The Expansion Process of Food Foams Operation Du F
The Expansion Process of Food Foams Operation Du F
net/publication/228826906
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All content following this page was uploaded by Ch. Vial on 28 May 2014.
OPERATION DU FOISONNEMENT
Abstract: Food foams are a subset of foods known under the name
of whipped products or aerated products [1, 2]. They are formulated
products with qualities such as lightness and flexibility and are mainly
consumed as an appetizer or dessert. The foamed products obtained by
dispersing a gas into a food matrix (the continuous phase) have experienced
a growing development in the course of the 80s and 90s. The aeration
process associated with their production operation is called expansion or
whipping. The paper presents the key-parameters of the process from the
formulation standing point, the process implementation in pilot plants and at
industrial scale, the characterization of the finite products, the energy base
for the process scale up, and the linkage between formulation, emulsion
preparation and expansion. This overview of the continuous expansion
operation, allowed us to highlight the fact that there are unit operations still
poorly described by process engineering and for which the methods and
tools for extrapolation and prediction are still in their infancy.
161
VIAL and DJELVEH
SOMMAIRE
1. INTRODUCTION
2. FORMULATION ET PROCEDE : LES DEUX MOTS-CLES DU
FOISONNEMENT
2.1. Les paramètres clés du foisonnement vus du côté formulation
2.1.1. Les interactions entre protéines et émulsifiants
2.1.2. Agents texturants
2.1.3. Matière grasse
2.2. Mise en œuvre industrielle du procédé de foisonnement
2.2.1. Procédés discontinus de battage
2.2.2. Procédés continus
2.3. Appareils pilotes continus de laboratoire
2.3.1. Colonne de test CF
2.3.2. Système rotor-stator (RS)
2.3.3. Échangeur à surface raclée (ESR)
3. CARACTERISATION DES PRODUITS FINIS
3.1. Taux de foisonnement
3.2. Distribution spatiale du gaz
3.3. Texture
3.4. Stabilité dans le temps
4. DESCRIPTION ENERGETIQUE POUR L’EXTRAPOLATION DES
FOISONNEURS
5. NOMBRE DE WEBER ET PREDICTION DE LA TAILLE DES BULLES
6. ILLUSTRATION DES COUPLAGES ENTRE FORMULATION, MODE DE
PREPARATION DE L’EMULSION ET FOISONNEMENT
7. CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
8. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. INTRODUCTION
Les produits foisonnés obtenus par dispersion d’un gaz dans une matrice alimentaire (la
« phase continue ») ont connu un développement croissant dans le courant des années
80 et 90. Le procédé d’aération associé à leur production est appelé opération de
foisonnement. Son succès résulte tout d’abord du fait qu’il est « simple » parce que les
combinaisons d’ingrédients possibles dans la phase continue sont innombrables et
permettent a priori d’obtenir une infinité d’aspects et de textures, sous réserve de former
des produits aérés stables. Il est également peu onéreux parce que l’ingrédient ajouté est
le plus souvent l’air. Enfin, l’introduction de gaz dans une matrice alimentaire permet
non seulement de diminuer la densité de la matière première, mais également de
modifier sa texture, sa couleur et sa tenue en bouche. De plus, elle permet de produire
des aliments allégés en calorie, facilement tartinables, fondants en bouche, à l’apparence
plus homogène, qui sont caractérisés par une distribution plus uniforme de la saveur.
Leurs qualités sensorielles associées à un marketing fondé sur la nouveauté leur ont
donc conféré un avantage commercial indéniable par rapport aux produits
conventionnels.
1
- Le taux de foisonnement est défini plus loin par l’équation 2.
