Pull if you can't, flow if you can... Ep83
Depuis cet été, j’ai perdu presque dix kilos. Pas parce que j’ai voulu aller plus vite, mais parce que j’ai enfin compris comment m’alléger et qui fonctionne pour moi.
Régime keto, discipline de moine => clarté retrouvée.
Moins de sucre, moins de brouillard mental, moins de coups de mou à quinze heures.
Et quand je fais un écart… bam, la claque. Le corps te le rappelle aussitôt : tu viens de remettre un caillou dans le ruisseau.
Cette sensation de légèreté, j'imagine que c’est au fond la liberté. Tu bouges pareil, mais tout devient plus fluide. Rien n’a changé — sauf la friction. Alors forcéement tu repenses au Lean.
Vitesse et performance
On confond souvent vitesse et performance, comme on confond régime et santé. Mais la vértiable vitesse, celle qui aligne au lieu d’épuiser, ne vient jamais de l’effort (amis UTMBiens votre avis est precieux).
Elle naît de ce qu’on retire. Supprime les sucres, et ton esprit s’éclaire. Supprime les gaspillages, et le flux s’accélère. C’est la même logique : enlever pour laisser couler.
Quand tout est stable, le flux se déroule naturellement. Quand ça ne l’est pas encore, on tire doucement, avec méthode. Jamais on ne force. Parce que la vitesse qu’on garde n’est pas celle qu’on pousse — c’est celle qu’on libère.
Avant, le coup de mou post repas était hardcore... En mode chaque geste doit traverser une résistance invisible.
Comme notre pote ruisseau encombré de ses propres pierres. C’est la même chose dans une organisation qui sature.
On croit qu’elle manque de vitesse alors qu’elle manque de fluidité. Alors on rajoute des moteurs — réunions, outils, indicateurs — pour “accélérer le flux”. Mais tant que les cailloux restent là, rien ne bouge. On crée du bruit, des remous, de la turbulence.
Regarde un ruisseau : plus il est propre, plus il devient silencieux. L’eau ne se débat pas, elle glisse. Et c’est d’ailleurs comme ça qu’on sait qu’un processus est sain : quand on n’en parle plus. Quand le flux coule sans drame, sans réunion, sans héros. Pierre Vareille avait cette phrase "une bonne usine est une usine silencieuse ou il ne se passe rien."
Dans le Lean, on passe notre temps à enlever des pierres — stocks en trop, validations inutiles, mails redondants. C’est un travail patient, parfois ingrat, parce qu’on ne célèbre jamais ce qu’on a supprimé. Et pourtant, c’est là que naît la vitesse : quand tu vires le caillou, tu n’as plus besoin de forcer. Tu laisses simplement le flux retrouver sa pente naturelle. Et, comme pour le keto, tu ressens la différence : tout devient plus léger, plus clair, plus rapide.
Le flux n’a jamais eu besoin de moteur. Seulement d’espace.
Lotus vs Ford
Dans les années 60, deux visions de la vitesse se sont affrontées sur les circuits. Ford, les gros moyens, les gros moteurs, la puissance à l’américaine. Et Lotus, son ingénieur un peu fou, Colin Chapman, qui répétait : “Simplify, then add lightness.” Chapman ne cherchait pas à rendre la voiture plus rapide. Il cherchait à la rendre plus légère. Là où Ford ajoutait des chevaux, lui retirait des kilos. Et souvent, c’est la Lotus qui prenait le virage en premier.
C’est exactement le dilemme de nos organisations.
Quand ça ralentit, le réflexe Ford s’active : plus de budget, plus de monde, plus d’outils. On ajoute de la puissance pour compenser le poids.
Mais la vraie vitesse se cache du côté de Lotus — dans la simplification, dans le courage de faire moins mais mieux. Dans le choix de retirer plutôt que d’empiler. Chaque ajout alourdit le flux, épaissit les circuits, complique la vie au nom de l’efficacité.
Alléger, c’est difficile. Ça demande de renoncer, de choisir, de dire non (cf épisode 82).
Mais c’est le seul chemin vers une vitesse durable, celle qu’on peut tenir sans cramer les équipes. Le Lean, c’est du Lotus : pas de moteurs surdimensionnés, pas de promesses tonitruantes. Juste une obsession tranquille : supprimer le poids inutile.
Depuis que j’ai perdu ces kilos, j’ai redécouvert un truc tout simple : mon corps aime la fluidité. Je me suis mi au Tai-chi...
Non je déconne, mais je me sens réellement plus libre. Et ça change tout.
Je me répéte mais la performance n’est pas une question de force, c’est une question de friction. Tant que tu luttes contre ton propre poids, tu consommes ton énergie à résister à toi-même. Quand tu t’allèges, physiquement ou mentalement, tu transformes cette même énergie en mouvement. Et ce mouvement, s’il est juste, devient presque imperceptible : tu avances sans y penser, sans t’épuiser.
Ce n’est plus une performance, c’est un état.
Tu ne cours plus après le temps : tu cours avec lui. Et ce moment-là, celui où tout glisse, où l’effort se tait, c’est peut-être la plus belle définition du Lean que je connaisse : un mouvement fluide, sans heurts, où chaque pas a du sens.
Tout le Lean tient peut-être dans une seule phrase : “Pull if you can’t, flow if you can.”
Quand le système n’est pas stable, on tire doucement. On régule, on apprend à respirer ensemble. C’est la sagesse du corps qui se remet en mouvement après une blessure : il dose, il écoute, il respecte la contrainte. Et puis un jour, tout devient fluide. Les pierres ont disparu, les décisions s’enchaînent sans heurts. Tu n’as plus besoin de tirer : ça coule.
Le flux devient naturel, silencieux, vivant.
Le pull, c’est la maîtrise.
Le flow, c’est la liberté.
Entre les deux, il y a la maturité.
Tant que tu tires, c’est que quelque chose coince encore.
Mais quand tout s’aligne, quand la tension devient mouvement, alors tu ne cours plus après la vitesse : tu la deviens. Ce jour-là, tu comprends que le Lean n’a jamais été une méthode d’efficacité. C’est une philosophie de la légèreté. Une manière de se remettre à flot — au sens propre comme au figuré.
Parce que la vitesse, au fond, ne se gagne pas. Elle se libère.
Comme un corps après quelques kilos de moins, comme un ruisseau qu’on a enfin débarrassé de ses pierres.
Bonne semaine à tous, et à la semaine prochaine.
Nicolas
Dirigeant de Site Industriel • Manageur des opérations et de la Supply Chain • Développeur de talents
2 j.J'avais un boss qui disait... et je trouve tellement vrai "keep it boring"
Putting people at the center, results at the forefront, and PowerPoints on hold. That’s the Lean I stand for.
2 j.Laurent toujours premier sur les likes 👍🏼 merci 🙏🏼