Mémoire M2 Langue
Mémoire M2 Langue
UFR LLASIC
Département Sciences du langage et Didactique du FLE
Section Didactique du FLE
UFR LLASIC
Département Sciences du langage et Didactique du FLE
Section Didactique du FLE
En premier lieu, je souhaite remercier tous les élèves ayant accepté de conduire des
entretiens avec moi et ayant participé au projet mis en place. Sans leur coopération et leur
accueil chaleureux, cette recherche et ce mémoire n’auraient pas pu voir le jour.
Un grand merci également à mes tutrices de stages Caroline Bois et Maryse Vincent, pour
leurs retours sur les outils conçus, ainsi que leur disponibilité et leurs encouragements tout au
long du stage.
Merci aussi à toutes les personnes m’ayant donné des pistes de réflexion et de lecture tout
au long de la conception de ce mémoire. Vous avez enrichi mon point de vue.
Finalement, je tiens à exprimer ma reconnaissance envers mes proches qui sont toujours à
l’écoute. J’ai une immense chance de vous avoir autour de moi.
Déclaration anti-plagiat
DÉCLARATION
2. Je sais que prétendre être l’auteur d’un travail écrit par une autre personne est une
3. Personne d’autre que moi n’a le droit de faire valoir ce travail, en totalité ou en partie,
comme le sien.
4. Les propos repris mot à mot à d’autres auteurs figurent entre guillemets (citations).
5. Les écrits sur lesquels je m’appuie dans ce mémoire sont systématiquement référencés
NOM : KAUL
PRÉNOM : LEA
Introduction ....................................................................................................................... 9
FRANÇAIS….. ......................................................................................................... 13
1. Grandir dans un pays dans lequel le français est langue seconde ......................... 33
6
3. Le rapport diglossique entre les langues - attitudes et implications
didactiques............... .............................................................................................. 40
Chapitre 5. Les places des langues et des variétés dans l’école française ................. 44
Chapitre 6. Mettre en valeur les langues et les variétés, quelles approches ? .......... 54
Chapitre 7. Les enjeux du projet – état des lieux des besoins et pratiques en
unité pédagogique pour élèves allophones arrivants accueillant
le public-cible.............................................................................................. 65
7
2. Le choix des contenus et des compétences travaillés – multiplicité des
influences............................................................................................................... 78
8
Introduction
La première raison était mon hypothèse que tous les EANA-AFS ont été, à des degrés
divers, exposés à la langue française, mais pas forcément sous sa forme standardisée enseignée
à l’école en France. Ainsi, je pensais que les EANA-AFS avaient été en contact avec des
variétés régionales du français. Le fondement pour cette hypothèse se trouve dans la définition
même du terme variété. En effet, toute langue est utilisée sous des formes diversifiées par ses
locuteurs. Ce sont ces diverses formes qui sont, en sociolinguistique, appelées variations
(Gadet, 2007). Les variations peuvent avoir lieu aux niveaux phonétique, syntaxique ou lexical
(Ledegen & Léglise, 2013). Elles sont liées à différentes dimensions, ce qui a donné lieu à la
classification de Coseriu (1969) en variations diachronique (selon le temps), diatopique (selon
l’espace), diastratique (selon le groupe social) et diaphasique (selon l’individu et la situation
de communication). Le terme de variété, lui, n’est pas clairement défini, mais sert généralement
à différencier une pratique bien identifiée de la langue d’une autre pratique bien identifiée
(Féral, 2010). Ici, le terme variété sera utilisé pour différencier les pratiques existantes dans
plusieurs pays africains de la pratique du français standard. En parlant de variétés spécifiques
à une région, je m’inscris sur l’axe de la variation diatopique, puisque je souhaite évoquer :
Cette définition montre que les EANA-AFS n’auront pas été au contact avec les mêmes variétés
que des élèves ayant grandi en France (ou dans d’autres régions francophones). Ces différences
sont alors, à mon avis, importantes à prendre en compte, puisqu’elles font partie du répertoire
langagier des élèves. Cela m’amène à la deuxième raison.
10
Lors de mes études en didactique des langues, il a été plusieurs fois mis en avant qu’une
langue ne s’apprend pas de manière isolée, mais qu’elle devient une partie du répertoire
langagier de l’apprenant. La notion de répertoire langagier a été introduite par le linguiste
américain Gumperz dans les années 70. Cette notion implique que toutes les langues avec
lesquelles une personne est en contact au cours de sa vie, que ce soit la langue parlée à la
maison, à l’école, au travail ou avec des groupes particuliers, se construisent les unes par
rapport aux autres et constituent une « compétence communicative à laquelle toutes les
connaissances et expériences langagières contribuent » (Auger & Picon-Vorstman, 2021 : 38).
Les variétés du français avec lesquelles ces élèves ont été en contact font donc partie de ce
répertoire et ont une influence sur les compétences langagières des apprenants. Aborder les
variétés en classe pourrait donc avoir des influences sur l’apprentissage du français par les
EANA-AFS en leur permettant de s’appuyer sur leurs compétences dans les variétés. Cela
permettrait également de sensibiliser les enseignants et les apprenants aux différences entre les
diverses variétés du français, puisque ces différences peuvent engendrer des incompréhensions
et être la source de malentendus ou de représentations vis-à-vis de la variété. Ce facteur est la
deuxième raison pour laquelle j’ai souhaité mettre en place ce projet.
Finalement, la troisième source de motivation est en rapport avec le facteur identitaire des
variétés. Par leur nature, ces variétés diatopiques ont une valeur identitaire, puisqu’elles sont
rattachées aux pays d’origine des apprenants. Ma conviction personnelle étant qu’une
implication personnelle des élèves peut motiver l’apprentissage, je pensais qu’il serait
intéressant d’aborder ces variétés en classe. Cela me semblait d’autant plus important face au
public EANA-AFS, puisque les variétés africaines du français ne sont que rarement
représentées de manière positive et sont victimes de nombreuses stigmatisations. Je me base
ici sur mon expérience à Madagascar, lors de laquelle j’ai observé des attitudes dévalorisantes
de Français face aux variétés régionales du français, mais aussi de représentations négatives
par les Malagasys eux-mêmes, qui considèrent le français standard comme supérieur à leurs
propres variétés. Cette stigmatisation continue en France et est amplifiée par le fait que les
langues africaines ne sont en général pas mises en avant dans le système scolaire. Ainsi, les
apprenants n’ont pas la possibilité d’aborder leur langue maternelle en milieu scolaire.
L’entièreté du répertoire langagier des EANA-AFS est alors mise à l’écart de leurs
apprentissages. Mettre en valeur les variétés me semblait alors un bon moyen de valoriser les
connaissances de ces élèves, mais aussi de leur permettre d’avoir une représentation positive
de leur langue et de leur identité.
11
Ce mémoire propose donc d’analyser la conception, ainsi que la mise en place de ce projet
qui avait pour but initial de sensibiliser aux variétés, de les utiliser comme ressource, mais
surtout de les mettre en valeur. Les objectifs principaux du mémoire sont de montrer les enjeux
liés à ce projet de mise en valeur des variétés africaines, d’analyser les approches sélectionnées
pour aborder ces dernières et finalement de montrer les influences qu’un tel projet peut avoir
au sein d’une classe UPE2A. Ce projet portant sur la BD Aya de Yopougon a été fortement
influencé par les données récoltées en amont de sa conception. Les contenus et les démarches
choisis pour le projet ont donc été guidés par les besoins exprimés tant par les enseignants que
par les EANA-AFS et se basent sur diverses approches plurielles. Sa mise en place a permis
d’en évaluer l’influence sur les EANA-AFS et les enseignants. Il s’inscrit donc dans une
dynamique de recherche-action lors de laquelle de nombreux questionnements ont émergé pour
finalement aboutir à la problématique suivante : Comment et dans quel(s) but(s) peut-on
aborder les variétés africaines du français face à un public d’élèves allophones nouvellement
arrivés originaires d’Afrique francophone subsaharienne en unité pédagogique pour élèves
allophones arrivants et quelles en sont les conséquences sur l’apprentissage du français langue
de scolarisation par les élèves et sur les pratiques des enseignants ?
12
Partie 1
-
Contexte et méthodologie :
les élèves allophones originaires d’un
pays d’Afrique francophone
subsaharienne, leur prise en charge
dans les unités pédagogiques pour
élèves allophones arrivants et la
naissance du projet sur les variétés
africaines du français
13
La première partie de ce mémoire est dédiée à la mise en contexte de la recherche-action
autour du projet de mise en valeur des variétés africaines du français se basant sur la BD Aya
de Yopougon. Dans ce but, je présenterai le cadre dans lequel ce projet a été conçu, ainsi que
la classe d’UPE2A dans laquelle il a été mis en place, avant de présenter la méthodologie du
terrain ayant permis de donner des réponses sur les enjeux ciblés, les moyens employés et les
résultats obtenus par ce projet. Cependant, avant d’aborder le contexte, il me semblait
important de présenter, dans un premier temps, le public des EANA-AFS.
Afin de présenter ce public, ce chapitre propose de définir les pays d’origine des EANA-
AFS. Ensuite, j’expliquerai le statut de locuteur francophone et finalement, je donnerai un
aperçu de la présence des EANA-AFS aux niveaux académique et national.
Dans ce mémoire, les pays d’Afrique francophone subsaharienne ne sont pas les pays
membres ou observateurs de l’OIF qui, dans le contexte subsaharien, incluraient par exemple
le Mozambique, le Ghana et la Gambie (OIF, s.d.). Les pays dont il est question ici sont ceux
dans lesquels le français a un statut de langue officielle et / ou langue de l’espace public et / ou
langue de scolarisation, en raison de la colonisation par la France ou la Belgique (Pöll, 2001).
Ces pays sont le Bénin, le Burkina Faso, le Burundi, le Cameroun, les Comores, le Congo, la
Côte d’Ivoire, Djibouti, le Gabon, la Guinée, Madagascar, le Mali, la Mauritanie, le Niger, la
République centrafricaine, la République Démocratique du Congo (à présent RDC), le
Rwanda, le Sénégal, le Tchad et le Togo (Poissonier, 2021). La place du français dans l’espace
public est certainement la plus dure à évaluer, puisque les données statistiques à ce sujet sont
rares. Il s’agit de l’utilisation du français par les médias et dans la communication quotidienne
et les données pour chaque pays sont très variables et dépendent de l’environnement rural ou
urbain (Pöll, 2001). Cet aspect sera approfondi dans la partie 2 (chapitre 4, section 1.2). Ici, je
préciserai surtout le rôle du français en tant que langue officielle et langue d’enseignement.
On qualifie de langue officielle « la langue utilisée par les institutions d’un état » (Dabène,
1994 : 41). Dans les pays d’Afrique francophone subsaharienne, le français est souvent la seule
14
langue officielle. Seulement quelques pays ont instauré une ou plusieurs langues locales
comme co-officielles. C’est le cas du Tchad et de Djibouti, où l’arabe est également langue
officielle, de la République centrafricaine ayant attribué ce rôle au sango, du Rwanda et du
Burundi dans lesquels le kinyarwanda et le kirundi sont également des langues officielles et
finalement de Madagascar et des Comores qui ont nommé respectivement le malagasy et le
comorien comme langues officielles. Au Cameroun, l’anglais est langue co-officielle en raison
du passé colonial franco-britannique. Finalement, le seul pays n’ayant pas gardé le français
comme langue officielle est la Mauritanie, où cette place est attribuée à l’arabe (Poissonier,
2021).
Le français est également langue d’enseignement dans ces pays, la seule exception étant
le Rwanda (Poissonier, 2021). Or, selon les pays, le français est soit l’unique langue de
scolarisation, soit endosse ce rôle aux côtés d’autres langues. Ainsi, au Tchad et en Mauritanie,
il est possible d’être scolarisé en arabe (ibid.). Selon le rapport du programme d’analyse des
systèmes éducatifs de la conférence des ministres de l’Éducation des États et gouvernements
de la Francophonie (à présent PASEC) de 2019, le Burundi et Madagascar proposent également
un enseignement dans les langues co-officielles du pays et au Cameroun l’anglais est une des
langues d’enseignement. Quelques rares pays proposent des programmes d’inclusion des
langues locales dans l’enseignement primaire dans la perspective d’une éducation bilingue. Il
s’agit notamment du Mali et du Bénin (Holtzer, 2005). Au total, il est estimé qu’en Afrique
subsaharienne et dans l’Océan Indien, 71,3 millions d’élèves ont été scolarisés en français en
2021. Cela représente 76,5% des élèves scolarisés en français dans le monde (OIF, 2022). Le
français occupe donc une place importante dans les pays d’Afrique francophone subsaharienne.
Cela soulève la question : les habitants de ces pays sont-ils francophones ?
Au cours des décennies, plusieurs définitions d’un locuteur « francophone » ont été
proposées (Wolff, 2015). Cette section propose de donner un aperçu des différentes définitions
et de préciser que le terme « francophone » ne suffit pas à décrire la population de ces pays.
Le critère linguistique qui définit un locuteur francophone comme « une personne capable
de s’exprimer en français, quel que soit son niveau ou sa maîtrise d’autres compétences comme
15
l’écriture ou la lecture » est généralement retenu (Wolff, 2015 : 4). D’après cette définition, le
niveau de français ou le contexte d’apprentissage ne devraient pas être pris en compte. Or,
plusieurs contre-exemples existent. Avant les années 1990, pour le recensement des locuteurs
francophones, chaque pays transmettait ses chiffres en distinguant les locuteurs ayant une
« connaissance partielle » de ceux ayant une « connaissance complète » du français, les
définitions de ces degrés de connaissance demeuraient cependant très floues (Auger, 2021 :
84). Dans la même optique, Chaudenson (1991, cité par Feussi, 2008) proposait un SMIC (seuil
minimum individuel de compétence) à partir duquel un individu serait considéré comme
francophone. D’autres compétences étaient parfois aussi prises en compte, ainsi, jusqu’en
2014, l’OIF comptait comme locuteurs francophones en Afrique uniquement les « personnes
alphabétisées en français » (OIF, 2014 : 15) et donc ayant une compétence en lecture / écriture.
Ce dernier critère semble particulièrement inapproprié en Afrique, où les compétences orales
dépassent souvent les compétences à l’écrit (Auger, 2021). Les critères linguistiques ne
semblant pas stables et pouvant inclure des réalités très différentes les unes des autres, il est
intéressant de présenter une autre approche à la définition de francophone.
- Ceux élevés avec le français par au moins un parent, on parle alors de langue première.
Ces francophones se trouvent surtout en France, en Belgique, en Suisse et au Canada ;
- Ceux pour qui le français est la langue de l’école et une langue de l’espace public du
pays, on parle alors de langue seconde. Il s’agit principalement des pays d’Afrique ;
- Ceux ayant appris le français par d’autres moyens, on parle alors de langue étrangère. Il
s’agit de locuteurs ayant notamment suivi des cours de langue ou appris par eux-mêmes.
16
et du contexte familial. Ces facteurs sont analysés plus en profondeur au chapitre 4 (section 1),
mais ont également une influence sur les autres langues connues par les EANA-AFS.
Même si le français joue un rôle dans tous les pays d’Afrique francophone subsaharienne,
ces derniers se caractérisent surtout par le plurilinguisme des individus. En effet, Holtzer (2005)
postule que le locuteur monolingue y fait figure d’exception, puisque la population maîtrise
généralement plusieurs langues africaines. Les différentes langues connues par l’individu sont
utilisées selon le contexte, ainsi un même individu n’utilisera pas forcément la même langue
dans sa famille, dans le quartier, à l’école et au travail (Poissonier, 2021). Les situations de
plurilinguisme demeurent tout de même très diverses sur le continent : chaque pays a ses
spécificités (Holtzer, 2005). D’ailleurs, lors du Sommet de Dakar en 1989, le français a été
redéfini comme une composante des plurilinguismes nationaux (ibid.). Avant d’être
francophone, les EANA-AFS sont donc surtout plurilingues. Ce profil linguistique à présent
défini, je souhaite me pencher sur la présence de ce public au niveau national et académique.
Le nombre exact et les origines des EANA-AFS ne peuvent pas être publiés, mais le
questionnaire envoyé aux enseignants de l’académie de Grenoble (annexe 1, p. 51) a révélé que
la plupart sont des mineurs non-accompagnés (à présent MNA) et qu’une grande partie est
originaire de Côte d’Ivoire, de Guinée et du Mali, même si certains enseignants accueillent des
élèves du Cameroun, du Gabon, de la RDC et de la Mauritanie. Le rapport annuel du ministère
de la Justice (2020) confirme ces données, puisqu’il montre qu’en Auvergne-Rhône-Alpes, les
MNA sont surtout originaires de Guinée (26%), de Côte d’Ivoire (16%) et du Mali (12%). Au
niveau national, ces données sont similaires puisqu’en 2020 les Guinéens, Maliens et Ivoiriens
représentaient 45,45% des MNA (ibid.). Depuis 2014, le ministère de la Justice publie des
données sur les MNA arrivant sur le territoire français, ce qui permet de suivre les fluctuations
dans leur nombre. De 2014 à 2019, le nombre de MNA a augmenté de 4042 à 16760 (ibid.).
L’année 2020, la dernière dont les données sont accessibles actuellement, a vu chuter le nombre
de MNA à 9524, ce qui est certainement lié à la pandémie de la covid-19. Les EANA-AFS ont
toujours représenté une grande partie des MNA, puisqu’en 2014 ils représentaient plus de 61%
1
Dans ce mémoire, les pages des annexes font référence au volume supplémentaire d’annexes mis à disposition.
