4 NUMÉROS — JOURNAL BIMENSUEL — PARUTION DU JEUDI 16 FÉVRIER 2012


QUEL NOUVEAU CONTRAT SOCIAL POUR LA FRANCE ?




                                               WWW.CROISSANCEPLUS.COM
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                                                                 ce que nous croyons être le
                                                                 chemin vertueux du remode-
                                                                 lage du contrat social, basé
                                                                 sur une entrée plus facile
                                                                 des jeunes dans l’entreprise,
                                                                 une régulation différenciée
Rénover le modèle social                                         du temps de travail, une
                                                                 réforme du financement de
                                                                 la protection sociale, un toi-
Les p rop os it ion s d e s c a n d id at s à L’é Le c t ion     lettage du droit du travail et
p résid en tieLLe c om m e n c e n t à s e p r é c is e r ,      l’instauration d’un dialogue
et j’y in c L u s c e LLe s fa it e s pa r Le p r é s id e n t   social responsable au sein
d e L a rép u b Liqu e , n ic oLa s s a r k oz y. m on p r o-    des entreprises. Ces propo-
p os n ’est pas ic i d e Le s d is c u t e r e n d é ta iLs ,    sitions de CroissancePlus ne
ma is d e reLe ve r Le s p oin t s d e c on ve r g e n c e       sont pas idéologiques mais
qu i Les ra p pr oc h e n t.                                     pragmatiques. Elles sont le
                                                                 fruit de l’expérience et expri-
                                                                 ment la volonté de nos entre-
Elles sont toutes dictées par deux considérations                prises de faire le travail que la
majeures : répondre à l’urgence de la situation                  collectivité attend d’elles, à
économique dans laquelle se trouve la France, à                  savoir grandir en France et à
l’image d’un grand nombre de pays européens ;                    l’étranger, créer des emplois
mettre en œuvre des solutions structurelles et de                stables, améliorer les com-
long terme pour retrouver la capacité à croître, à               pétences de tous les sala-
créer des emplois, des entreprises, de la valeur.                riés, bref, créer de la valeur
Certes, les voies proposées pour y parvenir sont                 durable pour l’ensemble des
très différentes, certaines sont même discutables                parties prenantes. Ni plus, ni
ou inapplicables. Mais la nécessité de changer en                moins…
profondeur le modèle social y est apparente, et
c’est le grand enjeu des années à venir.                         Olivier Duha,
                                                                 Président de CroissancePlus
Chez CroissancePlus, nous ne sommes pas
des contempteurs obstinés du modèle social français.
Depuis des années, nous multiplions les pro-
positions pour le moderniser, le faire évoluer,
le rendre plus adapté aux nouvelles circons-
tances économiques, en faire un outil de progrès
économique et social et non une entrave au déve-
loppement et à la souplesse de fonctionnement
des entreprises. Dans ce 3ème numéro du Petit
Journal de Campagne, nous revenons en détail sur




                                                                                                02. 2012
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LE PETIT JOURNAL DE CAMPAGNE EST ÉDITÉ PAR CROISSANCEPLUS

Quelques mots sur CroissancePlus                                                                           DANS L’ACTUALITÉ                                                                  4
          PREMIÈRE ASSOCIATION FRANÇAISE DES ENTREPRENEURS                                                 Présidentielle 2012 — Un grand choc fiscal pour la France ?
DE CROISSANCE, CroissancePlus réunit une nouvelle génération de 350 entre-                                 Nicolas Sarkozy : TVA sociale et taxe boursière
preneurs innovants afin de réformer l’environnement économique, social, juridique                          François Hollande : impôt sur les sociétés différencié
et fiscal, et favoriser la création d’entreprises et d’emplois en France. Présidée par                     et fusion entre l’impôt sur le revenu et la CSG
Olivier DUHA , CroissancePlus agit au quotidien comme force de propositions et                             François Bayrou : augmentation de la TVA,
de lobbying en formulant de nombreuses recommandations auprès des pouvoirs                                 deux nouvelles tranches fiscales
publics et des leaders d’opinion. Lieu d’échanges et de networking, CroissancePlus                         Eva Joly : libérer l’économie de la finance
s’impose également dans le débat public à travers l’organisation de nombreux évé-
nements autour de personnalités politiques et économiques de tout premier plan.                            VU DANS LA PRESSE                                                                 8
          PORTER TOUJOURS PLUS HAUT L’ESPRIT D’ENTREPRISE ET                                               Encore tout faux… (International Herald Tribune)
FAIRE ENTENDRE LA VOIX DES ENTREPRENEURS DANS LES MÉDIAS,                                                  Les prosélytes du libéralisme se préparent un destin bien triste…
telle est la volonté de CroissancePlus qui accompagne les dirigeants d’entreprise                          (Financial Times)
dans leur développement en France et à l’international.                                                    Industriels cherchent soudeurs désespérément (Les Échos)
                                                                                                           Les biotechs françaises imaginent la médecine de demain (Le Parisien Economie)

Nos missions                                                                                               DOSSIER — Quel nouveau contrat social pour la France ? 12
          ÊTRE UNE FORCE DE PROPOSITIONS RECONNUE DES                                                      1 / Tout faire pour favoriser l’entrée des jeunes dans l’entreprise
POUVOIRS PUBLICS. Les propositions de CroissancePlus émanent d’hommes                                      2 / Augmenter le temps de travail pour favoriser la croissance
et de femmes de terrain, de commissions et groupes de travail qui se réunissent                            3 / Révolutionner le droit du travail
régulièrement dans les domaines suivants : création et financement d’entreprise /                          4 / Trouver de nouveaux modes de financement de la protection sociale
juridique et fiscal / social et emploi / recherche et innovation / relations grands                        5 / Adapter les modes de représentativité du personnel
groupes-PME / international / croissance responsable. Propositions consultables sur
www.croissanceplus.com.                                                                                    Les chiffres-clé du modèle social                                                22
                 CONSTITUER UN RÉSEAU PERFORMANT D’ENTREPRENEURS                                           LE GRAND ENTRETIEN —
CroissancePlus est également un lieu reconnu d’échanges et de rencontres per-                              François Dupuy, sociologue des organisations                                     24
mettant de développer des synergies entrepreneuriales, des compétences tech-
niques ou tout simplement partager expérience et bonnes pratiques. Les nombreux                            IDÉES                                                                            30
événements : déjeuners et dîners-débats, petits-déjeuners thématiques, Be to Be,
déjeuners mensuels business, etc… sont autant d’occasions d’accueillir des per-                            Lu pour vous
sonnalités de tout premier plan et contribuer à la notoriété de CroissancePlus et de                       Verbatim
ses membres.                                                                                               Livres
                                                                                                           Débats
                                                                                                           Management
RÉDACTION ET DOCUMENTATION : Antoine Bayle • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
DIRECTION ARTISTIQUE – GRAPHISME : Alexandra Roucheray, Olivia Grandperrin • • • • • • • • • • • • •       PETITES HISTOIRES DE GUERRE ÉCONOMIQUE                                           36
COMITÉ ÉDITORIAL : Florence Dépret, Clothilde Hervouet, Gwennaelle Pierre, Emmanuelle Skowron • •
UN JOURNAL RÉALISÉ PAR Les Rois Mages - www.lesroismages.fr - téléphone : 01 41 10 08 08 • • • •           Les 36 S t ratagèmes




                                                                                                                                                                                             02. 2012
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Présidentielle 2012                            obligatoires. C’est dans le choix des        points, à 21,2% le 1er octobre prochain
                                               “cibles” que les responsables politiques     et en une hausse de 2 points de la CSG      François Hollande :
Un grand choc                                  se différencient et s’opposent, qu’il        sur les revenus du patrimoine. Ces deux
                                               s’agisse de la fiscalité des particuliers,   mesures doivent permettre de com-           impôt sur les
fiscal pour                                    des entreprises ou de l’épargne. Cela        penser la suppression des cotisations
                                               créera-t-il pour autant le grand choc        patronales finançant la branche famille     sociétés différen-
la France ?                                    fiscal qui serait nécessaire pour relan-     de la Sécurité Sociale sur les salaires
                                               cer la croissance économique, inci-          allant jusqu’à 2,1 SMIC et leur dégressi-   cié et fusion entre
                                               ter à l’investissement “fertile” dans les    vité jusqu’à 2,4 SMIC (ce qui représente
Les principaux candidats à l’élection          entreprises en développement, assurer        environ 13,6 milliards d’euros, soit 40%    l’impôt sur le
présidentielle ont élaboré, ces dernières      l’équité et l’efficacité de l’impôt ? Nous   des cotisations de la branche famille).
semaines, l’essentiel de leurs propo-          n’en sommes pour l’heure qu’aux pro-                                                     revenu et la CSG
sitions en matière de politique écono-         positions, aux pistes de réflexion, aux      À noter que l’augmentation de la CSG
mique et fiscale, même si le chef de           galops d’essai. Il est donc encore trop      sur les revenus du capital représente
l’Etat, à l’heure où nous écrivons ces         tôt pour en juger. Mais voici un rapide      un surcroît de charges de 2,6 milliards     Le programme de François Hollande
lignes, n’a pas encore fait acte de candi-     tour d’horizon des propositions et pistes    d’euros pour les épargnants. Au total,      comprend de nombreuses dispositions
dature officielle. Il ressort, de l’ensemble   de réflexion des quatre principaux can-      avec cette nouvelle augmentation, les       d’ordre fiscal, dont nous ne retiendrons
de ces déclarations, un certain nombre         didats. Et le rappel des réflexions de       prélèvements sociaux sur les revenus        que les plus significatives. En matière
de constats. Tout d’abord, l’exercice          CroissancePlus en la matière.                du capital s’élèveraient à 15,5%. Si        de fiscalité d’entreprise, le candidat
est complexe puisqu’il s’inscrit dans                                                       l’on y ajoute le prélèvement obligatoire    socialiste souhaite distinguer les béné-
un cadre contraint, celui du retour à                                                       de 24%, les revenus de l’épargne en         fices réinvestis et ceux distribués aux
l’équilibre de nos finances publiques,         Nicolas Sarkozy :                            France (hors Livret A) seraient taxés à     actionnaires et envisage de mettre en
conformément aux engagements euro-                                                          près de 40%.                                place trois taux d’imposition différents :
péens de la France et aux conclusions          TVA sociale et                                                                           35% pour les grandes entreprises,
du sommet européen du 30 janvier                                                            L’autre mesure importante annoncée          30% pour les petites et moyennes,
dernier, prévoyant l’instauration de « la      taxe boursière                               par Nicolas Sarkozy est l’instauration      15% pour les très petites. Il annonce
règle d’or » dans la plupart des pays de                                                    d’une taxe boursière à compter du 1er       un redéploiement des financements,
la zone euro. Compte tenu du faible taux                                                    août prochain, dont le champ d’appli-       des aides publiques et des allègements
de croissance anticipé en 2012 et 2013,        Lors de son intervention télévisée du 29     cation fait encore l’objet de discussions   fiscaux vers les entreprises qui investi-
cette marche forcée vers l’équilibre des       janvier 2012, le chef de l’Etat a dressé     entre le gouvernement et les représen-      ront en France. En matière de fiscalité
comptes publics ne peut s’accomplir            les grandes lignes des réformes fis-         tants des banques. Cette taxe s’élèvera     des particuliers, François Hollande a
avec succès que si des recettes nou-           cales qu’il compte mettre en œuvre.          à 0,1% et devrait rapporter environ 1       officialisé le projet de fusion de l’im-
velles sont trouvées, ce qui se traduit        Les mesures phares consistent en une         milliard d’euros chaque année, qui serait   pôt sur le revenu et de la CSG dans le
donc par une hausse des prélèvements           augmentation du taux de TVA de 1,6           affecté à la réduction du déficit.          cadre d’un prélèvement simplifié sur




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                                                 Les réflexions
                                                 de CroissancePlus
                                                 en matière
                                                                                        l’impôt par rapport au risque ; favori-      Eva Joly :
le revenu (PSR). Il entend également             de réforme fiscale                     ser le réemploi productif.
créer une tranche supplémentaire de                                                     / Favoriser la stabilité du cadre fiscal.    libérer l’économie
45% pour les revenus supérieurs à                                                       / Orienter l’épargne “stérile” vers
150 000 euros par an. Il souhaite imposer    Consciente que la réforme de la            l’épargne “fertile”, privilégier une         de la finance
aux dirigeants des entreprises publiques     fiscalité est un axe essentiel de          taxation des revenus du patrimoine
un écart maximum de rémunérations de         toute politique de redynamisation          peu productif différemment des
1 à 20. Concernant l’épargne, il indique     de la croissance et du développe-          revenus du patrimoine productif et           La candidate du mouvement écologique
aussi vouloir supprimer les produits         ment des entreprises, Croissance-          ouvrir ce principe à l’ensemble des          (EELV) a choisi trois axes principaux
financiers toxiques et les stock options     Plus a élaboré sa propre réflexion         acteurs économiques ; inciter les            pour l’élaboration de son programme
(sauf dans les entreprises naissantes),      en matière de réforme fiscale, dans        grands groupes français à investir           économique : la réorientation de la fis-
aligner la fiscalité des plus-values en      un contexte de crise économique            dans les PME/ETI de manière mino-            calité vers l’environnement, l’augmen-
capital sur les taux de l’IRPP et annonce    et d’harmonisation européenne              ritaire, à travers des fonds d’inves-        tation des dépenses d'investissements
l’instauration d’une taxe sur les tran-      de la fiscalité. Ces réflexions ont        tissement ; exonérer au maximum              publics, le relèvement des prélèvements
sactions financières, sans en préci-         été largement présentées aux res-          les actifs professionnels ; favoriser        obligatoires sur les hauts salaires et les
ser les modalités. Enfin, il propose la      ponsables politiques. L’objectif           la transmission de l’entreprise aux          revenus du capital. Le mot d’ordre de
création d’un livret d’épargne industrie     de CroissancePlus est d’abord de           collaborateurs.                              son programme est de “libérer” l’écono-
dont le produit serait entièrement dédié     favoriser la création de richesse et                                                    mie de la finance, en réduisant la taille
au financement des PME et des entre-         de valeur en France en sécurisant          L’objectif de CroissancePlus est             des banques, en limitant les activités
prises innovantes.                           la fiscalité des entrepreneurs et          le même depuis sa création en                des fonds spéculatifs et en développant
                                             des Business Angels. Il s’agit avant       1997 : favoriser l’entrepreneuriat, le       l’investissement socialement respon-
                                             tout d’encourager la création, le          développement des entreprises et             sable. Sur le plan de la fiscalité, Eva
François Bayrou :                            développement et le financement            l’épargne productive.                        Joly entend privilégier les TPE/PME et
                                             des entreprises par la création et                                                      les entreprises locales et écologiques
augmentation                                 l’amélioration de dispositifs fiscaux                                                   en créant notamment un “bonus déve-
                                             adaptés et de favoriser l’implanta-                                                     loppement durable”. Elle propose en
de la TVA, deux                              tion et le retour en France d’entre-     procurerait environ 20 milliards d’euros       outre une progressivité réelle de l’impôt
                                             preneurs. Voici quelques-unes des        de recettes supplémentaires pour l’Etat.       sur les sociétés en fonction du niveau
nouvelles tranches                           principales réflexions de Crois-         La seconde mesure est l’instauration de        des bénéfices et des mesures de sou-
                                             sancePlus :                              deux nouvelles tranches d’imposition,          tien à la recherche et à l’innovation au
fiscales                                                                              l’une à 45%, l’autre à 50% pour les reve-      bénéfice des petites et moyennes entre-
                                             / Le maintien intégral du dispositif     nus au-dessus de 250 000 euros par an.         prises, ainsi que l’extension des socié-
                                             ISF-PME qui permet d’orienter une        Enfin, François Bayrou annonce un dis-         tés régionales de capital-risque.
François Bayrou a précisé, le 1er février    partie de l’épargne des Français         positif nouveau concernant la fiscalité
dernier, son programme économique,           vers le financement des PME, ainsi       des entreprises, comprenant la création        Concernant la fiscalité des particuliers,
axé sur un strict encadrement des bud-       que le doublement de “l’avantage         d’un crédit d’impôt innovation, parallèle      EELV propose un impôt sur le revenu
gets de l’Etat, de la sécurité sociale et    Madelin” qui favorise l’investisse-      au crédit d’impôt recherche, et surtout        rénové, reposant sur le prélèvement à la
des collectivités territoriales dont les     ment direct ou via un fonds dans         l’exemption de charges sociales pen-           source, la fusion CSG/IRPP, l’intégration
dotations resteraient au même montant        des PME françaises.                      dant deux ans des entreprises de moins         des revenus du capital dans l’impôt sur
pendant trois ans quelle que soit l’infla-   / Le respect de trois principes-clés     de 50 salariés qui embauchent un jeune         le revenu, un impôt sur le patrimoine,
tion. Le volet fiscal de son programme       pour favoriser l’investissement          ou un chômeur. Il propose aussi la créa-       l’élargissement de la base de l’ISF,
s’articule autour de trois mesures           dans les PME/ETI : faire participer      tion d’un statut fiscal particulier pour les   notamment par la révision de l’exonéra-
essentielles. La première est une hausse     l’ensemble des acteurs écono-            Business Angels, calqué sur celui des          tion des biens professionnels et la mise
de la TVA de 1 point en 2012 et de 1         miques à l’investissement produc-        fonds de private equity ainsi que la créa-     en place d’une contribution climat-éner-
point supplémentaire en 2014, ce qui         tif ; veiller à la proportionnalité de   tion d’un livret d’épargne industrie.          gie de 36 euros la tonne de CO2.




                                                                                                                                                                              02. 2012
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                                                  croire que ce fut un succès. « Compte
    « Encore                                      tenu du calendrier, c’est un vrai chef
                                                  d’œuvre », a même déclaré Angela
    tout faux… »                                  Merkel, parlant du pacte budgétaire et
                                                  fiscal conclut par les pays européens.
                                                  (…) En tant que plus gros contributeur
    « Les leaders de 25 pays de l’Union           du fonds de soutien européen, l’Alle-
    Européenne sur 27, se sont mis d’ac-          magne continue à déterminer la façon
    cord pour conclure un nouveau pacte           de gérer la crise. Les autres n’ont guère
    fiscal qui les empêchera, légalement,         de choix que de suivre, qu’ils soient
    de combattre les récessions au moyen          convaincus ou non du fait que l’aus-
    de robustes incitations financières. La       térité dictée par les Allemands, aidera
    plupart des économistes, en dehors            leurs économies affaiblies. Un dirigeant
    de la zone euro, considère que cette          mieux avisé qu’Angela Merkel bâtirait une
    approche est dangereuse. Ces pays             Union Européenne plus solide en aidant
    représentent plus de 20% de l’économie        ses voisins à sortir de leur endettement
    mondiale. Les condamner à des réces-          plutôt qu’en leur serrant le cou. Un lea-
    sions plus longues et plus profondes          der plus sage rappellerait aussi aux
    aura un impact négatif sur les écono-         électeurs allemands que la prospérité
    mies hors d’Europe qui dépendent du           de leur propre économie repose sur une
    commerce international, comme les             demande soutenue des pays voisins. »
    Etats-Unis et la Chine. Sans un fonds de
    soutien plus important, les investisseurs     International Herald Tribune, 2 février 2012
    vont continuer à parier contre les éco-
    nomies les plus faibles comme l’Italie ou
    l’Espagne, poussant leurs taux d’intérêt      « Les prosélytes
    à la hausse, et creusant leurs déficits. Et
    malgré cela, les gouvernements européens      du libéralisme se
    ont repoussé toute décision à mars.
                                                  préparent un des-
    Les spéculateurs pourraient fort bien
    ne pas être d’accord pour attendre.           tin bien triste… »
    Le monde s’est habitué aux sommets
    européens ratés. Ce qui est particuliè-
    rement perturbant avec celui qui vient
    de se tenir le 30 janvier, c’est que cer-     « On a fait grand cas du fait que, lors
    tains responsables européens semblent         du dernier forum de Davos, les grands




                                                                                                 02. 2012
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                                              titude, c’est que la vision anglo-amé-                                 femmes, l’Institut de Soudure avait lar-
                                              ricaine va perdre de son influence et                                  gement médiatisé la médaille d’or aux
                                              qu’un consensus global va émerger sur                                  Olympiades des Métiers remportée en
capitaines d’industrie de la planète ont      le rôle plus important que l’Etat va jouer                             2009 par une de ses élèves, Marine
été obligés par les évènements récents        sur le marché. Il semble probable, et                                  Bregeon (aujourd’hui, elle soude des                  « Les biotechs
d’aborder des sujets comme les inéga-         même heureux, compte tenu de notre                                     coques de sous-marins chez DCNS à
lités ou le futur du capitalisme. Bien que    récente expérience aux Etats-Unis, que                                 Cherbourg). Mais pour la CFDT, il fau-                françaises ima-
de tels actes d’introspection publique de     le capitalisme du XXIème siècle ressem-                                drait aussi que le patronat de la métal-
ces élites participent du même cynisme        blera de moins en moins au darwinisme                                  lurgie relève les minima salariaux, notoi-            ginent la méde-
que d’autres traditions de Davos              économique tellement célébré à Wall                                    rement peu attractifs.
comme les dîners privés pour parler de        Street. »                                                                                                                    cine de demain »
la faim dans le monde, l’accent mis sur
le futur du capitalisme a quelque chose                                           D a vi d R o t h k o p f
d’ironique. L’ironie c’est que l’avenir du            F i n a n c i a l Ti me s, 1 e r f é vr i e r 2 0 1 2                                                                « Selon l’association France Biotech, il
libre marché ne sera pas déterminé par                                                                                                                                     y aurait en France environ “250 à 300
les capitalistes de Davos et ne prendra                                                                                                                                    entreprises de biotech, orientées à 48%
pas la forme que l’on imagine dans les        « Industriels                                                                                                                dans la santé humaine et employant
sommets de ce genre. Après la fin de la                                                                                                                                    près de 6 000 personnes, dont 70% de
guerre froide, beaucoup ont pensé que         cherchent                                                                                                                    chercheurs”. 80% de ce marché sont
l’on avait résolu de façon définitive les                                                                                                                                  accaparés par les Etats-Unis où le sec-
grandes questions sur la relation entre       soudeurs déses-                                                                                                              teur est déjà mature. (…) Même si le
le pouvoir privé et public.                                                                                                                                                domaine en France est assez récent,
                                              pérément »                                                                                                                   les biotech sont en train de s’imposer.