St. Cerc. St. CICBIA 2010 11 (1) 163
VIAL and DJELVEH
et sur leur stabilisation dans la phase continue, et qui sont moins bien connues. En se
plaçant à l’échelle moléculaire, il est clair que quel que soit le mode de dispersion du
gaz, celle-ci ne présentera jamais à terme une structure de mousse sans l’intervention
d’ingrédients capables dans une premier d’abaisser temps la résistance à la rupture des
interfaces gaz-liquide, puis de stabiliser ces mêmes interfaces par la suite. En revanche,
une stabilisation trop précoce des interfaces s’opposera aux effets dispersifs d’une
action mécanique et bloquera la formation des bulles. On comprendra donc aisément
que la nature des ingrédients (protéines, émulsifiant, agents texturants, etc.) qui
interviennent dans une formulation alimentaire, ainsi que le mode de la préparation de la
matrice (traitements thermomécaniques amont) constituent des paramètres clés qui vont
conditionner la mise en œuvre de l’opération de foisonnement. Dans ce qui suit, nous
nous bornerons à décrire les points essentiels liés au volet formulation, en considérant le
cas déjà complexe d’une matière première émulsionnée. En revanche, nous n’étudierons
pas en détail les étapes d’émulsification ainsi que les conditions particulières de
foisonnement propres à chaque produit foisonné du Tableau 1 car celles-ci dépassent le
cadre de notre analyse qui restera centrée sur les aspects « procédé » de l’opération de
foisonnement. Nous nous contenterons donc dans cette section de mentionner les points
clés à prendre en compte côté « formulation », avant de décrire plus en détail le volet
« procédé ».
par exemple les mono- et diglycérides d’acides gras ou E471, afin de limiter cette
compétition, même si cela est contraire à la règle de Bancroft [6,7].
continue2 dans une cuve de volume donné, puis à la fouetter jusqu’à l’obtention du taux
de foisonnement désiré, voire du taux de foisonnement maximal possible si l’agitation
est poursuivie assez longtemps. Ils ne permettent pas en général un contrôle précis de la
température, ni de la vitesse d’agitation, bien qu’ils disposent pour la plupart de
variateurs de vitesse. Le temps est donc le seul moyen de contrôler le taux de
foisonnement, ce qui constitue la principale faiblesse de ces équipements : comme
l’évolution du volume de gaz incorporé au cours du temps dépend du type de matière
première et de sa composition3, ce paramètre doit être ajusté par expérience. Le
foisonnement peut être conduit dans un récipient sous pression atmosphérique en
injectant du gaz ou en l’aspirant par le ciel, ou bien à sous pression, en général avec
injection.
a b
Figure 1. Exemples de systèmes à batteur planétaire de petit volume (a : modèle
KitchenAid® KSM150) et industriel (b : Tonelli® T-300).
des contraintes sur les interfaces, favorisant la division des bulles par rupture. La force
motrice est alors l’énergie mécanique fournie au fluide par l’agitateur, comme en
discontinu, excepté que le gaz est systématiquement injecté avec la phase continue. La
seconde consiste à disperser le gaz grâce à un système de mélangeur statique en
utilisant la dissipation énergétique engendrée par un écoulement moyen en translation
pour augmenter les interfaces entre les deux phases. Toutefois, les applications
industrielles de cette dernière technologie restent pour l’instant cantonnées à des
produits très visqueux et faiblement foisonnés (fourrages de biscuits, beurre foisonné…)
et nous nous focaliserons donc sur les systèmes rotatifs dans le paragraphe suivant.
Les deux types de dispositifs qui seront détaillés sont donc les échangeurs à surface
raclée (ESR) et le système rotor-stator à dents (RS). Les ESR sont en fait des
échangeurs de chaleur qui, en dehors du cas particulier de la crème glacée, n’ont trouvé
pendant longtemps que peu d’application dans les industries alimentaires. En
conséquence, la technologie dominante (hors crème glacée) pour conduire l’opération
de foisonnement en continu est le système RS qui, bien que largement utilisé, a
rarement fait l’objet d’une étude systématique de ses performances.
Plus en détail, le principe de fonctionnement d’un ESR consiste à faire passer le produit
à traiter dans un tube intérieur qui est agité par un rotor axial équipé d’un nombre
variable de lames capables de racler la paroi. Le fluide thermique (liquide froid ou
chaud, vapeur d’eau, fluide frigorifique tel que ammoniac, propane/propylène …)
circule à co- ou à contre-courant dans l’espace annulaire de la double enveloppe qui
entoure le tube intérieur. L’ensemble est souvent entouré par un troisième tube coaxial
(triple enveloppe) qui contient un matériau isolant destiné à minimiser les pertes
thermiques. Les ESR génèrent des gradients de vitesse très élevés au voisinage de la
paroi, jusqu’à 40000 s-1 [16], mais également des gradients de vitesse élevés entre les
lames et le rotor. La définition d’un gradient de vitesse moyen masque donc
d’importantes hétérogénéités spatiales, le gradient moyen en l’absence de lames étant de
compris entre 1 et 500 s-1. Le Tableau 2 résume les caractéristiques principales de
quelques ESRs commercialisés.