17
et en 2017 plus de 66% des MNA (ministère de la Justice, 2014 et 2018). Au fil des années, les
principaux pays d’origine restent la Guinée, le Mali et la Côte d’Ivoire, mais en 2014 les MNA
originaires de la RDC étaient aussi très présents (ibid.). Ce public est donc plutôt constant et le
statut de MNA mérite alors une attention particulière.
Un MNA, appelé mineur isolé étranger (à présent MIE) jusqu’en 2016, est, selon la
définition du Haut-Commissariat des nations unies pour les réfugiés (1997 : 3), « une personne
âgée de moins de 18 ans […] qui est séparée de ses deux parents et n’est pas prise en charge
par un adulte ayant, de par la loi ou la coutume, la responsabilité de le faire ». Jusqu’à leurs 16
ans, les MNA sont soumis à une obligation scolaire, puis à partir de 16 ans ils ont le droit à
l’éducation et peuvent donc être scolarisés ou accéder à une voie qualifiante (Mendonça Dias
& Rigoni, 2020). L’accès des MNA au système scolaire, pourtant impliqué par le droit à
l’éducation, est ralenti par les procédures « d’examens d’âge et d’isolement » et de prise en
charge par l’aide sociale à l’enfance (à présent ASE) (Perrot, 2020 : 15). Ces ralentissements
rendent impossible la connaissance du nombre exact de MNA se trouvant en France, ainsi que
la proportion d’entre eux réellement scolarisée (Lemaire, 2010). Il est tout de même possible
de s’en faire une idée grâce au nombre de personnes déclarées MNA (chapitre 1, section 3.1).
Etiemble et Zanna (2013) proposent une typologie de MNA, dont les catégories sont trop
nombreuses pour toutes les présenter. Je me contenterai de préciser que les auteurs situent la
majorité des EANA-AFS dans la catégorie des MNA « mandatés » (ibid. : 10). Ces jeunes sont
envoyés en Europe par leurs proches pour aider financièrement ceux restés au pays. Bien qu’ils
soient en contact avec leur famille, ils sont tout de même isolés dans le pays d’arrivée (ibid.).
De plus, ils ont souvent sur leur route migratoire connu des discriminations ethniques,
religieuses ou sexuelles (Lemaire, 2012) et été victimes de violences physiques ou symboliques
des ruptures géographiques et affectives (Armagnague et. al., 2021). À leur arrivée en France,
leur situation empire souvent, puisque beaucoup commencent par vivre dans la rue, avant d’être
pris en charge par les ASE (Lemaire, 2012). En conséquence, ces élèves ont souvent un rapport
ambigu à l’école, accentué par le fait qu’ils ont souvent été peu scolarisés ou sont en rupture
scolaire depuis plusieurs années (Lemaire, 2013). Pour certains, le projet en France n’est pas
la scolarisation, mais le travail ce qui peut induire une attitude de rejet face à l’école (ibid.). Au
contraire, les MNA rêvant d’une scolarité sont souvent frustrés, puisque leurs perspectives sont
limitées. En effet, ils subissent la pression d’entrer rapidement sur le marché du travail afin
d’obtenir un titre de séjour à leur majorité (ibid.). Après leur année dans les dispositifs
18
linguistiques (chapitre 1, section 3.4), les élèves sont souvent orientés vers des certificats
d’aptitude professionnelle (à présent CAP) ou vers des alternances (ibid. ; Baltazard, 2014).
Étant donné que les EANA-AFS sont francophones, on peut tout de même se demander
pourquoi ils intègrent des dispositifs linguistiques.
D’après le ministère de la Justice (2020), 94,5% des MNA ont plus de 13 ans et 75,09%
ont dépassé les 16 ans. La quasi-totalité des MNA est donc dépendante du second degré. La
circulaire en vigueur (2012-141) sur l’organisation de la scolarité des EANA prévoit deux
dispositifs pour l’accueil de ces élèves en fonction de leur degré de scolarisation. Les élèves
ayant été scolarisés dans leur pays d’origine sont inscrits en classe ordinaire et bénéficient d’un
aménagement d’emploi du temps intégrant des cours de français dans des UPE2A en fonction
19
de leurs besoins et leurs connaissances préalables du français (circulaire 2012-141). Les EANA
très peu ou pas du tout scolarisés dans leur pays d’origine, comme cela est souvent le cas pour
les MNA, bénéficient d’une scolarisation en unité pédagogique à plein temps pour
l’apprentissage du français, de l’écriture et de la lecture (ibid.). Ce dispositif est appelé UPE2A-
NSA. Dans les deux cas, l’objectif est la maîtrise du français pour la communication courante
et pour les apprentissages dans les autres disciplines (Stratilaki-Klein & Nicolas, 2020). Mendonça
Dias (2012) indique que les EANA intégrant le dispositif UPE2A-NSA ont souvent suivi une
scolarité avant d’arriver en France, mais ont été peu ou « mal » scolarisés (dans ce dernier cas,
cela peut être lié aux pratiques pédagogiques des anciens enseignants et à des ruptures scolaires).
Dans l’académie de Grenoble, les EANA-AFS se trouvent dans des UPE2A classiques, mais
beaucoup sont dirigés vers les dispositifs UPE2A-NSA. Cela est lié à plusieurs facteurs :
- Ils viennent de pays où le taux d’alphabétisation est très faible (UNESCO, s.d.a) ;
- Ils sont pour la plupart peu ou pas du tout scolarisés. Ces pays ont souvent un fort taux
de décrochage scolaire avant la fin du primaire (UNESCO, s.d.a) ;
- Le niveau en fin d’école est souvent insuffisant (PASEC, 2019).
Il me semblait important d’évoquer ces facteurs, puisque la classe dans laquelle le projet de
mise en valeur des variétés africaines du français a été effectué est une classe d’UPE2A-NSA.
Tout ce chapitre sur le public EANA-AFS est important pour comprendre par la suite les enjeux
de ce projet. Le prochain chapitre décrira le contexte dans lequel ce dernier a été élaboré.
20
Chapitre 2. Le terrain de stage – les unités pédagogiques dans l’académie
de Grenoble
Ce chapitre a pour objectif de présenter le contexte dans lequel le projet portant sur les
variétés africaines du français a émergé, ainsi que de présenter les élèves auprès desquels il a
été mis en place. Ce projet était partie intégrante de mon stage de fin d’études au CASNAV de
Grenoble et ce chapitre proposera donc une description de la structure d’accueil. Ensuite, les
missions globales du stage et le projet portant sur les variétés africaines du français seront
exposées. Finalement, je présenterai la classe d’accueil, dans laquelle le projet a été mis en place.
La mission qui m’a été confiée était de nature ingénierique. Je n’étais donc pas affiliée à
un établissement scolaire en particulier, mais devais concevoir des ressources pour les
21
enseignants accueillant des EANA-AFS. Le projet sur les variétés africaines du français n’était
qu’une partie de ma mission. Pour mieux comprendre le contexte général, je propose donc de
présenter la mission initiale du stage et son évolution au cours des mois.
La mission initiale m’ayant été confiée par le CASNAV de Grenoble portait l’intitulé
« Élaboration d'outils à destination des enseignants pour comprendre l'influence des différentes
variétés du français dans l'apprentissage du FLSco par les EANA originaires d’Afrique
francophone subsaharienne ». En effet, les EANA-AFS sont très présents dans l’académie de
Grenoble (chapitre 1, section 3.1). La mission se basait sur l’observation que ces élèves ont
souvent des compétences en français avant leur arrivée en France. Or, celles-ci sont très
hétérogènes, ce qui est lié aux statuts et aux variétés du français dans ces pays (chapitre 4,
section 1). Initialement, il était prévu d’élaborer des outils de sensibilisation sur les différences
lexicales entre les variétés du français, mais la mission a évolué au cours du stage en raison de
l’identification de besoins plus pressants. Le stage s’est déroulé en trois étapes : le recueil de
données, la conception pédagogique et l’évaluation des outils créés. C’est l’étape du recueil
des données, ayant pour but de cerner les besoins des enseignants face au public EANA-AFS,
ainsi que les difficultés rencontrées par ces élèves, qui a fait évoluer la mission. En effet, les
besoins exprimés par les enseignants et les élèves divergeaient de la commande initiale. Les
résultats montraient que les enseignants désiraient des supports plus orientés vers la
connaissance globale du public. Le CASNAV a donc opté pour la conception d’une mallette
pédagogique pour les enseignants accueillant des EANA-AFS qui contient :
- Des fiches pays pour la Guinée, la Côte d’Ivoire et le Mali comprenant des informations
sur la scolarisation et sur les spécificités du français dans ces pays ;
- Des fiches de phonétique contrastive entre différentes langues africaines (dont le bambara,
le soussou, le soninké et le peul) et le français, avec des pistes de remédiation aux
difficultés de prononciation de ces élèves ;
- Deux trames de projet : une sur l’entrée dans l’écrit pour ce public et une sur la mise en
valeur des variétés du français d’Afrique.
Ce mémoire se penchera sur le projet de mise en valeur des variétés du français d’Afrique
qui a été mis en place dans une classe d’UPE2A-NSA présentée dans la section 3 de ce chapitre.
22
2.2. Le projet de mise en valeur de la variété : séances basées sur Aya de Yopougon
Le projet de mise en valeur des variétés africaines du français prend la forme d’une trame
de quatre séances d’une heure et demie chacune, basée sur les BD (parues de 2005 à 2010) et
le film (paru en 2013) Aya de Yopougon de Marguerite Abouet et Clément Oubrerie. Cette
trame a été conçue dans le but de valoriser les variétés africaines du français et de sensibiliser
les EANA-AFS, mais aussi les enseignants, aux différences pouvant exister entre les variétés et
le français standard. Ces séances ont ensuite été mises en place dans une classe d’UPE2A-NSA
(chapitre 2, section 3.1), afin d’évaluer l’impact qu’elles ont sur les élèves et sur l’enseignante.
Ce sont le processus d’élaboration du projet, ainsi que sa réception par les élèves et l’enseignante
qui permettront de répondre à la problématique formulée en introduction. La trame des séances
élaborée est consultable en annexe 6 (p. 71) et sera analysée et évaluée dans la partie 3 du
mémoire. Désormais, je souhaite présenter la classe d’UPE2A-NSA qui a participé au projet.
La classe dans laquelle le projet a été mis en place est composée de 14 élèves, dont 10 sont
originaires d’Afrique francophone subsaharienne (5 sont ivoiriens, 3 sont maliens et 2 sont
guinéens), deux sont pakistanais, une élève est somalienne et un élève est macédonien. Tous
les EANA-AFS de la classe sont MNA et il n’y a qu’une seule fille. Les niveaux de scolarisation
et la connaissance du français avant l’arrivée en France sont très hétérogènes. Tandis que
certains élèves (tels que Hamza, Amadou, Calaso, Seydou et Koffi) ont partiellement été
scolarisés (ils maîtrisent la graphie à des degrés divers), d’autres n’ont jamais été scolarisés,
c’est par exemple le cas de Manuella et Sekou. Le tableau 1 (p. 23) donne un aperçu des profils
des élèves de la classe (tous les prénoms ont été modifiés afin de garantir leur anonymat).
23
Ousmane Mali x NSA, arrivé en fin d’année
Amadou Guinée x Peu scolarisé antérieurement, maîtrisait déjà la graphie et
avait un niveau A1 à l’écrit lors de son arrivée
Ismaël Côte d’Ivoire x NSA
Yacine Guinée x NSA
Issiaka Mali x NSA
Hamza Pakistan Scolarisé antérieurement, maîtrisait la graphie de l’urdu
Wilfried Côte d’Ivoire x NSA
Sekou Mali x NSA
Dimitar Macédoine Peu scolarisé antérieurement, savait un peu lire et écrire,
mais avait beaucoup de difficultés
Koffi Côte d’Ivoire x Scolarisé antérieurement, avait un niveau A1+ à l’écrit en
français, arrivé en fin d’année.
Seydou Côte d’Ivoire x Peu scolarisé antérieurement, avait un niveau A1.1 à l’écrit
en français, arrivé en fin d’année.
24
Amadou soussou Amadou avait un niveau A2 à l’oral et il maîtrisait la graphie
lors de son arrivée en France. Ces compétences de lecture /
écriture étaient à un niveau A1.1.
Ismaël malinké Il indique avoir déjà parlé français à son arrivée et que cette
langue fait partie de ses langues familiales
Yacine pulaar Il dit avoir souvent entendu le français et avoir des amis qui le
parlaient, mais ne pas l’avoir parlé avant son arrivée en France.
Issiaka malinké, bambara, Il indique avoir entendu le français et l’avoir parlé un tout petit
pulaar, anglais peu
Hamza urdu, anglais, turc, Hamza n’a jamais été en contact avec le français avant son
hindi arrivée en France
Wilfried bambara Il se présente comme francophone et a appris le français dans
la rue. Il avait un niveau A1+ à l’oral à son arrivée.
Sekou bambara, soninké, Il indique avoir été en contact avec des personnes parlant
kasonké, espagnol français et déjà le comprendre à l’oral quand il était au Mali
Dimitar macédonien Il n’a jamais été en contact avec le français avant.
Koffi bambara, arabe Koffi a un niveau A2+ à l’oral ainsi qu’un niveau A1+ à l’écrit.
Seydou bambara Seydou a un niveau A2 à l’oral lors de son arrivée en France.
Il maîtrise la graphie à un niveau A1.1.
25
Chapitre 3. L’élaboration du projet
Les EANA-AFS ont tous, à des degrés divers, été au contact avec le français. Certains en
ont même une maîtrise avancée. Cependant, le français avec lequel ils ont été en contact dans
leur pays d’origine n’est pas le même que celui enseigné à l’école en France (chapitre 1, section
3.3). Leur français est souvent stigmatisé en France, mais représente tout de même un grand
facteur identitaire pour ces élèves (Auger, 2021). Le fait que le français des EANA-AFS soit
considéré comme du « mauvais français » les met dans une position d’insécurité linguistique
(ibid.). L’insécurité linguistique est ici définie, comme le fait Dumont (2019 : 42), par la
« manifestation d’une quête de légitimité linguistique, vécue par un groupe social dominé » qui
mesure la différence entre la norme dont il a hérité et la norme dominant le marché linguistique.
Je me suis donc demandé si le fait d’aborder les variétés africaines du français en classe pouvait
permettre l’éveil d’une conscience linguistique et ainsi permettre de pallier l’insécurité
linguistique. Lors de mes différentes lectures de manuels, j’ai aussi remarqué la rareté des
prises en compte des français d’Afrique dans les méthodes de FLE ou de français langue
seconde (à présent FLS, ce concept sera approfondi plus tard). À ma connaissance, les seuls
manuels tenant compte de ces variétés sont les manuels de FLS spécifiques au contexte africain.
Cavalla et Diwersy (2016) ont recensé ces différents manuels dans leur article. Cette rareté est
d’ailleurs mise en avant par plusieurs auteurs (Shuming, 2020 ; Gruca, 2010). Mon hypothèse
était alors que les français d’Afrique étaient peu mis en valeur dans les cours de FLSco dans
les UPE2A et les UPE2A-NSA. Je me suis ainsi interrogée sur la manière d’intégrer ces
différentes variétés dans le contexte d’enseignement en UPE2A afin de les percevoir comme
des ressources d’apprentissage plutôt qu’en tant que « déviances à la norme ».
26
dans la commande du CASNAV de Grenoble a amené l’élaboration d’un plan d’action. Suite
à la mise en place du plan, une évaluation des effets de l’action a eu lieu. Les conclusions qui
en ont été tirées seront présentées dans la partie 3 de ce mémoire.
Lors de l’élaboration de ma mission avec le CASNAV, mes tutrices de stage ont évoqué
plusieurs besoins. Bien que ma mission ait évolué au fil du stage (comme décrit dans le chapitre
2, 2.1.), certains besoins initiaux exprimés ont été importants pour la mise en place du plan
d’action. Tout d’abord, un besoin de sensibilisation des enseignants aux différences existant
entre les variétés africaines du français et le français standard avait été identifié, celui-ci
semblait spécifiquement important pour les particularités lexicales. Mes tutrices avaient
observé que les EANA-AFS utilisaient parfois les unités lexicales françaises, mais en leur
attribuant un autre sens que celui attendu en français standard. Ces occurrences sont alors
souvent traitées comme des « erreurs fossilisées des apprenants » et non comme l’usage d’une
variété. Le besoin exprimé était donc de donner des pistes didactiques aux enseignants, afin
qu’ils puissent utiliser les connaissances en français des apprenants pour faciliter
l’apprentissage du FLSco. Ce besoin a influencé l’élaboration du plan d’action.
Suite à l’identification des besoins, il s’agissait de récolter des données. Pour cette collecte,
j’ai pris appui sur plusieurs outils méthodologiques comprenant un questionnaire, des
entretiens semi-directifs avec des élèves et des enseignants et des observations de classe. Je me
dois de préciser que cette étape de recueil de données n’était pas dédiée à l’élaboration du plan
d’action sur le projet des variétés du français, mais sur l’intégralité des documents conçus pour
la mallette pédagogique évoquée au chapitre 2 (section 2.1). Dans cette section, je évoquerai
uniquement les méthodologies ayant donné des pistes pour le projet au cœur de ce mémoire.