                                                                                                              (DR)
La vision marxiste de l’économie centra-                                                                                                                                   Le marché est déjà en transition. (…) À
lisée avait échoué. Les adeptes du « lais-                                                                                                                                 court terme, le secteur est fragilisé par
sez donc le marché opérer », disciples        « Au même titre que les robinettiers                                   Plusieurs dirigeants de grandes entre-                la conjoncture et un tarissement des
de Milton Friedman, avaient triomphé.         et tuyauteurs, les soudeurs et chau-                                   prises partagent son point de vue,                    financements pour des projets forcé-
Mais leur danse de victoire était pré-        dronniers sont depuis deux décennies                                   dénonçant une convention collective                   ment risqués et au long cours, qui ont
maturée. Non seulement nous n’avions          catalogués dans la liste des “métiers                                  dépassée. Mais la tâche s’annonce déli-               été en partie désertés par les investis-
pas atteint la fin de l’histoire, mais nous   en tension”, ces professions où l’offre                                cate : comme l’explique l’un d’eux, “nos              seurs et les sociétés de capital-risque.
étions en train d’entrer dans une phase       d’emplois est supérieure à la demande,                                 sous-traitants ne pourraient pas se per-              Mais les biotech sont devenues un des
nouvelle de la compétition séculaire          quelle que soit la conjoncture. Certes,                                mettre des revalorisations salariales trop            moteurs essentiels de l’innovation. »
pour le pouvoir du public et du privé.        malgré la désindustrialisation globale                                 fortes”. Un discours qui ne convainc pas
                                              du pays et grâce aux besoins nouveaux                                  ce sous-traitant, régulièrement mis en                                          Thibaud Vadjoux,
Aujourd’hui, en plus du darwinisme éco-       en main d’œuvre dans le nucléaire, la                                  concurrence avec des PME étrangères                          Le Parisien Économie, 6 février 2012
nomique du modèle anglo-américain             construction ferroviaire ou l’aéronau-                                 par des grands donneurs d’ordre fran-
et du capitalisme “aux caractéristiques       tique, le nombre d’ouvriers qualifiés                                  çais, ayant externalisé une bonne par-
chinoises”, coexistent “l’Eurocapita-         travaillant par “formage du métal” est                                 tie de leur production pour baisser les
lisme ”, le “capitalisme démocratique du      globalement resté stable en l’espace de                                coûts : “S’ils veulent que nous formions
développement” de l’Inde et du Brésil,        vingt-cinq ans. Et pourtant, les besoins                               nous aussi des jeunes, que nous partici-
avec leurs importantes caractéristiques       actuels et surtout futurs sont loin d’être                             pions à l’effort de ré-industrialisation, ils
sociales en parallèle avec leurs aspira-      couverts. Pour inverser la tendance,                                   doivent nous passer des commandes.
tions à la croissance, et le capitalisme      le patronat de la métallurgie a multi-                                 Le reste, c’est du vent… »
entrepreneurial des petits Etats comme        plié depuis trois ans les campagnes                                                                                          (DR)
Singapour, les Emirats ou Israël. Et tout     de communication. Dans cet univers                                                                  Cl a ude B a r j one t
ce que nous pouvons prédire avec cer-         encore très largement boudé par les                                                     L e s E c hos, 2 fé vr i e r 2012




                                                                                                                                                                                                                     02. 2012
QUEL NOUVEAU CONTRAT SOCIAL
POUR LA FRANCE ?
  La France vit dans une sorte de paradoxe : elle souffre d’un coût du travail         et mettrait le pied à l’étrier de milliers
  trop élevé, qui finance un modèle coûteux, mais ses salaires sont trop bas,          de jeunes qui gagneraient en com-
  ce qui provoque l’émergence d’une catégorie sociale nouvelle, les travail-           pétence et en expérience en étant
  leurs pauvres. Le contrat social à la française ne fonctionne donc plus. Il          intégrés dans le monde de l’entre-
  n’est pas adapté aux nouvelles conditions économiques. Il ne confère pas             prise. Des systèmes équivalents
  suffisamment de souplesse aux entreprises. Il ne joue plus le rôle de « filet        ont été expérimentés dans d’autres
  de sécurité » qu’il jouait voici quelques décennies. Il fait peser sur le travail,   pays, comme en Grande-Bretagne
  donc sur les entreprises mais aussi les salariés, un poids financier trop lourd.     où existe une sorte de SMIC pro-
  Il est donc urgent de le rénover, non dans une optique politicienne ou idéo-         gressif en fonction de l’âge.
  logique, mais simplement pour lui redonner le sens, l’efficacité et le rôle qui
  doivent être les siens dans une société moderne, active, souple. Ces sujets          Les entreprises de croissance inno-                                Caroline Mitanne, Dirigeante de Guidecaro (DR)
  sont au cœur des débats qui se déroulent en ce moment dans le cadre de               vantes doivent favoriser le recrutement
  l’élection présidentielle. Mais ils sont aussi au centre des préoccupations          et la formation des jeunes. C’est un                                       L e ni ve a u de for m a ti on de s
  de CroissancePlus. Voici donc quelques idées fortes qui ressortent de nos            i nve sti sse m e nt fr uc tue ux e t r e nta bl e .                       j e une s c a ndi da ts e st pr obl é -
  travaux et des expériences des entrepreneurs et autour desquelles il est pos-        Dans le domaine du web, un déve-                                           m a ti que . I l s m a nque nt se l on
  sible de rénover le contrat social en France.                                        loppeur junior doit abandonner à la sor-                                   m oi d’un c a dr e , de r e pè r e s.
                                                                                       tie de l’école ses connaissances pure -                                    L or s   de s     e ntr e ti e ns       d’e m -
                                                                                       ment         théoriques                 et      devenir                    ba uc he , j ’a i pu r e m a rque r que
  Tout faire pour                           faiblesse handicape notre com-             o p é r a t i o n n e l . E t p o u r fa v o r i s e r c e t t e           be a uc oup      é ta i e nt    tr op     exi -
                                            pétitivité et alourdit les dépenses        montée en compétence, l’alternance,                                        ge a nts, i m pa ti e nts a ussi , e t
  favoriser l’entrée                        publiques. Parmi les solutions qu’il       les stages et les contrats de profes-                                      qu’i l s sont c onfr onté s e nsui te
                                            serait possible de mettre en œuvre         sionnalisation sont indispensables.                                        à de s dé si l l usi ons. L e s j e une s
  des jeunes dans                           figure le « SMIC Jeunes » destiné aux      Mais il faut simplifier leur application                                   doi ve nt ê tr e m i e ux pr é pa r é s a u
                                            jeunes sans expérience ni diplôme,         car pour le moment, une PME n’a pas                                        m onde de l ’e ntr e pr i se , à se s
  l’entreprise                              âgés de 17 à 21 ans. Il aurait pour        encore d’intérêt économique à investir                                     r é a l i té s é c onom i que s. E t c e
                                            caractéristique d’être inférieur au        s u r u n j e u n e e t s e t o u r n e p l u s fa c i l e -               dè s l a pha se de r e c r ute m e nt,
  Le taux d’emploi des jeunes est           montant du salaire minimum brut            m e n t v e r s d e s c a n d i d a t s p l u s ex p é r i -               du c ôté de c he z Pôl e E m pl oi
  insuffisant en France. Nous connais-      mais une baisse des charges patro-         mentés. »                                                                  pa r exe m pl e . »
  sons tous cette situation : 22% des       nales permettrait de garder un             —                                                                          —
  15-24 ans n’ont pas d’emploi, contre      salaire net équivalent. Ce dispositif      FABRICE METAYER,                                                           CA R O L I N E M I TA N N E ,
  16% en moyenne en Europe. Cette           ferait donc baisser le coût du travail,    Dirigeant de KerniX                                                        Dirigeante de Guidecaro
15

Quel nouveau contrat social
pour la France ? —                                                                                                   Il faut remettre le temps de travail au
                                                                                                                     cœur de nos priorités. Depuis 15 ans,
                                                                                                                     notre pays a créé une “génération 35
                                                                                                                     heures”. On mesure désormais le travail
                                                                                                                     à la présence horaire. Pour faire face à
                                                                                                                     cet état de fait, je vois une solution pra-
                                                                                                                     tique. Les cadres ont largement profité
                                                                                                                     des 35 heures et des RTT. Or ce sont eux
                                                                                                                     qui concentrent le savoir-faire d’enca-
     Le chômage des jeunes en France est                                                                             drement dans les entreprises, qui est
     symptomatique et mérite que les pou-                                                                            indispensable et demande toujours plus
     voirs publics s’emparent du sujet. L’ac-                                                                        de compétences et de temps. C’est une
     cès à l’emploi de notre jeunesse doit                                                                           situation totalement paradoxale. Il faut
     devenir une véritable cause nationale.                                                                          donc supprimer les 35 heures, pour les
     Cette mobilisation pourrait commencer                                                                           cadres comme pour l’ensemble des
     au niveau des branches profession-                                                                              salariés d’ailleurs. C’est une décision
     nelles qui devraient prendre en charge                                                                          politique courageuse qu’il faut
     les questions de formation ou de tuto-                                                                          prendre. »
     rat. Les entreprises doivent comprendre                                                                         —
     q u e l e t r a va i l e n a l t e r n a n c e e s t l ’ u n e                                                  LAURENT VRONSKI,
     des solutions au problème de l’emploi                                                                           Dirigeant d’Er vor et vice-président          Caroline Young, Dirigeante d’Exper Connect (DR)
     des jeunes en France. »                                                                                         de CroissancePlus
     —
     PHILIPPE ANDRILLAT,                                                                                                                                                   M a c onvi c ti on e st que pl us i l
     Dirigeant de Kenseo                                                                                                                                                   y a d’a c ti vi té , pl us i l y a de
                                                                                                                                                                           tr a va i l . L e m a r c hé du tr a va i l ,
                                                                                                                                                                           te l que nous l e c onc e vons e n
                                                                                                                                                                           F r a nc e , se r a i t un gâ te a u qu’i l
                                                                      Philippe Andrillat, Dirigeant de Kenseo (DR)                                                         fa udr a i t   pa r ta ge r   en     pa r ts
                                                                                                                                                                           é ga l e s. J e ne c r oi s pa s à c e tte
                                                                                                                                                                           vi si on. L e m a r c hé du tr a va i l
                                                                                                                                                                           e st une e nti té exte nsi bl e . Pl us
     Augmenter le temps de travail pour                                                                                                                                    nous i nté gr e r ons de tr a va i l -
                                                                                                                                                                           l e ur s, pl us i l y a ur a de tr a va i l .
     favoriser la croissance                                                                                                                                               C’e st un c e r cl e ve r tue ux. Pl us
                                                                                                                                                                           nous tr a va i l l e r ons, pl us de s
     Le débat sur le temps de travail en France montre que des solutions nou-                                                                                              e m pl oi s se r ont c r é é s. »
     velles sont attendues pour sortir de la logique des 35 heures. C’est un sujet                                                                                         —
     complexe mais sur lequel les entreprises de croissance sont unanimes : il                                                                                             CA R O L I N E YO U N G ,
     faut revenir à une durée du travail plus élevée. De nombreuses adaptations                                                                                            Dirigeante d’Exper Connect
     sont possibles. Pour CroissancePlus, le schéma le plus vertueux consisterait
     à établir un référentiel de la durée légale du travail sur une base annuelle
     avec un minimum et un maximum hebdomadaire afin de conserver une cer-
     taine stabilité pour les salariés. Ce choix aurait un double avantage : stimu-
     ler l’activité économique et l’emploi grâce à un aménagement intelligent du
     temps de travail et dissuader les entreprises de ralentir leur activité pour                                    Laurent Vronski, Dirigeant d’Ervor et vice-
     éviter une surtaxation du travail.                                                                              président de CroissancePlus (DR)
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Quel nouveau contrat social
pour la France ? —


     Révolutionner
     le droit du travail
     Il n’est pas un chef d’entreprise qui     aujourd’hui 38 formes de contrat de
     ne dénonce l’extraordinaire com-          travail différentes, 27 régimes déro-
     plexité du droit du travail. Restaurer    gatoires et une dizaine d’organisa-                          Geoffroy Roux de Bézieux, Dirigeant de Virgin            Jean-René Boidron, Dirigeant de DL Santé
     la compétitivité des entreprises          tions du temps de travail.                                   Mobile, ancien Président de CroissancePlus (DR)          et co-président de la commission Sociale et
                                                                                                                                                                     Emploi de CroissancePlus (DR)
     passe par un droit du travail moins
     rigide. Il devrait être possible notam-
     ment de créer un contrat de tra-                Il   fa u d r a i t    tendre        ve r s      un             L e dr oi t du tr a va i l e st bi e n tr op c om pl exe e t c om pr e nd souve nt de s
     vail unique qui entraînerait moins              c o n t r a t d e t r a va i l u n i q u e , p o u r            pr oc é dur e s tr op l ongue s. C’e st pa r ti c ul i è r e m e nt vr a i pour l e s PM E qui
     de précarité pour les salariés et               si mp l i f i e r l e s p r o c é d u r e s d e                 ne di spose nt pa s touj our s de l ’expe r ti se né c e ssa i r e . I l fa ut a bsol um e nt
     plus de flexibilité pour les entre-             d é p a r t d e s sa l a r i é s. D a n s u n e                 si m pl i fi e r c e tte l é gi sl a ti on. »
     prises. CroissancePlus a travaillé              P M E f r a n ç a i se , si l e c h e f d ’ e n -               —
     depuis longtemps sur ce sujet. Le               t r e p r i se c h e r c h e à fa i r e d e s                   G E O F F R OY R O U X D E B É Z I E U X, D i r i ge a nt de Vi r gi n M obi l e ,
     CDI présente en effet des rigidités             é c o n o mi e s, e t q u e so n c a r n e t                    a nc i e n Pr é si de nt de Cr oi ssa nc e Pl us
     anachroniques, qu’il s’agisse de la             d e c o mma n d e s fa i t g r i se mi n e ,
     modification du contenu du poste,               i l d e vr a i t p o u vo i r ê t r e a i d é
     du licenciement économique ou des               p a r u n c o n t r a t d e t r a va i l q u i
     procédures de plan social, autant               a sso u p l i e t sé c u r i se j u r i d i q u e -    Trouver de nouveaux modes de
     de mécanismes qui ont été conçus                me n t l a so r t i e d ’ u n e mp l o yé . E t
     pour les grandes entreprises mais               je ne parle pas ici des procé-                         financement de la protection sociale
     qui constituent pour les PME des                d u r e s l i é e s a u x P r u d ’ h o mme s.
     freins importants à l’embauche. Le              M a i s p o u r l e d r o i t d u t r a va i l ,       Le travail ne peut plus supporter le poids actuel du coût du financement de la
     contrat unique serait un CDI, mais              l e s mo t s d ’ o r d r e so n t se l o n             protection sociale. Ce fardeau doit être allégé, faute de quoi, on ne résoudra
     les exigences en cas de licenciement            mo i : si mp l i f i c a t i o n , so u p l e sse      pas de façon pérenne la question de la compétitivité des entreprises. Trouver
     seraient donc allégées, moyennant               e t sé c u r i t é . C e c o n t r a t u n i q u e     d’autres modes de financement doit faire partie des options étudiées par les
     une compensation financière ver-                se r a i t u n e a va n c é e p o u r c e l l e s      responsables politiques. La TVA dite sociale en est une. La TVA est un prélè-
     sée aux salariés proportionnelle à              e t c e u x q u i n e so n t p a s e n C D I.          vement indirect sur les biens de consommation et les services, acquittée par
     l’ensemble des salaires versés tout             R a p p e l o n s q u e 4 0 % d e s sa l a -           l’ensemble des consommateurs.
     au long du contrat de travail.                  riés ont un contrat précaire.
                                                     C ’ e st d o n c u n e q u e st i o n d e              Il existe aujourd’hui en France trois taux de TVA : normal à 19,6%, réduit, à
     L’abandon du CDD et la création                 j u st i c e so c i a l e a va n t t o u t . »         7% et très réduit à 2,1%. Comme on le sait, l’idée de la TVA sociale est de
     d’un nouveau contrat unique, allé-              —                                                      transférer sur la consommation une partie des charges patronales au titre
     geant pour les PME les obligations              J E A N - R E N É B O ID R O N ,                       de la protection sociale. L’augmentation des prix des produits de consom-
     de reclassement, l’assouplisse-                 Dirigeant de DL Santé et                               mation et des services serait compensée par un abaissement du coût du
     ment des plans de sauvegarde de                 co-président de la commission                          travail. Le gouvernement a décidé de mettre en vigueur un tel mécanisme
     l’emploi, constitueraient un pro-               Sociale et Emploi de                                   dès l’automne prochain, en augmentant le taux de TVA normal de 1,6 points
     grès important. Il existe en France             CroissancePlus                                         pour le porter à 21,2%, soit dans la moyenne des taux de TVA en Europe.
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Quel nouveau contrat social
                                                                                                                                                                                       Adapter
pour la France ? —
                                                                                                                      Il fa ut r e pose r l a que sti on de c e qui
                                                                                                                      doi t ê tr e fi na nc é pa r l ’e ntr e pr i se e t
                                                                                                                      l e tr a va i l d’un c ôté , e t pa r l a sol i da -             les modes
                                                                                                                      r i té na ti ona l e de l ’a utr e . Se l on m oi ,
                                                                                                                      l e fi na nc e m e nt du c hôm a ge e t de s r e -               de repré-
                                                                                                                      tr a i te s doi t ê tr e a ssur é pa r l e s e ntr e -
                                                                                                                      pr i se s. E n r e va nc he , l a pol i ti que fa m i -          sentativité
                                                                                                                      l ia l e e t l a sa nté doi ve nt ê tr e pr i se s e n
                                                                                                                      cha r ge pa r l a sol i da r i té na ti ona l e . À        du personnel
                                                                                                                      te r m e , i l fa udr a a r r ê te r de di sti ngue r
                                                                                                                      l es pr e sta ti ons sa l a r i a l e s e t pa tr o-       Le taux de syndicalisation en France
     Mais on peut aussi financer la pro-                        L a t o t a l i t é d e l a p o l i t i q u e fa -    na l e s. L a TVA di te soc i a l e , qui fe r a l a       a été divisé par trois en l’espace de
     tection sociale par l’impôt, notam-                        mi l i a l e f r a n ç a i se n e p e u t ê t r e     ba sc ul e de c e r ta i ne s c oti sa ti ons so-          trente ans, et ne dépasse pas en
     ment par le biais de la CSG.                               f i n a n c é e p a r l e se c t e u r p r i vé .     ci a l e s ve r s l a TVA , de vr a i t pe r m e ttr e     moyenne 7% des salariés. Un taux
                                                                C ’ e st u n e a b e r r a t i o n . L a T VA -       d’a bol i r c e tte di sti nc ti on. »                     qui se réduit encore comme peau de
     En tout état de cause, la France                           c o mp é t i t i vi t é e st u n p r e mi e r         —                                                          chagrin dans le secteur privé pour
     ne peut plus se permettre de faire                         p a s p o u r l e s e n t r e p r i se s q u i        T H I E R RY M A G I N ,                                   plafonner à 5%.
     l’économie de réformes profondes                           so n t e n c o n c u r r e n c e d i r e c t e        Dirigeant de MCR Consultants
     concernant le financement de son                           a ve c l e s p a ys é t r a n g e r s, ma i s                                                                    À l’heure où le modèle écono-
     modèle social. Force est de consta-                        a u ssi p o u r l e s P M E q u i œ u vr e n t        L a TVA e m pl oi doi t de ve ni r une pr i or i -         mique et social allemand semble
     ter qu’une réflexion de ce type est                        u n i q u e me n t su r l e t e r r i t o i r e       t é pour l a F r a nc e : ba i sse r l e s c ha r ge s     devenir une référence européenne,
     en cours dans la plupart des pays                          national.         Ave c       cette        T VA -     pa tr ona l e s pour a l l é ge r l e c oût du             CroissancePlus affiche sa volonté
     européens.                                                 c o mp é t i t i vi t é , j e d e vr a i s a vo i r   t r a va i l e t di m i nue r l e s c ha r ge s sa l a -   de réinventer le dialogue social au
                                                                l a p o ssi b i l i t é d ’ e mb a u c h e r. »       r i a l e s pour a ugm e nte r l e sa l a i r e ne t       sein des PME françaises, et de sor-
                                                                —                                                     de nos c ol l a bor a te ur s. C’ e st a ussi              tir notre pays d’une singularité qui le
                                                                E M M A N U E L G R IM A U D,                         gr â c e à c e tte m e sur e que nous pour-                distingue de ses voisins européens.
                                                                Dirigeant de Maximis Retraite                         r ons da va nta ge e m ba uc he r. »                       Pour les dirigeants d’entreprises
                                                                et co-président de la commis-                         —                                                          innovantes, la qualité du dialogue
                                                                sion Sociale et Emploi                                N I CO L A S B E R G E R A U LT,                           qui s’instaure entre un chef d’entre-
                                                                de CroissancePlus                                     D i r i ge a nt de L ’a te l i e r de s Che fs             prise et ses équipes sera la clé des
                                                                                                                                                                                 prochains changements dans le
                                                                                                                                                                                 monde du travail, voire de la nature
                                                                                                                                                                                 même des négociations entre les
                                                                                                                                                                                 partenaires sociaux, l’Etat et les
                                                                                                                                                                                 entreprises.