Le deuxième type de dispositif que l’on appelle classiquement « rotor-stator » est un
système mécanique rotatif non raclant à faible entrefer, mais en général, cette
dénomination est attribuée uniquement aux systèmes équipés de dents dans le cas du
foisonnement des aliments. Si les paramètres opératoires du foisonnement sont les
mêmes que pour les ESR, les temps de séjour sont en général plus courts, souvent
inférieurs à la minute. Cependant, même en l’absence de racleurs, le niveau moyen de
cisaillement est en général plus élevé dans un système RS que dans un ESR, ce qui
favorise la formation de bulles plus petites dans les unités rotor-stator. En revanche, le
contrôle de la température constitue la principale faiblesse de ces unités : bien
qu’équipés d’une double-enveloppe, les temps de séjour courts et la géométrie de la tête
ne permettent pas un transfert de chaleur efficace. Le Tableau 3 décrit les principaux
systèmes commercialisés et résume leurs rares caractéristiques connues.
La rareté des données expérimentales à l’échelle industrielle rend la comparaison de
performances difficile entre ces différents dispositifs, notamment pour les systèmes RS
qui sont très mal documentés. A cause de la complexité des formulations alimentaires,
une validation à l’échelle pilote reste donc une étape indispensable dans le
développement d’un produit foisonné. En conséquence, nous nous bornerons par la suite
à présenter les caractéristiques d’appareils pilotes continus de laboratoire R&D, mis au
point pour certains au sein notre équipe de recherche4 et qui représentent un système
RS, un ESR, voire des technologies alternatives intermédiaires et modulables.
4
- LGCB (Laboratoire de Génie Chimique et Biochimique), Université Blaise Pascal, Aubière, France
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THE EXPANSION PROCESS OF FOOD FOAMS
dispersion du gaz dans l’émulsion est réalisée par l’agitation mécanique à l’aide d’un
axe équipé de trois éléments d’agitation (un par étage) à quatre pales droites (j), de
33mm de diamètre et de 65 mm de hauteur, qui peuvent être modifiés selon
l’application. L’axe est relié à un moteur dont la vitesse de rotation, peut être contrôlée
entre 10-1500 tpm et qui couplé à une jauge de contrainte permettant la mesure du
couple transmis au fluide (o, p). Des capteurs de pression sont disposés à l’entrée (e) et
à la sortie (q) de la colonne afin d’estimer la perte de charge par frottements. La
pression opératoire dans la colonne est contrôlée par la compression d’un tuyau
polymère souple en sortie (l), ce qui permet de travailler jusqu’à 4 bars relatifs. A la
sortie de la colonne, une fraction du produit foisonné peut être dirigée vers un
microscope muni d’une caméra dans le but d’effectuer une analyse d’image en ligne de
la microstructure de la mousse (m, n).
La fraction volumique occupée par le gaz (εG), encore appelée taux de rétention du gaz
ou taux de vide, est le rapport du volume occupé par le gaz VG au volume total VT de
produit foisonné. Toutefois, pour les produits foisonnés alimentaires, on préfère
généralement utiliser la notion de taux de foisonnement (Φ) ou overrun en anglais qui
170 St. Cerc. St. CICBIA 2010 11 (1)
THE EXPANSION PROCESS OF FOOD FOAMS
Sortie produit
Moteur
Surface d’échange
Sortie produit
Surface d’échange
Entrée produit
Rotor plein
racleur
Sortie fluides
représente l’expansion de volume due au gaz ramenée sur le volume initial de matière
première VL. On a ainsi :
VG V
εG = = G (1)
V L + VG VT
VG
Φ= (2)
VL
Les deux quantités sont donc équivalentes et sont reliées par les équations suivantes :
Φ ε
εG = et Φ = G (3)
1+ Φ 1 − εG
3.3. Texture
Les mousses sont généralement des produits semi-solides ou solides au repos, mais
facilement tranchables et souples en bouche. Leur texture dépend de trois principaux
paramètres macroscopiques :
• la texture de la phase continue ;
• le taux de foisonnement ;
• le diamètre des bulles.