Pour le projet sur la variété, mon but était de récolter les points de vue des enseignants, mais
aussi des apprenants, afin de cibler plus précisément le contenu des séances. Il me semblait
important de pouvoir recueillir ces deux points de vue afin de vraiment proposer un projet qui
correspond aux attentes des enseignants et aux besoins des élèves. D’un autre côté, je souhaitais
également observer les pratiques actuelles des enseignants face à ce public. Les choix
méthodologiques ont donc d’une part été influencés par ces objectifs et d’un autre côté par les
contraintes du terrain. Ci-dessous, je présente les différents outils utilisés lors de la collecte de
données.
27
2.2.1. Le questionnaire à l’attention des enseignants
Par l’intermédiaire du CASNAV, un questionnaire a été envoyé à tous les enseignants en
UPE2A de l’Académie de Grenoble. Ce questionnaire avait pour but de récolter la perspective
des enseignants sur le rapport des EANA-AFS au français et aux variétés du français. Il a aussi
servi à cerner les attentes que les enseignants ont vis-à-vis d’un projet sur les variétés du
français. Au total, 8 enseignants ont renseigné le questionnaire. Leurs réponses constituent
l’annexe 1 (p. 5). Le résultat de ce questionnaire met en évidence des retours d’expériences
personnelles des enseignants et donne des pistes intéressantes, même s’il ne permet pas de
produire des données quantitatives. Le questionnaire ayant été envoyé à tous les enseignants
UPE2A de l’académie, plus d’une vingtaine de réponses auraient pu être récoltées, ce qui aurait
permis un aperçu plus large des besoins.
Suite au recueil de données, le projet sur les variétés du français par le support Aya de
Yopougon a été conçu. La trame des séances proposées est disponible en annexe 6 (p. 71).
Ensuite, le projet a été mis en place dans la classe d’UPE2A-NSA décrite au chapitre 2 (section
3). Après chaque séance, j’ai pris des notes de mes observations dans mon carnet de bord afin
de retranscrire au mieux le déroulement des séances et de pouvoir concevoir un tableau
synoptique (annexe 8, p. 101). Il faut cependant noter que le projet n’a pas pu être mis en place
dans sa totalité, en raison des changements d’emploi du temps de la classe (chapitre 2, section
3.2).
L’évaluation du projet a donc été faite à partir de la prise de notes citée ci-dessus (annexe
8, p. 101), mais aussi à partir d’un deuxième focus groupe avec les élèves, ainsi que d’un
entretien semi-directif avec l’enseignante de français de cette classe. Ce deuxième focus groupe
avec les élèves avait pour objectif d’analyser les éventuelles évolutions dans leur perception
des variétés. Il a aussi permis de récolter les impressions des élèves et de leur donner l’occasion
d’émettre des critiques ou des pistes d’amélioration. La transcription de ce deuxième focus
groupe se trouve en annexe 9 (p. 112). J’ai aussi choisi de faire un entretien semi-directif avec
29
l’enseignante. J’ai choisi cette approche pour plusieurs raisons : premièrement, cela m’a permis
de lui demander son avis sur la participation et la motivation des élèves, puisqu’elle est
consciente de leurs comportements habituels ; deuxièmement, l’enseignante avait une
perspective intéressante sur les points à améliorer ; et finalement, cela m’a permis de lui
demander si ces séances avaient changé sa perspective sur les variétés africaines du français.
La transcription de son entretien est disponible en annexe 10 (p. 118). Toutes ces différentes
étapes de la recherche-action ont nourri ma problématique et ont donc fait évoluer mes
hypothèses de départ.
Tout au long de cette recherche-action, des pistes de réflexion ont émergé, ont nourri mes
hypothèses initiales et ont ainsi permis de formuler une problématique incluant tous les
questionnements apparus au cours de cette recherche.
Une première piste de réflexion est l’hétérogénéité du public. En effet, ce projet s’adresse
aux EANA-AFS en particulier. Bien qu’étant originaires d’Afrique francophone
subsaharienne, ces élèves viennent de différents pays qui n’ont pas les mêmes situations
sociolinguistiques et dans lesquels différentes variétés du français sont parlées. La question se
posait alors de la conception d’un projet laissant la place de parler du répertoire linguistique de
tous les EANA-AFS. Ce questionnement va de pair avec un autre facteur d’hétérogénéité : il
est rare d’avoir une classe avec uniquement des EANA-AFS. Il faut donc s’interroger sur la
façon de présenter ce projet de manière à ce que les autres EANA ne se sentent pas exclus.
Les représentations qu’ont les élèves de leur français sont ambigües. D’un côté, dans
différentes situations les élèves se montrent fiers de leur variété, alors que dans le contexte
scolaire, ils la dévalorisent et ne la considèrent pas comme une forme légitime du français.
Cette ambigüité peut engendrer différentes réactions d’EANA-AFS face à un projet sur les
variétés du français d’Afrique. La question émergente de ce constat est alors : le projet portant
sur les variétés du français peut-il changer le regard des élèves sur leur français et comment
cette réaction peut-elle être provoquée ? Une autre piste de réflexion est celle des compétences
travaillées dans ce projet. En effet, le but premier du projet est de mettre en valeur les variétés
connues par ces élèves, mais également de leur montrer qu’ils peuvent utiliser les
connaissances qu’ils ont sur ces variétés pour faciliter leur apprentissage du FLSco. Je me suis
donc posé la question des compétences à travailler pour que les élèves puissent développer leur
compétence métalinguistique pour la mettre à profit de leur apprentissage.
30
Les hypothèses de départ et les différentes observations faites lors du recueil des données
et de la mise en place du projet ont ouvert plusieurs pistes de réflexion. Ainsi, ce mémoire
traitera la problématique suivante : comment et dans quel(s) but(s) peut-on aborder les variétés
africaines du français face à un public d’EANA-AFS en UPE2A et quelles en sont les
conséquences sur l’apprentissage du FLSco par les élèves et sur les pratiques des enseignants ?
Pour répondre à cette problématique, il faudra répondre à différentes questions : quels sont les
enjeux liés à l’intégration des variétés africaines du français face à ce public ? Quelles
approches peuvent être utilisées pour aborder ces variétés ? Comment intégrer l’hétérogénéité
des profils dans ces approches ? Le traitement de la variété en classe peut-il changer la
perception qu’en ont les EANA et les enseignants ? Donner une place à ces variétés permet-il
le développement d’une conscience linguistique ?
Afin de proposer des réponses à ces questions, je présenterai dans la partie suivante les
recherches faites sur la place du français en Afrique, sur la politique linguistique du système
scolaire français et sur les différentes approches permettant d’aborder les variétés.
31
Partie 2
-
Cadre théorique :
La place des variétés africaines du
français en Afrique francophone
subsaharienne, à l’école française et
en didactique des langues
32
La deuxième partie de ce mémoire est consacrée au cadre théorique dans lequel s’inscrit la
recherche-action menée. Pour mieux comprendre les enjeux, les moyens et les résultats de ce projet
sur la mise en valeur des variétés africaines du français face à un public EANA-AFS en UPE2A
quelques notions seront abordées. Ainsi, dans un premier chapitre, je me pencherai sur le répertoire
linguistique des EANA-AFS qui est fortement influencé par la situation sociolinguistique du pays
d’origine et qui permet de mieux saisir le rapport aux langues de ces élèves. Ensuite, j’aborderai les
politiques linguistiques du système éducatif français. Cet état des lieux sur les pratiques existantes
et leurs influences sur l’apprentissage du FLSco permettra d’exposer quelques enjeux du projet.
Enfin, dans le dernier chapitre de cette partie, je présenterai diverses approches permettant d’aborder
les langues et les cultures en classe, puisqu’elles ont fortement influencé la conception du projet.
Cette section définira le terme FLS pour ensuite en présenter les différentes situations en Afrique.
Cela permettra de cerner les diverses socialisations possibles des EANA-AFS avec le français.
Les précisions données dans le chapitre 1 (section 2.2) montrent que le français langue maternelle
(à présent FLM), le FLS et le FLE se définissent par le contexte sociolinguistique d’apprentissage
du français. Ici, je discuterai spécifiquement la notion de FLS. Celle-ci se caractérise, comme le
précisent Goï et Huvert (2012), par un consensus des auteurs de parler de FLS dans des contextes
où le français ne peut pas être appris ou enseigné comme une langue maternelle (parce qu’il n’est
33
pas la langue maternelle des apprenants), ni comme une langue étrangère, puisque le français y a
une importance en dehors du contexte d’apprentissage. Cuq (1991) définit les contextes du FLS
comme des aires où le français est une langue de nature étrangère, mais possède un statut particulier :
« il se distingue des autres langues étrangères […] par ses valeurs statutaires, soit
juridiquement, soit socialement, soit les deux, et par le degré d'appropriation que la communauté
qui l'utilise s'est octroyé ou revendiqué. Cette communauté est bi ou plurilingue » (ibid. : 139).
Dans cette définition, l’attribut second fait référence à la place privilégiée et / ou obligatoire du français
dans cette société. Cela correspond aux situations rencontrées en Afrique francophone subsaharienne,
car le français n’y est souvent pas la langue maternelle des locuteurs, mais qu’il est « partie intégrante
du processus de communication local appartenant au vécu quasi quotidien » (Pöll, 2001 : 155).
Les auteurs sont également en consensus vis-à-vis de l’émergence du terme FLS en rapport
avec la situation coloniale. En effet, Vigner (2009) précise qu’avec l’enseignement primaire et
secondaire dispensé totalement (en Afrique subsaharienne) ou partiellement (dans les pays du
Maghreb) en français dans les pays anciennement colonisés par la France ou la Belgique, les
méthodes typiques du FLE butaient rapidement. Le terme FLS pour mettre en avant cette réalité a
gagné en popularité dans le monde académique dans les années 2000 (ibid.). Bien que Vigner (2001)
accepte les origines du concept comme telles, il attire l’attention sur le fait que les situations de FLS
prédatent largement le terme en faisant référence au plurilinguisme existant au début de l’éducation
en français en France. De plus, le FLS peut actuellement aussi s’appliquer en France dans ce qu’on
appelle « l’enseignement aux migrants » (Pochard, 2002). Ces aspects seront discutés plus en
profondeur dans le chapitre 5 (section 1.3) de ce mémoire. Ce sont les situations du FLS en Afrique
subsaharienne francophone qui seront discutées dans l’immédiat, qui s’inscrivent actuellement dans
un contexte plus large du contact entre les langues et les cultures (Spaëth, 2008).
En effet, le FLS en France se distingue par le fait que le français y est la langue dominante
unique (Pochard, 2002), alors que dans les situations africaines, le français est une composante des
plurilinguismes nationaux (Holtzer, 2005). Pöll (2001) rejoint Manessy (1992) dans la définition de
deux configurations de base pour la place du français dans les paysages linguistiques des pays
d’Afrique francophone subsaharienne. Il précise néanmoins qu’il existe une multitude de variantes
intermédiaires. La première situation est celle où « le français est opposé à une (ou plusieurs)
langue(s) africaine(s) qui ser(ven)t de langue(s) véhiculaire(s) à une majorité de la population »
(Pöll, 2001 : 162). C’est notamment le cas au Burundi, au RDC et au Mali. Dans ces pays, une
34
langue locale est véhiculaire et le français est restreint à quelques domaines tels que l’administration,
l’éducation et la politique (ibid.). Dans la deuxième situation, le français est opposé à un nombre
plus ou moins important de langues africaines locales dont aucune n’est dominante et qui sont donc
peu utilisées au-delà d’une région (ibid). Le français peut alors faire office de langue véhiculaire et
pénétrer tous les domaines d’utilisation. Cette situation est observée au Cameroun, au Congo et en
Côte d’Ivoire (ibid.). Dans ce mémoire, je décrirai plus amplement les situations sociolinguistiques
des trois pays les plus représentés dans l’académie (la Guinée, la Côte d’Ivoire et le Mali) et
exposerai également les différences pouvant exister entre les milieux ruraux et urbains.
Au Mali, la seule langue officielle est le français, mais le statut de langue nationale est attribué à
13 des 100 langues locales. Parmi ces 13 langues, l’une est la langue véhiculaire de 80% de la
population et la langue maternelle d’environ 40% des habitants. Il s’agit du bambara (Diarra, 2020).
Le français est donc en grande partie exclu des interactions quotidiennes et est restreint au domaine
politique et scolaire (ibid.). Même dans les médias, le français est peu présent : seuls les médias
officiels de l’État diffusent en français, les médias de proximité utilisent souvent les langues nationales
(ibid.). Pour les jeunes Maliens, le principal lieu de contact avec le français est donc l’école. Or, en
2018, le taux net de scolarisation au Mali atteint 55,9% pour l’école primaire et 29.9% pour le
secondaire (UNESCO, s.d.b). Il faut aussi signaler que les élèves allant à l’école auront certes été
en contact avec le français, mais cela ne signifie pas qu’ils en ont une compétence langagière élevée,
puisque selon le rapport du PASEC (2014) à la fin du primaire, 46% des élèves ont des difficultés
en compréhensions orales et écrites. En raison du contact entre les différentes langues, le français a
toutefois eu des influences linguistiques sur le bambara et les autres langues vernaculaires. On y
retrouve notamment de nombreux emprunts lexicaux issus du français (Tounkara, 2021).
En Guinée, le français est l’unique langue officielle et langue d’enseignement, mais n’est pas
très répandu dans l’usage quotidien. Contrairement au Mali, la Guinée n’a pas d’unique langue
véhiculaire, trois langues locales accomplissent ce rôle pour différentes régions : le pulaar (pour
environ 45% de la population), le malinka (pour 20%) et le soussou (pour 15%) (Barry, 2014). Les
médias guinéens utilisent généralement un mélange entre le français et les langues locales. L’usage
35
du français est donc réduit à un usage scolaire et l’école se retrouve être l’instance principale de
l’acquisition du français. Or, un rapport de l’UNICEF (2019) révèle que 40% des Guinéens de 5 à
16 ans n’ont jamais été scolarisés. De plus, une grande partie des élèves ne finissent pas le cycle
primaire. Cependant, comme cela est aussi le cas au Mali, dans la situation du contact des langues,
le français imprègne les langues guinéennes. Ainsi, il est rare de ne pas trouver des influences et
des emprunts du français dans les conversations quotidiennes des Guinéens (Barry, 2014.).
36
1.3. Implications sur les différentes socialisations avec le français du public-cible
La description des situations linguistiques de ces trois pays montre que selon le pays dont est
originaire l’EANA-AFS, il n’aura pas la même socialisation avec le français. Ces situations
permettent de faire ressortir les tendances discutées ci-dessous. Néanmoins, celles-ci ne peuvent pas
être généralisées, puisque les formes de socialisation d’un individu ne se limitent pas au niveau
macro. En effet, au plan micro, il faut entre autres considérer les langues utilisées au sein de la famille,
le niveau de scolarisation des proches et le milieu socioprofessionnel, puisque selon Bourdieu
(1972) l’environnement familial est le premier lieu de socialisation d’un individu. Aborder les
situations sociolinguistiques est tout de même intéressant dans le cadre de ce mémoire, puisque j’ai
pu observer des tendances chez les EANA-AFS avec lesquelles je me suis entretenue. Ainsi, les
élèves ivoiriens avaient des compétences en français avant leur arrivée en France, même si celles-ci
étaient influencées par leur scolarisation antérieure. Les élèves guinéens et maliens présentaient des
compétences plus fortement liées à leur niveau de scolarisation. Ces observations sont basées sur
les tableaux 2 (p. 24) et 4 (p. 66) et s’appuient sur le fait que Bourdieu (ibid.) définit l’école comme
le deuxième lieu de socialisation. Il faut toutefois préciser que pour tous les pays d’Afrique
francophone subsaharienne, les individus ont été « contraints […] d’en [le français] être un auditeur
passif, d’en subir le "bruit" » (Féral, 1994 : 3). Feussi (2008) souligne d’ailleurs qu’une grande partie
de la population d’Afrique francophone a été exposée au français et a donc participé à sa construction.
Les EANA-AFS, quel que soit leur pays d’origine, auront donc été exposés à une ou plusieurs
variétés du français.
Dans les deux situations sociolinguistiques décrites, le français a fait et fera l’objet de variations
aux niveaux lexical, phonologique et syntaxique (Cuq, 2021), pouvant être les expressions d’une
norme endogène du français (Féral, 2010). Cette section discutera en priorité les variétés présentes
au Mali, en Guinée et en Côte d’Ivoire, puisqu’il s’agit des pays les plus représentés dans l’académie
de Grenoble. Occasionnellement, les variétés d’autres pays sont mentionnées pour illustrer mes
propos. Pour le Mali ou la Guinée, les auteurs parlent plutôt de « variations spécifiques » au pays,
c’est notamment le cas dans la thèse de Tounkara (2021). Pour la Côte d’Ivoire, les auteurs parlent
de « variété ». Cette distinction est liée à la définition même de ces termes, ainsi la notion de variété
désigne les différentes façons de parler, alors que la variation désigne « les phénomènes diversifiés
en synchronie » Gadet (2007 : 13). Ces dénominations ont donc émergé, puisque les variétés en
Côte d’Ivoire ont été nommées, alors que les variations au Mali et en Guinée ne sont, en recherche,
37
pas associées à des « façons de parler », mais à des interférences avec les langues locales. Dans ce
mémoire, cette distinction ne semble pas utile. Toutes les variations seront considérées comme
faisant partie de variétés diatopiques. Le terme variété sera utilisé pour différencier les pratiques
existantes dans plusieurs pays africains de la pratique du français standard, même si je suis
consciente que certaines variations transgressent les frontières qui permettent de délimiter les
variétés les unes des autres et que les variations s’inscrivent dans un continuum (Féral, 2010).