                                                                                                                                                                                 Comment permettre aux salariés
                                                                                                                                                                                 du secteur privé de renouer avec
                                                                                                                                                                                 l’idée même du syndicalisme ? Pour
                                                                                                                                                                                 certains chefs d’entreprise, l’une
                                                                                                                                                                                 des réponses pourrait être le « tous
                                                                                                                                                                                 syndiqués ». L’obligation d’adhé-
                                                                                                                                                                                 rer à un organisme syndical bou-
                                                                                                                                                                                 leverserait la donne et permettrait
                                                                                                                                                                                 d’atteindre un taux de syndicalisa-
                                                                                                                                                                                 tion qui, en Suède ou en Finlande,
                                                                                                                                                                                 se situe autour des 70%, d’après
     Emmanuel Grimaud, Dirigeant de Maximis              Thierry Magin, Dirigeant de MCR Consultants                  Nicolas Bergerault, Dirigeant de L’atelier des
     Retraite et co-président de la commission Sociale   (DR)                                                         Chefs (DR)                                                 les statistiques de l’OCDE. Une telle
     et Emploi de CroissancePlus(DR)                                                                                                                                             mesure, à l’image du vote obliga-
21

Quel nouveau contrat social
pour la France ? —


     toire belge, engendrerait des muta-       sans que l’on casse les effets de                              Enfin, la participation de délégations
     tions profondes. En augmentant la         seuil et que l’on réforme le statut des                        uniques aux conseils d’administra-
     représentativité syndicale en France,     salariés protégés s’agissant notam-                            tion doit être systématisée et éten-
     le dialogue social au sein des entre-     ment des syndicalistes qui devraient                           due. Il est à noter que la 7ème édi-
     prises montrerait un autre visage, et     avoir le même statut, en cas de                                tion du baromètre CroissancePlus /
     permettrait de responsabiliser les        licenciement, que les autres salariés                          Astorg Partners, publiée en Janvier
     salariés et leurs représentants. Par la   de l’entreprise, comme c’est le cas                            2012, montrait que, malgré une
     suite, les syndicats, porteurs d’une      en Allemagne, par exemple.                                     période économique difficile, les
     « volonté générale » des salariés,                                                                       entrepreneurs estimaient dans leur
     auraient à cœur de voir aboutir les               C r é e r d e l a c r o i ssa n c e , g é n é r e r    grande majorité que le climat social
     négociations auprès des pouvoirs                  d e s e mp l o i s, p a sse p a r u n d r o i t        ne s’était pas enlisé.
     publics ou des organisations patro-               d u t r a va i l p l u s so u p l e p o u r l e s
     nales. Mais ce « grand soir » syndical            e n t r e p r i se s. M a i s c e t t e so u -         Au sein des PME françaises, ce cli-
     et cette recherche d’un consensus                 p l e sse se r a i mp o ssi b l e à i n s-             mat dépendra essentiellement du
     à l’allemande, trop éloigné encore                t a u r e r sa n s d e s syn d i c a t s p l u s       dialogue entre dirigeants et colla-
     de la culture française, prendra du               r e p r é se n t a t i f s e t so u c i e u x d e      borateurs, entre représentants des                                 Hélène Saint-Loubert, Dirigeante de Grenade
     temps.                                            l ’ i n t é r ê t g é n é r a l . Il fa u d r a i t    salariés et employeurs.                                            & Sparks (DR)

                                                       p e u t - ê t r e p r o p o se r q u e l ’ e n -
     À plus court terme, on pourrait faire             se mb l e     des      sa l a r i é s   so i e n t ,
     en sorte que la relation avec les                 c o mme e n S u è d e , syn d i q u é s                Dans sa forme actuelle, le syndicalisme                                   D a ns          c e r ta i ne s    e ntr e pr i se s,
     représentants du personnel relève                 d’office. »                                            bloque le dialogue social dans les en-                                    j ’a i r e m a rqué que bi e n sou-
     d’abord du bon sens avant la fixation             —                                                      treprises françaises. Pourtant, ces                                       ve nt l e di a l ogue soc i a l é ta i t
     de règles par la loi, car le besoin est           S YLVA IN B IA N C H IN I,                             échanges sont vitaux. Une grande partie                                   fa c i l i té     pa r     la     pa r ti c i pa ti on
     variable selon les entreprises. Dans              Dirigeant de No valto                                  de nos problèmes serait résolue si le                                     de s r e pr é se nta nts du pe r son-
     cet esprit, CroisssancePlus milite                                                                       chef d’entreprise avait toujours la pos-                                  ne l a ux c onse i l s d’a dm i ni s-
     pour fixer à une par trimestre la fré-                                                                   sibilité d’expliquer sereinement ses                                      tr a ti on. L e ur pr é se nc e pe r m e t
     quence des réunions avec les repré-                                                                      choix et ses orientations à ses collabo-                                  une vé r i ta bl e tr a nspa r e nc e , i n-
     sentants du personnel, pour fusion-                                                                      rateurs, pour les motiver et leur donner                                  d i s p e n s a b l e dans notre société
     ner le Comité d’entreprise avec le                                                                       toujours plus envie de se mobiliser pour                                  d’information. »
     CHSCT, pour étendre à l’ensemble                                                                         leur entreprise. En dehors du temps de                                    —
     des PME et des ETI la possibilité                                                                        t r a va i l , l a q u e s t i o n c e n t r a l e p o u r u n e          TH I E R RY TI M SI T,
     de la Délégation unique du person-                                                                       entreprise, c’est aussi l’intérêt que                                     Dirigeant d’Astorg Partners
     nel, pour limiter le nombre d’élus                                                                       peut susciter un dirigeant auprès de ses
     par rapport au nombre de salariés,                                                                       équipes. »
     et enfin, pour faire en sorte que les                                                                    —
     contestations soient encadrées au                                                                        HÉLÈNE SAINT-LOUBERT,
     sein de dispositifs plus clairs.                                                                         Dirigeante de Grenade & Sparks


     Enfin, il ne saurait y avoir de réforme
     de la représentativité des salariés       Sylvain Bianchini, Dirigeant de Novalto (DR)
23
Les chiffres-clé du modèle social —

En France —                                                           Selon les derniers chiffres disponibles,                                               En Europe —                                    La proportion de ces populations fra-
                                                                      la structure de la consommation des                                                                                                   gilisées varie d’un pays de l’Union
                                                                      ménages en France se répartit ainsi :                                                                                                 Européenne à l’autre. Les taux de risque
La part des dépenses de santé dans le                                 En milliards d’euros, source : INSEE, 2010                                             Selon la dernière étude publiée par            de pauvreté les plus élevés se situent en
PIB, s’élève à 11,2% en France, contre                                                                                                                       Eurostat et rendue publique le 8 février       Bulgarie (42%), Roumanie (41%), Lettonie
                                                                      Logement,
10,5% en Allemagne, 9,9% aux Pays-                                    électricité, chauffage                                                          266    2012, 115 millions de personnes dans           (38%), Lituanie (33%), Hongrie (30%). Les
Bas, 8,7% au Royaume-Uni.                                             Produits alimentaires
                                                                                                                                                             l’Union Européenne, soit 23,4% de la           plus faibles se trouvent en République
                                                                                                                                       140
Source : OCDE, 2010                                                   et boissons non                                                                        population totale étaient menacées de          Tchèque (14%), Suède et Pays-Bas (15%),
                                                                      alcoolisées
                                                                      Tabac, boissons                                                                        pauvreté ou d’exclusion sociale, à la          Autriche, Finlande et Luxembourg (17%).
                                                                                                                        30
12                                                                    alcoolisées                                                                            fin 2010. Dans le langage d’Eurostat,
               FR.                                                                                                                                           cela signifie que ces personnes étaient
                                                                      Articles d’habillement
                            AL.                                                                                          40
10                                       NL.                          et chaussures                                                                          confrontées à au moins l’une des trois




                                                                                                                                                                                                                                                                                                                AUTRICHE, FINLANDE, LUXEMBOURG
                                                                                                                                                                                                                   BULGARIE

                                                                                                                                                                                                                              ROUMANIE
                                                  G.-B.               Entretien et équipement                                                                formes d’exclusion suivantes :                 50
                                                                                                                             63




                                                                                                                                                                                                                                         LETTONIE
                                                                      du logement
8
                                                                                                                                                             1 / Risque de pauvreté (c'est-à-dire




                                                                                                                                                                                                                                                    LITUANIE
                                                                      Santé
                                                                                                                        36                                                                                  40




                                                                                                                                                                                                                                                               HONGRIE
6                                                                                                                                                            vivant dans un ménage disposant d’un




                                                                                                                                                                                                                                                                         RÉPUBLIQUE TCHÈQUE
                                                                      Transports                                                                             revenu équivalent-adulte inférieur au seuil




                                                                                                                                                                                                                                                                                              SUÈDE, PAYS-BAS
                                                                      Achats de véhicules (40)                                         153
4                                                                     Utilisation / entretien des véhicules (92)                                             de pauvreté qui est fixé à 60% du revenu       30

                                                                      Communications                                                                         médian national) ;
                                                                                                                        29
2                                                                                                                                                                                                           20
                                                                      Loisirs et culture                                                                     2 / Situation de privation matérielle
                                                                                                                                  97
%                                                                                                                                                            grave (conditions de vie limitées par un
                                                                                                                                                                                                            10
                                                                      Education
                                                                                                                   8                                         manque de ressources et privées d’au
                                                                                                                                                             moins 4 des 9 éléments suivants : payer
                                                                      Hôtels, cafés
                                                                                                                             65                              un loyer, rembourser un prêt immobilier à      %
                                                                      et restaurants
                                                                                                                                                             temps, chauffer correctement leur domi-
                                                                                                                                                             cile, faire face à des dépenses imprévues,     Taux de rique de pauvreté, fin 2010
La structure fiscale au sein des pays                                                                                                                        consommer de la viande, du poisson ou
de l’OCDE se répartit ainsi :                                                                                                                                un équivalent de protéines tous les deux       Il est à noter que 21% des Espagnols sont
En pourcentage des prélèvements obligatoires                                                                                                                 jours, s’offrir une semaine de vacances        menacés de pauvreté monétaire et que
Source : OCDE, 2010                                                                                                                                          en dehors de leur domicile, posséder une       13% des Britanniques et des Belges vivent
                                                                                                                                                             voiture personnelle, un lave-linge, un télé-   dans des ménages à très faible intensité de
                                                                                                                                                             viseur couleur ou un téléphone fixe ou         travail, contre 6% des Luxembourgeois,
                      26                                             21,5                                                                             17,4   portable) ;                                    des Suédois et des Tchèques…
                                                                                                                   38
      37,6                                                36,4                                25,1
                                         52,4                                                                                            37,2
                                                                                                                                                             3 / Vivant dans des ménages à très             Et selon Eurostat, ce sont 11,7 millions de
                                                                                                                                                             faible intensité de travail (ménages dans      Français, soit 19,3% de la population qui
       Allemagne                   Danemark                 Espagne                                 Etats-Unis                               France          lesquels les adultes ont utilisé moins de      se trouvaient confrontés au risque de pau-
                                                                                                                                                             20% de leur potentiel de travail au cours      vreté ou d’exclusion sociale à la fin 2010.
                                                                                                                                                             de l’année passée).                            (Sources : Eurostat, février 2012)
                                             20                                                                         Impôts sur le revenu
     17,7            27,9                             24,8       29,8                                                   Impôts sur les sociétés
                                  38,6
                                                                                                                        Côtisations sociales

                                                                                                                        Impôts sur le patrimoine

            Irlande                  Japon                   Suède
26

                                                       Le grand entretien — François Dupuy :
                                                       « Moins de procédures, plus de confiance
                                                       et de simplicité. »



                                                              Le « contrat social » n’est pas le seul élément qui rend une
                                                              entreprise performante. Son organisation, ses procédures, sa
                                                              culture, sa capacité à faire travailler les hommes ensemble,
                                                              la façon dont s’exerce l’autorité sont des éléments-clefs de la
                                                              performance de l’entreprise. Ce sont des mécanismes difficiles
                                                              à démonter et encore plus difficiles à modifier. Pour le Petit
                                                              Journal de Campagne, François Dupuy partage sa réflexion,
                                                              ses obser vations et ses analyses sur le fonctionnement des
                                                              entreprises et sur la façon de le rendre plus souple et plus
                                                              adapté aux nouvelles règles de la compétition économique.




                                                              / Le Petit Journal de Campagne :           relâche. Dans de nombreuses entre-
                                                              Tout le monde est d’accord sur ce          prises, le problème est plutôt de
                                                              constat : la compétitivité d’un pays       reconstruire une maîtrise de la direc-
                                                              dépend de celle de ses entreprises.        tion sur l’organisation.
                                                              Or, l’entreprise est un monde très
                                                              particulier. En théorie, elle serait le    / LPJC : Les dirigeants disposent

François Dupuy                                                lieu de l’autorité, du pouvoir vertical,
                                                              de la performance. Mais vous sem-
                                                              blez dire que la réalité est beaucoup
                                                                                                         pourtant de nombreux outils, de
                                                                                                         procédures de contrôle, de modes
                                                                                                         d’organisation pour s’assurer de
Le fin connaisseur                                            plus complexe…                             l’efficacité de l’entreprise…

des entreprises et                                            / François Dupuy : En effet, lorsqu’on / F. D. : Parlons-en, justement.
                                                              l’observe sur le terrain, l’entreprise On a cru longtemps que le travail
des organisations                                             d’aujourd’hui est très éloignée de séquentiel, segmenté, constituait
                                                              cette image un peu dictatoriale. La une réponse à l’efficacité d’une
                                                              compétition                                          organisation. En réa-
François Dupuy, chercheur, professeur, consul-                qui s’accentue,          L’entreprise                lité, cette forme de tra-
tant, est l’un des experts les plus reconnus, en              la complexité            d’aujourd’hui               vail protège davantage
France et aux Etats-Unis (où il a beaucoup ensei-             des process,             est loin de cette           l’organisation qu’elle ne
gné et travaillé) de l’organisation des entreprises.          la    multiplica-                                    produit d’efficacité pour
                                                                                       image dictatoriale. »
Il a écrit de nombreux ouvrages, dont le dernier              tion des infor-                                      le client. Dans l’organi-
en date Lost in Management a connu un beau suc-               mations dont il faut disposer pour sation « en silo », dont on parle tant
cès. Il y analyse avec une grande finesse les tra-            prendre des décisions, les multiples aujourd’hui, surtout pour essayer de
vers des modes managériales et esquisse ce que                procédures de « reporting », font que la remettre en cause, aucun membre
pourrait être l’entreprise de demain.                         l’autorité se dilue, que le contrôle se de l’organisation n’est comptable du
27
Le grand entretien


          résultat final. Si l’on pousse le para-   cela revient à remplacer l’autonomie      les uns avec les autres et laissent         / LPJC : Ce que vous décrivez là colle
          doxe jusqu’au bout, ce type d’orga-       par la dépendance, à créer de la          ainsi les acteurs libres de décider de      davantage à des entreprises de taille
          nisation vise non pas à mettre le         confrontation là où il n’y avait que de   ce qu’ils doivent appliquer ou non…         moyenne qu’à de grandes organisa-
          client au centre des préoccupations       la neutralité.                            Ce qui ne manque pas de sel…                tions…
          de l’entreprise, mais à le repousser
          aux marges, à se protéger de lui et       C’est parce que la coopération n’est      / LPJC : Quelle est l’alternative aux       / F. D. : Je ne sais pas. Je vois des
          de la pression qu’il peut exercer sur     pas un comportement naturel qu’il a       faiblesses que vous signalez ? Est-il       PME fonctionner comme des admi-
          l’entreprise, puisqu’en cas de pro-       fallu la créer, l’imposer, en mettant     possible de fonctionner autrement ?         nistrations et certaines grandes
          blèmes, personne, au sein de l’orga-      en place des processus toujours                                                       entreprises conserver un esprit de
          nisation ne peut être identifié comme     plus nombreux et compliqués.              / F. D. : Je le crois. La vie quotidienne   « pionnier ». Ce que je crois, c’est
          « responsable ». Mais ce n’est pas                                                  des entreprises n’est pas faite que         que le moment de vérité d’une
          tout : l’organisation traditionnelle    C’est ce qui crée ce que j’appelle de       de processus, de contrôles ou de            entreprise est le passage d’un père
          en « silo » offre une autre protection, la « paresse managériale », lorsque         bureaucratie. Certaines organisa-           fondateur ou d’un dirigeant charis-
          encore plus précieuse, notamment        les processus ou les procédures             tions ont fait des choix différents,        matique, ce qui est souvent le cas
          pour les cadres. Protégés par des       finissent par occulter la réalité du        sans qu’il soit d’ailleurs toujours         d’entreprises récentes, à un mana-
          cloisons bien étanches, ils n’ont pas   travail et lorsqu’on compte trop sur        possible       d’expliquer      pourquoi.   gement « normalisé ». Travailler dans
          à « coopérer » avec les autres, leurs   les individus, les fameux « leaders »,                                                  une organisation « floue », et a fortiori
          collègues, les services voisins.        pour pallier les défaillances organisa-             La confiance est                    la diriger, est quelque chose qui se
                                                                    tionnelles. J’ajouterai           l’opposé de                         « sent », et ceux qui le sentent ainsi
          / LPJC : Pourtant,                                        que la persistance                                                    ne sont pas majoritaires, loin s’en
          cette notion de              La coopération des « silos » produit                           la bureaucratie                     faut. Les autres entendent mettre de
          coopération      est         n’est pas un                 aussi des résultats               procédurière. »                     l’ordre dès leur arrivée, reprendre les
          présente dans la                                          singuliers dans le                                                    choses en main, redéfinir les rôles,
          plupart des livres
                                       comportement processus de déci-                        Certaines entreprises ont du garder         introduire de la clarté, et les consul-
          de management…               naturel ou                   sion : il est long et     leur souplesse initiale et en font un       tants sont là pour les y aider. On
                                       spontané dans chaotique et l’appli-                    facteur clé de succès. Sans doute           peut déjà anticiper les effets réels
          / F. D. : Je le sais,                                     cation de ces déci-       leurs dirigeants ont-ils joué un rôle       produits par cette approche.
          mais c’est un                les situations               sions est aléatoire.      crucial dans la préservation de cette
          leurre. Dans notre           quotidiennes                 Les acteurs de la         souplesse et de cette sagesse.              / LPJC : Quelles conclusions tirez-
          univers mental, la                                        décision se surpro-       Je mettrai volontiers de côté tous          vous de l’observation des entre-
                                       de travail. »
          coopération véhi-                                         tègent, ils consultent    les discours sur le leader et le lea-       prises qui ont su garder la souplesse
          cule une connota-                                         tout     le     monde     dership, au profit de cette simple          dont vous parlez ?
          tion très positive : celui qui coopère, jusqu’au moment où ils pensent avoir        observation : un dirigeant est d’au-
          c’est celui qui est ouvert aux autres, obtenu un fragile consensus, ce qui          tant plus fort qu’il fait confiance et il   / F. D. : En la matière, il n’existe pas
          qui n’a rien à cacher, qui accepte alourdit encore la prise de décision             fait d’autant plus confiance qu’il est      de modèle tout fait. Chaque culture
          volontiers de se « découvrir » au car les cadres doivent se demander                fort. La confiance est l’opposée de la      d’entreprise est spécifique, et il
          bénéfice du résultat obtenu et de en permanence s’ils ont bien informé              bureaucratie procédurière.                  faut se garder des généralisations.
          l’intérêt général. En fait, dans l’uni- et consulté tout le monde, s’ils ont                                                    Comment caractériser ces organisa-
          vers de l’entreprise, cette notion a bien lu tous les courriels qui leur            Il faut être sûr de soi, des hommes         tions nouvelles qui paraissent plus
          pris une dimension presque idéolo- ont été envoyés, (un exercice épui-              que l’on a choisi, mais surtout des         adaptées à l’évolution actuelle de la
          gique, alimentée aussi bien par les sant mentalement si l’on veut bien              règles du jeu que l’on a fait émerger       compétition économique ? Le pre-
          business schools que par les grands y penser), afin de bien « sécuriser »           dans son organisation, et être per-         mier point-clé est l’énergie qu’elles
          cabinets de conseils. En réalité, la leur décision. Et paradoxalement, le           suadé que cette double certitude            mettent à rechercher les solutions
          coopération n’est pas un compor- délire des processus, des reportings               assurera un fonctionnement moins            les plus intégrées pour le client. La
          tement naturel ou spontané dans et des indicateurs finit par recréer                rassurant peut-être, mais plus per-         vente « sèche » de produits est à
          les situations quotidiennes de tra- des zones de liberté pour les salariés          formant que ce qui est écrit dans les       son crépuscule, comme le montre
          vail. Pour ceux qui sont concernés, tant ils deviennent contradictoires             manuels de management.                      le passage du téléphone portable
29
Le grand entretien

          au smartphone. La notion de solu-          permet vraiment de créer des « com-
          tion fait éclater les organisations        munautés d’intérêt ».
          traditionnelles, qui en sont restées à
          l’individualisation, à la défense des      / LPJC : C’est une question que se
          territoires et au respect strict des       posent beaucoup d’entrepreneurs.
          hiérarchies.                               Comment créer ces communautés
                                                     dans la vie quotidienne des entre-
                  La transversalité                  prises ?
                  ne doit pas être
                                                     / F. D. : Ma conviction est qu’il faut
                  appréhendée                        travailler sur des modes de ges-
                  comme un pro-                      tion humaine ou financière qui vont
                                                     favoriser l’émergence de ces com-
                  cessus de plus. »                  munautés et non pas seulement
          La question n’est plus de respecter        entretenir un souhait, même s’il faut
          un certain formalisme ou d’obéir aux       briser au passage quelques canons
          règles de la bienséance, mais de           de « bonne gestion ».
          mettre en réseau le plus rapidement
          possible les compétences néces-            / LPJC : Par exemple ?
          saires à l’élaboration d’une réponse
          satisfaisante au client, et ce, où que     / F. D. : Par exemple, en acceptant
          ces compétences se trouvent. Ce            de compter plusieurs fois la même
          qui s’impose au cœur de ces nou-           chose. Je vois d’ici les directeurs
          velles organisations, ce n’est plus le     financiers se dresser sur leur siège
          « silo » mais la transversalité.           et hausser les épaules. Et pourtant,
                                                     comment peut-on vouloir qu’un
          / LPJC : Une procédure de plus, en         grand nombre d’acteurs travaillent
          somme…                                     ensemble pour élaborer des solu-