Toutefois, la texture d’un produit foisonné dépend également de la façon dont les bulles
s’intègrent dans la microstructure de la phase continue et de leur aptitude à :
• former des réseaux entre elles via leurs couches adsorbées (ou membranes) ;
• favoriser la formation de réseaux dans la phase continue qui peuvent mettre en jeu
des protéines (par exemple par pontage phosphocalcique pour les caséines du lait), des
polysaccharides (par exemple par liaison protéines-polysaccharides lorsqu’ils sont
chargés et de charges opposés), voire des globules gras par coalescence partielle [1].
La première situation correspond principalement au cas de mousses sèches, alors que la
seconde est la plus fréquemment rencontrée dans le cas des mousses humides. Il est
donc difficile de connaître a priori la texture d’un produit foisonné sans une
connaissance détaillée de ses ingrédients et de leurs interactions dans la phase continue.
La texture des produits foisonnés est généralement obtenue par des méthodes issues de
la rhéologie en cisaillement ou de la pénétrométrie. La pénétrométrie est préférée pour
le contrôle-qualité des produits industriels, tandis que la rhéologie en cisaillement est
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plus du domaine de la R&D. Cette dernière s’appuie en général sur des mesures en
mode harmonique des modules viscoélastiques de stockage G′ (module élastique) et de
perte G′′ (module visqueux) dans le domaine linéaire où la déformation est réversible,
i.e. lorsque l’échantillon revient à son état initial son état initial après arrêt de la
déformation. Par exemple, pour une émulsion laitière modèle et le produit foisonné
correspondant, Thakur [17] ont montré que les domaines de déformation linéaire à une
fréquence de 1 Hz se limitent à environ 10% de déformation pour l’émulsion et à 5%
pour la mousse ; au-delà, l’échantillon subit une déformation irréversible. Notons
également que le rapport G′′/G′ correspond à la grandeur tan δ, appelé tangente de
perte, qui est aussi utilisé comme un indicateur de stabilité de la mousse [18].
La stabilité dans le temps des mousses alimentaires est un facteur purement cinétique
qui est cependant primordial d’un point de vue industriel et commercial. Elle dépend à
la fois de la stabilité de la phase continue (donc de l’émulsion) et de celle de la phase
gaz. Il existe de nombreux phénomènes qui peuvent être considérés comme une source
de déstabilisation physique : séparation de l’eau par exsudation, séparation de la phase
grasse, apparition d’hétérogénéités spatiales, modification de la texture et donc pertes de
propriétés organoleptiques… Une autre forme de déstabilisation, d’origine chimique, est
liée à la perte des arômes et de certaines qualités nutritionnelles par oxydation des
ingrédients. A priori, l’injection d’une phase gaz en présence d’une porosité ouverte ou
de poches d’air fermées rend l’aliment plus sensible aux risques d’oxydation,
notamment des arômes et de certains acides gras.
Au niveau de la phase gaz, la stabilité dans le temps des produits foisonnés est très
variable. Elle dépend fortement de la formulation et notamment de la présence d’agents
stabilisants. De plus, les contraintes sur la stabilité dépendent essentiellement des
conditions d’utilisation et de consommation des mousses. Dans le cas de produits
intermédiaires, comme les blancs en neige ou les pâtes battues, une stabilité dans le
temps limitée à quelques heures est nécessaire, par exemple avant une stabilisation par
cuisson ; en revanche, les produits finis, tels que les mousses laitières de type
« topping », les cakes ou les crèmes glacées requièrent une stabilité comprise entre un
mois et une année.
