Le commandement par intention
Hôtel national des Invalides, le 10 juillet 2025
Le commandement par intention : une philosophie, une discipline, une méthode.
Hier, sur les pavés de l’Hôtel national des Invalides et à quelques jours de la Fête nationale, je me suis adressé aux soldats de l’ Armée de Terre .
Devant ceux qui servent, j’ai souhaité m’exprimer sur le commandement par intention (CPI) en amont d’une période estivale propice à la réflexion.
Commander par intention, c’est s’attacher à l’objectif plutôt qu’au processus. C’est responsabiliser pour encourager l’initiative. C’est accorder un espace de liberté et contrôler l’atteinte des résultats. C’est donner du sens pour consolider les forces morales de la troupe.
Le commandement par intention est une philosophie, une discipline, une méthode.
Style de commandement qui se soustrait à des ordres trop prescriptifs, le CPI est naturellement mis en œuvre en opérations. Il doit désormais irriguer l’intégralité de nos chaînes de commandement, pour rendre plus efficace notre fonctionnement interne au quotidien.
Je vous invite à lire l’ordre du jour que j’ai prononcé à cette occasion.
Officiers, sous-officiers, soldats de l’Armée de Terre,
Au cœur des Invalides, la présence d’un drapeau et des trois détachements des écoles de formation des cadres de l’armée de Terre invite chacun à se rappeler le sens de son engagement. Dans quelques jours, ces écoles défileront pour la fête nationale. Elles offriront à la France l’image d’une jeunesse résolue à servir. Sous-lieutenants de l’École Spéciale Militaire, vous avez choisi de vous instruire pour vaincre. Élevés sous-officiers de l’École Nationale des Sous-Officiers d’Active et de l’École Militaire Préparatoire Technique, vous vous êtes engagés pour devenir de jeunes chefs. Vous exercerez bientôt vos premières responsabilités. Vous toucherez alors au but qui a motivé votre engagement et guidé votre formation ; une formation exigeante car l’exercice du commandement ne s’improvise pas.
L’année écoulée a rappelé la fragilité des équilibres du monde. Nul ne sait quels défis vous aurez à relever pour défendre la France, ses habitants et ses intérêts. Ayez au moins une certitude : quelles que soient les missions qui vous seront confiées ou les moyens alloués, vous serez des chefs jugés sur vos résultats.
Une bascule stratégique, géopolitique, et technologique s’opère, marquée par l’urgence et la radicalité. Une ère des rapports de forces et d’intimidation s’ouvre. Notre pays veut continuer à y être pourvoyeur de sécurité. Il développe une stratégie combinant souveraineté et capacité d’entraînement, en particulier en Europe pour que nous pesions sur notre destin dans un monde modelé par les empires et leurs sphères d’influences. L’armée de Terre s’y adapte. Elle se transforme. Elle élève son ambition à l’exigence du moment et fait de l’efficacité opérationnelle une priorité impérative. Ce mouvement radical, au rythme de l’urgence des événements repose sur le socle de la responsabilité et du sens du commandement.
Je veux que l’armée de Terre adopte un commandement qui donne du sens, un commandement par intention.
Ce style de commandement responsabilise. Il en appelle à la confiance réciproque. Il est efficacité. Il prépare à la victoire au combat dans un monde d’incertitude stratégique, opérative et tactique.
Le commandement par intention est d’abord une philosophie.
Celle d’un esprit français qui privilégie la clarté du but à l’accumulation des détails, la synthèse à l’analyse, l’intention à la procédure. Il choisit le commandement par objectif plutôt que le commandement de détail. Il repose sur un parti-pris : celui de l’intelligence des subordonnés. Ce style appelle la confiance réciproque entre chef et subordonné. Il élève. Chacun, à son niveau, s’y approprie l’intention supérieure et y contribue avec loyauté. Il libère l’initiative et donne du sens à l’action collective.
Le commandement par intention est ensuite une discipline.
Il est la subsidiarité en actes. Le chef autant que le subordonné est appelé à cette discipline. Pour celui qui commande, il s’agit de déconcentrer, de confier une part de son autorité hiérarchique sans abdiquer sa responsabilité. Le chef crée les conditions du succès en accordant à ses subordonnés un espace de liberté adapté à leurs capacités. Pour celui qui obéit, la discipline exige élan, initiative et détermination pour remplir la mission. Elle est culture du résultat ; seule la victoire compte.
L’indispensable prise de risque est à consentir à l’aune des conséquences que chacun doit et peut assumer. Cette responsabilisation n’est pas synonyme d’autonomie, mais de rentabilisation par la prise d’initiative de tous les moyens alloués, dans la logique d’effets à produire.
Enfin, le commandement par intention est une méthode.
La méthode de commandement opérationnel est connue : donner la direction, et non des directives subalternes. Les ordres d’opérations font primer l’effet majeur et l’idée de manœuvre. Les grands capitaines ont apporté la preuve de l’efficacité de cette méthode française dans les combats qui ont forgé notre histoire. Le chef exprime la finalité et confie au subordonné l’initiative des modalités. Le subordonné est associé à l’élaboration des ordres qui lui sont donnés. Le dialogue hiérarchique valide la manœuvre envisagée par le subordonné et scelle la responsabilité dans l’espace de liberté attribué.
Cette méthode n’est pas réservée aux opérations. Son application dans tous les actes de la vie militaire est gage d’efficacité. Le commandement par intention est à pratiquer sur le champ de bataille comme en garnison.
Commander. Vaincre. C’est cela, le commandement par intention. Un commandement qui donne du sens. J’attends cela de tout chef de l’armée de Terre. J’attends cela de vous. Je vous attends au résultat.
Coordinatrice pédagogique FLE
1 moisQuelle bonne nouvelle : je connais un militaire qui a quitté l’armée désabusé par un commandement « par mauvaises intentions ». Cette philosophie est parfaite mais vous ne changerez pas la nature humaine. Donc il faudra toujours aller dans le sens du chef.
Citoyen et contribuable désabusé
2 moisC'est ce que les Américains ont (re-)découvert sous le terme de "mission command". Le commandement participatif par objectif était pas mal déjà...
Responsable de division Expertise et Action économiques. Direction régionale des Finances publiques des Hauts-de-France. Lieutenant- colonel (RC) de gendarmerie. Auditeur de l'IHEDN.
2 moisComplètement transposable au monde civil. Le management par intention (appelons le ainsi) implique un juste équilibre entre délégation de responsabilité (difficile pour certains esprits fonctionnant au contrôle total, sclérosant pour les équipes) et rendez-vous sur objectifs. Mais il valorise les équipes en leur permettant d'exprimer au maximum leur potentiel. Cela me rappelle le processus de mission global...
Inspecteur de la justice
2 moisCela valide le recrutement des cadres qui exercent les responsabilités subsidiaires et la confiance qui est placée en eux. Cela fait appel à l’intelligence et l’implication de chacun à son niveau de responsabilités. Cela oblige une expression claire de l’effet à produire, un dialogue permanent qui porte un contrôle et un ajustement continus. Espérons que cela puisse être une inspiration qui irriguera toutes les organisations. Plus de directions et moins de normes, plus de liberté d’action, plus d’evaluation et moins de temps perdu à du reporting de modalités…
Expert maintenance, Sous-officiers expérimentateur, Traitant avionique NUMALAT, Chef d'équipe avionique aéronautique chez GAMSTAT
2 moisCe commandement demande volontarisme, loyauté, exigences et confiance. Un cocktail qui redonnerait une vision des objectifs et un attrait à la mission et aux résultats optimales. Mais il faut une application à tous niveaux et chefs que nous pouvons être.