                                                                                              (DR)
          / F. D. : Non. La transversalité ne doit          L’axiome qui
          pas être appréhendée comme un                                                              gâteau soit la plus grande. Il faut        plus prévisible, qui permet de se fier
                                                            veut que “tout
          processus de plus. En réalité, elle                                                        donc accepter ce que les financiers        un peu plus à l’autre, sans avoir à
          dépend de la capacité de l’entre-                 ce qui a été dit,                        appellent le « comptage multiple »         passer par des procédures ou des
          prise à générer les comportements                 décidé ou affirmé                        ou d’autres modes de calcul qui            processus qui complexifient bien
          coopératifs non par la contrainte                                                          donneront aux acteurs l’envie de           plus qu’ils ne simplifient. L’enjeu est
          ou la rhétorique morale, mais par
                                                            sera fait” relève                        faire croître toujours plus la taille du   de faire travailler les Hommes autre-
          sa connaissance des ressorts de                   selon moi                                gâteau. Tout cela replace au premier       ment, à croire en eux, à redécouvrir
          l’action collective, ceux qui vont                de l’irresponsa-                         plan la question de la confiance,          les vertus de la confiance et de la
          faire que les acteurs auront « inté-                                                       donc celle des règles du jeu, donc         simplicité.
          rêt » à travailler ensemble. Sur cette
                                                            bilité. »                                celle de l’éthique. Il ne s’agit plus de
          question centrale, il faut abandon-        tions toujours plus complexes                   demander aux acteurs « de ne pas           François Dupuy est notamment
          ner les modes managériaux ou les           pour les clients tout en leur disant            faire n’importe quoi pour développer       l’auteur de Lost in Management, la
          proclamations abstraites. L’axiome         que chacun n’aura qu’une part du                le business », posture hypocrite dans      vie quotidienne des entreprises au
          qui veut que « tout ce qui a été dit,      gâteau, calculée au plus juste ? Si             un monde où les rémunérations sont         XXI ème siècle (Le Seuil, 2011).
          décidé ou affirmé sera fait » relève       l’on pratique de la sorte, on ferme             de plus en plus individualisées.
          selon moi de l’irresponsabilité. Il        le jeu plutôt que l’ouvrir, et cha-
          faut aller plus loin dans les solutions    cun n’aura de cesse que d’exclure               Il s’agit plutôt de créer un environ-      Propos recueillis par Le Petit Journal
          innovantes et se demander ce qui           des « convives » afin que sa part du            nement de travail moins incertain,         de Campagne
30                                                                                                                                                                               31




                                                                                          Le syndicalisme,
                                                                                          une idée neuve                                 ticulier les travailleurs des secteurs les
                                                                                                                                         plus exposés. Dans le régime nordique,
                                                                                                                                         l’investissement dans le travailleur tout
                                                                                          Le Nouvel Economiste,                          au long de la vie n’est pas un vain mot.
Bref inventaire de ce qu’un entrepeneur doit                                              19 janvier 2012 —                              « Donnez une subvention et le travail-
                                                                                                                                         leur mangera quelques jours, donnez
savoir par les temps qui courent...                                                       « Il n’est pourtant pas temps de mener         une vraie formation et il travaillera tou-
                                                                                          de façon expéditive le procès “antisyn-        jours », pour paraphraser un célèbre dic-
                                                                                          dical” car jamais sans doute le besoin         ton chinois. Ce système va de pair avec
                                                                                          de syndicats ne s’est fait sentir aussi fort   l’emploi jusqu’à 67 ans pour la grande

LU POUR VOUS                                et une croissance continue, pour cette
                                            entreprise qui emploie plus de 400
                                                                                          dans un contexte de crise économique
                                                                                          aigüe et d’accélération de la dissolution
                                                                                                                                         majorité de la population, et l’intégration
                                                                                                                                         des jeunes dans le monde du travail dès
                                            personnes. A la tête de la firme cali-        des liens sociaux. Ce dont souffre la          l’âge de 18 ans. La stratégie française
L’entreprise                                fornienne, le président-fondateur Chris       France, ce n’est pas d’un syndicalisme         consiste, quant à elle, à rendre la vie
                                            Rufer.                                        trop fort qui développerait sa capacité        hors du travail tout à la fois possible et
sans chefs ?                                                                              de nuisance mais au contraire d’un syn-        même plutôt agréable par rapport aux
                                            Entre lui et ses employés “de base”,          dicalisme trop faible. Seul un syndica-        tensions, anxiétés, humiliations vécues
                                            aucun échelon hiérarchique. Alors,            lisme fort et responsable peut contri-         par le travailleur. »
Lexpress.fr, 12 janvier 2012 —              comment fonctionne cette entreprise           buer aux changements nécessaires
                                            singulière ? Sans encadrement, chaque         en relayant les aspirations des salariés
« Imaginez une entreprise sans hié-         salarié est responsable de sa propre          dans un souci d’équilibre. Pourquoi pas        L’ère des talents
rarchie, dans laquelle vous seriez, au      mission, et de l'acquisition des moyens       en France ? »
même titre que vos collègues, votre         et des coopérations nécessaires.
propre patron. Pas de chefs, de titres ou                                                                                                Comment naviguer à travers
de promotions. Chaque employé dépen-        Aucune limite de prix n'est fixée au          Les classes                                    l’ère des talents, étude de
serait l'argent de la compagnie et serait   personnel quant à l'achat de matériel.                                                       ManpowerGroup, Janvier 2012 —
responsable de l'achat de ses outils de     En contrepartie, chacun doit justifier        moyennes
travail. Utopique ? Gary Hamel, expert      annuellement auprès de ses pairs du                                                          « La grande transformation. C’était le
américain en management et profes-          retour sur investissement de ses acqui-       françaises                                     thème de la 42e édition du Forum éco-
seur invité à la London Business School,    sitions et réaliser le bilan de ses perfor-                                                  nomique mondial (WEF), qui s’est tenue
semblait tout aussi incrédule avant de      mances.                                       sont écartelées                                fin janvier à Davos, en Suisse. La mon-
visiter une entreprise hors-norme : la                                                                                                   tée inquiétante du chômage en Europe a
Morning Star Company. Provocant, il         Le système fonctionne “car il y a un                                                         également animé une partie des débats.
relate cette expérience dans la presti-     fort engagement des employés dans             Entretien avec Louis Chauvel,                  Pour retrouver la voie de l’emploi et de
gieuse Harvard Business Review, sous        les valeurs de l'entreprise, une impli-       pour le magazine Books,                        la croissance, ManpowerGroup a publié
un titre à hérisser les cheveux du pre-     cation de chacun”, explique Maurice           23 janvier 2012 —                              pour l’occasion Comment naviguer à
mier chef venu: “Commencez par virer        Thévenet, professeur au CNAM et à                                                            travers l'ère des talents. Cette étude
tous les managers”.                         Essec Business School. “C'est là le           « La réponse américaine à la globalisa-        propose aux employeurs d’un monde
                                            véritable enseignement de ce concept.         tion (la concurrence marchande) a en           qui “bifurque” de parier sur la flexibilité
Morning Star, leader américain de           Les entreprises actuelles devraient s'en      effet deux grands concurrents, grands          du travail et de se mettre en quête des
la sauce tomate, n'a pas à rougir de        inspirer”, conclut-il, sans pour autant       par l’esprit sinon par la taille. La stra-     “talents”. Autrement dit, ces perles
ses résultats économiques : 700 mil-        conseiller d'adopter le système de l'en-      tégie suédoise consiste à re-former les        rares aux compétences particulières,
lions de dollars de chiffre d'affaires      treprise sans chefs. »                        adultes tout au long de la vie, en par-        jeunes employés mobiles soutenus




                                                                                                                                                                                  02. 2012
32                                                                                                                                                                           33




                                                                                           a mené en 2011 une grande enquête
                                             Réduire                                       auprès de 6 000 auditeurs. Le fruit de
                                                                                           cette étude donne lieu à une publica-
par un chef d’entreprise soucieux de         les inégalités                                tion, mise en valeur par les analyses
sa responsabilité sociale. Pour Jeffrey                                                    d’une sociologue (Dominique Méda),
A. Joerres, PDG de ManpowerGroup,                                                          d’un psychiatre (Patrick Légeron) et d’un
“business model” et systèmes sociaux         « Nous devons revitaliser la croissance       philosophe (Yves Schwartz).
sont à revoir. Les sociétés devront ainsi    (…) Comment ? Deux ingrédients sont
repenser leur façon d’évaluer, de recru-     essentiels : d’abord, nous avons besoin       De cette enquête émane certains ensei-
ter, mais aussi de récompenser ces           de plus d’innovation et de productivité       gnements passionnants. Pour près de
employés du XXIème siècle. La “grande        dans le monde industriel. Il faut pour        50% des sondés, le travail idéal devrait
transformation” est en marche et doit        cela donner aux entrepreneurs le droit        permettre de « continuer à apprendre ».
permettre de démultiplier le potentiel de    d’être mobiles, d’innover, de créer de        À l’heure où il est question, pour les
chaque collaborateur. »                      nouvelles sociétés. Nous devons nous          employeurs comme pour les salariés,
                                             assurer que nous ne détruisons pas            d’agilité et d’adaptation face au nou-
                                             notre environnement. Ensuite, il faut faire   veau monde du travail, 57% des per-

VERBATIM                                     en sorte que les travailleurs s’adaptent
                                             à des emplois qui seront amenés par
                                                                                           sonnes interrogées se disent prêtes à
                                                                                           changer de ville pour trouver un emploi
                                             l’innovation. Un partenariat entre le gou-    « intéressant ».
Soutenir le prochain                         vernement, l’industrie et le monde du
                                             travail me semble très important. C’est       L’enquête esquisse le portrait de sala-     Dominique Goux et Eric Maurin
Steve Jobs                                   quelque chose que nous avons négligé,         riés français qui comptent sur eux-
                                             surtout aux Etats-Unis. (…) Si vous ras-      mêmes pour assurer leur bien-être au        Centre de gravité
                                             semblez ces deux ingrédients – l’inno-        travail (73,8%), plutôt que sur les syn-
« Une économie faite pour durer est une      vation et la capacité d’adaptation des        dicats (12,1%) ou les formations poli-      cherche équilibre
économie où le talent et l’ingéniosité de    travailleurs – vous avez une chance de        tiques (1,6%).
chacun sont encouragés. Cela signifie        réduire les inégalités ».
qu’à travail égal, les femmes devraient                                                    À quelques semaines de l’élection prési-    À l’heure où les classes moyennes
être rémunérées comme les hommes.            Raghuram Rajan, professeur                    dentielle, les auditeurs de Radio France    deviennent l’un des enjeux majeurs de la
Cela signifie que nous devrions soute-       d’économie à l’Université                     confirment une certaine défiance à          campagne pour les élections présiden-
nir tous ceux qui sont prêts à travailler,   de Chicago, édition du Time,                  l’égard du pouvoir politique. Que ce soit   tielles, Dominique Goux et Eric Maurin
et chaque entrepreneur qui veut deve-        6 février 2012 —                              pour l’amélioration des conditions de       esquissent le portrait d’une catégorie
nir le prochain Steve Jobs. Après tout,                                                    travail, la baisse du chômage ou la lutte   aux multiples visages.
l’innovation a toujours été au cœur des                                                    contre les délocalisations, près de 80%
Etats-Unis. La plupart de nos nouveaux                                                     des sondés répondent que « les poli-        « Ces nouvelles classes moyennes se
emplois sont créés dans des start-up                                                       tiques » sont impuissants.                  caractérisent par trois traits fonda-
ou des petites entreprises. Aidons-les                                                                                                 mentaux », écrivent les auteurs : « leur
à réussir en inscrivant leurs enjeux à       Collectif —                                   Et lorsque l’on demande à ces Français      dynamisme, leur centralité sociale, leur
l’ordre du jour. Démolissons les règles                                                    ce qui les pousserait à créer leur propre   position d’arbitre ». Premier enseigne-
qui empêchent des entrepreneurs à            Dessiner le travail                           entreprise, 48% invoquent un surcroît       ment de l’ouvrage, la définition des
trouver les financements pour grandir. »                                                   d’indépendance.                             classes moyennes fluctue au fil du
                                             du XXI ème siècle                                                                         temps. Nommées « petite bourgeoisie »
Barack Obama, Président des                                                                                                            au XIXème siècle, à savoir les actifs non
Etats-Unis, lors de son Discours                                                           Quel travail voulons-nous ?                 salariés, elles mutent au XXème siècle
sur l’état de l’Union,                       Pour éviter que le travail ne devienne en     La grande enquête,                          face à l’ascension du salariat. En 2012,
24 janvier 2012 —                            France le « mal du siècle », Radio France     édition Les Arènes, 2012 —                  les deux sociologues prennent le parti




                                                                                                                                                                               02. 2012
34                                                                                                                                                                                 35




                                             DÉBATS                                      MANAGEMENT
d’une définition sociologique et écono-      Les modèles sociaux                         Aux Etats-Unis,                                 les prix les moins chers. Démarche intéres-
mique de ce « centre de gravité de la                                                                                                    sante mais qui s’est heurtée au problème
société ». Le « salariat intermédiaire »,    européens à l’As-                           les entreprises                                 de l’information. Lorsque les salariés de GE
à savoir les artisans, les commerçants,                                                                                                  ont commencé à demander les prix des
les professeurs d’écoles ou encore cer-      semblée nationale                           s’impliquent                                    traitements et des interventions à leurs
tains cadres de la fonction publique,                                                                                                    médecins, ces derniers ont été médusés
serait ainsi la matrice d’une catégorie                                                  dans la baisse                                  par cette attitude car eux-mêmes n’avaient
qui représente 30% de la population          Le 31 janvier dernier, l’Assemblée natio-                                                   aucune idée de la façon dont ces coûts
française. Second enseignement, les          nale était plus que jamais dans l’air du    des coûts de la santé                           étaient pris en charge par l’assurance et à
classes moyennes ne disparaissent            temps. Au lendemain de l’intervention                                                       quelle hauteur. La réforme de la santé de
pas, bien au contraire. Ce livre prend ici   télévisée du chef de l’Etat et d’une                                                        Barack Obama oblige maintenant les hôpi-
le contre-pied des idées de Jean-Marc        déclaration commune des membres du          Il n’y a pas qu’en France que les coûts de la   taux à établir chaque année une liste de prix
Vittori.                                     Conseil européen en faveur de l’em-         santé constituent une préoccupation             standards et plus de trente Etats ont pris
                                             ploi et d’un retour de la croissance en     majeure pour les assurés, les entreprises et    des mesures pour favoriser la transparence
En 2009, l’éditorialiste prophétisait dans   Europe, se tenait au Palais Bourbon un      l’Etat. Les Américains dépensent chaque         des tarifs.
L’effet sablier la compression, voire        débat sur les « performances des poli-      année environ 2 600 milliards de dollars        Mais l’idée qu’un assuré puisse faire son
l’effacement des classes moyennes,           tiques sociales en Europe ». Faisant        pour leur santé, ce qui représente 18% du       « shopping » de soins et aille au meilleur
soumises à une révolution de l’infor-        suite à un rapport d’information sur        PIB. Or, ils n’ont aucune idée des prix des     rapport qualité-prix doit encore faire son
mation qui favorisait les classes supé-      le sujet remis en décembre 2011 par         traitements ou des opérations chirurgi-         chemin. Du coup, les entreprises s’ad-
rieures. Dominique Goux et Eric Maurin       les députés Michel Heinrich (UMP) et        cales, dans un pays où ces prix varient         joignent des conseils. GE a ainsi demandé
n’éludent pas pour autant le grand para-     Régis Juanico (PS), ces échanges ont        beaucoup d’un établissement à l’autre.          à la firme d’information financière Thomson
doxe des classes moyennes. Entre désir       permis d’aborder la question des poli-      Une étude du Massachusetts Division of          Reuters d’analyser les prix d’un certain
d’ascension sociale et peur du déclas-       tiques publiques familiales. Les députés    Health Care Finance and Policy citée par        nombre de traitements et de procédures
sement, leur rôle de « noyau stable » est    à l’origine du rapport reprennent ainsi     The Economist montre que le remplace-           dans différents hôpitaux et cliniques.
soumis à de fortes tensions.                 quelques grandes thématiques mises en       ment d’une hanche varie de 20 à 27 000
                                             lumière par l’économiste danois Gøsta       dollars et une césarienne de 5 à 10 000 dol-    Une autre société, Castlight Health, en
Le mal-être des classes moyennes,            Esping-Andersen, et liées aux modèles       lars.                                           Californie, travaille avec de grandes entre-
concluent les sociologues, ne pourra         socio-démocrates scandinaves : des                                                          prises et rassemble des données sur le coût
trouver sa cure que par l’action d’un        politiques sociales favorisant l’égalité    Pourtant, au cours des dix dernières            de traitements ou d’opérations déjà réali-
Etat-providence, qui ne fera pas de          entre femmes et hommes face au tra-         années, les dépenses de santé aux Etats-        sés, de telle sorte que les assurés puissent
la fiscalité ou des transferts sociaux,      vail ; la valorisation de chaque nais-      Unis ont eu tendance à croître à un rythme      comparer et accéder en ligne à des com-
un marqueur d’injustice aux yeux des         sance par l’Etat-providence ; l’investis-   moins rapide qu’auparavant. Ce qui montre       mentaires sur le rapport coût-efficacité.
Français les plus courtisés du moment.       sement dans les services d’avenir que       une attention plus grande portée par les        Certes, les entreprises éprouvent des diffi-
                                             sont les services à la personne ; l’éga-    « consommateurs » de soins à la qualité et      cultés à révéler les accords financiers
Les nouvelles classes moyennes,              lité des chances dans le domaine de         au prix de « l’offre » qu’on leur propose.      qu’elles ont conclus avec les établisse-
Seuil, 2012 —                                l’éducation, et ce dès le plus jeune âge.                                                   ments de soins, mais la transparence
                                                                                         La plupart des salariés américains sont         gagne peu à peu du terrain. De grandes
                                             Face aux modèles scandinaves, ainsi         couverts par une assurance santé au tra-        compagnies d’assurance travaillent sur de
                                             que le résume le député Régis Juanico,      vers de leur entreprise. Et ces dernières       nouveaux outils et l’on entrevoit déjà le jour
                                             le rapport remis en décembre 2011 vise      commencent à sensibiliser leurs salariés        où les consommateurs utiliseront leur
                                             « à offrir plus de temps de famille aux     sur les coûts de la santé. General Electric     smartphone pour entrer les symptômes,
                                             pères mais aussi de meilleures opportu-     propose depuis 2010 un plan « consumer-         trouver des médecins compétents, com-
                                             nités de carrières aux mères » en France.   driven » et incite ses salariés à rechercher    parer leurs tarifs et prendre un rendez-vous.