Un foisonneur, comme tout système mécaniquement agité peut être caractérisé par une
courbe de puissance qui relie un nombre adimensionnel de Reynolds, Re, à un nombre
de Newton (ou de puissance) noté Ne [19]. D’après les résultats de Labbafi et coll. [20],
les systèmes rotor-stator suivent un comportement classique tel que le produit Re⋅Ne est
constant en régime laminaire, alors que Ne est constant et indépendant de Re en régime
turbulent. Le mécanisme de la dispersion du gaz change en fonction du régime
d’écoulement. En régime laminaire, c’est l’action des forces visqueuses qui provoque la
dispersion du gaz, alors qu’en régime turbulent, ce sont les fluctuations de vitesse dues
à la turbulence qui favorisent la rupture, la viscosité ne jouant alors qu’un rôle
secondaire [21]. Entre les deux régimes, on rencontre une région de transition qui
semble être défavorable au foisonnement [22, 23]. Pour tous les types de foisonneur, il
est alors possible de déterminer la courbe Re – Ne. Celle-ci est appelée courbe de
puissance et est valable pour l’ensemble des fluides newtoniens, mais elle peut aussi
être généralisée au cas des fluides non-newtoniens suivant une loi puissance. Par
exemple, dans le cas du système RS, il est possible d’estimer Ne par la formule suivante
à partir des couples mesurés pendant le foisonnement :
Ne =
2πC
⋅
(π ⋅ D − m ⋅ d ) (5)
ρN D ⋅ l ⋅ d
2 4
m⋅r
où C (N/m) est le couple mesuré sur l’axe, ρ (kg/m3) la masse volumique de la mousse à
la pression de fonctionnement, N (s-1) la vitesse d’agitation, D (m) le diamètre du rotor,
l (m) la longueur des dents, d (m) la largeur des dents, m le nombre de dents par rangée
et r le nombre de rangées de dents. La difficulté réside dans l’estimation de Re en
régime laminaire dans le cas des fluides non-newtoniens. En effet, contrairement au
régime turbulent dans lequel la viscosité n’intervient que très peu, la difficulté de
l’analyse du foisonnement en régime laminaire résulte du caractère le plus souvent
rhéofluidifiant des émulsions à foisonner, auquel s’ajoute le caractère rhéofluidifiant
induit par les bulles de gaz dans la mousse. Il s’agit donc dans un premier temps
d’étendre la courbe de puissance aux milieux rhéologiquement complexes. Une des
simplifications possible est alors de considérer que, dans la zone d’intérêt, la viscosité
apparente de la phase continue ηL peut être modélisée par une loi d’Ostwald de Waele,
c’est-à-dire une loi puissance à deux paramètres [24]:
η L = k ⋅ γ& n −1 (6)
où k et n sont des grandeurs appelées respectivement consistance et indice
d’écoulement. L’hypothèse de Metzner et Otto [25] consiste à supposer que le gradient
de vitesse moyen dans le foisonneur γ dépend linéairement de la vitesse d’agitation
γ=KSN aussi bien pour les fluide newtoniens que pour les fluides d’Ostwald, du moins
tant que l’indice d’écoulement reste supérieur à 0,2. Bien que parfois mise en défaut,
cette hypothèse semble valable dans les foisonneurs de type RS et CF, [19, 20]. Les
méthodes permettant d’estimer la constante de cisaillement KS et de vérifier son
applicabilité aux fluides rhéofluidifiants ont été comparées par Thakur et coll. [19].
L’une des plus rigoureuses est l’analogie de Couette virtuelle [26] qui consiste à
déterminer une géométrie de Couette virtuelle qui consomme la même puissance que le
foisonneur pour un fluide newtonien. Elle revient à utiliser le foisonneur comme un
rhéomètre commercial. Une fois KS déterminée, il est alors possible d’estimer le nombre
de Reynolds généralisé Reg d’un système RS par la relation suivante :
−1
ρ N 2-n D ⋅ e ⎛ e ⎞
Reg = L ⋅ ⎜ 71 + 553 ⋅ ⎟ (7)
k ⋅ KSn-1
⎝ D⋅d ⎠
Les Figures 5a et 5b issues de cette démarche font classiquement et clairement
apparaître une zone laminaire où le produit Ne⋅Re est constant et égal à KP, et une
asymptote horizontale à fort Re correspondant au régime turbulent pour lequel Ne est
indépendant de Re. En régime laminaire, KP est un nombre adimensionnel appelé
constante de puissance qui ne dépend que du type d’équipement (type de rotor…) dans
le cas de fluides newtoniens.