Les variations observables dans les variétés africaines du français naissent principalement du
contact entre les langues présentes sur le territoire, mais aussi d’un désir de s’approprier le français,
perçu comme une langue exogène (Boukari, 2017). Dumont (2019 : 55) reprend le discours de
l’auteur ivoirien Ahmadou Kourouma qui expliquait que « si son français n’est pas le même que
celui des Français, c’est qu’il correspond à un univers conceptuel différent, à une expérience du
monde autre ». Cette vision est également défendue par Holtzer (2005) qui met en avant que, même
inconsciemment, les façons d’organiser le discours et les schémas communicationnels des langues
maternelles des locuteurs imprègnent le français pratiqué. Les variétés africaines sont donc
fortement marquées culturellement. Décrire tous les mécanismes de variations présents n’est pas
possible dans ce mémoire. La revue Le français en Afrique (publiée depuis 1980) propose des
descriptions de différentes variétés et variations à l’œuvre sur le continent africain. Puisque le projet
développé se concentre sur les particularités lexicales, celles-ci seront décrites plus amplement.
Les phénomènes de variations lexicales en contexte africain ont pour la première fois été décrits
dans L’inventaire des particularités lexicales du français en Afrique noire paru en 1977. Celui-ci
recense des phénomènes observés autant à l’écrit (dans les textes littéraires et journalistiques) que
dans les usages oraux (Dumont, 2019). Le lexique des variétés africaines se caractérise par de
nombreux emprunts aux langues locales, surtout quand le lexique « français » est jugé insuffisant
pour décrire des « visions africaines » (Frey, 2008 : 20). D’autres procédés incluent l’ajout de
connotations socioculturelles à des mots. Dumont (2019) donne l’exemple de « charlatan » qui
prend une connotation positive dans certaines variétés africaines du français. Finalement, Kießling
et Mous (2004) proposent un inventaire des manipulations lexicales. Parmi elles, ils nomment les
manipulations sémantiques, en donnant l’exemple du mot « bateau » utilisé pour signifier « train »
dans quelques variétés. Ils nomment aussi l’affixation de morphèmes français à des mots d’origines
non-françaises, en donnant l’exemple du mot « djiboteur » (« sorcier » en français standard)
38
composé du mot dioula « jigbo » signifiant cérémonie auquel le suffixe « -eur » est attaché. Les
variations peuvent ainsi être le résultat d’une expression créative transportant une valeur identitaire.
Il est alors intéressant de se pencher sur les représentations qu’ont les locuteurs de ces variations.
Pour la notion de représentation, je retiens la définition de Moore (2001 : 10) postulant que
celle-ci est « toujours une approximation, une façon de découper le réel pour un groupe donné en
fonction d’une pertinence donnée ». Or, ces représentations sont à la fois façonnées par les rapports
sociaux préexistants et jouent donc un rôle dans leur maintien (Billiez & Millet, 2001). Les variétés
africaines du français sont donc soumises à des représentations.
39
nationale surtout dans les pays sans langue véhiculaire nationale (Féral, 2010). En Côte d’Ivoire, le
nouchi profite d’une réelle représentation valorisante et est parlé dans l’entièreté du pays (Boutin &
Kouadio N’Guessan, 2015). Ce déploiement et la normalisation des variétés peuvent aussi être
observés dans les entretiens des EANA-AFS. Ainsi, Francis, un jeune ivoirien ayant grandi en zone
rurale dans le nord du pays, indique qu’il utilisait le nouchi en milieu familial (annexe 3, p. 34).
Finalement, il est concevable que ces « parlers jeunes » existent aussi en Guinée et au Mali, mais
que les recherches y soient moins nombreuses. Un paradoxe se dessine entre la valeur identitaire
accordée aux variétés africaines du français et leur perception par les locuteurs eux-mêmes en tant
que « mauvais français ». Or, ce paradoxe peut s’expliquer par le rapport diglossique existant entre
le français standard et les variétés et langues africaines qui s’est installé depuis la colonisation.
Les descriptions de la place du français dans ces pays ont permis de pressentir que ces situations
de plurilinguismes sont en fait inégalitaires. En effet, une relation hiérarchique, qui peut être qualifiée
comme situation de diglossie, s’établit entre les langues (Dabène, 1994). Ferguson est largement
considéré comme le fondateur de ce concept (ibid. ; Feussi, 2008 ; Holtzer, 2005). De base, celui-ci
prévoit une répartition relativement harmonieuse entre les langues en situation de diglossie, mais ce
concept a évolué. Aujourd’hui, la diglossie se caractérise surtout par la prise en compte « des aspects
conflictuels opposants nécessairement deux langues en présence dès lors qu’elles n’ont pas le même
statut dans la société et qu’elles occupent des fonctions inégalement valorisées » (Cuq, 2003 : 72).
Cette section présentera donc les aspects conflictuels entre le français et les langues africaines.
Le statut de langue dominante est influencé par des facteurs politiques et économiques, mais
aussi par le lien affectif qui donne aux langues un statut formel ou informel (Monney, 2012). La
langue considérée comme plus prestigieuse est alors celle utilisée dans les administrations et les
institutions scolaires (ibid.). Comme précisé au chapitre 4 (section 2.3.), cette présence renforce alors
à son tour les représentations. Le français est donc en position haute par son statut officiel et son rôle
dans l’enseignement. Il se trouve également en position haute par les représentations que s’en font
les habitants. Le français standard jouit en Afrique francophone subsaharienne d’un certain prestige
(Pöll, 2001). Bien qu’il soit généralement ressenti comme exogène (Holtzer, 2005), il est tout de
même associé à l’ascension sociale et profite donc d’un statut valorisé. Le rapport de l’OIF (2022)
expose que les locuteurs du français en Afrique voient le français comme une opportunité de trouver
du travail, de s’informer, mais aussi d’avoir accès à d’autres cultures. Ceci démontre que le français
40
est associé au prestige et à l’ouverture au monde. De plus, le français est également la langue de l’écrit.
Les langues vernaculaires sont souvent des langues de tradition orale et même si elles possèdent
souvent un système d’écriture, celui-ci n’est que rarement enseigné (mis à part dans quelques écoles
du Mali) (Thiam, 2014). Cette quasi-exclusivité du français sur l’écrit renforce sa position haute,
puisqu’il a accès à des situations dont les langues vernaculaires sont quasi totalement absentes.
Les langues en position basse ne jouissent pas de la même attention au niveau institutionnel et sont
réduites au statut informel et donc aux usages personnels et familiaux (Monney, 2012). En Afrique
francophone subsaharienne, les langues vernaculaires et les variétés du français occupent cette position.
41
3.3. Des basculements au plan micro-sociolinguistique
Le modèle diglossique est très utile pour rendre compte de mécanismes au niveau macro-
sociolinguistique. Cependant, il ne permet pas de témoigner de la complexité des situations
plurilingues (Dabène, 1994). En effet, dans son analyse des places que prennent les différentes langues
en contexte camerounais, Feussi (2008) remarque que chaque langue peut se retrouver dans une
position valorisée ou dévalorisée. Il plaide pour une vision contextuelle du rapport diglossique en
affirmant que des « locuteurs peuvent valoriser une langue dans un cadre interactionnel, laquelle
perd son prestige pour occuper la position défavorisée dans un autre contexte » (ibid. : 196). De
plus, Dumont (2019) précise que même si le français standard est globalement considéré comme
supérieur, l’utiliser dans certains contextes serait taxé d’élitisme et de déni des racines africaines,
ce qui exclurait les locuteurs d’un groupe. Toutefois, le rapport diglossique au niveau macro, même
s’il ne représente pas une réalité absolue, permet de prévoir quelques attitudes de la part des élèves.
Les sections précédentes soulignent ce que Dabène (1994) postulait : les langues et variétés
considérées comme inférieures au niveau macro ne sont pas vues comme des objets d’enseignement.
Or, le rapport diglossique étant fortement lié aux représentations des langues et à la culture scolaire,
il peut engendrer des attitudes linguistiques chez les locuteurs (Auger, 2021). Les attitudes sont ici
considérées comme la « dimension évaluative de la représentation » et font donc référence « aux
dispositions favorables ou défavorables qu’ont les individus envers les langues, la leur ou celles des
autres » (Moliner, 1996 : 47). Ces attitudes ne sont pas directement perceptibles, mais génèrent des
comportements linguistiques qui sont eux observables (Castellotti & Moore, 2002).
L’insécurité linguistique (chapitre 3, section 1) est l’une de ces attitudes. Celle-ci génère alors
des comportements dont l’hypercorrection et l’auto-dévaluation font partie (Rispail, 2017). Or, la
situation diglossique est l’élément fondamental du sentiment d’insécurité linguistique chez les
locuteurs africains (Dumont, 2019). Ce rapport de diglossie ancré dans le vécu linguistique des
EANA-AFS, tant par la représentation que par le rapport des langues en milieu scolaire, peut donc
les mettre dans des situations d’insécurité quand on leur demande d’utiliser une langue ou une
variété qu’ils considèrent comme peu prestigieuse. Les situations de diglossie créent alors des attitudes
de répulsion ou d’attraction aux langues en position basse ou haute (Monney, 2012). L’utilisation
par un alloglotte d’une langue ou variété considérée comme « basse » peut aussi être perçue comme
une attitude indiscrète ou moqueuse par les locuteurs de ces dernières (Dabène, 1994). Des tentatives
de valorisation de ces pratiques vues comme illégitimes peuvent aussi se heurter à la recherche de
42
sens : il est possible que les locuteurs demandent à apprendre la langue en position haute et ne voient
pas l’utilité d’aborder les langues ou variétés basses. La mise en place de séances de valorisation
peut alors avoir un facteur démotivant (ibid.). Ceci est aussi souligné par Moore (2006 : 113) :
« le statut informel d’une langue, et la dévalorisation dont celle-ci peut faire l’objet dans les
communautés en contact, peuvent rendre difficiles les efforts de revalorisation, même si le
nombre de locuteurs est suffisamment élevé pour pouvoir assurer démographiquement la
transmission des langues concernées, et leur enseignement dans le cadre scolaire »
Monney (2012 : 118) décrit d’ailleurs une expérience d’intégration d’une langue locale à l’école qui
se heurte au désintérêt des élèves, puisqu’ils sont n’en comprennent pas les enjeux « dans un système
scolaire qui […] ne valorise qu’une langue et dans lequel "la réussite" scolaire dépend de la maîtrise
du français ». Il sera donc crucial de considérer ces diverses attitudes dans le projet portant sur les
variétés.
Ce chapitre a permis de mettre en avant la socialisation que peuvent avoir les EANA-AFS avec
le français en prenant en compte plusieurs facteurs tels que le pays d’origine, les variétés du français
et le rapport diglossique. Obtenir un aperçu de cette socialisation est particulièrement important
pour tirer des conclusions quant à leur apprentissage du français en milieu scolaire. La socialisation
des EANA-AFS avec le français est entre autres influencée par leur pays d’origine, leur degré de
scolarisation, le milieu (urbain ou rural) dans lequel ils ont évolué et le milieu familial, même si ce
dernier n’a pas été développé en profondeur. Ces diverses influences ont un impact sur leur rapport
au français, puisque selon ces variables les EANA-AFS ont différents niveaux de compétences,
différentes variétés dans leur répertoire et des représentations différentes face au français standard.
Cette hétérogénéité sera à prendre en compte lors de la conception du projet et lors des
questionnements sur les représentations et attitudes que peuvent avoir les apprenants face à celui-
ci. Je souhaite finalement attirer l’attention sur deux aspects qui méritent une réflexion particulière :
- certains EANA-AFS n’ont pas de socialisation importante avec le français, il faut considérer
qu’ils ne se sentiront pas forcément concernés par le projet proposé ;
- les représentations et les attitudes envers les variétés sont extrêmement ambigües, celles-ci
devront donc être traitées avec finesse.
Il est important d’aborder ce rapport au français des EANA-AFS avant leur arrivée en France,
puisque celui-ci influence leur vécu linguistique. À présent, il est nécessaire d’aborder la politique
éducative française vis-à-vis des langues, afin de mieux comprendre les enjeux du projet mis en place.
43
Chapitre 5. Les places des langues et des variétés dans l’école française
Pour saisir les enjeux du projet portant sur les variétés africaines du français, il est important de
connaitre la politique linguistique de l’école face aux langues et aux variétés. Cela est indispensable,
puisque les EANA-AFS, comme précisé au chapitre précédent, ont un rapport conflictuel avec les
langues de leur répertoire avant leur arrivée en France. Celui-ci sera modifié ou accentué par leur
vécu scolaire. La première section de ce chapitre abordera l’unilinguisme français et ses répercussions
sur le système d’enseignement. Ensuite, j’évoquerai les politiques éducatives européennes actuelles
sur l’intégration des langues à l’école, ainsi que les développements dans la recherche universitaire.
Finalement, je présenterai la situation actuelle de l’intégration des langues dans le système scolaire
français, qui se trouve en opposition avec les évolutions académiques en didactique des langues.
1. L’idéologie du standard : une barrière à la prise en compte des variétés et des langues ?
Même si le français standard est souvent considéré comme une variété du français, cette
représentation est trop simpliste (Guerin, 2008). En effet, comme le met en avant Guerin (ibid. :
2305), le français standard est plus une « action sociale et non réalité linguistique ». Pour
comprendre cette affirmation, il faut se pencher sur l’histoire du français standard. En France,
l’adoption d’une langue nationale commune s’est faite par l’éradication des autres parlers sur le
territoire (Castellotti, 2008). Boyer (2001) met en avant que l’émergence du français standard est le
produit d’une politique linguistique de l’unilinguisme appliquée par l’État français monarchique,
puis républicain afin d’unifier le pays. Cette politique se résume par la formule « ni concurrence
(pour la langue nationale), ni déviance (par rapport à l’usage légitime) » (ibid. : 384). Elle a donc
instauré la langue française comme l’unique langue du territoire, écrasant ainsi les langues
régionales et les autres langues présentes dans les régions limitrophes, mais aussi uniformisé la
langue en une norme unique : le « bon usage » (ibid. : 385). C’est sur ces bases que le français
standard s’est construit. Pour rappel, l’idée d’une forme standard de la langue suppose que la
prononciation, la forme grammaticale et le lexique sont utilisés de la même manière par tous les
locuteurs (Milroy, 2007). En France, le processus de standardisation a été poussé jusqu’à atteindre
une forme de sacralisation et d’idéalisation de la norme standard, qui a été institutionnalisée et donc
44
solidifiée (Boyer, 2001). Or, comme souligné par Milroy (2007), une telle standardisation implique
des attitudes langagières basées sur une forte « idéologie du standard » qui valorise l’uniformité
comme l’état idéal de cette langue. Cette idéologie est particulièrement ancrée en France et présente
donc une forme d’élévation du français standard, induisant une dévalorisation des autres variétés
(Gadet, 2007). Le standard jouit alors d’un prestige social, culturel et politique (ibid.). Cette
idéologie est tellement ancrée en France que les Français adhèrent à cette représentation de langue
unique et immuable (ibid.). Or, cette vision homogénéisante, monolingue et puriste de la langue est
en contraste avec les pratiques sociales attestées telles que les compétences sociopragmatiques
plurielles et plurilingues nécessaires dans la vie sociale (Blanchet, 2007).
Dès l’année 1881, l’école de la République a pour mission de propager le « seul bon français »,
dans l’idée de rendre la France unilingue (Escudé, 2020). Puisque l’école est un lieu de reproduction
des idéologies linguistiques (Blanchet et. al., 2014), elle constitue un outil primordial dans
« l’unification » langagière. En effet, elle a le pouvoir de mettre à l’écart les variations diatopiques
ou diastratiques (Castellotti, 2008). Ainsi, depuis la Révolution, le rôle de l’école est d’enseigner
« le » français et en français (ibid.). D’ailleurs, jusque dans les années 1950, l’utilisation de langues
régionales était punie dans le système scolaire français et même aujourd’hui ces dernières ne sont
que peu enseignées (Auger, 2021). L’idéologie du standard domine l’école française et laisse peu
de place aux autres langues et variétés (ibid.), ce qui rend difficile d’intégrer ces dernières dans les
pratiques pédagogiques (Bellonie, 2012). Blanchet (2007) souligne que cette idéologie linguistique
relayée par le système éducatif fait des ravages dans l’enseignement du français, puisqu’elle produit
des insécurités linguistiques, culturelles et identitaires qui sont d’autant plus graves dans le contexte
migratoire dans lequel se trouvent les EANA (chapitre 5, section 3.3). Ce monolinguisme joue un
rôle incontournable dans l’approche des langues par les programmes scolaires (Bertucci & Corblin,
2004) et ce dernier se retrouve également dans la politique scolaire vis-à-vis des langues des EANA.
Jusqu’en 1966, lors de la première mise en place de « classes expérimentales d’initiation pour
étrangers », il n’existait pas de réelle différenciation entre l’enseignement du français aux natifs et
non-natifs (Vigner, 2009 : 9-10). Il est donc concevable que jusqu’à ce moment-là, tous les
apprenants étaient soumis à l’idéologie du standard présente dans les écoles. À partir de 1970, des
circulaires précisant les buts et l’organisation des différents dispositifs sont publiées (Vigner, 2009).