                                                                                                                                                                                     02. 2012
36                                                                                                                                                                                           37




Les « Trente-six Stratagèmes »                                                                          que le plus faible soit en mesure de
                                                                                                        l’emporter sur le plus fort. Les exemples
                                                                                                        de cette stratégie consistant à attendre
                                                                                                                                                      Emprunter un cadavre
                                                                                                                                                      pour y loger une âme

ou l’art secret de la guerre —                                                                          l’ennemi que l’on a attiré vers soi, ne
                                                                                                        manquent pas dans l’histoire militaire
                                                                                                        chinoise, ou occidentale.
                                                                                                                                                      Cette expression serait liée à l’histoire
                                                                                                                                                      de Li Yue, un saint homme qui avait
                                                                                                                                                      appris de son maître l’art de voyager en
                                                                                                        Harasser des forces supérieures en            esprit à travers l’espace. Les stratèges
                                                       Traverser la mer à l’insu du ciel                nombre en les privant de repos ou en          militaires chinois et étrangers en ont
                                                                                                        les obligeant à de longues et pénibles        donné une acception assez précise : il
                                                                                                        marches reste un facteur clé de succès.       s’agit pour un chef ambitieux de se fixer
Il est inutile de rechercher l’origine                 Autrement dit, un spectacle fami-                                                              sur un “cadavre”, un territoire occupé
exacte de ce livre, encore inconnue à ce               lier n’éveille pas les soupçons. Rien                                                          par un pouvoir vacillant, qui lui servira
jour, dont un manuscrit a été découvert                n’est plus caché que le plus apparent.           Laisser le prunier se dessécher               de tremplin pour son ascension future.
en 1941 chez un libraire du Shanxi, en                 Illustration : un général assiégé doit tra-      à la place du pêcher                          Ce stratagème a nourri par ailleurs de
appendice au livre qui représente pour                 verser les lignes ennemies pour cher-                                                          nombreuses discussions de sages sur
les Chinois le grand livre de la sagesse               cher du renfort. Il imagine le plan sui-                                                       le concept d’utilité de l’inutilité.
universelle, à savoir le Grand Livre des               vant : la cravache à la main et l’arc en         Dans les situations désespérées, il vaut
Mutations ou des Transformations, le                   bandoulière, il sort des portes escorté          mieux sacrifier le faible pour sauver le      D’invité, se transformer
fameux Yi King ou Yi Jing, composé de                  de deux autres cavaliers qui portent les         fort. C’est un stratagème dont les illus-     en maître de céans
64 hexagrammes, autant d’oracles ou                    cibles, ce qui provoque la stupeur chez          trations sont nombreuses dans l’art de
de signes de ce qui se passe dans le                   les assiégés et les assiégeants. Il gagne        la guerre mais aussi dans le monde des
ciel et sur la terre. Ces “trente-six stra-            les remblais en bas des murs, fait dres-         affaires. Voici l’un de ces épisodes, tiré    Traduction par les sages chinois : qui est
tagèmes” constituent un résumé “cryp-                  ser les cibles et s’exerce au tir. À la fin de   de l’histoire de la dynastie Han : alors      commandé chez autrui est un esclave,
tique” de l’art de la guerre chinois, tel              l’exercice, il regagne la ville. Le lende-       que l’empereur se trouvait en mauvaise        qui y est honoré en est l’hôte. Qui ne
qu’il devait exister à la fin de l’empire              main, il répète son manège. Une moitié           posture, bloqué dans son camp retran-         parvient pas à y prendre pied est un
des Ming ou au début de celui des Qing,                des assiégeants se lève pour le regarder.        ché, ses approvisionnements coupés et         hôte de passage. Qui réussit à s’y éta-
c'est-à-dire au milieu du XVIIème siècle. Ils          Après plusieurs jours de cet exercice au         ne disposant que de maigres troupes,          blir est un hôte permanent. Seul l’hôte à
sont énoncés de façon volontairement                   tir, plus personne ne fait attention à lui.      son commandant en chef, revêtu des            demeure qui réussit à avoir la direction
elliptique, voire simpliste car, évidem-               Un beau matin, il enfourche son cheval           habits royaux, conduisant le char du          des affaires pourra peu à peu s’emparer
ment, selon la tradition chinoise, c’est               et traverse les lignes ennemies au grand         souverain, sortit nuitamment par la           des rênes de l’administration familiale et
dans le commentaire oral et l’adaptation               galop. Avant que l’ennemi ait repris ses         porte orientale à la tête d’un groupe         devenir le véritable patron. Se transfor-
de ces principes à des situations réelles,             esprits, il était déjà loin…                     de deux mille femmes revêtues de cui-         mer d’invité en maître de céans néces-
que réside tout l’art de la guerre. Voici                                                               rasses. Pendant ce temps, l’empereur et       site de franchir les étapes suivantes :
donc quelques-uns de ces stratagèmes                                                                    ses fidèles s’enfuient par la porte ouest.    se battre pour se faire admettre comme
et de leurs commentaires, tirés d’une                  Attendre dispos                                  Le stratagème réussit parfaitement : le       invité ; guetter l’entrebâillement de la
version publiée en 2007 par les éditions               un ennemi épuisé                                 général fut pris, démasqué et brûlé vif,      porte ; y introduire son pied ; s’empa-
Payot & Rivages, sous la traduction et le                                                               tandis que le souverain réussit à échap-      rer des commandes ; occuper la place
commentaire du grand sinologue Jean Levi.1                                                              per à ses ennemis.                            du maître, c'est-à-dire s’emparer du
                                                       Cette maxime embrasse les rapports                                                             commandement de l’armée d’autrui.
1
 Les 36 Stratagèmes, traduit du chinois, présenté et
commenté par Jean Levi (Éditions Payot & Rivages,      de force dans leur généralité et vise jus-       L’histoire ne révèle pas ce que fut le sort   Un stratagème assez bien adapté au
Paris, 2007)                                           tement à les renverser, à faire en sorte         des femmes.                                   monde des affaires…