102 102
Ne=1,387 Re-0,992
R2=0,989
10 1
101
(a) (b)
Re Re
0 0
10 10
10-4 10-3 10-2 10-1 100 10-4 10-3 10-2 10-1 100 101
Figure 5. Exemple de courbe Ne versus Re dans le cas d’un foisonneur rotor-stator à
dents : (a) pour des fluides newtoniens ; (b) pour des fluides non-newtoniens (adapté de
Labbafi et coll., 2005).
En effet, l'analyse du rôle joué par l'agitation mécanique sur la dispersion du gaz à
l’échelle microscopique montre que la création des bulles de gaz par rupture aboutit à
terme à un équilibre de forces. En régime laminaire, ces forces sont liées d'une part à
l'intensité des contraintes mécaniques appliquées et à leur transmission dans la phase
liquide par les forces visqueuses, et d’autre part à la résistance de l’interface à la
déformation et à la rupture par les forces interfaciales. Le nombre adimensionnel
caractéristique est le nombre de Weber laminaire We qui est défini de la façon suivante :
μ ⋅ γ ⋅ d 32
We = (8)
σ
Il regroupe l'ensemble des propriétés physico-chimiques majeures de la phase continue
(viscosité μ de la dispersion, tension superficielle σ de la phase continue) et le gradient
de vitesse moyen appliqué (γ) au diamètre moyen de Sauter des bulles (d32).
L’étude de l’évolution de We en fonction des conditions de procédé et de la formulation
va être illustrée par le cas d’une émulsion laitière modèle contenant des protéines de lait
(caséinates de sodium et protéines sériques), de la matière grasse laitière et de l’amidon
comme agent stabilisant à différents pH [27]. La modification de ce dernier paramètre
affecte non seulement le pouvoir moussant des protéines, mais aussi les propriétés
rhéologiques de l’émulsion. Les résultats présentés concernent le système CF, mais de
similaires ont été obtenus sur le système RS, tous deux décrits dans la section 2.3. La
qualité du produit foisonné obtenu a été caractérisée par son taux de foisonnement et par
le diamètre de Sauter des bulles d32. La viscosité apparente moyenne en cours
d’opération μ, ainsi que le gradient moyen de vitesse ont été estimés à l’aide de
l’analogie de Couette décrite précédemment par l’intermédiaire de la mesure de la
puissance dissipée lors du foisonnement, tandis que les caractéristiques rhéologiques de
l’émulsion ont été déterminées à l’aide un rhéomètre à contrainte imposée aux fortes et
faibles déformations. L’évolution de la taille des bulles en fonction du pH à vitesse
d’agitation constante est tout d’abord illustrée par la Figure 6. L’examen de cette figure
montre tout d’abord que d32 diminue quand le pH augmente, notamment entre 4,6 et 6,6,
ce qui est confirmé par le Tableau 4. Cette tendance résulte du fait que les protéines
(caséines) perdent partiellement leur fonctionnalité au voisinage de leur point
isoélectrique (pH = 4,6), alors que la tension de surface σ varie peu tout en passant par
un maximum à pH 4,6 (Tableau 4).
Dans le même temps, le Tableau 4 montre que le nombre de Weber conserve une valeur
quasiment indépendante de la vitesse d’agitation à pH constant, mais qui varie un peu
en fonction du pH. Finalement, l'équilibre qui s’établit entre les forces visqueuses et la
tension superficielle se traduit par une valeur « critique » du nombre de Weber pour une
formulation donnée. Cette valeur dépend cependant assez fortement de la physico-
chimie de la formulation le pH seul permet de la modifier à composition constante.
Cette valeur critique est donc un invariant permettant de prédire la dimension
caractéristique des bulles. Les limitations de la méthode sont cependant que cette
grandeur critique n’est accessible qu’expérimentalement et qu’elle dépend non
seulement de la formulation, mais aussi de la technologie utilisée pour conduire le
foisonnement car la valeur de We critique n’est pas identique dans CF et RS.