En ce qui concerne l’enseignement du français, il a tout de même fallu attendre les années 2000
45
pour que l’appellation FLS soit acceptée dans l’éducation nationale (Auger, 2021). D’abord la
circulaire 2002-100, puis celle de 2012-141 mettent au premier plan que la maîtrise du français
visée doit être celle d’une langue de scolarisation. Comme le met en avant Vigner (2009), le FLSco
s’écarte fortement des usages communicatifs du quotidien. Cette directive donne alors des pistes
sur les méthodologies à employer, mais ne donne pas d’indications sur quel français enseigner.
D’après Auger (2008), l’unilinguisme français est encore très présent et cela également dans
l’enseignement aux EANA. Le français standard reste alors la norme enseignée à ces élèves et est
vu comme la variété du français que les élèves doivent acquérir. Les attitudes très normatives par
rapport au français et l’intériorisation de la dévalorisation des variations et des langues étrangères
en général sont le résultat de cette idéologie (ibid.). En conséquence, même aujourd’hui, les
représentations scolaires face aux langues de migration suivent la même logique que celles face aux
langues régionales. Il faut cependant préciser que même si selon les textes officiels, le français est
la seule langue de communication scolaire et extrascolaire (Chnane-Davin et. al., 2011), la circulaire
2002-100 ne vise plus l’exclusion des langues maternelles des EANA. Il faut alors se demander
comment est conçue cette intégration des langues des EANA dans leur cursus et quels en sont les
avantages. Pour cela, la section suivante est consacrée à l’exploration des directives existantes dans
l’Union européenne (à présent UE) et du regard de la recherche sur cette question.
46
culturellement d’un acteur social qui possède, à des degrés divers, la maîtrise de plusieurs langues
et l’expérience de plusieurs cultures » (Conseil de l’Europe, 2001 : 129). Pour travailler cette
compétence, il faut d’abord accepter que les cultures et les langues avec lesquelles un individu a été
en contact n’évoluent pas côte à côte, mais se comparent, s’opposent et s’influencent mutuellement
(ibid.). L’enseignement unilingue, comme il est défini dans la section précédente, ne permet pas
aux apprenants de construire une compétence plurilingue. Or, travailler cette dernière semble crucial
puisqu’elle permet de prendre en compte les similitudes et les différences entre les langues (Nicolas
& Bergère, 2020). Intégrer plusieurs langues dans le contexte scolaire permet alors d’améliorer les
apprentissages en guidant les apprenants vers le développement d’une attention particulière aux
enjeux et à la structure de la langue (ibid.). En encourageant cette compétence plurilingue, les
apprenants pourront percevoir leurs langues comme des ressources potentielles à l’apprentissage.
2.2. Les langues, une « ressource potentielle » pour les enseignants et les apprenants
Donner une place aux langues des apprenants permet aux enseignants de comprendre les
répertoires linguistiques singuliers de chaque apprenant (Stratilaki-Klein & Nicolas, 2020). Pour un
enseignant, avoir un aperçu des langues connues par un élève et de son rapport à celles-ci lui permet
de mieux estimer les difficultés que l’élève va rencontrer au cours de son apprentissage (ibid.). Pour
cela, il est important que les enseignants aient une idée claire des situations sociolinguistiques dans
lesquelles se trouve l’élève qu’ils accueillent (ibid.). Dans un interview donné à Le français dans le
monde, Beacco (2015) affirme que la connaissance des langues des apprenants permet de prévoir
des erreurs récurrentes. Il est évident qu’un enseignant ne peut pas avoir des connaissances dans
toutes les langues (Vigner, 2009), cependant avoir des connaissances sur le répertoire linguistique
des élèves permet d’avoir recours à différents outils, tels que les fiches de grammaire ou de
phonétique contrastive (Beacco, 2015). L’important est donc d’avoir un esprit d’ouverture envers
les langues des apprenants. Prendre connaissance du répertoire linguistique permet aux enseignants
d’aborder des points de langue de manière contrastive, mais cela peut aussi permettre aux
apprenants de construire leurs connaissances dans la nouvelle langue à partir du connu (ibid.).
L’apprentissage d’une nouvelle langue est souvent conçu comme ayant lieu sur un terrain
linguistiquement inoccupé (Holtzer, 2005). Or, plusieurs auteurs dont Stratilaki-Klein et Nicolas
47
(2020) postulent que l’apprentissage du FLSco se fait à partir d’un existant dans les langues
premières. En effet, Auger (2008) précise que le système de la langue maternelle des apprenants est
ancré dans leurs pratiques. Elle ajoute qu’il n’est pas nécessaire d’avoir des compétences à l’écrit
pour accéder à ce système, puisque celui-ci est fixé dans la pratique orale. L’élève a donc des
capacités métalinguistiques, mais ne connait pas forcément les terminologies du métalangage (ibid.)
Les langues des répertoires des apprenants peuvent donc être utilisées pour faciliter l’apprentissage
de la langue de scolarisation, puisque, comme le souligne Gouaïch et Chnane-Davin (2020 : 241),
« l’éducation plurilingue et interculturelle a des bénéfices cognitifs […] quand toutes les
langues (apprises à l’école, acquises en milieu naturel) sont mises en synergie autour de la
langue de scolarisation ».
Or, il faut prendre en compte, comme précisé au chapitre 4 (section 3.4), que certains apprenants ne
se sentiront pas légitimes d’utiliser leurs langues en classe. Aborder les langues connues par les
élèves est alors d’autant plus important puisque cela permet d’instaurer un sentiment de valorisation
qui facilitera le transfert d’une langue à une autre (Auger & Pichon-Vorstman, 2021).
2.3. Pallier l’insécurité linguistique par l’intégration des langues et des variétés
Les élèves se sentent généralement plus en sécurité quand l’enseignant autorise, voire stimule,
l’utilisation des langues déjà connues. L’enseignant crée ainsi un espace sécurisant pour l’élève
(Auger & Pichon-Vorstman, 2021). Par la création de cet environnement, l’enseignant renforce la
motivation et l’implication tout en prenant en compte leurs besoins socioémotionnels (ibid.). En effet,
l’école joue un rôle particulièrement lourd dans l’instauration d’une insécurité ou sécurité linguistique
(Blanchet et. al., 2014). Dans l’institution scolaire, l’insécurité linguistique (chapitre 3, section 1)
peut donc être renforcée, puisque la langue de scolarisation est le moyen d’enseignement et
d’apprentissage dans toutes les disciplines, qu’elle fait l’objet d’une évaluation constante et qu’elle
est perçue comme le « bon usage » (ibid.), Blanchet et. al (ibid.) postulent alors que l’intégration
des langues et des variétés par des approches plurielles visant l’utilisation consciente de l’entièreté
du répertoire linguistique par l’apprenant permettrait de pallier cette insécurité et d’ainsi instaurer
un environnement propice à l’utilisation des langues et variétés comme ressource d’apprentissage.
Que ce soit en recherche ou dans les politiques éducatives, on remarque donc un passage à la
prise en compte du plurilinguisme. Or, comme le fait remarquer Forlot (2012), malgré ces
évolutions vis-à-vis de la pluralité des langues, l’enseignement à la française se cloisonne dans sa
tendance unifiante. La prochaine section se consacre donc à la description de la place actuelle
accordée aux langues dans le système éducatif français.
48
3. Les langues des élèves à l’école : quelle est la place actuelle du plurilinguisme ?
Tous les EANA, peu importe leur pays d’origine, vont accéder à un plurilinguisme dont le français
constitue une des langues en usage (Vigner, 2009). Comme précisé ci-dessus, la prise en compte des
répertoires des apprenants permettrait la création d’un espace sécurisant pour encourager les EANA
à s’appuyer sur des savoir-faire déjà disponibles. Or, les langues des EANA sont rarement exploitées
à l’école. Ici, j’aborderai donc la politique éducative face aux langues, le rôle des représentations
des langues dans ce contexte et l’impact de ce traitement du plurilinguisme sur les EANA.
3.2. Représentations et attitudes des enseignants par rapport aux langues des apprenants
Les représentations des enseignants sur les langues et variétés des apprenants ont un fort impact
sur la prise en compte du plurilinguisme de ces derniers. En théorie, tous les plurilinguismes sont
égaux et légitimes (Vigner, 2009). En réalité, comme l’affirme Castellotti (2008 : 240), il y a une
distinction entre « bon » et « mauvais plurilinguisme ». Ainsi, certaines langues sont plus valorisées
que d’autres dans le système scolaire (ibid.). L’enquête de Nante et Trimaille (2013 : 109) confirme
que les langues des pays africains sont généralement considérées comme des « plurilinguismes
dévalorisants ». Bien que cette enquête n’ait pas été faite avec des enseignants d’UPE2A, elle
montre la tendance de dévalorisation qui touche le répertoire langagier des EANA-AFS. D’un autre
côté, Vigner (2009) précise que le plurilinguisme en école internationale est quant à lui valorisé. Les
variétés sont aussi soumises à des représentations et les variétés africaines du français en particulier
sont considérées comme illégitimes (Auger, 2021). Ses locuteurs sont souvent perçus comme
« extérieurs » au groupe des francophones (ibid. : 101). Il n’est donc pas surprenant que les variétés
diatopiques parfois présentées dans les méthodes de FLE soient des variétés qui bénéficient tout de
même d’un certain prestige telles que le québécois ou le français de Belgique (Maizonniaux, 2019).
Les représentations que les enseignants se font des langues et variétés engendrent des attitudes face
à celles-ci. Le rejet ou la non-prise en compte du répertoire langagier des apprenants est donc
étroitement lié à ces représentations. Or, ces attitudes de la part des enseignants ont quant à elles à
nouveau une influence sur les constructions identitaires et les apprentissages des apprenants.
3.3. Impacts sur la construction identitaire des élèves allophones nouvellement arrivés
50
internalisent ce message, puisqu’il est instauré par une instance au pouvoir (ibid.). Cette interdiction
peut avoir un impact sur des jeunes apprenants en pleine construction identitaire.
« On ajoutera à cela le stress généré par la perte des repères une fois dans le pays-hôte,
l’inquiétude de ne pas savoir si le jeune pourra rester en France lorsqu’il deviendra majeur
ou encore la solitude ressentie en dépit de la communauté de pairs ».
Le maintien d’un contact avec les pays d’origine et donc avec le milieu familial semble alors crucial,
puisqu’il entraîne un meilleur équilibre psychoaffectif et une forme de sécurité (Moro, 1998 cité par
Castellotti, 2008). De plus, pour les EANA-AFS, un sentiment d’incompréhension peut également
51
émaner. Delebarre (2022a) précise que certains EANA-AFS vivent l’imposition du français dans leur
pays comme une injustice, puisque leur accueil en France est soumis à une grande insécurité sur leur
statut migratoire et leur droit de rester sur le territoire. Le français peut aussi être perçu comme la
langue du colon (ibid.). Les représentations dévalorisantes vis-à-vis du français connu par ces élèves
peuvent renforcer ce sentiment d’injustice. Certains élèves s’identifient comme francophones et se
sentiront davantage opprimés par l’absence de légitimation de leurs variétés du français à l’école,
alors que celles-ci sont déjà stigmatisées hors contexte scolaire (Auger, 2021). En effet, cette
stigmatisation renforce le sentiment d’illégitimité (ibid.). Accorder cette légitimité aux langues et
variétés semble alors d’autant plus pressant face à la précarité identitaire de ce public.
En premier lieu, ce chapitre s’est penché sur l’unilinguisme français et sur l’idéologie du
standard qui sont jusqu’aujourd’hui prédominants en France et plus précisément dans le système
scolaire français. Ainsi, les autres variétés, qu’elles soient diatopiques, diastratiques ou
diaphasiques sont généralement exclues de l’enseignement. Une variété du français de France
hexagonale a été choisie comme français standard et a été transmise à travers l’administration, les
médias et surtout l’école. En conséquence, dans ce mémoire, le terme « français standard » est
utilisé, puisqu’il s’agit de la variété du français à laquelle les pratiques langagières des EANA seront
comparées. Cet unilinguisme français a également des répercussions sur l’usage d’autres langues
dans l’enseignement aux EANA.
52
réponde(nt) à un besoin de communication » (Thiam, 2014 : 180-181). Auger (2021 : 97) résume
très bien la situation actuelle :
« Malgré les travaux en didactique sur ces questions, afin de reconnaître les langues ou
variations du français pour coconstruire des apprentissages en français qui tiennent compte
de cette réalité, les représentations grèvent la mise en œuvre de ces recherches, tant dans
l’enseignement du français langue première, que seconde ou étrangère ».
Dans ce chapitre, j’ai aussi souligné l’importance particulière de la prise en compte des
répertoires linguistiques des EANA-AFS, puisque ce public est exposé à une grande précarité et vit
souvent une stigmatisation en raison de ses pratiques langagières (mais pas uniquement, puisqu’il
faut aussi évoquer les discriminations racistes que vivent ces élèves). Ce chapitre met donc en
lumière les éventuels enjeux de la prise en compte des variétés africaines du français en UPE2A.
Cummins (2012 : 44) résume bien ces enjeux :
Le premier pas vers l’inversion de ces structures de pouvoir est alors la légitimation des pratiques
langagières des apprenants. Le prochain chapitre mettra en lumière les différentes approches
didactiques qui pourront être exploitées pour intégrer différentes variétés, mais aussi de façon plus
générale, différentes langues dans le contexte d’apprentissage.
2
Traduction personnelle : « Les groupes réalisant des performances scolaires insuffisantes à long terme sont
souvent ceux ayant vécu des violences physiques ou symboliques de la part du groupe social dominant au fil des
générations. […] afin d’inverser cette tendance de performance insuffisante, les éducateurs, autant individuellement
que conjointement, doivent remettre en question les fonctionnements des relations coercitives de pouvoir lors des
interactions qu’ils entretiennent avec les groupes d’apprenants marginalisés ou minoritaires au sein de la classe. »
53
Chapitre 6. Mettre en valeur les langues et les variétés, quelles approches ?
Ce dernier chapitre du cadre théorique est dédié au recensement des différentes approches de
mise en valeur et d’utilisation du plurilinguisme. Après avoir décrit le profil linguistique des EANA
et le contexte scolaire dans lequel ils se trouvent, il est important de se pencher sur la question du
« comment ? ». Pour cela, trois pistes didactiques vont être explorées : l’enseignement du français
en milieu créolophone (à présent EFMC), la didactique du plurilinguisme et l’interculturalité à
travers la littérature. Ce chapitre est particulièrement important pour l’analyse des séances
proposées dans la partie 3 (chapitre 8) de ce mémoire, puisque le projet se sert de ces trois approches
afin de mettre en valeur les variétés du français connues par les EANA-AFS.
Les situations de FLS ne sont pas limitées aux anciennes colonies ou au contexte des migrants
en France. Elles s’appliquent aussi aux jeunes scolarisés dans les départements et régions d’outre-mer
(à présent DROM). En Martinique, en Guyane, en Guadeloupe, à la Réunion ou à Mayotte, de
nombreux Français sont scolarisés en français, alors que cette langue n’est pas leur langue maternelle
(Vigner, 2009). Dans tous les DROM, un créole est devenu la langue véhiculaire et vernaculaire de
la population (Véronique, 2021). Ces situations ressemblent alors à celles des EANA-AFS
1.1. Comparaison des situations dans les territoires d’outre-mer et celles du public-cible
Les créoles sont pour une grande partie de leurs traits linguistiques issus du français (Bellonie,
2012), ce qui est aussi le cas des variétés du français en Afrique. Quelles sont alors les différences
entre les créoles et les variétés ?
54
référent) et morphosyntaxique (ibid.). Comme pour les variétés, on trouve donc des « faux amis »
et des différences de contenu sémantique (Bellonie, 2012 ; chapitre 4, section 2.2).
Afin de comprendre en quoi l’EFMC peut être une approche didactique intéressante dans le
cadre de ce mémoire, il faut d’abord explorer ses buts et fondements didactiques. Bellonie (2012 :
113) définit l’objectif global de l’EFMC comme tel :
« La perspective didactique globale est une introduction de la notion de variation dans les
apprentissages et un enseignement s’appuyant sur les pratiques langagières des enfants à
partir des ressemblances et différences entre créoles et français ».
Pour cela, l’EFMC doit permettre aux élèves de développer une conscience linguistique et
identitaire positive des deux langues en présence (Gaillat, 2014). Par conscience linguistique,
j’entends « la faculté d’identifier les éléments qui composent son répertoire verbal ou celui des
personnes qui l’entourent comme appartenant à des ensembles différents » (Dabène, 1994 : 99).
C’est cette conscience qui permet aux locuteurs d’utiliser certaines formes plutôt que d’autres en
fonction des différentes situations de communication (ibid.). C’est aussi elle qui permettra aux
apprenants de « construire des corpus d’éléments lexicaux identifiés comme appartenant à telle ou
telle langue » (Gaillat, 2014 : 107), et par extension à telle ou telle variété. Cette distinction des
pratiques doit par la suite permettre aux apprenants de développer des compétences d’inférence
(ibid.). L’EFMC, les pratiques langagières et la variation jouent donc un rôle fondamental, afin
d’engendrer une approche comparative. Afin de vraiment permettre à l’élève de travailler ces
compétences, l’enseignant doit avoir des comportements encourageant ces pratiques.
55
Gaillat (2014) énonce six principes fondamentaux de l’EFMC que l’enseignant doit appliquer :
1) respecter l’objectif premier dans l’école : l’élève doit acquérir le français par la pratique et
l’imprégnation ; 2) respecter le créole et lui accorder une réelle place à l’école ; 3) prendre en
compte le contexte d’apprentissage et en développer une contextualisation didactique ; 4) prendre
en compte les représentations que l’élève a des langues ; 5) encourager une représentation positive
des langues en se basant sur les productions des élèves ; 6) proposer une approche qui permet la
distinction des variétés langagières produites par l’apprenant en favorisant une synergie entre elles.