                                                                                                                                                                                               02. 2012
Le Petit Journal de Campagne - Numéro 3

Le Petit Journal de Campagne - Numéro 3

  • 1.
    4 NUMÉROS —JOURNAL BIMENSUEL — PARUTION DU JEUDI 16 FÉVRIER 2012 QUEL NOUVEAU CONTRAT SOCIAL POUR LA FRANCE ? WWW.CROISSANCEPLUS.COM
  • 2.
    1 ce que nous croyons être le chemin vertueux du remode- lage du contrat social, basé sur une entrée plus facile des jeunes dans l’entreprise, une régulation différenciée Rénover le modèle social du temps de travail, une réforme du financement de la protection sociale, un toi- Les p rop os it ion s d e s c a n d id at s à L’é Le c t ion lettage du droit du travail et p résid en tieLLe c om m e n c e n t à s e p r é c is e r , l’instauration d’un dialogue et j’y in c L u s c e LLe s fa it e s pa r Le p r é s id e n t social responsable au sein d e L a rép u b Liqu e , n ic oLa s s a r k oz y. m on p r o- des entreprises. Ces propo- p os n ’est pas ic i d e Le s d is c u t e r e n d é ta iLs , sitions de CroissancePlus ne ma is d e reLe ve r Le s p oin t s d e c on ve r g e n c e sont pas idéologiques mais qu i Les ra p pr oc h e n t. pragmatiques. Elles sont le fruit de l’expérience et expri- ment la volonté de nos entre- Elles sont toutes dictées par deux considérations prises de faire le travail que la majeures : répondre à l’urgence de la situation collectivité attend d’elles, à économique dans laquelle se trouve la France, à savoir grandir en France et à l’image d’un grand nombre de pays européens ; l’étranger, créer des emplois mettre en œuvre des solutions structurelles et de stables, améliorer les com- long terme pour retrouver la capacité à croître, à pétences de tous les sala- créer des emplois, des entreprises, de la valeur. riés, bref, créer de la valeur Certes, les voies proposées pour y parvenir sont durable pour l’ensemble des très différentes, certaines sont même discutables parties prenantes. Ni plus, ni ou inapplicables. Mais la nécessité de changer en moins… profondeur le modèle social y est apparente, et c’est le grand enjeu des années à venir. Olivier Duha, Président de CroissancePlus Chez CroissancePlus, nous ne sommes pas des contempteurs obstinés du modèle social français. Depuis des années, nous multiplions les pro- positions pour le moderniser, le faire évoluer, le rendre plus adapté aux nouvelles circons- tances économiques, en faire un outil de progrès économique et social et non une entrave au déve- loppement et à la souplesse de fonctionnement des entreprises. Dans ce 3ème numéro du Petit Journal de Campagne, nous revenons en détail sur 02. 2012
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    2 3 LE PETIT JOURNAL DE CAMPAGNE EST ÉDITÉ PAR CROISSANCEPLUS Quelques mots sur CroissancePlus DANS L’ACTUALITÉ 4 PREMIÈRE ASSOCIATION FRANÇAISE DES ENTREPRENEURS Présidentielle 2012 — Un grand choc fiscal pour la France ? DE CROISSANCE, CroissancePlus réunit une nouvelle génération de 350 entre- Nicolas Sarkozy : TVA sociale et taxe boursière preneurs innovants afin de réformer l’environnement économique, social, juridique François Hollande : impôt sur les sociétés différencié et fiscal, et favoriser la création d’entreprises et d’emplois en France. Présidée par et fusion entre l’impôt sur le revenu et la CSG Olivier DUHA , CroissancePlus agit au quotidien comme force de propositions et François Bayrou : augmentation de la TVA, de lobbying en formulant de nombreuses recommandations auprès des pouvoirs deux nouvelles tranches fiscales publics et des leaders d’opinion. Lieu d’échanges et de networking, CroissancePlus Eva Joly : libérer l’économie de la finance s’impose également dans le débat public à travers l’organisation de nombreux évé- nements autour de personnalités politiques et économiques de tout premier plan. VU DANS LA PRESSE 8 PORTER TOUJOURS PLUS HAUT L’ESPRIT D’ENTREPRISE ET Encore tout faux… (International Herald Tribune) FAIRE ENTENDRE LA VOIX DES ENTREPRENEURS DANS LES MÉDIAS, Les prosélytes du libéralisme se préparent un destin bien triste… telle est la volonté de CroissancePlus qui accompagne les dirigeants d’entreprise (Financial Times) dans leur développement en France et à l’international. Industriels cherchent soudeurs désespérément (Les Échos) Les biotechs françaises imaginent la médecine de demain (Le Parisien Economie) Nos missions DOSSIER — Quel nouveau contrat social pour la France ? 12 ÊTRE UNE FORCE DE PROPOSITIONS RECONNUE DES 1 / Tout faire pour favoriser l’entrée des jeunes dans l’entreprise POUVOIRS PUBLICS. Les propositions de CroissancePlus émanent d’hommes 2 / Augmenter le temps de travail pour favoriser la croissance et de femmes de terrain, de commissions et groupes de travail qui se réunissent 3 / Révolutionner le droit du travail régulièrement dans les domaines suivants : création et financement d’entreprise / 4 / Trouver de nouveaux modes de financement de la protection sociale juridique et fiscal / social et emploi / recherche et innovation / relations grands 5 / Adapter les modes de représentativité du personnel groupes-PME / international / croissance responsable. Propositions consultables sur www.croissanceplus.com. Les chiffres-clé du modèle social 22 CONSTITUER UN RÉSEAU PERFORMANT D’ENTREPRENEURS LE GRAND ENTRETIEN — CroissancePlus est également un lieu reconnu d’échanges et de rencontres per- François Dupuy, sociologue des organisations 24 mettant de développer des synergies entrepreneuriales, des compétences tech- niques ou tout simplement partager expérience et bonnes pratiques. Les nombreux IDÉES 30 événements : déjeuners et dîners-débats, petits-déjeuners thématiques, Be to Be, déjeuners mensuels business, etc… sont autant d’occasions d’accueillir des per- Lu pour vous sonnalités de tout premier plan et contribuer à la notoriété de CroissancePlus et de Verbatim ses membres. Livres Débats Management RÉDACTION ET DOCUMENTATION : Antoine Bayle • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • DIRECTION ARTISTIQUE – GRAPHISME : Alexandra Roucheray, Olivia Grandperrin • • • • • • • • • • • • • PETITES HISTOIRES DE GUERRE ÉCONOMIQUE 36 COMITÉ ÉDITORIAL : Florence Dépret, Clothilde Hervouet, Gwennaelle Pierre, Emmanuelle Skowron • • UN JOURNAL RÉALISÉ PAR Les Rois Mages - www.lesroismages.fr - téléphone : 01 41 10 08 08 • • • • Les 36 S t ratagèmes 02. 2012
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    4 5 Présidentielle 2012 obligatoires. C’est dans le choix des points, à 21,2% le 1er octobre prochain “cibles” que les responsables politiques et en une hausse de 2 points de la CSG François Hollande : Un grand choc se différencient et s’opposent, qu’il sur les revenus du patrimoine. Ces deux s’agisse de la fiscalité des particuliers, mesures doivent permettre de com- impôt sur les fiscal pour des entreprises ou de l’épargne. Cela penser la suppression des cotisations créera-t-il pour autant le grand choc patronales finançant la branche famille sociétés différen- la France ? fiscal qui serait nécessaire pour relan- de la Sécurité Sociale sur les salaires cer la croissance économique, inci- allant jusqu’à 2,1 SMIC et leur dégressi- cié et fusion entre ter à l’investissement “fertile” dans les vité jusqu’à 2,4 SMIC (ce qui représente Les principaux candidats à l’élection entreprises en développement, assurer environ 13,6 milliards d’euros, soit 40% l’impôt sur le présidentielle ont élaboré, ces dernières l’équité et l’efficacité de l’impôt ? Nous des cotisations de la branche famille). semaines, l’essentiel de leurs propo- n’en sommes pour l’heure qu’aux pro- revenu et la CSG sitions en matière de politique écono- positions, aux pistes de réflexion, aux À noter que l’augmentation de la CSG mique et fiscale, même si le chef de galops d’essai. Il est donc encore trop sur les revenus du capital représente l’Etat, à l’heure où nous écrivons ces tôt pour en juger. Mais voici un rapide un surcroît de charges de 2,6 milliards Le programme de François Hollande lignes, n’a pas encore fait acte de candi- tour d’horizon des propositions et pistes d’euros pour les épargnants. Au total, comprend de nombreuses dispositions dature officielle. Il ressort, de l’ensemble de réflexion des quatre principaux can- avec cette nouvelle augmentation, les d’ordre fiscal, dont nous ne retiendrons de ces déclarations, un certain nombre didats. Et le rappel des réflexions de prélèvements sociaux sur les revenus que les plus significatives. En matière de constats. Tout d’abord, l’exercice CroissancePlus en la matière. du capital s’élèveraient à 15,5%. Si de fiscalité d’entreprise, le candidat est complexe puisqu’il s’inscrit dans l’on y ajoute le prélèvement obligatoire socialiste souhaite distinguer les béné- un cadre contraint, celui du retour à de 24%, les revenus de l’épargne en fices réinvestis et ceux distribués aux l’équilibre de nos finances publiques, Nicolas Sarkozy : France (hors Livret A) seraient taxés à actionnaires et envisage de mettre en conformément aux engagements euro- près de 40%. place trois taux d’imposition différents : péens de la France et aux conclusions TVA sociale et 35% pour les grandes entreprises, du sommet européen du 30 janvier L’autre mesure importante annoncée 30% pour les petites et moyennes, dernier, prévoyant l’instauration de « la taxe boursière par Nicolas Sarkozy est l’instauration 15% pour les très petites. Il annonce règle d’or » dans la plupart des pays de d’une taxe boursière à compter du 1er un redéploiement des financements, la zone euro. Compte tenu du faible taux août prochain, dont le champ d’appli- des aides publiques et des allègements de croissance anticipé en 2012 et 2013, Lors de son intervention télévisée du 29 cation fait encore l’objet de discussions fiscaux vers les entreprises qui investi- cette marche forcée vers l’équilibre des janvier 2012, le chef de l’Etat a dressé entre le gouvernement et les représen- ront en France. En matière de fiscalité comptes publics ne peut s’accomplir les grandes lignes des réformes fis- tants des banques. Cette taxe s’élèvera des particuliers, François Hollande a avec succès que si des recettes nou- cales qu’il compte mettre en œuvre. à 0,1% et devrait rapporter environ 1 officialisé le projet de fusion de l’im- velles sont trouvées, ce qui se traduit Les mesures phares consistent en une milliard d’euros chaque année, qui serait pôt sur le revenu et de la CSG dans le donc par une hausse des prélèvements augmentation du taux de TVA de 1,6 affecté à la réduction du déficit. cadre d’un prélèvement simplifié sur 02. 2012
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    6 7 Les réflexions de CroissancePlus en matière l’impôt par rapport au risque ; favori- Eva Joly : le revenu (PSR). Il entend également de réforme fiscale ser le réemploi productif. créer une tranche supplémentaire de / Favoriser la stabilité du cadre fiscal. libérer l’économie 45% pour les revenus supérieurs à / Orienter l’épargne “stérile” vers 150 000 euros par an. Il souhaite imposer Consciente que la réforme de la l’épargne “fertile”, privilégier une de la finance aux dirigeants des entreprises publiques fiscalité est un axe essentiel de taxation des revenus du patrimoine un écart maximum de rémunérations de toute politique de redynamisation peu productif différemment des 1 à 20. Concernant l’épargne, il indique de la croissance et du développe- revenus du patrimoine productif et La candidate du mouvement écologique aussi vouloir supprimer les produits ment des entreprises, Croissance- ouvrir ce principe à l’ensemble des (EELV) a choisi trois axes principaux financiers toxiques et les stock options Plus a élaboré sa propre réflexion acteurs économiques ; inciter les pour l’élaboration de son programme (sauf dans les entreprises naissantes), en matière de réforme fiscale, dans grands groupes français à investir économique : la réorientation de la fis- aligner la fiscalité des plus-values en un contexte de crise économique dans les PME/ETI de manière mino- calité vers l’environnement, l’augmen- capital sur les taux de l’IRPP et annonce et d’harmonisation européenne ritaire, à travers des fonds d’inves- tation des dépenses d'investissements l’instauration d’une taxe sur les tran- de la fiscalité. Ces réflexions ont tissement ; exonérer au maximum publics, le relèvement des prélèvements sactions financières, sans en préci- été largement présentées aux res- les actifs professionnels ; favoriser obligatoires sur les hauts salaires et les ser les modalités. Enfin, il propose la ponsables politiques. L’objectif la transmission de l’entreprise aux revenus du capital. Le mot d’ordre de création d’un livret d’épargne industrie de CroissancePlus est d’abord de collaborateurs. son programme est de “libérer” l’écono- dont le produit serait entièrement dédié favoriser la création de richesse et mie de la finance, en réduisant la taille au financement des PME et des entre- de valeur en France en sécurisant L’objectif de CroissancePlus est des banques, en limitant les activités prises innovantes. la fiscalité des entrepreneurs et le même depuis sa création en des fonds spéculatifs et en développant des Business Angels. Il s’agit avant 1997 : favoriser l’entrepreneuriat, le l’investissement socialement respon- tout d’encourager la création, le développement des entreprises et sable. Sur le plan de la fiscalité, Eva François Bayrou : développement et le financement l’épargne productive. Joly entend privilégier les TPE/PME et des entreprises par la création et les entreprises locales et écologiques augmentation l’amélioration de dispositifs fiscaux en créant notamment un “bonus déve- adaptés et de favoriser l’implanta- loppement durable”. Elle propose en de la TVA, deux tion et le retour en France d’entre- procurerait environ 20 milliards d’euros outre une progressivité réelle de l’impôt preneurs. Voici quelques-unes des de recettes supplémentaires pour l’Etat. sur les sociétés en fonction du niveau nouvelles tranches principales réflexions de Crois- La seconde mesure est l’instauration de des bénéfices et des mesures de sou- sancePlus : deux nouvelles tranches d’imposition, tien à la recherche et à l’innovation au fiscales l’une à 45%, l’autre à 50% pour les reve- bénéfice des petites et moyennes entre- / Le maintien intégral du dispositif nus au-dessus de 250 000 euros par an. prises, ainsi que l’extension des socié- ISF-PME qui permet d’orienter une Enfin, François Bayrou annonce un dis- tés régionales de capital-risque. François Bayrou a précisé, le 1er février partie de l’épargne des Français positif nouveau concernant la fiscalité dernier, son programme économique, vers le financement des PME, ainsi des entreprises, comprenant la création Concernant la fiscalité des particuliers, axé sur un strict encadrement des bud- que le doublement de “l’avantage d’un crédit d’impôt innovation, parallèle EELV propose un impôt sur le revenu gets de l’Etat, de la sécurité sociale et Madelin” qui favorise l’investisse- au crédit d’impôt recherche, et surtout rénové, reposant sur le prélèvement à la des collectivités territoriales dont les ment direct ou via un fonds dans l’exemption de charges sociales pen- source, la fusion CSG/IRPP, l’intégration dotations resteraient au même montant des PME françaises. dant deux ans des entreprises de moins des revenus du capital dans l’impôt sur pendant trois ans quelle que soit l’infla- / Le respect de trois principes-clés de 50 salariés qui embauchent un jeune le revenu, un impôt sur le patrimoine, tion. Le volet fiscal de son programme pour favoriser l’investissement ou un chômeur. Il propose aussi la créa- l’élargissement de la base de l’ISF, s’articule autour de trois mesures dans les PME/ETI : faire participer tion d’un statut fiscal particulier pour les notamment par la révision de l’exonéra- essentielles. La première est une hausse l’ensemble des acteurs écono- Business Angels, calqué sur celui des tion des biens professionnels et la mise de la TVA de 1 point en 2012 et de 1 miques à l’investissement produc- fonds de private equity ainsi que la créa- en place d’une contribution climat-éner- point supplémentaire en 2014, ce qui tif ; veiller à la proportionnalité de tion d’un livret d’épargne industrie. gie de 36 euros la tonne de CO2. 02. 2012
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    8 9 croire que ce fut un succès. « Compte « Encore tenu du calendrier, c’est un vrai chef d’œuvre », a même déclaré Angela tout faux… » Merkel, parlant du pacte budgétaire et fiscal conclut par les pays européens. (…) En tant que plus gros contributeur « Les leaders de 25 pays de l’Union du fonds de soutien européen, l’Alle- Européenne sur 27, se sont mis d’ac- magne continue à déterminer la façon cord pour conclure un nouveau pacte de gérer la crise. Les autres n’ont guère fiscal qui les empêchera, légalement, de choix que de suivre, qu’ils soient de combattre les récessions au moyen convaincus ou non du fait que l’aus- de robustes incitations financières. La térité dictée par les Allemands, aidera plupart des économistes, en dehors leurs économies affaiblies. Un dirigeant de la zone euro, considère que cette mieux avisé qu’Angela Merkel bâtirait une approche est dangereuse. Ces pays Union Européenne plus solide en aidant représentent plus de 20% de l’économie ses voisins à sortir de leur endettement mondiale. Les condamner à des réces- plutôt qu’en leur serrant le cou. Un lea- sions plus longues et plus profondes der plus sage rappellerait aussi aux aura un impact négatif sur les écono- électeurs allemands que la prospérité mies hors d’Europe qui dépendent du de leur propre économie repose sur une commerce international, comme les demande soutenue des pays voisins. » Etats-Unis et la Chine. Sans un fonds de soutien plus important, les investisseurs International Herald Tribune, 2 février 2012 vont continuer à parier contre les éco- nomies les plus faibles comme l’Italie ou l’Espagne, poussant leurs taux d’intérêt « Les prosélytes à la hausse, et creusant leurs déficits. Et malgré cela, les gouvernements européens du libéralisme se ont repoussé toute décision à mars. préparent un des- Les spéculateurs pourraient fort bien ne pas être d’accord pour attendre. tin bien triste… » Le monde s’est habitué aux sommets européens ratés. Ce qui est particuliè- rement perturbant avec celui qui vient de se tenir le 30 janvier, c’est que cer- « On a fait grand cas du fait que, lors tains responsables européens semblent du dernier forum de Davos, les grands 02. 2012
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    10 11 titude, c’est que la vision anglo-amé- femmes, l’Institut de Soudure avait lar- ricaine va perdre de son influence et gement médiatisé la médaille d’or aux qu’un consensus global va émerger sur Olympiades des Métiers remportée en capitaines d’industrie de la planète ont le rôle plus important que l’Etat va jouer 2009 par une de ses élèves, Marine été obligés par les évènements récents sur le marché. Il semble probable, et Bregeon (aujourd’hui, elle soude des « Les biotechs d’aborder des sujets comme les inéga- même heureux, compte tenu de notre coques de sous-marins chez DCNS à lités ou le futur du capitalisme. Bien que récente expérience aux Etats-Unis, que Cherbourg). Mais pour la CFDT, il fau- françaises ima- de tels actes d’introspection publique de le capitalisme du XXIème siècle ressem- drait aussi que le patronat de la métal- ces élites participent du même cynisme blera de moins en moins au darwinisme lurgie relève les minima salariaux, notoi- ginent la méde- que d’autres traditions de Davos économique tellement célébré à Wall rement peu attractifs. comme les dîners privés pour parler de Street. » cine de demain » la faim dans le monde, l’accent mis sur le futur du capitalisme a quelque chose D a vi d R o t h k o p f d’ironique. L’ironie c’est que l’avenir du F i n a n c i a l Ti me s, 1 e r f é vr i e r 2 0 1 2 « Selon l’association France Biotech, il libre marché ne sera pas déterminé par y aurait en France environ “250 à 300 les capitalistes de Davos et ne prendra entreprises de biotech, orientées à 48% pas la forme que l’on imagine dans les « Industriels dans la santé humaine et employant sommets de ce genre. Après la fin de la près de 6 000 personnes, dont 70% de guerre froide, beaucoup ont pensé que cherchent chercheurs”. 80% de ce marché sont l’on avait résolu de façon définitive les accaparés par les Etats-Unis où le sec- grandes questions sur la relation entre soudeurs déses- teur est déjà mature. (…) Même si le le pouvoir privé et public. domaine en France est assez récent, pérément » les biotech sont en train de s’imposer. (DR) La vision marxiste de l’économie centra- Le marché est déjà en transition. (…) À lisée avait échoué. Les adeptes du « lais- court terme, le secteur est fragilisé par sez donc le marché opérer », disciples « Au même titre que les robinettiers Plusieurs dirigeants de grandes entre- la conjoncture et un tarissement des de Milton Friedman, avaient triomphé. et tuyauteurs, les soudeurs et chau- prises partagent son point de vue, financements pour des projets forcé- Mais leur danse de victoire était pré- dronniers sont depuis deux décennies dénonçant une convention collective ment risqués et au long cours, qui ont maturée. Non seulement nous n’avions catalogués dans la liste des “métiers dépassée. Mais la tâche s’annonce déli- été en partie désertés par les investis- pas atteint la fin de l’histoire, mais nous en tension”, ces professions où l’offre cate : comme l’explique l’un d’eux, “nos seurs et les sociétés de capital-risque. étions en train d’entrer dans une phase d’emplois est supérieure à la demande, sous-traitants ne pourraient pas se per- Mais les biotech sont devenues un des nouvelle de la compétition séculaire quelle que soit la conjoncture. Certes, mettre des revalorisations salariales trop moteurs essentiels de l’innovation. » pour le pouvoir du public et du privé. malgré la désindustrialisation globale fortes”. Un discours qui ne convainc pas du pays et grâce aux besoins nouveaux ce sous-traitant, régulièrement mis en Thibaud Vadjoux, Aujourd’hui, en plus du darwinisme éco- en main d’œuvre dans le nucléaire, la concurrence avec des PME étrangères Le Parisien Économie, 6 février 2012 nomique du modèle anglo-américain construction ferroviaire ou l’aéronau- par des grands donneurs d’ordre fran- et du capitalisme “aux caractéristiques tique, le nombre d’ouvriers qualifiés çais, ayant externalisé une bonne par- chinoises”, coexistent “l’Eurocapita- travaillant par “formage du métal” est tie de leur production pour baisser les lisme ”, le “capitalisme démocratique du globalement resté stable en l’espace de coûts : “S’ils veulent que nous formions développement” de l’Inde et du Brésil, vingt-cinq ans. Et pourtant, les besoins nous aussi des jeunes, que nous partici- avec leurs importantes caractéristiques actuels et surtout futurs sont loin d’être pions à l’effort de ré-industrialisation, ils sociales en parallèle avec leurs aspira- couverts. Pour inverser la tendance, doivent nous passer des commandes. tions à la croissance, et le capitalisme le patronat de la métallurgie a multi- Le reste, c’est du vent… » entrepreneurial des petits Etats comme plié depuis trois ans les campagnes (DR) Singapour, les Emirats ou Israël. Et tout de communication. Dans cet univers Cl a ude B a r j one t ce que nous pouvons prédire avec cer- encore très largement boudé par les L e s E c hos, 2 fé vr i e r 2012 02. 2012
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    QUEL NOUVEAU CONTRATSOCIAL POUR LA FRANCE ? La France vit dans une sorte de paradoxe : elle souffre d’un coût du travail et mettrait le pied à l’étrier de milliers trop élevé, qui finance un modèle coûteux, mais ses salaires sont trop bas, de jeunes qui gagneraient en com- ce qui provoque l’émergence d’une catégorie sociale nouvelle, les travail- pétence et en expérience en étant leurs pauvres. Le contrat social à la française ne fonctionne donc plus. Il intégrés dans le monde de l’entre- n’est pas adapté aux nouvelles conditions économiques. Il ne confère pas prise. Des systèmes équivalents suffisamment de souplesse aux entreprises. Il ne joue plus le rôle de « filet ont été expérimentés dans d’autres de sécurité » qu’il jouait voici quelques décennies. Il fait peser sur le travail, pays, comme en Grande-Bretagne donc sur les entreprises mais aussi les salariés, un poids financier trop lourd. où existe une sorte de SMIC pro- Il est donc urgent de le rénover, non dans une optique politicienne ou idéo- gressif en fonction de l’âge. logique, mais simplement pour lui redonner le sens, l’efficacité et le rôle qui doivent être les siens dans une société moderne, active, souple. Ces sujets Les entreprises de croissance inno- Caroline Mitanne, Dirigeante de Guidecaro (DR) sont au cœur des débats qui se déroulent en ce moment dans le cadre de vantes doivent favoriser le recrutement l’élection présidentielle. Mais ils sont aussi au centre des préoccupations et la formation des jeunes. C’est un L e ni ve a u de for m a ti on de s de CroissancePlus. Voici donc quelques idées fortes qui ressortent de nos i nve sti sse m e nt fr uc tue ux e t r e nta bl e . j e une s c a ndi da ts e st pr obl é - travaux et des expériences des entrepreneurs et autour desquelles il est pos- Dans le domaine du web, un déve- m a ti que . I l s m a nque nt se l on sible de rénover le contrat social en France. loppeur junior doit abandonner à la sor- m oi d’un c a dr e , de r e pè r e s. tie de l’école ses connaissances pure - L or s de s e ntr e ti e ns d’e m - ment théoriques et devenir ba uc he , j ’a i pu r e m a rque r que Tout faire pour faiblesse handicape notre com- o p é r a t i o n n e l . E t p o u r fa v o r i s e r c e t t e be a uc oup é ta i e nt tr op exi - pétitivité et alourdit les dépenses montée en compétence, l’alternance, ge a nts, i m pa ti e nts a ussi , e t favoriser l’entrée publiques. Parmi les solutions qu’il les stages et les contrats de profes- qu’i l s sont c onfr onté s e nsui te serait possible de mettre en œuvre sionnalisation sont indispensables. à de s dé si l l usi ons. L e s j e une s des jeunes dans figure le « SMIC Jeunes » destiné aux Mais il faut simplifier leur application doi ve nt ê tr e m i e ux pr é pa r é s a u jeunes sans expérience ni diplôme, car pour le moment, une PME n’a pas m onde de l ’e ntr e pr i se , à se s l’entreprise âgés de 17 à 21 ans. Il aurait pour encore d’intérêt économique à investir r é a l i té s é c onom i que s. E t c e caractéristique d’être inférieur au s u r u n j e u n e e t s e t o u r n e p l u s fa c i l e - dè s l a pha se de r e c r ute m e nt, Le taux d’emploi des jeunes est montant du salaire minimum brut m e n t v e r s d e s c a n d i d a t s p l u s ex p é r i - du c ôté de c he z Pôl e E m pl oi insuffisant en France. Nous connais- mais une baisse des charges patro- mentés. » pa r exe m pl e . » sons tous cette situation : 22% des nales permettrait de garder un — — 15-24 ans n’ont pas d’emploi, contre salaire net équivalent. Ce dispositif FABRICE METAYER, CA R O L I N E M I TA N N E , 16% en moyenne en Europe. Cette ferait donc baisser le coût du travail, Dirigeant de KerniX Dirigeante de Guidecaro
