règle des 3 C - Un cerveau - Un coeur - Des Couilles Un peu grivois, mais ça marche pour tous les métiers...
Délégué général
8 ansAbsolument Gérard le Paige . Etre dirigeant ("chef"), c'est assumer pleinement et personnellement l'échec, même s'il est le fait de ses collaborateurs (subordonnés).
Gérant de société
8 ans"Un mauvais général vaut mieux que deux bons." Bonaparte en 1796... Etonnant, non ?