Ces fondements encouragent donc l’enseignant à respecter les variétés et les langues connues par
l’apprenant, pour ainsi lui permettre de les distinguer tout en ayant une représentation positive de
ces dernières. Souhaitant acquérir un résultat similaire, cette approche peut donc apporter des pistes
didactiques à inclure dans le projet proposé aux EANA-AFS.
La recherche en EFMC s’est penchée sur deux types d’approches didactiques, à savoir la réelle
mise en place de séances de différenciation de code et le traitement de l’erreur.
56
Gaillat (ibid.) met en avant l’importance d’aborder les mots ou expressions de façon non isolée et
de les traiter au sein d’un discours qui prend vie, c’est-à-dire en contexte langagier.
En ce sens, les approches plurielles peuvent se définir à partir du Cadre de référence pour les
approches plurielles des langues et des cultures (à présent CARAP) comme « des approches
didactiques qui mettent en œuvre des activités d’enseignement-apprentissage qui impliquent à la
fois plusieurs (= plus d’une) variétés linguistiques et culturelles » (Candelier et. al., 2012 : 6). Dans
le cadre de cette recherche, je présenterai trois approches plurielles ayant pris une place importante
dans le projet présenté : l’éveil aux langues, l’approche comparative et l’approche interculturelle.
57
2.1. La conscientisation langagière par l’éveil aux langues – prise en compte de
l’hétérogénéité et reconnaissance des langues
Ce mémoire reprend le terme éveil aux langues tel qu’il est défini par Cuq (2003 : 92) :
« [l’éveil aux langues] est une démarche de mise en contact des élèves avec des langues
diverses, dans l’optique de favoriser chez eux une ouverture aux langues et à ceux qui les
parlent, de construire ou de consolider des stratégies de passage interlinguistique et de mieux
se préparer à apprendre une langue ».
Historiquement, l’éveil aux langues est rattaché aux approches de Language awareness développées
en Angleterre à partir des années 1970 (ibid.). Dans ce mémoire, cette approche est intéressante
puisqu’elle permet de prendre en compte l’hétérogénéité de la classe et de légitimer les langues de
l’apprenant en contexte scolaire. Contrairement à l’EFMC, l’éveil aux langues permet la prise en
compte de l’hétérogénéité de la classe, puisqu’il s’appuie sur des langues diverses. En effet,
Candelier (2007) met en avant ses avantages. Puisque, l’éveil aux langues permet de prendre en
compte toutes les langues en présence, il peut facilement s’appliquer à des classes linguistiquement
hétérogènes, et ce indépendamment du nombre de locuteurs des langues et du statut de ces dernières
(ibid.). Ainsi, toutes les langues connues par les apprenants peuvent être mises en avant, ce qui
permet une prise en compte complète de l’hétérogénéité. En faisant cela, l’éveil aux langues
reconnait, valorise et ainsi légitime les langues et aspects culturels, ce qui à son tour constitue une
étape vers la mise en œuvre d’un enseignement plurilingue plus systématique (ibid.).
Comme cela a été précisé au chapitre 4 (section 3.4), les apprenants dont les langues ou variétés
connues sont en « position basse » peuvent avoir une réticence à utiliser leur répertoire linguistique
en contexte scolaire. Cela est souvent le cas pour les élèves migrants, ce qui amène Cummins (2012)
à mettre en avant le rôle de valorisation des langues, cultures et identités des apprenants. Par le
simple fait d’autoriser l’utilisation des langues en classe et d’ainsi leur attribuer une réelle valeur,
l’enseignant permet à l’apprenant de percevoir son répertoire langagier comme un outil cognitif
(ibid.). Cette légitimation peut alors pallier la réticence de certains apprenants et leur permettre de
donner une place à leur connaissance antérieure en développant leur aptitude à observer, comparer
et analyser les langues (ibid. ; Colombel & Fillol 2012). Puisque l’éveil aux langues est applicable
peu importe le statut attribué aux différentes langues et variétés, il permet de « rendre visibles les
compétences plurilingues des élèves » et d’ainsi modifier les représentations et les attitudes des
enseignants face aux pratiques langagières des élèves (Colombel & Fillol 2012 : 87). Les séances
d’éveil aux langues peuvent alors avoir le même effet sur l’enseignant, qui en changeant sa
représentation peut s’ouvrir à la diversité et ainsi mettre en place des activités contrastives (ibid.).
58
2.2. Comparer les langues ? – les approches contrastives en contexte plurilingue
Dans le chapitre 5 (section 2.2.1), j’ai souligné que les répertoires langagiers des apprenants
peuvent être utilisés comme « ressource potentielle ». Cette affirmation se base sur le principe que
« l’appréhension d’une langue inconnue » s’effectue à travers « les catégories de la langue
première » (Beacco, 2015 : 50). La comparaison des langues et des variétés se base donc sur l’idée
que « le cerveau est capable de passer d’une langue à une autre, d’une norme à une autre » (Auger
& Pichon-Vorstman, 2021 : 65). Or, l’enseignant doit présenter des activités qui permettront aux
apprenants de comparer leurs langues et normes. Le but pour l’apprenant sera de comprendre ce qui
est attendu aux niveaux lexical, morphosyntaxique et phonologique selon les situations de
communication (ibid.) Des grammaires contrastives à cet effet existent, par exemple celles
élaborées dans le cadre du projet École et langues nationales en Afrique (à présent ELAN). Elles
sont cependant bilingues et ne permettent donc pas la prise en compte de toutes les langues présentes
en classe. Pour ce contexte précis, Auger (2005) a conçu l’approche « comparons nos langues ».
Auger & Pichon-Vorstman (2021) reprennent les étapes de l’approche « comparons nos
langues » publiée sur DVD par Auger en 2005. Cette approche s’organise en deux étapes principales
(ibid.). Dans la première étape, l’enseignant demande aux apprenants de traduire une phrase,
comportant le point de grammaire, de vocabulaire ou d’acte de parole qu’il souhaite faire travailler,
dans les langues connues par les apprenants. La deuxième étape consiste à mettre en perspective, à
comparer les langues qu’ils connaissent avec la langue de scolarisation. Ces activités renforcent les
capacités d’observation et d’analyse des apprenants. L’avantage de cette approche est qu’elle ne
nécessite pas de terminologie métalinguistique et que l’enseignant n’est pas obligé de maitriser les
langues des apprenants (ibid.). Les apprenants endossent le rôle d’expert pour leurs langues, alors
que l’enseignant détient l’expertise en français. Cela lui permet de proposer des activités au fur et à
mesure des difficultés qu’il remarque chez les apprenants (ibid.)
Cette approche s’applique également à l’enseignement du lexique. Il est tout à fait possible de
demander aux élèves de traduire les mots de français standard vers les langues présentes dans leur
répertoire langagier et de les inscrire au tableau (Gouaïch & Chnane-Davin, 2020). Le fait d’utiliser
une langue qu’ils maitrisent peut les encourager à la prise de parole (ibid.). Cette approche est aussi
envisageable avec le lexique des variétés. C’est d’ailleurs l’une des approches proposées par les
auteurs du Lexique du français au Sénégal (1979). Les auteurs souhaitaient sensibiliser les
enseignants sénégalais à l’écart entre leur propre usage et celui des Français (Dumont, 2019). Le
lexique était ainsi organisé de manière à donner le sens « sénégalais » et le sens « français » (ibid.).
Cette approche peut avoir un effet sécurisant sur l’élève, puisqu’elle le met en position d’expert,
59
que cela soit pour comprendre le fonctionnement de la langue ou simplement pour la partager
(Auger & Pichon-Vorstman, 2021). Si les approches décrites jusqu’à maintenant sont surtout
langagières, cela ne signifie aucunement que l’approche interculturelle est en arrière-plan.
Pourquoi une approche interculturelle est-elle indispensable ? Un cours de langue fait aussi
« découvrir le monde et comprendre le concept de citoyenneté » (Forlot, 2012 : 67). Or, pour cela
« les pratiques culturelles doivent être contextualisées et sortir des schémas stéréotypisants » (ibid.).
C’est ici que se trouve tout l’intérêt de l’approche interculturelle, qui comme l’indique son nom
invite à une rencontre et non à une simple cohabitation (Rispail, 2017). Pour cela, il est tout à fait
possible de céder la place des stéréotypes à des questions de diversité interculturelle, en veillant
bien sûr à ce que celles-ci aient du sens pour les jeunes apprenants (Forlot, 2012).
60
sociales ou encore les normes conversationnelles. Ainsi la langue est imprégnée par la culture,
puisqu’elle est une pratique sociale et un produit sociohistorique (Galisson, 1991). La langue est
donc à la fois véhicule, produit et producteur de culture et il ne faut donc pas artificiellement séparer
la langue et la culture (ibid.) Les aspects culturels imprègnent les différents comportements adoptés
en situation communicative et y sont donc observables (Collès, 2006 ; Rispail, 2017). Plus
précisément, deux approches de l’interculturel par les langues sont possibles : une approche par le
lexique et une approche par les implicites (Collès, 2006). Par le lexique, il est possible d’accéder à
la charge culturelle partagée des mots, mais aussi à des découpages différents de la réalité (Galisson,
1991). L’approche par l’implicite consiste elle à prévenir des malentendus qui « proviennent d’une
mauvaise interprétation des implicites contenus dans le message » (Collès, 2006 : 23). Ces deux
approches se complètent donc, puisqu’elles mettent d’un côté en avant les connotations associées
au lexique et de l’autre côté ceux du discours. Un autre moyen d’aborder l’interculturel est la
littérature (ibid.) qui, comme nous allons le voir dans la prochaine section, est également une porte
d’entrée pour le plurilinguisme.
Parmi les perspectives permettant de faciliter l’apprentissage par l’usage du répertoire langagier
des apprenants listées par Vigner (2009 : 45-48) se trouvent l’introduction d’œuvres d’expression
française d’autres horizons culturels et de films ou journaux télévisés des pays d’origine. Il explique
que l’introduction d’une représentation de la culture d’origine peut remédier aux sentiments de
rupture, de dissociation et de dévalorisation encouragés par un enseignement monolingue du
français (ibid.). Ces supports peuvent faciliter une « approche à la fois comparatiste et contrastive,
dans un traitement de nature interculturel » (ibid. : 48). Dans cette section, je décrirai donc les
différentes manières dont la littérature peut encourager les apprenants à avoir une approche
comparative et contrastive. Pour cela, les apports de la littérature en général seront mis en avant,
avant d’aborder les places respectives de la littérature francophone et de la littérature jeunesse dans
ce contexte.
Gruca (2010) plaide pour octroyer une place plus grande à la littérature dans l’enseignement
des langues. D’après elle, la littérature permet de rencontrer l’autre, de se découvrir soi-même et de
construire un savoir-être aussi bien dans la langue-culture étrangère que maternelle. Collès (2006 :
15) rejoint ce raisonnement, en mettant en avant que « les textes littéraires constituent d’excellentes
passerelles entre les cultures puisqu’ils sont révélateurs privilégiés des visions du monde ». Gruca
61
(2010) précise l’importance d’un traitement pédagogique des textes littéraires permettant une
véritable prise en charge de l’interculturel. Celui-ci doit être fondé « sur la recherche de similitude,
sur des valeurs universelles […] et sur les caractéristiques propres à une culture » (ibid. : 77). Si
cette approche n’est pas mise en œuvre, « l’apprenant risque de projeter ses propres référents à partir
de son univers maternel » dû au possible manque de convergence avec sa culture d’origine et les
difficultés liées à l’aspect langagier (ibid.). L’approche interculturelle par la littérature permet alors
de provoquer des questionnements chez les élèves et d’ainsi les pousser à se décentrer (Chnane-
Davin & Cuq, 2021). Cet échange de points de vue peut alors permettre aux jeunes issus de
l’immigration de prendre leurs distances avec la culture d’origine, mais aussi de la réaborder de
manière positive (Collès, 1997). Finalement, pour Gruca (2010), la littérature francophone serait
particulièrement adaptée à la mise en place d’une pédagogie de l’interculturel, puisqu’elle permet
d’établir une entente entre la culture d’origine et l’expression francophone en littérature (ibid.).
Des projets de recherche sur l’utilisation de la littérature jeunesse pour exprimer la diversité de
la classe existent (Auger, 2020). Ces derniers mettent en avant que la multitude des formats et des
62
contenus de la littérature jeunesse permet de représenter la diversité réelle des classes (ibid.),
puisqu’elle rejoint les répertoires linguistiques des apprenants et peut même faire écho à leurs
histoires de vie (Fleuret & Sabatier, 2019). La littérature jeunesse, qu’elle soit sous forme d’album,
de bande dessinée ou de roman, est souvent illustrée et relie donc « concrètement les plans
graphiques et visuels pour une meilleure compréhension de la narration » (Auger, 2020 : 177). Ces
illustrations ont alors également une certaine valeur esthétique qui permet de faire écho aux vécus
des élèves (ibid.). Cette valorisation visuelle des expériences des apprenants permet de s’inscrire
plus amplement dans une démarche interculturelle et d’ainsi créer « des liens entre les élèves de la
classe et l’enseignant grâce à la reconnaissance des spécificités de chacun » (Auger, 2020 : 177).
Fleuret et Auger (2021) mettent alors en avant que la littérature jeunesse peut aussi amorcer un
travail sur les savoirs langagiers, ce qui va d’ailleurs être mis en pratique dans le projet présenté.
Cette dernière partie, plus didactique que les précédentes, a mis en avant les différentes
approches permettant d’intégrer les langues, mais aussi les cultures des apprenants au contexte
scolaire. Les différentes approches évoquées sont importantes dans le contexte de ce mémoire pour
différentes raisons. L’EFMC permet de réellement prendre en compte les variétés du français par
des approches de valorisation et de différenciation des pratiques langagières. Les approches
plurielles, que ce soit l’éveil aux langues ou l’approche « comparons nos langues », permettent de
prendre en compte l’hétérogénéité du public d’EANA, tout en développant leurs compétences
d’observation et d’analyse. Finalement, l’approche interculturelle permet d’aborder les aspects
culturels du langage, mais aussi de sécuriser l’apprenant et de favoriser son développement
identitaire. Tous les aspects énumérés ci-dessus sont des éléments clés pour le développement des
EANA. Ainsi, comme le dirait Cummins (2012) à propos de l’éveil aux langues, je pense que les
approches permettant l’intégration des langues, des variétés et des cultures des élèves représentent
des stratégies d’enseignement efficaces pour tous les apprenants, mais en particulier pour les EANA
et les autres élèves en situation de précarité. Finalement, ce chapitre m’a aussi permis de mettre en
lumière les avantages que peut avoir la littérature francophone, et en particulier la littérature
jeunesse, pour aborder ces questions de diversité, qu’elles soient d’ordre langagier ou culturel.
Toutes ces pistes sont d’une importance cruciale dans la prochaine partie du mémoire qui vise
l’analyse du projet portant sur les variétés africaines du français conçu et mis en place dans une
classe d’UPE2A-NSA
63
Partie 3
-
Analyse et traitement des données :
les résultats de la recherche-action et
leurs apports au projet sur les variétés
africaines du français
64
Cette dernière partie est consacrée à l’analyse du projet sur les variétés africaines du français
face à un public d’EANA-AFS en UPE2A-NSA. Elle suivra les étapes de la méthodologie de
recherche-action décrite dans le chapitre 3 (section 2). Le premier chapitre est consacré à l’élaboration
du plan d’action, j’y expliquerai comment les données récoltées ont permis de mieux cerner les
enjeux d’un tel projet. Le deuxième chapitre analysera précisément le projet créé, en décrivant le
support et les contenus sélectionnés, ainsi que les approches adoptées pour atteindre les objectifs
formulés. Le dernier chapitre évaluera le projet grâce aux retours faits par les élèves et l’enseignante
et aux observations effectuées lors de la mise en place du projet dans la classe d’UPE2A-NSA. Cette
approche permettra de faire un bilan réflexif sur mes choix didactiques et sur les approches choisies.
Chapitre 7. Les enjeux du projet : état des lieux des besoins et pratiques en unité
pédagogique pour élèves allophones accueillant le public-cible
Ce chapitre décrit comment les réalités du terrain ont influencé la conception du projet, puisque
les données récoltées ont permis d’en cerner plus précisément les enjeux. Il abordera le rapport que les
enseignants entretiennent avec ces variétés, puis je soulignerai les difficultés des EANA-AFS déclarées
par les enseignants et les élèves eux-mêmes, pour finalement discuter la place accordée aux pratiques
plurilingues en classe. Afin de faciliter la lecture du chapitre, je propose un récapitulatif des enseignants
interrogés ou observés dans le cadre du projet (tableau 3, p. 65 ; chapitre 3, section 2.2). Pour garantir
leur anonymat, je leur attribue une appellation composée d’un « E » et d’un chiffre représentant
l’ordre dans lequel j’ai obtenu leurs réponses ou me suis entretenue avec eux. E10 est l’enseignante
de la classe d’UPE2A-NSA dans laquelle le projet a été mis en place (chapitre 2, section 3).