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    15 Quel nouveau contratsocial pour la France ? — Il faut remettre le temps de travail au cœur de nos priorités. Depuis 15 ans, notre pays a créé une “génération 35 heures”. On mesure désormais le travail à la présence horaire. Pour faire face à cet état de fait, je vois une solution pra- tique. Les cadres ont largement profité des 35 heures et des RTT. Or ce sont eux qui concentrent le savoir-faire d’enca- Le chômage des jeunes en France est drement dans les entreprises, qui est symptomatique et mérite que les pou- indispensable et demande toujours plus voirs publics s’emparent du sujet. L’ac- de compétences et de temps. C’est une cès à l’emploi de notre jeunesse doit situation totalement paradoxale. Il faut devenir une véritable cause nationale. donc supprimer les 35 heures, pour les Cette mobilisation pourrait commencer cadres comme pour l’ensemble des au niveau des branches profession- salariés d’ailleurs. C’est une décision nelles qui devraient prendre en charge politique courageuse qu’il faut les questions de formation ou de tuto- prendre. » rat. Les entreprises doivent comprendre — q u e l e t r a va i l e n a l t e r n a n c e e s t l ’ u n e LAURENT VRONSKI, des solutions au problème de l’emploi Dirigeant d’Er vor et vice-président Caroline Young, Dirigeante d’Exper Connect (DR) des jeunes en France. » de CroissancePlus — PHILIPPE ANDRILLAT, M a c onvi c ti on e st que pl us i l Dirigeant de Kenseo y a d’a c ti vi té , pl us i l y a de tr a va i l . L e m a r c hé du tr a va i l , te l que nous l e c onc e vons e n F r a nc e , se r a i t un gâ te a u qu’i l Philippe Andrillat, Dirigeant de Kenseo (DR) fa udr a i t pa r ta ge r en pa r ts é ga l e s. J e ne c r oi s pa s à c e tte vi si on. L e m a r c hé du tr a va i l e st une e nti té exte nsi bl e . Pl us Augmenter le temps de travail pour nous i nté gr e r ons de tr a va i l - l e ur s, pl us i l y a ur a de tr a va i l . favoriser la croissance C’e st un c e r cl e ve r tue ux. Pl us nous tr a va i l l e r ons, pl us de s Le débat sur le temps de travail en France montre que des solutions nou- e m pl oi s se r ont c r é é s. » velles sont attendues pour sortir de la logique des 35 heures. C’est un sujet — complexe mais sur lequel les entreprises de croissance sont unanimes : il CA R O L I N E YO U N G , faut revenir à une durée du travail plus élevée. De nombreuses adaptations Dirigeante d’Exper Connect sont possibles. Pour CroissancePlus, le schéma le plus vertueux consisterait à établir un référentiel de la durée légale du travail sur une base annuelle avec un minimum et un maximum hebdomadaire afin de conserver une cer- taine stabilité pour les salariés. Ce choix aurait un double avantage : stimu- ler l’activité économique et l’emploi grâce à un aménagement intelligent du temps de travail et dissuader les entreprises de ralentir leur activité pour Laurent Vronski, Dirigeant d’Ervor et vice- éviter une surtaxation du travail. président de CroissancePlus (DR)
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    17 Quel nouveau contratsocial pour la France ? — Révolutionner le droit du travail Il n’est pas un chef d’entreprise qui aujourd’hui 38 formes de contrat de ne dénonce l’extraordinaire com- travail différentes, 27 régimes déro- plexité du droit du travail. Restaurer gatoires et une dizaine d’organisa- Geoffroy Roux de Bézieux, Dirigeant de Virgin Jean-René Boidron, Dirigeant de DL Santé la compétitivité des entreprises tions du temps de travail. Mobile, ancien Président de CroissancePlus (DR) et co-président de la commission Sociale et Emploi de CroissancePlus (DR) passe par un droit du travail moins rigide. Il devrait être possible notam- ment de créer un contrat de tra- Il fa u d r a i t tendre ve r s un L e dr oi t du tr a va i l e st bi e n tr op c om pl exe e t c om pr e nd souve nt de s vail unique qui entraînerait moins c o n t r a t d e t r a va i l u n i q u e , p o u r pr oc é dur e s tr op l ongue s. C’e st pa r ti c ul i è r e m e nt vr a i pour l e s PM E qui de précarité pour les salariés et si mp l i f i e r l e s p r o c é d u r e s d e ne di spose nt pa s touj our s de l ’expe r ti se né c e ssa i r e . I l fa ut a bsol um e nt plus de flexibilité pour les entre- d é p a r t d e s sa l a r i é s. D a n s u n e si m pl i fi e r c e tte l é gi sl a ti on. » prises. CroissancePlus a travaillé P M E f r a n ç a i se , si l e c h e f d ’ e n - — depuis longtemps sur ce sujet. Le t r e p r i se c h e r c h e à fa i r e d e s G E O F F R OY R O U X D E B É Z I E U X, D i r i ge a nt de Vi r gi n M obi l e , CDI présente en effet des rigidités é c o n o mi e s, e t q u e so n c a r n e t a nc i e n Pr é si de nt de Cr oi ssa nc e Pl us anachroniques, qu’il s’agisse de la d e c o mma n d e s fa i t g r i se mi n e , modification du contenu du poste, i l d e vr a i t p o u vo i r ê t r e a i d é du licenciement économique ou des p a r u n c o n t r a t d e t r a va i l q u i procédures de plan social, autant a sso u p l i e t sé c u r i se j u r i d i q u e - Trouver de nouveaux modes de de mécanismes qui ont été conçus me n t l a so r t i e d ’ u n e mp l o yé . E t pour les grandes entreprises mais je ne parle pas ici des procé- financement de la protection sociale qui constituent pour les PME des d u r e s l i é e s a u x P r u d ’ h o mme s. freins importants à l’embauche. Le M a i s p o u r l e d r o i t d u t r a va i l , Le travail ne peut plus supporter le poids actuel du coût du financement de la contrat unique serait un CDI, mais l e s mo t s d ’ o r d r e so n t se l o n protection sociale. Ce fardeau doit être allégé, faute de quoi, on ne résoudra les exigences en cas de licenciement mo i : si mp l i f i c a t i o n , so u p l e sse pas de façon pérenne la question de la compétitivité des entreprises. Trouver seraient donc allégées, moyennant e t sé c u r i t é . C e c o n t r a t u n i q u e d’autres modes de financement doit faire partie des options étudiées par les une compensation financière ver- se r a i t u n e a va n c é e p o u r c e l l e s responsables politiques. La TVA dite sociale en est une. La TVA est un prélè- sée aux salariés proportionnelle à e t c e u x q u i n e so n t p a s e n C D I. vement indirect sur les biens de consommation et les services, acquittée par l’ensemble des salaires versés tout R a p p e l o n s q u e 4 0 % d e s sa l a - l’ensemble des consommateurs. au long du contrat de travail. riés ont un contrat précaire. C ’ e st d o n c u n e q u e st i o n d e Il existe aujourd’hui en France trois taux de TVA : normal à 19,6%, réduit, à L’abandon du CDD et la création j u st i c e so c i a l e a va n t t o u t . » 7% et très réduit à 2,1%. Comme on le sait, l’idée de la TVA sociale est de d’un nouveau contrat unique, allé- — transférer sur la consommation une partie des charges patronales au titre geant pour les PME les obligations J E A N - R E N É B O ID R O N , de la protection sociale. L’augmentation des prix des produits de consom- de reclassement, l’assouplisse- Dirigeant de DL Santé et mation et des services serait compensée par un abaissement du coût du ment des plans de sauvegarde de co-président de la commission travail. Le gouvernement a décidé de mettre en vigueur un tel mécanisme l’emploi, constitueraient un pro- Sociale et Emploi de dès l’automne prochain, en augmentant le taux de TVA normal de 1,6 points grès important. Il existe en France CroissancePlus pour le porter à 21,2%, soit dans la moyenne des taux de TVA en Europe.
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    19 Quel nouveau contratsocial Adapter pour la France ? — Il fa ut r e pose r l a que sti on de c e qui doi t ê tr e fi na nc é pa r l ’e ntr e pr i se e t l e tr a va i l d’un c ôté , e t pa r l a sol i da - les modes r i té na ti ona l e de l ’a utr e . Se l on m oi , l e fi na nc e m e nt du c hôm a ge e t de s r e - de repré- tr a i te s doi t ê tr e a ssur é pa r l e s e ntr e - pr i se s. E n r e va nc he , l a pol i ti que fa m i - sentativité l ia l e e t l a sa nté doi ve nt ê tr e pr i se s e n cha r ge pa r l a sol i da r i té na ti ona l e . À du personnel te r m e , i l fa udr a a r r ê te r de di sti ngue r l es pr e sta ti ons sa l a r i a l e s e t pa tr o- Le taux de syndicalisation en France Mais on peut aussi financer la pro- L a t o t a l i t é d e l a p o l i t i q u e fa - na l e s. L a TVA di te soc i a l e , qui fe r a l a a été divisé par trois en l’espace de tection sociale par l’impôt, notam- mi l i a l e f r a n ç a i se n e p e u t ê t r e ba sc ul e de c e r ta i ne s c oti sa ti ons so- trente ans, et ne dépasse pas en ment par le biais de la CSG. f i n a n c é e p a r l e se c t e u r p r i vé . ci a l e s ve r s l a TVA , de vr a i t pe r m e ttr e moyenne 7% des salariés. Un taux C ’ e st u n e a b e r r a t i o n . L a T VA - d’a bol i r c e tte di sti nc ti on. » qui se réduit encore comme peau de En tout état de cause, la France c o mp é t i t i vi t é e st u n p r e mi e r — chagrin dans le secteur privé pour ne peut plus se permettre de faire p a s p o u r l e s e n t r e p r i se s q u i T H I E R RY M A G I N , plafonner à 5%. l’économie de réformes profondes so n t e n c o n c u r r e n c e d i r e c t e Dirigeant de MCR Consultants concernant le financement de son a ve c l e s p a ys é t r a n g e r s, ma i s À l’heure où le modèle écono- modèle social. Force est de consta- a u ssi p o u r l e s P M E q u i œ u vr e n t L a TVA e m pl oi doi t de ve ni r une pr i or i - mique et social allemand semble ter qu’une réflexion de ce type est u n i q u e me n t su r l e t e r r i t o i r e t é pour l a F r a nc e : ba i sse r l e s c ha r ge s devenir une référence européenne, en cours dans la plupart des pays national. Ave c cette T VA - pa tr ona l e s pour a l l é ge r l e c oût du CroissancePlus affiche sa volonté européens. c o mp é t i t i vi t é , j e d e vr a i s a vo i r t r a va i l e t di m i nue r l e s c ha r ge s sa l a - de réinventer le dialogue social au l a p o ssi b i l i t é d ’ e mb a u c h e r. » r i a l e s pour a ugm e nte r l e sa l a i r e ne t sein des PME françaises, et de sor- — de nos c ol l a bor a te ur s. C’ e st a ussi tir notre pays d’une singularité qui le E M M A N U E L G R IM A U D, gr â c e à c e tte m e sur e que nous pour- distingue de ses voisins européens. Dirigeant de Maximis Retraite r ons da va nta ge e m ba uc he r. » Pour les dirigeants d’entreprises et co-président de la commis- — innovantes, la qualité du dialogue sion Sociale et Emploi N I CO L A S B E R G E R A U LT, qui s’instaure entre un chef d’entre- de CroissancePlus D i r i ge a nt de L ’a te l i e r de s Che fs prise et ses équipes sera la clé des prochains changements dans le monde du travail, voire de la nature même des négociations entre les partenaires sociaux, l’Etat et les entreprises. Comment permettre aux salariés du secteur privé de renouer avec l’idée même du syndicalisme ? Pour certains chefs d’entreprise, l’une des réponses pourrait être le « tous syndiqués ». L’obligation d’adhé- rer à un organisme syndical bou- leverserait la donne et permettrait d’atteindre un taux de syndicalisa- tion qui, en Suède ou en Finlande, se situe autour des 70%, d’après Emmanuel Grimaud, Dirigeant de Maximis Thierry Magin, Dirigeant de MCR Consultants Nicolas Bergerault, Dirigeant de L’atelier des Retraite et co-président de la commission Sociale (DR) Chefs (DR) les statistiques de l’OCDE. Une telle et Emploi de CroissancePlus(DR) mesure, à l’image du vote obliga-
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    21 Quel nouveau contratsocial pour la France ? — toire belge, engendrerait des muta- sans que l’on casse les effets de Enfin, la participation de délégations tions profondes. En augmentant la seuil et que l’on réforme le statut des uniques aux conseils d’administra- représentativité syndicale en France, salariés protégés s’agissant notam- tion doit être systématisée et éten- le dialogue social au sein des entre- ment des syndicalistes qui devraient due. Il est à noter que la 7ème édi- prises montrerait un autre visage, et avoir le même statut, en cas de tion du baromètre CroissancePlus / permettrait de responsabiliser les licenciement, que les autres salariés Astorg Partners, publiée en Janvier salariés et leurs représentants. Par la de l’entreprise, comme c’est le cas 2012, montrait que, malgré une suite, les syndicats, porteurs d’une en Allemagne, par exemple. période économique difficile, les « volonté générale » des salariés, entrepreneurs estimaient dans leur auraient à cœur de voir aboutir les C r é e r d e l a c r o i ssa n c e , g é n é r e r grande majorité que le climat social négociations auprès des pouvoirs d e s e mp l o i s, p a sse p a r u n d r o i t ne s’était pas enlisé. publics ou des organisations patro- d u t r a va i l p l u s so u p l e p o u r l e s nales. Mais ce « grand soir » syndical e n t r e p r i se s. M a i s c e t t e so u - Au sein des PME françaises, ce cli- et cette recherche d’un consensus p l e sse se r a i mp o ssi b l e à i n s- mat dépendra essentiellement du à l’allemande, trop éloigné encore t a u r e r sa n s d e s syn d i c a t s p l u s dialogue entre dirigeants et colla- de la culture française, prendra du r e p r é se n t a t i f s e t so u c i e u x d e borateurs, entre représentants des Hélène Saint-Loubert, Dirigeante de Grenade temps. l ’ i n t é r ê t g é n é r a l . Il fa u d r a i t salariés et employeurs. & Sparks (DR) p e u t - ê t r e p r o p o se r q u e l ’ e n - À plus court terme, on pourrait faire se mb l e des sa l a r i é s so i e n t , en sorte que la relation avec les c o mme e n S u è d e , syn d i q u é s Dans sa forme actuelle, le syndicalisme D a ns c e r ta i ne s e ntr e pr i se s, représentants du personnel relève d’office. » bloque le dialogue social dans les en- j ’a i r e m a rqué que bi e n sou- d’abord du bon sens avant la fixation — treprises françaises. Pourtant, ces ve nt l e di a l ogue soc i a l é ta i t de règles par la loi, car le besoin est S YLVA IN B IA N C H IN I, échanges sont vitaux. Une grande partie fa c i l i té pa r la pa r ti c i pa ti on variable selon les entreprises. Dans Dirigeant de No valto de nos problèmes serait résolue si le de s r e pr é se nta nts du pe r son- cet esprit, CroisssancePlus milite chef d’entreprise avait toujours la pos- ne l a ux c onse i l s d’a dm i ni s- pour fixer à une par trimestre la fré- sibilité d’expliquer sereinement ses tr a ti on. L e ur pr é se nc e pe r m e t quence des réunions avec les repré- choix et ses orientations à ses collabo- une vé r i ta bl e tr a nspa r e nc e , i n- sentants du personnel, pour fusion- rateurs, pour les motiver et leur donner d i s p e n s a b l e dans notre société ner le Comité d’entreprise avec le toujours plus envie de se mobiliser pour d’information. » CHSCT, pour étendre à l’ensemble leur entreprise. En dehors du temps de — des PME et des ETI la possibilité t r a va i l , l a q u e s t i o n c e n t r a l e p o u r u n e TH I E R RY TI M SI T, de la Délégation unique du person- entreprise, c’est aussi l’intérêt que Dirigeant d’Astorg Partners nel, pour limiter le nombre d’élus peut susciter un dirigeant auprès de ses par rapport au nombre de salariés, équipes. » et enfin, pour faire en sorte que les — contestations soient encadrées au HÉLÈNE SAINT-LOUBERT, sein de dispositifs plus clairs. Dirigeante de Grenade & Sparks Enfin, il ne saurait y avoir de réforme de la représentativité des salariés Sylvain Bianchini, Dirigeant de Novalto (DR)
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    23 Les chiffres-clé dumodèle social — En France — Selon les derniers chiffres disponibles, En Europe — La proportion de ces populations fra- la structure de la consommation des gilisées varie d’un pays de l’Union ménages en France se répartit ainsi : Européenne à l’autre. Les taux de risque La part des dépenses de santé dans le En milliards d’euros, source : INSEE, 2010 Selon la dernière étude publiée par de pauvreté les plus élevés se situent en PIB, s’élève à 11,2% en France, contre Eurostat et rendue publique le 8 février Bulgarie (42%), Roumanie (41%), Lettonie Logement, 10,5% en Allemagne, 9,9% aux Pays- électricité, chauffage 266 2012, 115 millions de personnes dans (38%), Lituanie (33%), Hongrie (30%). Les Bas, 8,7% au Royaume-Uni. Produits alimentaires l’Union Européenne, soit 23,4% de la plus faibles se trouvent en République 140 Source : OCDE, 2010 et boissons non population totale étaient menacées de Tchèque (14%), Suède et Pays-Bas (15%), alcoolisées Tabac, boissons pauvreté ou d’exclusion sociale, à la Autriche, Finlande et Luxembourg (17%). 30 12 alcoolisées fin 2010. Dans le langage d’Eurostat, FR. cela signifie que ces personnes étaient Articles d’habillement AL. 40 10 NL. et chaussures confrontées à au moins l’une des trois AUTRICHE, FINLANDE, LUXEMBOURG BULGARIE ROUMANIE G.-B. Entretien et équipement formes d’exclusion suivantes : 50 63 LETTONIE du logement 8 1 / Risque de pauvreté (c'est-à-dire LITUANIE Santé 36 40 HONGRIE 6 vivant dans un ménage disposant d’un RÉPUBLIQUE TCHÈQUE Transports revenu équivalent-adulte inférieur au seuil SUÈDE, PAYS-BAS Achats de véhicules (40) 153 4 Utilisation / entretien des véhicules (92) de pauvreté qui est fixé à 60% du revenu 30 Communications médian national) ; 29 2 20 Loisirs et culture 2 / Situation de privation matérielle 97 % grave (conditions de vie limitées par un 10 Education 8 manque de ressources et privées d’au moins 4 des 9 éléments suivants : payer Hôtels, cafés 65 un loyer, rembourser un prêt immobilier à % et restaurants temps, chauffer correctement leur domi- cile, faire face à des dépenses imprévues, Taux de rique de pauvreté, fin 2010 La structure fiscale au sein des pays consommer de la viande, du poisson ou de l’OCDE se répartit ainsi : un équivalent de protéines tous les deux Il est à noter que 21% des Espagnols sont En pourcentage des prélèvements obligatoires jours, s’offrir une semaine de vacances menacés de pauvreté monétaire et que Source : OCDE, 2010 en dehors de leur domicile, posséder une 13% des Britanniques et des Belges vivent voiture personnelle, un lave-linge, un télé- dans des ménages à très faible intensité de viseur couleur ou un téléphone fixe ou travail, contre 6% des Luxembourgeois, 26 21,5 17,4 portable) ; des Suédois et des Tchèques… 38 37,6 36,4 25,1 52,4 37,2 3 / Vivant dans des ménages à très Et selon Eurostat, ce sont 11,7 millions de faible intensité de travail (ménages dans Français, soit 19,3% de la population qui Allemagne Danemark Espagne Etats-Unis France lesquels les adultes ont utilisé moins de se trouvaient confrontés au risque de pau- 20% de leur potentiel de travail au cours vreté ou d’exclusion sociale à la fin 2010. de l’année passée). (Sources : Eurostat, février 2012) 20 Impôts sur le revenu 17,7 27,9 24,8 29,8 Impôts sur les sociétés 38,6 Côtisations sociales Impôts sur le patrimoine Irlande Japon Suède
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    26 Le grand entretien — François Dupuy : « Moins de procédures, plus de confiance et de simplicité. » Le « contrat social » n’est pas le seul élément qui rend une entreprise performante. Son organisation, ses procédures, sa culture, sa capacité à faire travailler les hommes ensemble, la façon dont s’exerce l’autorité sont des éléments-clefs de la performance de l’entreprise. Ce sont des mécanismes difficiles à démonter et encore plus difficiles à modifier. Pour le Petit Journal de Campagne, François Dupuy partage sa réflexion, ses obser vations et ses analyses sur le fonctionnement des entreprises et sur la façon de le rendre plus souple et plus adapté aux nouvelles règles de la compétition économique. / Le Petit Journal de Campagne : relâche. Dans de nombreuses entre- Tout le monde est d’accord sur ce prises, le problème est plutôt de constat : la compétitivité d’un pays reconstruire une maîtrise de la direc- dépend de celle de ses entreprises. tion sur l’organisation. Or, l’entreprise est un monde très particulier. En théorie, elle serait le / LPJC : Les dirigeants disposent François Dupuy lieu de l’autorité, du pouvoir vertical, de la performance. Mais vous sem- blez dire que la réalité est beaucoup pourtant de nombreux outils, de procédures de contrôle, de modes d’organisation pour s’assurer de Le fin connaisseur plus complexe… l’efficacité de l’entreprise… des entreprises et / François Dupuy : En effet, lorsqu’on / F. D. : Parlons-en, justement. l’observe sur le terrain, l’entreprise On a cru longtemps que le travail des organisations d’aujourd’hui est très éloignée de séquentiel, segmenté, constituait cette image un peu dictatoriale. La une réponse à l’efficacité d’une compétition organisation. En réa- François Dupuy, chercheur, professeur, consul- qui s’accentue, L’entreprise lité, cette forme de tra- tant, est l’un des experts les plus reconnus, en la complexité d’aujourd’hui vail protège davantage France et aux Etats-Unis (où il a beaucoup ensei- des process, est loin de cette l’organisation qu’elle ne gné et travaillé) de l’organisation des entreprises. la multiplica- produit d’efficacité pour image dictatoriale. » Il a écrit de nombreux ouvrages, dont le dernier tion des infor- le client. Dans l’organi- en date Lost in Management a connu un beau suc- mations dont il faut disposer pour sation « en silo », dont on parle tant cès. Il y analyse avec une grande finesse les tra- prendre des décisions, les multiples aujourd’hui, surtout pour essayer de vers des modes managériales et esquisse ce que procédures de « reporting », font que la remettre en cause, aucun membre pourrait être l’entreprise de demain. l’autorité se dilue, que le contrôle se de l’organisation n’est comptable du
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    27 Le grand entretien résultat final. Si l’on pousse le para- cela revient à remplacer l’autonomie les uns avec les autres et laissent / LPJC : Ce que vous décrivez là colle doxe jusqu’au bout, ce type d’orga- par la dépendance, à créer de la ainsi les acteurs libres de décider de davantage à des entreprises de taille nisation vise non pas à mettre le confrontation là où il n’y avait que de ce qu’ils doivent appliquer ou non… moyenne qu’à de grandes organisa- client au centre des préoccupations la neutralité. Ce qui ne manque pas de sel… tions… de l’entreprise, mais à le repousser aux marges, à se protéger de lui et C’est parce que la coopération n’est / LPJC : Quelle est l’alternative aux / F. D. : Je ne sais pas. Je vois des de la pression qu’il peut exercer sur pas un comportement naturel qu’il a faiblesses que vous signalez ? Est-il PME fonctionner comme des admi- l’entreprise, puisqu’en cas de pro- fallu la créer, l’imposer, en mettant possible de fonctionner autrement ? nistrations et certaines grandes blèmes, personne, au sein de l’orga- en place des processus toujours entreprises conserver un esprit de nisation ne peut être identifié comme plus nombreux et compliqués. / F. D. : Je le crois. La vie quotidienne « pionnier ». Ce que je crois, c’est « responsable ». Mais ce n’est pas des entreprises n’est pas faite que que le moment de vérité d’une tout : l’organisation traditionnelle C’est ce qui crée ce que j’appelle de de processus, de contrôles ou de entreprise est le passage d’un père en « silo » offre une autre protection, la « paresse managériale », lorsque bureaucratie. Certaines organisa- fondateur ou d’un dirigeant charis- encore plus précieuse, notamment les processus ou les procédures tions ont fait des choix différents, matique, ce qui est souvent le cas pour les cadres. Protégés par des finissent par occulter la réalité du sans qu’il soit d’ailleurs toujours d’entreprises récentes, à un mana- cloisons bien étanches, ils n’ont pas travail et lorsqu’on compte trop sur possible d’expliquer pourquoi. gement « normalisé ». Travailler dans à « coopérer » avec les autres, leurs les individus, les fameux « leaders », une organisation « floue », et a fortiori collègues, les services voisins. pour pallier les défaillances organisa- La confiance est la diriger, est quelque chose qui se tionnelles. J’ajouterai l’opposé de « sent », et ceux qui le sentent ainsi / LPJC : Pourtant, que la persistance ne sont pas majoritaires, loin s’en cette notion de La coopération des « silos » produit la bureaucratie faut. Les autres entendent mettre de coopération est n’est pas un aussi des résultats procédurière. » l’ordre dès leur arrivée, reprendre les présente dans la singuliers dans le choses en main, redéfinir les rôles, plupart des livres comportement processus de déci- Certaines entreprises ont du garder introduire de la clarté, et les consul- de management… naturel ou sion : il est long et leur souplesse initiale et en font un tants sont là pour les y aider. On spontané dans chaotique et l’appli- facteur clé de succès. Sans doute peut déjà anticiper les effets réels / F. D. : Je le sais, cation de ces déci- leurs dirigeants ont-ils joué un rôle produits par cette approche. mais c’est un les situations sions est aléatoire. crucial dans la préservation de cette leurre. Dans notre quotidiennes Les acteurs de la souplesse et de cette sagesse. / LPJC : Quelles conclusions tirez- univers mental, la décision se surpro- Je mettrai volontiers de côté tous vous de l’observation des entre- de travail. » coopération véhi- tègent, ils consultent les discours sur le leader et le lea- prises qui ont su garder la souplesse cule une connota- tout le monde dership, au profit de cette simple dont vous parlez ? tion très positive : celui qui coopère, jusqu’au moment où ils pensent avoir observation : un dirigeant est d’au- c’est celui qui est ouvert aux autres, obtenu un fragile consensus, ce qui tant plus fort qu’il fait confiance et il / F. D. : En la matière, il n’existe pas qui n’a rien à cacher, qui accepte alourdit encore la prise de décision fait d’autant plus confiance qu’il est de modèle tout fait. Chaque culture volontiers de se « découvrir » au car les cadres doivent se demander fort. La confiance est l’opposée de la d’entreprise est spécifique, et il bénéfice du résultat obtenu et de en permanence s’ils ont bien informé bureaucratie procédurière. faut se garder des généralisations. l’intérêt général. En fait, dans l’uni- et consulté tout le monde, s’ils ont Comment caractériser ces organisa- vers de l’entreprise, cette notion a bien lu tous les courriels qui leur Il faut être sûr de soi, des hommes tions nouvelles qui paraissent plus pris une dimension presque idéolo- ont été envoyés, (un exercice épui- que l’on a choisi, mais surtout des adaptées à l’évolution actuelle de la gique, alimentée aussi bien par les sant mentalement si l’on veut bien règles du jeu que l’on a fait émerger compétition économique ? Le pre- business schools que par les grands y penser), afin de bien « sécuriser » dans son organisation, et être per- mier point-clé est l’énergie qu’elles cabinets de conseils. En réalité, la leur décision. Et paradoxalement, le suadé que cette double certitude mettent à rechercher les solutions coopération n’est pas un compor- délire des processus, des reportings assurera un fonctionnement moins les plus intégrées pour le client. La tement naturel ou spontané dans et des indicateurs finit par recréer rassurant peut-être, mais plus per- vente « sèche » de produits est à les situations quotidiennes de tra- des zones de liberté pour les salariés formant que ce qui est écrit dans les son crépuscule, comme le montre vail. Pour ceux qui sont concernés, tant ils deviennent contradictoires manuels de management. le passage du téléphone portable