176 St. Cerc. St. CICBIA 2010 11 (1)
THE EXPANSION PROCESS OF FOOD FOAMS
Pour achever ce chapitre, nous allons illustrer sur un cas concret, la préparation d’un
topping de dessert lacté, les couplages entre la formulation de la matrice, son mode de
préparation et le choix des technologies de foisonnement. Dans ce « topping » (Tableau
1), il s’agit d’étudier le remplacement de l’agent stabilisant (la gélatine) par un mélange
de polysaccharides incluant le xanthane, des carraghénanes et du guar (mélange noté
XCG). Les émulsions laitières ont été préparées soit par homogénéisation hautes
pressions à 10 MPa (HP), soit à l’aide d’un système membranaire (MB) avec des
membranes inorganiques dont le diamètre moyen est soit de 100 nm, soit de 500 nm.
10
ηL (Pa.s)
1
HP 100 bar
MB 100 nm
γ (s -1)
0,1
1 100 10000
Figure 7. Influence du mode de préparation sur la viscosité ηL de l’émulsion laitière
dans le cas de stabilisants de type polysaccharides (HP : homogénéisation hautes
pressions ; MB : émulsification par membrane) [28]
10
ηL (Pa.s)
MB 100 nm
MB 100 nm*
HP 100 bars γ (s -1)
0,1
1 100 10000
Figure 8. Influence du mode de préparation sur la viscosité ηL de l’émulsion laitière
dans le cas d’une stabilisation par la gélatine (HP : homogénéisation hautes pressions ;
MB : émulsification par membrane ; *temps de passage divisé par deux) [28]
Dans un premier temps, le foisonnement a été conduit en continu sur l’unité RS décrite
dans la section 2.3. L’effet combiné de la rhéologie et des paramètres de procédé a été
étudié à l’aide de la courbe de puissance du foisonneur rotor-stator, obtenue
préalablement au moyen de fluides modèles (courbe continue sur la Figure 9). On
constate alors que l’émulsion contenant le mélange XCG et celle à base de gélatine
formées sur la membrane sont foisonnées en régime laminaire, alors que pour
l’émulsion à base de gélatine issue de la membrane 500 nm, seules les vitesses les plus
faibles correspondent au régime laminaire, le foisonnement se déroulant essentiellement
dans la région de transition. Un résultat similaire serait obtenu pour les émulsions
gélatine issues d’une homogénéisation hautes pressions. Cela explique pourquoi les
10000
100
10
1
0,0001 0,001 0,01 0,1 1
Re
Figure 9. Comparaison entre la courbe de puissance de l’unité RS obtenue avec des
fluides modèles et les valeurs estimées du couple Re-Ne en cours de foisonnement pour
l’émulsion laitière modèle [28]
général une indication de bonne stabilité à long terme du produit foisonné. Un autre
indicateur de stabilité est la faible taille moyenne des bulles observée sur l’ensemble des
expériences ; celle-ci est toujours plus faible sur l’ESR, bien que G′ soit moins élevé
que pour le système RS.
200 200
d32 (μm)
150 150
100 100
50 RS P=5 bars 50
RS P=3 bars
RSI P=3 bars
0 0
10-4 10-3 10-2 10-1
7. CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
Ce survol rapide de l’opération de foisonnement en continu, opération mal connue bien
qu’utilisée dans de nombreuses industries (alimentaire, mais aussi matériaux pour les
plaques de plâtre ou le béton…) nous a permis de mettre en évidence le fait qu’il existe
encore des opérations unitaires mal décrites par le Génie des Procédés et pour lesquelles
les méthodes et outils d’extrapolation et de prédiction ne sont encore qu’à leur
balbutiement. En effet, pour le foisonnement, le rôle exact des propriétés interfaciales
autres que la tension de surface est encore mal compris et la façon de les introduire dans
les modèles est encore à définir. De plus, si la technologie standard, le rotor-stator à
dents est efficace, elle n’est pas toujours optimale et l’utilisation de technologies
alternatives est susceptible d’ouvrir la voie vers des produits nouveaux à la fois en
termes d’aspect et de texture. Finalement, des résultats récents comparant uniquement
les systèmes RS et CF de la section 2.3 montrent clairement que la technologie optimale
permettant de conduire le foisonnement varie selon les propriétés de la phase continue,
en particulier selon sa rhéologie, et que contrairement à l’approche classique de
l’industrie alimentaire qui consiste à varier uniquement la formulation à technologie
constante, une démarche tenant compte à la fois des volets procédé et formulation est la
voie à suivre dans l’avenir.
8. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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