Pour compléter ces données, j’ai conduit des entretiens avec des EANA-AFS. Il s’agit d’entretiens
semi-directifs individuels (annexe 3, p 34) et d’un focus groupe (annexe 4, p. 55 ; chapitre 3, section
2.2). Les profils des apprenants de l’UPE2A-NSA ayant participé aux focus groupe se trouvent au
chapitre 2 (section 3.1) et ceux des EANA-AFS interrogés lors d’entretiens individuels sont présentés
dans le tableau 4 (p. 66). Parmi ces EANA-AFS, certains se trouvent actuellement dans le dispositif
UPE2A, d’autres l’ont déjà quitté (chapitre 3, section 2.2.3). Ces informations permettent d’aborder
différents aspects ayant émergé du recueil de données et pris en compte lors de l’élaboration du projet.
65
Tableau 4 : Profils des EANA-AFS interrogés
Cette section analyse le rapport des enseignants à la variété. Elle se base sur le questionnaire,
les observations de classe et les échanges informels avec les enseignants. Dans les réponses au
questionnaire (annexe 1, p. 5) et lors des échanges informels (annexe 2, p. 31), je constate que les
enseignants s’intéressent à ces variétés, mais qu’ils ne semblent pas l’aborder en classe.
Tous les enseignants interrogés par le biais du questionnaire indiquent qu’ils trouvent utile
d’aborder les variétés connues par les élèves en classe (annexe 1, p. 5). Certains d’entre eux souhaitent
les utiliser pour former les élèves à distinguer les variétés. Selon eux, cela permettrait de s’appuyer
sur les acquis des EANA-AFS (E1, E4, E5), de valoriser ces pratiques (E4, E8) et de les sensibiliser
aux différences (E4, E7, E8). Une enseignante (E6) pense qu’il est intéressant d’aborder ce thème
lors d’une séance sur la francophonie. De plus, tous les enseignants citent des variations qu’ils ont
3
Les prénoms ont tous été modifiés afin de préserver l’anonymat des élèves.
4
Les langues indiquées dans le tableau ont été reprises telles que nommées par les EANA-AFS.
66
perçues dans le français des EANA-AFS. Cela montre qu’ils y sont attentifs. Or, aucun enseignant
ne semble intégrer les variétés à leurs cours. D’ailleurs, seulement deux enseignants (E1 et E10)
(annexe 1, p. 5 et 2, p. 34) ont explicitement souhaité obtenir des trames de séances sur les variétés
africaines du français. Cela peut être lié au fait que les enseignants voient globalement les variétés
comme une source de difficulté pour l’apprentissage du FLSco. Cet aspect est discuté ci-dessous.
Même si la question n’a pas été directement posée, aucun enseignant ayant répondu au
questionnaire n’indique aborder les variétés du français en cours. Dans les échanges informels avec
les enseignants (annexe 2, p. 31), cette hypothèse est confirmée : E1, E7, E9 et E10 indiquent tous
ne pas prendre en compte les variétés du français dans leurs cours. Ces pratiques déclarées des
enseignants sont en quelque sorte appuyées par les observations. En effet, dans la séance observée
d’E9, ni les apprenants, ni l’enseignante n’utilisent des variations (annexe 5, p. 69). Lors de la
séance observée dans la classe de E10, les élèves utilisent plusieurs expressions issues des variétés.
Je citerai deux exemples notés dans le carnet de bord (ibid.) : Wilfried utilise l’expression « le
troisième mois » pour le mois de mars et Manuella utilise « la vieille » au lieu de « personne âgée ».
Pour ce deuxième exemple, il est important de préciser que le mot « vieille » est connoté
positivement en français ivoirien. Dans les deux cas, E10 a corrigé la formulation de l’élève, elle a
donc traité ces cas d’utilisation de la variété comme des erreurs et a ainsi endossé une attitude
normative (chapitre 6, section 1.3.2). Le traitement des variétés comme des « fautes de français »
semble assez récurent, puisque, comme évoqué au chapitre 3 (section 2.1), les tutrices du stage
avaient soulevé que les structures syntaxiques ou le lexique issus des variétés étaient généralement
perçus comme des erreurs. Cela est appuyé par cette observation, mais aussi par certaines réponses
données dans le questionnaire. Ainsi, E5 souligne cet aspect en faisant allusion aux variétés :
« la difficulté que nous avons à corriger les erreurs langagières qu'ils ont mémorisées et qu'ils
pensent être la bonne formulation (le moi au lieu du je par exemple !) » (annexe 1, p. 5)
Cet extrait met en lumière cette vision de la variété en tant qu’« erreur ». Cette représentation est sans
doute influencée par l’idéologie du standard régnant en France, ainsi qu’à la stigmatisation générale
des variétés du français d’Afrique (chapitre 5, sections 1.1 et 3.2). Un des enjeux du projet sur les
variétés africaines du français sera alors de changer les attitudes des enseignants envers les variétés,
afin de leur permettre de les voir comme une ressource pour les apprenants. Ces représentations ne
sont cependant pas les seules raisons de cette absence de prise en compte des variétés.
67
1.3. Les craintes exprimées par les enseignants – des facteurs à considérer
Certains enseignants ont exprimé des craintes face à l’utilisation des variétés en classe. En effet,
dans le questionnaire, E2 affirme penser qu’aborder ce sujet risque de mettre « en exergue certains
élèves francophones au détriment des autres élèves non francophones et non africains » (annexe 1,
p. 5). Cette crainte est justifiée, puisque les EANA ont des origines très diverses, cela peut notamment
s’observer dans les réponses au questionnaire, mais aussi dans le tableau 1 (p. 23) montrant les
origines des élèves de la classe UPE2A-NSA participant au projet. Au facteur d’hétérogénéité des
origines s’ajoute également le facteur d’hétérogénéité dans les compétences en français et dans la
socialisation avec cette langue (chapitre 4, section 1.3, tableaux 2, p. 24 et 4, p. 66). Il se peut que
certains EANA-AFS ne s’identifient pas ou ne connaissent tout simplement pas les variétés utilisées
dans leur pays / région. Il est donc indispensable de trouver une façon d’inclure tous les élèves au
projet. De plus, un enseignant (E3) met en avant son manque de connaissances sur le sujet, cette
dimension est à prendre en compte, puisque le projet se veut accessible à un grand nombre
d’enseignants. Ces craintes permettent de formuler d’autres enjeux : le projet doit garantir
l’inclusion de tous les élèves de la classe et de l’enseignant. Avant de passer à la prochaine section
qui présentera les difficultés des EANA-AFS à prendre en compte lors de la conception du projet,
je tiens à préciser que les observations de classe et les discours des enseignants analysés ne
permettent pas de généraliser ces enjeux. Il serait intéressant de faire une étude plus concrète sur
les pratiques déclarées et les attitudes en classe face aux variétés. Ceci nécessiterait un questionnaire
plus orienté vers cet aspect, ainsi que des observations de classe plus nombreuses et plus variées.
Deux types de difficultés ont été identifiés comme dominants dans le discours des enseignants.
Tous remarquent une difficulté face à l’écrit et une majorité nomme l’influence des variétés. Plusieurs
enseignants indiquent que la culture scolaire peut aussi être source de difficultés, cet aspect ne sera
toutefois pas abordé, puisqu’il a été traité par un autre outil de la mallette pédagogique (chapitre 2,
section 2.1). Cette section se penchera sur les difficultés des élèves en présentant les perspectives
des enseignants et des EANA-AFS, puis abordera les représentations qu’ont les EANA-AFS des
variétés, puisque celles-ci peuvent influencer leurs attitudes d’apprentissage.
Tous les enseignants ayant répondu au questionnaire ont remarqué des difficultés des EANA-
AFS face à l’écrit. Cela se dessine dans le décalage entre le niveau à l’oral et le niveau à l’écrit
renseigné par chaque enseignant, mais aussi dans leur discours. E1 parle d’un sentiment « unanime
68
de difficulté face à l’écrit » (annexe 1, p. 5). Si cette difficulté semble logique quand il s’agit d’EANA-
AFS NSA, comme souligné par E5 qui indique que « tous ont des difficultés à rédiger, car ils n’ont
pas été scolarisés dans leurs pays », elle apparaît aussi pour ceux scolarisés antérieurement :
« à l'oral ils communiquent en français, mais ils sont vite en difficulté, car l'écrit est
omniprésent dans le système scolaire français » (E3, annexe 1, p. 5).
« pour ceux qui n'ont jamais été à l'école : écrire et lire. pour ceux qui ont été à l'école : la
compréhension fine écrite » (E4, annexe 1, p. 5)
Certains EANA-AFS signalent aussi cette difficulté. Mamoudou, Adama et Mohamed indiquent
avoir du mal à l’écrit, surtout pour les productions libres (annexe 3, p. 34). Dans la classe d’UPE2A-
NSA, seul Issiaka affirme avoir du mal à l’écrit, mais presque tous indiquent vouloir s’entrainer à
l’écrit. De plus, lors des observations de classe (annexe 5, p. 69), j’ai observé un certain blocage
des apprenants face aux productions écrites libres. Le rapport à l’écrit de ces élèves ne sera pas
longuement discuté dans ce mémoire, Delebarre (2022b) explore ce sujet en profondeur dans sa
thèse. Je préciserai néanmoins que dans cette analyse, les difficultés semblent surtout être liées aux
productions écrites libres (voir ci-dessus), mais également au fait que les apprenants ne sont pas
forcément investis dans l’apprentissage de la lecture. En effet, E9 précise que certains élèves ne
voient pas l’intérêt des exercices proposés (annexe 2, p. 31), alors que E6 et E8 notent que les
supports d’alphabétisation ne sont ni adaptés à l’âge, ni aux capacités réflexives des apprenants
(annexe 1, p. 5). Un des enjeux du projet est alors de contourner ces difficultés pour permettre aux
élèves de se concentrer sur les variétés qui sont au cœur des séances proposées.
La section précédente (chapitre 7, section 1.2) a mis en lumière que l’influence des variétés est
perçue comme une source de difficultés. Ici, je présente les types de difficultés engendrées. La
majorité des enseignants (E1, E3, E4, E5) précisent que les différences entre le français connu par
les apprenants et le français de l’école induisent des « incompréhensions », « quiproquos » ou
« amalgames » (annexe 1, p. 5). Deux enseignants (E1 et E5) font aussi part de leurs difficultés à
remédier aux mélanges des variétés africaines du français avec le français standard. Ainsi E1 observe :
« ils sont parfois conscients de ces écarts par rapport à la norme métropolitaine du français,
mais ils savent aussi en voir la limite. je veux dire qu'ils s'approchent de la norme, mais dès
qu'ils constatent l'intercompréhension, il est long et laborieux d'aller au delà » (annexe 1, p. 5)
E5 met lui en avant que la « fossilisation de ces erreurs est difficile à corriger » et précise que les
apprenants pensent qu’il s’agit de « la bonne formulation » (ibid.). En général, les enseignants
69
semblent percevoir divers niveaux de conscience linguistique chez les EANA-AFS. E3 et E5
précisent que les EANA-AFS qu’ils accueillent ont différents niveaux de conscience linguistique.
Un autre enseignant (E2) affirme que les élèves n’en ont pas du tout développé. Ces exemples
montrent que les apprenants ne sont pas tous conscients de la coprésence des variétés du français.
Les observations des enseignants coïncident avec le discours des EANA-AFS interrogés. Ainsi,
certains élèves, dont Manuella, Francis, Ismael, Lassa, Mamoudou et Alpha sont conscients des
différences entre le français standard et les variétés de leur pays. D’autres le sont moins, c’est
notamment le cas d’Amadou et Mohammed. Dans les annexes 3 (p. 34) et 4 (p. 55), les passages
permettant ces affirmations sont surlignés en vert. Que leur conscience linguistique à propos des
variétés soit développée ou non, beaucoup d’EANA-AFS utilisent inconsciemment les variétés.
Ainsi, lors de l’entretien, Francis utilise « entendre » comme synonyme parfait de « comprendre ».
Ismael et Wilfried utilisent « ramasser » comme synonyme de « s’approprier ». Mamoudou et
Wilfried disent respectivement « cinquième mois » et « troisième mois » pour signifier « mai » et
« mars ». Durant le projet, Amadou utilise également le mot « palabre » pour « ragot ». Ce dernier
exemple est particulièrement intéressant, puisqu’Amadou a annoncé qu’il n’y a pas de variété du
français en Guinée. Tous les mots cités sont recensés comme particularités lexicales, soit par le
Dictionnaire des francophones, soit par Le lexique français de Côte d’Ivoire et surlignés en rouge
dans les annexes 3 (p. 31), 4 (p. 55), 5 (p. 69) et 8 (p. 101). Ce lexique issu des variétés montre que
les apprenants ne sont pas complètement conscients de la distinction entre ces dernières. E10
indique aussi que les EANA-AFS ont des difficultés avec le vouvoiement. Cet aspect est intéressant
puisque les apprenants indiquent que cette difficulté est issue des différences entre les variétés. Ce
point sera davantage discuté au chapitre 8 (section 2.3), puisqu’il constitue l’un des objectifs du
projet. Ces observations mettent en évidence le besoin de travailler la conscience linguistique qui
est, dans une certaine mesure, le fruit des représentations des élèves par rapport aux variétés.
70
« Guinée aussi c’est plus fort que la Côte d’Ivoire + Mali pareil + en Côte d’Ivoire le français
c’est trop bas + parce que nous + les mots nouchi + les mots nouchi » (annexe 4, p. 55).
Cette déclaration d’Ismael est largement approuvée par les autres élèves ivoiriens présents. Il est
cependant clair qu’Ismael et les autres élèves ivoiriens conçoivent les niveaux de français en
fonction de la distance avec le français standard. Cette auto-dévaluation de leur variété du français
peut donc être considérée comme une forme d’insécurité linguistique (chapitre 4, section 3.4). Cela
se remarque aussi chez d’autres EANA-AFS. Lors des entretiens semi-directifs (annexe 3, p. 34),
Bakary, Adama, Mohamed et Alpha montrent une attitude négative envers les variétés. Tous disent
qu’ils trouvent « mauvais » quand le français est mélangé à d’autres langues, ce qu’ils mettent en
lien avec les variétés de leur pays. Les rapports diglossiques (chapitre 4, section 3) ont donc en effet
une influence sur leurs représentations, même si celles-ci peuvent aussi être positives.
Cette section s’intéresse aux pratiques existantes pour intégrer les langues des apprenants au
contexte scolaire. J’analyserai d’abord la place donnée aux approches plurielles par les enseignants,
puis j’aborderai les perceptions que les apprenants ont de certaines pratiques plurilingues.
71
3.1. La place accordée par les enseignants
Seuls deux enseignants (E1 et E5) indiquent activement faire usage des langues des apprenants
pour faciliter l’apprentissage du français. Ainsi, E5 indique : « Je m'appuie toujours sur la langue
d'origine de mes élèves pour leur faire comprendre le français » (annexe 1, p. 5) et E1 explique utiliser
la grammaire contrastive pour donner de la place aux langues des apprenants (annexe 2, p. 31).
D’autres enseignants accordent moins de place à ces langues, mais mettent en place des activités
plurilingues. Ainsi, E9 a animé un atelier d’écriture plurilingue et E7 met à disposition des contes
en différentes langues (ibid.). Dans ces cas, les langues des apprenants ont une place à l’école. Il est
pourtant plus courant que ces langues soient utilisées seulement quand les enseignants demandent
aux apprenants de s’expliquer des notions entre eux. Lors des entretiens semi-directifs (annexe 3,
p. 34), tous les EANA-AFS sauf Alpha ont précisé qu’ils utilisaient leur langue maternelle dans ce
but. Néanmoins, lors de l’échange informel, E9 précise que certains enseignants sont réticents à ces
pratiques (annexe 2, p. 31). Cette section confirme ce qui est souligné au chapitre 5 (3.1) et montre
que le plurilinguisme des élèves n’est pas beaucoup et surtout pas systématiquement pris en compte.
Cela est intéressant, puisque d’un autre côté E1, E4, E5 et E10 parlent de leur difficulté de faire
comprendre la structure du français et de l’impossibilité d’utiliser le métalangage (annexes 1, p. 5
et 2, p. 31). Or, dans le chapitre 6 (section 2.2), j’ai mis en avant les apports des approches plurielles
à ce sujet. Mettre en place un projet les utilisant pourrait encourager les enseignants à élargir la place
donnée à ces langues. Cela est d’autant plus important en raison des attitudes positives des EANA-
AFS envers l’utilisation de leurs langues maternelles qui sont abordées dans la prochaine section
Les EANA-AFS semblent apprécier la présence de leurs langues à l’école. Ainsi, Mamoudou
indique avoir participé à une activité d’écriture plurilingue qui lui a beaucoup plu. De même, tous
les EANA-AFS interrogés en entretien individuel à part Alpha ont indiqué aimer utiliser les langues
de leur répertoire pour communiquer avec leurs pairs (annexe 3, p. 34). De plus, dans leurs pratiques
d’apprentissage, plusieurs EANA-AFS affirment utiliser la traduction. C’est notamment le cas de
Mohamed, Mamadou, Lassa et Adama. Plusieurs élèves ont aussi l’air intéressés par une approche
comparative (Mamadou, Adama). Au contraire, d’autres ne semblent pas vouloir utiliser leur langue
maternelle en cours (Alpha et Amadou), puisqu’ils pensent qu’il est plus utile de communiquer
uniquement en français pour l’apprendre (annexe 3, p. 34 et 4, p. 55). Ces observations montrent
donc des attitudes majoritairement positives des élèves envers leurs langues. Les passages montrant
l’utilisation des langues des apprenants à l’école et leurs attitudes face aux pratiques comparatives
sont surlignés en jaune dans les annexes (ibid.). Néanmoins, je souhaite souligner l’attention
72
particulière à accorder à la manière d’introduire les pratiques comparatives. En effet, E10 avait
essayé de lancer spontanément une activité comparative lors du premier focus groupe (annexe 4, p.