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    29 Le grand entretien au smartphone. La notion de solu- permet vraiment de créer des « com- tion fait éclater les organisations munautés d’intérêt ». traditionnelles, qui en sont restées à l’individualisation, à la défense des / LPJC : C’est une question que se territoires et au respect strict des posent beaucoup d’entrepreneurs. hiérarchies. Comment créer ces communautés dans la vie quotidienne des entre- La transversalité prises ? ne doit pas être / F. D. : Ma conviction est qu’il faut appréhendée travailler sur des modes de ges- comme un pro- tion humaine ou financière qui vont favoriser l’émergence de ces com- cessus de plus. » munautés et non pas seulement La question n’est plus de respecter entretenir un souhait, même s’il faut un certain formalisme ou d’obéir aux briser au passage quelques canons règles de la bienséance, mais de de « bonne gestion ». mettre en réseau le plus rapidement possible les compétences néces- / LPJC : Par exemple ? saires à l’élaboration d’une réponse satisfaisante au client, et ce, où que / F. D. : Par exemple, en acceptant ces compétences se trouvent. Ce de compter plusieurs fois la même qui s’impose au cœur de ces nou- chose. Je vois d’ici les directeurs velles organisations, ce n’est plus le financiers se dresser sur leur siège « silo » mais la transversalité. et hausser les épaules. Et pourtant, comment peut-on vouloir qu’un / LPJC : Une procédure de plus, en grand nombre d’acteurs travaillent somme… ensemble pour élaborer des solu- (DR) / F. D. : Non. La transversalité ne doit L’axiome qui pas être appréhendée comme un gâteau soit la plus grande. Il faut plus prévisible, qui permet de se fier veut que “tout processus de plus. En réalité, elle donc accepter ce que les financiers un peu plus à l’autre, sans avoir à dépend de la capacité de l’entre- ce qui a été dit, appellent le « comptage multiple » passer par des procédures ou des prise à générer les comportements décidé ou affirmé ou d’autres modes de calcul qui processus qui complexifient bien coopératifs non par la contrainte donneront aux acteurs l’envie de plus qu’ils ne simplifient. L’enjeu est ou la rhétorique morale, mais par sera fait” relève faire croître toujours plus la taille du de faire travailler les Hommes autre- sa connaissance des ressorts de selon moi gâteau. Tout cela replace au premier ment, à croire en eux, à redécouvrir l’action collective, ceux qui vont de l’irresponsa- plan la question de la confiance, les vertus de la confiance et de la faire que les acteurs auront « inté- donc celle des règles du jeu, donc simplicité. rêt » à travailler ensemble. Sur cette bilité. » celle de l’éthique. Il ne s’agit plus de question centrale, il faut abandon- tions toujours plus complexes demander aux acteurs « de ne pas François Dupuy est notamment ner les modes managériaux ou les pour les clients tout en leur disant faire n’importe quoi pour développer l’auteur de Lost in Management, la proclamations abstraites. L’axiome que chacun n’aura qu’une part du le business », posture hypocrite dans vie quotidienne des entreprises au qui veut que « tout ce qui a été dit, gâteau, calculée au plus juste ? Si un monde où les rémunérations sont XXI ème siècle (Le Seuil, 2011). décidé ou affirmé sera fait » relève l’on pratique de la sorte, on ferme de plus en plus individualisées. selon moi de l’irresponsabilité. Il le jeu plutôt que l’ouvrir, et cha- faut aller plus loin dans les solutions cun n’aura de cesse que d’exclure Il s’agit plutôt de créer un environ- Propos recueillis par Le Petit Journal innovantes et se demander ce qui des « convives » afin que sa part du nement de travail moins incertain, de Campagne
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    30 31 Le syndicalisme, une idée neuve ticulier les travailleurs des secteurs les plus exposés. Dans le régime nordique, l’investissement dans le travailleur tout Le Nouvel Economiste, au long de la vie n’est pas un vain mot. Bref inventaire de ce qu’un entrepeneur doit 19 janvier 2012 — « Donnez une subvention et le travail- leur mangera quelques jours, donnez savoir par les temps qui courent... « Il n’est pourtant pas temps de mener une vraie formation et il travaillera tou- de façon expéditive le procès “antisyn- jours », pour paraphraser un célèbre dic- dical” car jamais sans doute le besoin ton chinois. Ce système va de pair avec de syndicats ne s’est fait sentir aussi fort l’emploi jusqu’à 67 ans pour la grande LU POUR VOUS et une croissance continue, pour cette entreprise qui emploie plus de 400 dans un contexte de crise économique aigüe et d’accélération de la dissolution majorité de la population, et l’intégration des jeunes dans le monde du travail dès personnes. A la tête de la firme cali- des liens sociaux. Ce dont souffre la l’âge de 18 ans. La stratégie française L’entreprise fornienne, le président-fondateur Chris France, ce n’est pas d’un syndicalisme consiste, quant à elle, à rendre la vie Rufer. trop fort qui développerait sa capacité hors du travail tout à la fois possible et sans chefs ? de nuisance mais au contraire d’un syn- même plutôt agréable par rapport aux Entre lui et ses employés “de base”, dicalisme trop faible. Seul un syndica- tensions, anxiétés, humiliations vécues aucun échelon hiérarchique. Alors, lisme fort et responsable peut contri- par le travailleur. » Lexpress.fr, 12 janvier 2012 — comment fonctionne cette entreprise buer aux changements nécessaires singulière ? Sans encadrement, chaque en relayant les aspirations des salariés « Imaginez une entreprise sans hié- salarié est responsable de sa propre dans un souci d’équilibre. Pourquoi pas L’ère des talents rarchie, dans laquelle vous seriez, au mission, et de l'acquisition des moyens en France ? » même titre que vos collègues, votre et des coopérations nécessaires. propre patron. Pas de chefs, de titres ou Comment naviguer à travers de promotions. Chaque employé dépen- Aucune limite de prix n'est fixée au Les classes l’ère des talents, étude de serait l'argent de la compagnie et serait personnel quant à l'achat de matériel. ManpowerGroup, Janvier 2012 — responsable de l'achat de ses outils de En contrepartie, chacun doit justifier moyennes travail. Utopique ? Gary Hamel, expert annuellement auprès de ses pairs du « La grande transformation. C’était le américain en management et profes- retour sur investissement de ses acqui- françaises thème de la 42e édition du Forum éco- seur invité à la London Business School, sitions et réaliser le bilan de ses perfor- nomique mondial (WEF), qui s’est tenue semblait tout aussi incrédule avant de mances. sont écartelées fin janvier à Davos, en Suisse. La mon- visiter une entreprise hors-norme : la tée inquiétante du chômage en Europe a Morning Star Company. Provocant, il Le système fonctionne “car il y a un également animé une partie des débats. relate cette expérience dans la presti- fort engagement des employés dans Entretien avec Louis Chauvel, Pour retrouver la voie de l’emploi et de gieuse Harvard Business Review, sous les valeurs de l'entreprise, une impli- pour le magazine Books, la croissance, ManpowerGroup a publié un titre à hérisser les cheveux du pre- cation de chacun”, explique Maurice 23 janvier 2012 — pour l’occasion Comment naviguer à mier chef venu: “Commencez par virer Thévenet, professeur au CNAM et à travers l'ère des talents. Cette étude tous les managers”. Essec Business School. “C'est là le « La réponse américaine à la globalisa- propose aux employeurs d’un monde véritable enseignement de ce concept. tion (la concurrence marchande) a en qui “bifurque” de parier sur la flexibilité Morning Star, leader américain de Les entreprises actuelles devraient s'en effet deux grands concurrents, grands du travail et de se mettre en quête des la sauce tomate, n'a pas à rougir de inspirer”, conclut-il, sans pour autant par l’esprit sinon par la taille. La stra- “talents”. Autrement dit, ces perles ses résultats économiques : 700 mil- conseiller d'adopter le système de l'en- tégie suédoise consiste à re-former les rares aux compétences particulières, lions de dollars de chiffre d'affaires treprise sans chefs. » adultes tout au long de la vie, en par- jeunes employés mobiles soutenus 02. 2012
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    32 33 a mené en 2011 une grande enquête Réduire auprès de 6 000 auditeurs. Le fruit de cette étude donne lieu à une publica- par un chef d’entreprise soucieux de les inégalités tion, mise en valeur par les analyses sa responsabilité sociale. Pour Jeffrey d’une sociologue (Dominique Méda), A. Joerres, PDG de ManpowerGroup, d’un psychiatre (Patrick Légeron) et d’un “business model” et systèmes sociaux « Nous devons revitaliser la croissance philosophe (Yves Schwartz). sont à revoir. Les sociétés devront ainsi (…) Comment ? Deux ingrédients sont repenser leur façon d’évaluer, de recru- essentiels : d’abord, nous avons besoin De cette enquête émane certains ensei- ter, mais aussi de récompenser ces de plus d’innovation et de productivité gnements passionnants. Pour près de employés du XXIème siècle. La “grande dans le monde industriel. Il faut pour 50% des sondés, le travail idéal devrait transformation” est en marche et doit cela donner aux entrepreneurs le droit permettre de « continuer à apprendre ». permettre de démultiplier le potentiel de d’être mobiles, d’innover, de créer de À l’heure où il est question, pour les chaque collaborateur. » nouvelles sociétés. Nous devons nous employeurs comme pour les salariés, assurer que nous ne détruisons pas d’agilité et d’adaptation face au nou- notre environnement. Ensuite, il faut faire veau monde du travail, 57% des per- VERBATIM en sorte que les travailleurs s’adaptent à des emplois qui seront amenés par sonnes interrogées se disent prêtes à changer de ville pour trouver un emploi l’innovation. Un partenariat entre le gou- « intéressant ». Soutenir le prochain vernement, l’industrie et le monde du travail me semble très important. C’est L’enquête esquisse le portrait de sala- Dominique Goux et Eric Maurin Steve Jobs quelque chose que nous avons négligé, riés français qui comptent sur eux- surtout aux Etats-Unis. (…) Si vous ras- mêmes pour assurer leur bien-être au Centre de gravité semblez ces deux ingrédients – l’inno- travail (73,8%), plutôt que sur les syn- « Une économie faite pour durer est une vation et la capacité d’adaptation des dicats (12,1%) ou les formations poli- cherche équilibre économie où le talent et l’ingéniosité de travailleurs – vous avez une chance de tiques (1,6%). chacun sont encouragés. Cela signifie réduire les inégalités ». qu’à travail égal, les femmes devraient À quelques semaines de l’élection prési- À l’heure où les classes moyennes être rémunérées comme les hommes. Raghuram Rajan, professeur dentielle, les auditeurs de Radio France deviennent l’un des enjeux majeurs de la Cela signifie que nous devrions soute- d’économie à l’Université confirment une certaine défiance à campagne pour les élections présiden- nir tous ceux qui sont prêts à travailler, de Chicago, édition du Time, l’égard du pouvoir politique. Que ce soit tielles, Dominique Goux et Eric Maurin et chaque entrepreneur qui veut deve- 6 février 2012 — pour l’amélioration des conditions de esquissent le portrait d’une catégorie nir le prochain Steve Jobs. Après tout, travail, la baisse du chômage ou la lutte aux multiples visages. l’innovation a toujours été au cœur des contre les délocalisations, près de 80% Etats-Unis. La plupart de nos nouveaux des sondés répondent que « les poli- « Ces nouvelles classes moyennes se emplois sont créés dans des start-up tiques » sont impuissants. caractérisent par trois traits fonda- ou des petites entreprises. Aidons-les mentaux », écrivent les auteurs : « leur à réussir en inscrivant leurs enjeux à Collectif — Et lorsque l’on demande à ces Français dynamisme, leur centralité sociale, leur l’ordre du jour. Démolissons les règles ce qui les pousserait à créer leur propre position d’arbitre ». Premier enseigne- qui empêchent des entrepreneurs à Dessiner le travail entreprise, 48% invoquent un surcroît ment de l’ouvrage, la définition des trouver les financements pour grandir. » d’indépendance. classes moyennes fluctue au fil du du XXI ème siècle temps. Nommées « petite bourgeoisie » Barack Obama, Président des au XIXème siècle, à savoir les actifs non Etats-Unis, lors de son Discours Quel travail voulons-nous ? salariés, elles mutent au XXème siècle sur l’état de l’Union, Pour éviter que le travail ne devienne en La grande enquête, face à l’ascension du salariat. En 2012, 24 janvier 2012 — France le « mal du siècle », Radio France édition Les Arènes, 2012 — les deux sociologues prennent le parti 02. 2012
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    34 35 DÉBATS MANAGEMENT d’une définition sociologique et écono- Les modèles sociaux Aux Etats-Unis, les prix les moins chers. Démarche intéres- mique de ce « centre de gravité de la sante mais qui s’est heurtée au problème société ». Le « salariat intermédiaire », européens à l’As- les entreprises de l’information. Lorsque les salariés de GE à savoir les artisans, les commerçants, ont commencé à demander les prix des les professeurs d’écoles ou encore cer- semblée nationale s’impliquent traitements et des interventions à leurs tains cadres de la fonction publique, médecins, ces derniers ont été médusés serait ainsi la matrice d’une catégorie dans la baisse par cette attitude car eux-mêmes n’avaient qui représente 30% de la population Le 31 janvier dernier, l’Assemblée natio- aucune idée de la façon dont ces coûts française. Second enseignement, les nale était plus que jamais dans l’air du des coûts de la santé étaient pris en charge par l’assurance et à classes moyennes ne disparaissent temps. Au lendemain de l’intervention quelle hauteur. La réforme de la santé de pas, bien au contraire. Ce livre prend ici télévisée du chef de l’Etat et d’une Barack Obama oblige maintenant les hôpi- le contre-pied des idées de Jean-Marc déclaration commune des membres du Il n’y a pas qu’en France que les coûts de la taux à établir chaque année une liste de prix Vittori. Conseil européen en faveur de l’em- santé constituent une préoccupation standards et plus de trente Etats ont pris ploi et d’un retour de la croissance en majeure pour les assurés, les entreprises et des mesures pour favoriser la transparence En 2009, l’éditorialiste prophétisait dans Europe, se tenait au Palais Bourbon un l’Etat. Les Américains dépensent chaque des tarifs. L’effet sablier la compression, voire débat sur les « performances des poli- année environ 2 600 milliards de dollars Mais l’idée qu’un assuré puisse faire son l’effacement des classes moyennes, tiques sociales en Europe ». Faisant pour leur santé, ce qui représente 18% du « shopping » de soins et aille au meilleur soumises à une révolution de l’infor- suite à un rapport d’information sur PIB. Or, ils n’ont aucune idée des prix des rapport qualité-prix doit encore faire son mation qui favorisait les classes supé- le sujet remis en décembre 2011 par traitements ou des opérations chirurgi- chemin. Du coup, les entreprises s’ad- rieures. Dominique Goux et Eric Maurin les députés Michel Heinrich (UMP) et cales, dans un pays où ces prix varient joignent des conseils. GE a ainsi demandé n’éludent pas pour autant le grand para- Régis Juanico (PS), ces échanges ont beaucoup d’un établissement à l’autre. à la firme d’information financière Thomson doxe des classes moyennes. Entre désir permis d’aborder la question des poli- Une étude du Massachusetts Division of Reuters d’analyser les prix d’un certain d’ascension sociale et peur du déclas- tiques publiques familiales. Les députés Health Care Finance and Policy citée par nombre de traitements et de procédures sement, leur rôle de « noyau stable » est à l’origine du rapport reprennent ainsi The Economist montre que le remplace- dans différents hôpitaux et cliniques. soumis à de fortes tensions. quelques grandes thématiques mises en ment d’une hanche varie de 20 à 27 000 lumière par l’économiste danois Gøsta dollars et une césarienne de 5 à 10 000 dol- Une autre société, Castlight Health, en Le mal-être des classes moyennes, Esping-Andersen, et liées aux modèles lars. Californie, travaille avec de grandes entre- concluent les sociologues, ne pourra socio-démocrates scandinaves : des prises et rassemble des données sur le coût trouver sa cure que par l’action d’un politiques sociales favorisant l’égalité Pourtant, au cours des dix dernières de traitements ou d’opérations déjà réali- Etat-providence, qui ne fera pas de entre femmes et hommes face au tra- années, les dépenses de santé aux Etats- sés, de telle sorte que les assurés puissent la fiscalité ou des transferts sociaux, vail ; la valorisation de chaque nais- Unis ont eu tendance à croître à un rythme comparer et accéder en ligne à des com- un marqueur d’injustice aux yeux des sance par l’Etat-providence ; l’investis- moins rapide qu’auparavant. Ce qui montre mentaires sur le rapport coût-efficacité. Français les plus courtisés du moment. sement dans les services d’avenir que une attention plus grande portée par les Certes, les entreprises éprouvent des diffi- sont les services à la personne ; l’éga- « consommateurs » de soins à la qualité et cultés à révéler les accords financiers Les nouvelles classes moyennes, lité des chances dans le domaine de au prix de « l’offre » qu’on leur propose. qu’elles ont conclus avec les établisse- Seuil, 2012 — l’éducation, et ce dès le plus jeune âge. ments de soins, mais la transparence La plupart des salariés américains sont gagne peu à peu du terrain. De grandes Face aux modèles scandinaves, ainsi couverts par une assurance santé au tra- compagnies d’assurance travaillent sur de que le résume le député Régis Juanico, vers de leur entreprise. Et ces dernières nouveaux outils et l’on entrevoit déjà le jour le rapport remis en décembre 2011 vise commencent à sensibiliser leurs salariés où les consommateurs utiliseront leur « à offrir plus de temps de famille aux sur les coûts de la santé. General Electric smartphone pour entrer les symptômes, pères mais aussi de meilleures opportu- propose depuis 2010 un plan « consumer- trouver des médecins compétents, com- nités de carrières aux mères » en France. driven » et incite ses salariés à rechercher parer leurs tarifs et prendre un rendez-vous. 02. 2012
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    36 37 Les « Trente-six Stratagèmes » que le plus faible soit en mesure de l’emporter sur le plus fort. Les exemples de cette stratégie consistant à attendre Emprunter un cadavre pour y loger une âme ou l’art secret de la guerre — l’ennemi que l’on a attiré vers soi, ne manquent pas dans l’histoire militaire chinoise, ou occidentale. Cette expression serait liée à l’histoire de Li Yue, un saint homme qui avait appris de son maître l’art de voyager en Harasser des forces supérieures en esprit à travers l’espace. Les stratèges Traverser la mer à l’insu du ciel nombre en les privant de repos ou en militaires chinois et étrangers en ont les obligeant à de longues et pénibles donné une acception assez précise : il marches reste un facteur clé de succès. s’agit pour un chef ambitieux de se fixer Il est inutile de rechercher l’origine Autrement dit, un spectacle fami- sur un “cadavre”, un territoire occupé exacte de ce livre, encore inconnue à ce lier n’éveille pas les soupçons. Rien par un pouvoir vacillant, qui lui servira jour, dont un manuscrit a été découvert n’est plus caché que le plus apparent. Laisser le prunier se dessécher de tremplin pour son ascension future. en 1941 chez un libraire du Shanxi, en Illustration : un général assiégé doit tra- à la place du pêcher Ce stratagème a nourri par ailleurs de appendice au livre qui représente pour verser les lignes ennemies pour cher- nombreuses discussions de sages sur les Chinois le grand livre de la sagesse cher du renfort. Il imagine le plan sui- le concept d’utilité de l’inutilité. universelle, à savoir le Grand Livre des vant : la cravache à la main et l’arc en Dans les situations désespérées, il vaut Mutations ou des Transformations, le bandoulière, il sort des portes escorté mieux sacrifier le faible pour sauver le D’invité, se transformer fameux Yi King ou Yi Jing, composé de de deux autres cavaliers qui portent les fort. C’est un stratagème dont les illus- en maître de céans 64 hexagrammes, autant d’oracles ou cibles, ce qui provoque la stupeur chez trations sont nombreuses dans l’art de de signes de ce qui se passe dans le les assiégés et les assiégeants. Il gagne la guerre mais aussi dans le monde des ciel et sur la terre. Ces “trente-six stra- les remblais en bas des murs, fait dres- affaires. Voici l’un de ces épisodes, tiré Traduction par les sages chinois : qui est tagèmes” constituent un résumé “cryp- ser les cibles et s’exerce au tir. À la fin de de l’histoire de la dynastie Han : alors commandé chez autrui est un esclave, tique” de l’art de la guerre chinois, tel l’exercice, il regagne la ville. Le lende- que l’empereur se trouvait en mauvaise qui y est honoré en est l’hôte. Qui ne qu’il devait exister à la fin de l’empire main, il répète son manège. Une moitié posture, bloqué dans son camp retran- parvient pas à y prendre pied est un des Ming ou au début de celui des Qing, des assiégeants se lève pour le regarder. ché, ses approvisionnements coupés et hôte de passage. Qui réussit à s’y éta- c'est-à-dire au milieu du XVIIème siècle. Ils Après plusieurs jours de cet exercice au ne disposant que de maigres troupes, blir est un hôte permanent. Seul l’hôte à sont énoncés de façon volontairement tir, plus personne ne fait attention à lui. son commandant en chef, revêtu des demeure qui réussit à avoir la direction elliptique, voire simpliste car, évidem- Un beau matin, il enfourche son cheval habits royaux, conduisant le char du des affaires pourra peu à peu s’emparer ment, selon la tradition chinoise, c’est et traverse les lignes ennemies au grand souverain, sortit nuitamment par la des rênes de l’administration familiale et dans le commentaire oral et l’adaptation galop. Avant que l’ennemi ait repris ses porte orientale à la tête d’un groupe devenir le véritable patron. Se transfor- de ces principes à des situations réelles, esprits, il était déjà loin… de deux mille femmes revêtues de cui- mer d’invité en maître de céans néces- que réside tout l’art de la guerre. Voici rasses. Pendant ce temps, l’empereur et site de franchir les étapes suivantes : donc quelques-uns de ces stratagèmes ses fidèles s’enfuient par la porte ouest. se battre pour se faire admettre comme et de leurs commentaires, tirés d’une Attendre dispos Le stratagème réussit parfaitement : le invité ; guetter l’entrebâillement de la version publiée en 2007 par les éditions un ennemi épuisé général fut pris, démasqué et brûlé vif, porte ; y introduire son pied ; s’empa- Payot & Rivages, sous la traduction et le tandis que le souverain réussit à échap- rer des commandes ; occuper la place commentaire du grand sinologue Jean Levi.1 per à ses ennemis. du maître, c'est-à-dire s’emparer du Cette maxime embrasse les rapports commandement de l’armée d’autrui. 1 Les 36 Stratagèmes, traduit du chinois, présenté et commenté par Jean Levi (Éditions Payot & Rivages, de force dans leur généralité et vise jus- L’histoire ne révèle pas ce que fut le sort Un stratagème assez bien adapté au Paris, 2007) tement à les renverser, à faire en sorte des femmes. monde des affaires… 02. 2012