…). J’ai alors remarqué des réactions négatives fortes des élèves, puisque ces derniers insistaient
fortement sur le fait que leurs langues fonctionnent exactement comme le français. Il se peut que
les élèves se soient sentis attaqués, comme si E10 et moi-même voulions impliquer que le français
est supérieur aux autres langues. Ainsi, la réaction d’Amadou à ma question visant une réflexion
sur la syntaxe dans différentes langues est : « on peut dire ça aussi + chacun peut dire ça » (ibid.).
Cette réponse indique qu’Amadou pense que j’insinuais qu’il n’est pas possible d’exprimer les
mêmes choses en français et dans leurs langues, alors que mon objectif était de montrer qu’ils
peuvent exprimer la même chose, mais pas de forcement de la même manière. Cet exemple montre
que même si les apprenants sont généralement ouverts aux pratiques plurilingues et enthousiastes
vis-à-vis de leurs langues, il faut faire attention à la façon dont ces notions sont abordées. Travailler
la compétence plurilingue doit donc se faire de manière à ne pas outrer les apprenants.
Ce chapitre a permis d’évoquer plusieurs enjeux du projet portant sur les variétés africaines du
français, je me permets de les synthétiser ici en les regroupant en trois points. Premièrement, ce
projet a pour enjeu de valoriser les variétés africaines du français et d’ainsi permettre aux apprenants
d’éveiller leur conscience linguistique et leurs compétences plurilingues. Cette hypothèse initiale
présentée au chapitre 3 (section 3) est appuyée par les données récoltées en amont de la conception.
Il a été démontré que les EANA-AFS ont une représentation ambigüe des variétés africaines du
français, d’un côté celles-ci peuvent être source de motivation, d’un autre côté les attitudes négatives
envers ces dernières sont très ancrées. Comme présenté au chapitre 4 (section 3.4) du cadre théorique,
il faudra donc réussir à valoriser ces variétés tout en donnant un sens à leur utilisation en classe pour
éviter d’engendrer d’autres attitudes négatives. Cet enjeu est renforcé par le fait que les apprenants
ont rarement été confrontés à la valorisation de leur répertoire linguistique, puisque leurs langues
sont rarement abordées par les enseignants. Ces élèves peuvent donc avoir un certain rejet envers
l’utilisation des langues et variétés en cours. L’objectif du projet est alors de permettre aux élèves
de voir les variétés et les langues de leur répertoire comme des ressources pour leur apprentissage.
Un deuxième enjeu est l’accessibilité de ce projet à tous les EANA. Il a été mis en avant dans
ce chapitre, ainsi que dans le contexte (chapitre 2, section 3.1) que les classes d’UPE2A sont rarement
homogènes. En effet, cela se constate dans la diversité des origines, des situations de scolarisation
antérieures et des niveaux en français. Il est alors important de concevoir un projet inclusif pour
73
tous les EANA. De plus, il faut prendre en compte les difficultés des élèves, pour ne pas proposer
un projet dont le contenu n’est pas accessible aux apprenants. Afin d’atteindre le premier objectif
présenté, il est donc indispensable de prendre en compte les spécificités du contexte et du public.
Le dernier enjeu présenté concerne les attitudes et représentations des enseignants. En effet, ce
chapitre a permis de confirmer les points présentés dans le cadre théorique : les enseignants ont
souvent une attitude normative et négative envers les variétés du français et les approches plurielles
restent en arrière-plan dans les pratiques déclarées. En utilisant des approches plurielles pour mettre
en avant leur utilité et en valorisant les pratiques langagières des apprenants, ce projet peut donc
permettre de faire évoluer les attitudes des enseignants face à la variété et au plurilinguisme en
général. Ces trois enjeux ont orienté toute l’étape de conception décrite dans le prochain chapitre et
l’évaluation du projet au chapitre 9 permettra de sonder si ces objectifs ont bien été atteints.
74
Chapitre 8. Conception d’un projet portant sur les variétés africaines du
français - description et analyse
Ce chapitre se concentrera sur la description du projet proposé. Pour rappel, le projet comprend
des trames pour quatre séances d’une heure et demie chacune sur la mise en valeur et l’utilisation
des variétés africaines du français avec des EANA-AFS. Il se base sur la BD Aya de Yopougon.
Dans les différentes sections, je mettrai en avant les choix ingénieriques qui ont été faits, en les
mettant en relation avec les enjeux énoncés dans le chapitre 7, ainsi qu’avec les aspects théoriques
soulevés dans la deuxième partie du mémoire. Ce chapitre fournit donc des éléments sur les moyens
à employer pour mettre en œuvre un tel projet. Pour répondre à cette partie de la problématique,
j’expliquerai en premier lieu le choix du support, puis des contenus pour finalement me concentrer
sur les différentes approches considérées pour la mise en valeur des variétés. La trame du projet
telle qu’elle a été soumise au CASNAV se trouve en annexe 6 (p. 71). Afin de parler des différentes
activités proposées, celles-ci sont numérotées de la manière suivante : S – le numéro de la séance –
A – le numéro de l’activité. Si je parle donc de S2A4, il s’agit de l’activité 4 de la séance 2.
Les BD Aya de Yopougon ont été choisies pour plusieurs raisons. Elles ont été écrites par
Marguerite Abouet, auteure ivoirienne ayant grandi à Abidjan, et illustrées par Clément Oubrerie.
Comme évoqué dans la partie théorique (chapitre 6, section 3.2), je pense que la littérature francophone
représente une réelle ouverture vers l’approche interculturelle et plurilingue. De plus, quatre
enseignants interrogés ont demandé de la littérature francophone comme ressource (annexe 1, p. 5).
Avant de choisir Aya de Yopougon, j’ai considéré plusieurs options telles que les romans Petit
Piment de l’auteur congolais Alain Mabanckou et Temps de chien de l’auteur camerounais Patrice
Nganang, la BD Ch@peau noir du duo ivoirien-malagasy Nary et Rafally, ainsi que quelques contes
africains comme La belle histoire de Leuk le lièvre des auteurs sénégalais Léopold Sédar Senghor
et Abdoulaye Sadji. Le choix final d’utiliser Aya de Yopougon a été influencé par plusieurs facteurs.
Le premier attrait de la BD est son sujet. Aya de Yopougon suit la vie quotidienne de plusieurs
adolescents dans un quartier populaire d’Abidjan : Yopougon. L’auteure raconte avec humour les
histoires de famille et de cœur des personnages. Dans un interview donné à Libération, l’auteure a
d’ailleurs mis en avant que « l’Afrique est en général représentée par la pauvreté, le sida, la guerre.
Cela occulte une autre réalité, celle de la vie quotidienne, celle d’une Afrique heureuse » (Roussel,
75
2009). C’est cette réalité qui me semblait intéressante pour aborder l’interculturalité avec les EANA-
AFS, afin de commencer le projet par une représentation positive des pays africains. Cela me
semblait d’autant plus important face à des MNA pour lesquels, comme précisée au chapitre 5
(section 3.3.2), la question de la recherche identitaire est primordiale. Le fait que les personnages
soient des adolescents âgés de 16 à 19 ans est également attrayant. En effet, plusieurs enseignants
ont évoqué le manque de ressources écrites adaptées à l’âge des apprenants. Ainsi, E6 a souhaité
avoir à disposition « des supports écrits adaptés au niveau des élèves qui prennent en compte leur
âge » et E8 note que les « thématiques des supports d’alphabétisation sont souvent en dessous de
leurs [les EANA-AFS] capacités réflexives » (annexe 1, p. 5). Ce support semble donc répondre à
ce besoin, puisqu’il s’inscrit dans la littérature jeunesse qui comporte aussi d’autres avantages.
1.2. Un support écrit, mais multimodal – un tremplin pour l’entrée dans l’écrit
1.2.1. Les apports de la bande dessinée face aux difficultés par rapport à l’écrit
Comme mis en avant dans le chapitre 6 (section 3.3), la littérature jeunesse et en particulier
l’association d’images et de graphies permettent une meilleure compréhension de la narration. La
BD me paraissait alors particulièrement adaptée pour son approche à l’écrit. En effet, dans le
chapitre 7 (section 2.1), j’ai présenté les difficultés du public EANA-AFS face à l’écrit. La BD
constitue alors une réelle aide que ce soit pour la compréhension ou la production écrite (Boutin,
2010). La structure même d’une planche de BD, ainsi que les textes souvent assez brefs sont de
réels facilitateurs pour les apprentis lecteurs-scripteurs (ibid.). Le but premier de ce projet n’étant
pas l’entrée dans l’écrit, mais la mise en valeur des variétés africaines du français, il était important
de proposer une littérature francophone accessible à ce public afin de ne pas les mettre en difficulté.
Les romans évoqués ci-dessus me semblaient alors moins accessibles. De plus, le support BD est
aussi particulièrement adapté pour instaurer une approche interculturelle.
76
amenée à choisir Aya de Yopougon plutôt que La belle histoire de Leuk le lièvre ou Ch@peau noir,
dont les thématiques représentent moins la vie quotidienne. De plus, par le choix de la variété
utilisée dans Aya de Yopougon l’auteure donne de la légitimité aux variétés ivoiriennes du français.
Dans la BD Aya de Yopougon, l’auteure accorde une grande place à la variété du français en
Côte d’Ivoire et plus précisément au lexique. Cela peut tout simplement être illustré par le « Bonus
ivoirien » à la fin de chaque tome qui recense toutes les particularités lexicales présentes dans la
BD (illustration 1, p. 77). Cette approche rappelle en quelque sorte le Lexique du français au
Sénégal évoqué au chapitre 6 (section 2.2) et constitue une possibilité de création d’un lexique
comparatif des variétés. Ce lexique peut aussi avoir un effet rassurant sur les enseignants, puisqu’il
leur permet une certaine connaissance de la variété. De plus, grâce au caractère dialogal de la BD,
ce « lexique ivoirien » est introduit en discours, mais aussi en contexte langagier grâce aux images.
Comme cela a été abordé dans le chapitre 6 (section 1.3.1), ces facteurs sont importants afin de
permettre aux apprenants de distinguer les deux variétés. Or les illustrations positionnent de suite
les apprenants dans le contexte ivoirien et leur permettent ainsi une distinction immédiate.
En plus de permettre cette distinction claire entre les variétés, la BD donne une légitimité au
français ivoirien. Montrer aux élèves que cette variété du français s’écrit, ainsi que le fait de l’aborder
au sein de la classe la rend légitime (chapitre 5, section 2.3). Cela permet donc de faire entrer la
variété dans un contexte dans lequel les élèves n’ont pas l’habitude de l’entendre et dans lequel ils
77
ne lui accordaient pas de place en raison de leur parcours linguistique (chapitre 4, section 3.2). Cette
valorisation, par le biais d’un support motivant, constitue donc le premier pas pour pallier
l’insécurité linguistique. De plus, le fait que l’auteure est ivoirienne rend légitime l’usage de la
variété et peut permettre de contourner le risque que l’utilisation de la variété par un locuteur
alloglotte soit vécue comme une moquerie (chapitre 4, section 3.4). Aya de Yopougon répond donc
à de nombreux besoins exprimés dans le chapitre précédent, notamment à la difficulté face à l’écrit
et à la valorisation des variétés. Une fois ce support sélectionné, il était indispensable de fixer les
objectifs précis du projet.
Pour le projet proposé, il était important de définir quelles compétences travailler. Pour cela, je
me suis appuyée sur le support, sur la mission de mise en valeur de la variété et de conscientisation
linguistique et sur l’une des difficultés énoncées par les enseignants et les apprenants.
78
objectifs d’apprentissage ont été influencés par les besoins exprimés par les enseignants et les
apprenants ou ceux que j’ai observés.
En raison de la proximité entre les deux variétés que sont le français ivoirien et le français
standard, il me semblait indispensable de travailler la conscience linguistique. Le chapitre précédent
(chapitre 7, section 2.2) montre qu’en effet, les EANA-AFS ont différents niveaux de conscience
linguistique, ce qui engendre le mélange des deux variétés. L’objectif est alors d’éveiller la
conscience pour ces deux variétés. En effet, pour permettre la comparaison de ces deux pratiques,
les apprenants doivent d’abord en réaliser l’existence et prendre conscience de leur légitimité
respective. Ces observations ont renforcé l’idée d’aborder la variété en la mettant en valeur et en
mettant en place des activités permettant de travailler la conscience linguistique. L’approche choisie
pour travailler ces deux aspects est l’EFMC (chapitre 6, section 1). Celle-ci sera décrite plus en
détail dans la section 3.2 de ce chapitre.
« on mélange tout + comment s’adresser à une grande personne + comment s’adresser +++
déjà à une personne qu’on connait pas tu vois […] pour nous en Côte d’Ivoire grande
personne petite personne + nous on dit tout le monde tu » (annexe 3, p. 34).
Mamoudou met ici en avant que les règles de politesse ne sont pas les mêmes en français ivoirien
et en français standard. Cette conscience linguistique est associée à une représentation dévalorisante :
la phrase « on mélange tout » peut signifier que Mamoudou n’éprouve pas cette pratique comme
« juste ». Plusieurs élèves de la classe d’UPE2A-NSA (annexe 4, p. 55) ont évoqué avoir du mal à
différencier les situations dans lesquelles ils doivent utiliser « vous » de celles où il faut utiliser
« tu ». Ils affirment eux-mêmes que cela est lié au fait qu’en Côte d’Ivoire, le « vous » est
uniquement utilisé pour le pluriel (annexe 4, p. 55). Comme pour Mamoudou, on remarque que
cette façon de parler est connotée négativement. Ainsi Wilfried déclare : « ceux qui font l’école
quand même + il sait un peu plus respecter les gens », en insinuant que les jeunes ayant été à l’école
maîtrisent le vouvoiement. Les élèves ivoiriens soulignent ainsi leurs difficultés avec les termes
79
d’adresse en français standard. De plus, lors des interactions informelles avec leur enseignante (E10,
annexe 2, p. 31), celle-ci a aussi abordé les difficultés que les apprenants ont à utiliser le « vous » et
le « tu » dans le contexte approprié. Elle explique que certains élèves ont tutoyé leur patron ou les
clients durant les stages en entreprise et que cela peut engendrer de réels problèmes. Travailler cet
aspect sociolinguistique semble alors être l’accroche idéale pour éveiller la compétence plurilingue,
en montrant aux apprenants que les marqueurs de politesse peuvent être différents dans chaque
langue et chaque variété. La compétence plurilingue est alors travaillée en appui sur un réel besoin
d’apprentissage exprimé. Les approches utilisées pour aborder cet aspect, sont décrites ci-dessous.
Cette section est dédiée aux approches mises en œuvre pour atteindre une conscience
linguistique et une compétence plurilingue. Je présenterai d’abord l’enchainement et l’organisation
des séances, puis me pencherai spécifiquement sur les approches EFMC et plurielles.
Pour travailler la conscience linguistique et les termes d’adresse, j’ai divisé le projet en deux
séquences, suivant chacune un objectif précis. La première séquence (composée des séances 1 et 2)
vise le développement de la compétence interculturelle et de la conscience linguistique, alors que
la deuxième (séances 3 et 4) vise une compétence sociolinguistique et plurilingue. Les deux
séquences sont clôturées par une tâche finale, comme décrite dans le CECRL, afin de rendre les
apprenants acteurs de leur apprentissage. J’expliquerai en premier lieu le choix de l’enchainement
de ces deux séquences.
80
En effet, développer des attitudes positives envers les variations linguistiques est un enjeu
principal de la séquence. Il est primordial de commencer par cette étape en raison des
représentations négatives prévalentes sur les variétés africaines du français (chapitre 5, section 3.2).
Après les entretiens avec les différents EANA-AFS, la remédiation aux représentations négatives a
été repérée comme l’un des principaux enjeux du projet (chapitre 7, section 2.3.1.), puisque comme
précisé au chapitre 4 (section 3.4), ces représentations, ainsi que les situations diglossiques dans
lesquelles ont évolué les EANA-AFS, peuvent engendrer des attitudes de rejet envers la variété.
Ainsi, la découverte de particularités lexicales du français ivoirien, porteuses d’une valeur
identitaire (chapitre 4, section 2.2), vise la légitimation de l’usage des variétés en contexte scolaire.
En palliant les représentations négatives, je souhaite exploiter l’aspect motivant des variétés, mis
en lumière par plusieurs EANA-AFS (chapitre 7, section 2.3.2) qui est intrinsèquement lié à la
valeur identitaire des variétés (chapitre 4, section 2.3.2). Ces séances sont prévues afin de
développer cette attitude positive, mais aussi de renforcer la conscience linguistique des apprenants.
Ces deux aspects sont des éléments clés pour que les élèves puissent considérer la variété comme
une ressource d’apprentissage (chapitre 5, section 2.3.).
81
3.2. La structure des séquences – une approche issue de l’EFMC
Pour aborder la variété, l’approche sélectionnée est l’EFMC. Chacune des séquences intègre
alors des activités de prise de conscience de la réalité plurilingue, des activités d’identification avec
constitution d’un corpus, des activités de fixation (permettant d’intégrer le sens du terme suivant le
contexte linguistique) et des activités de mobilisation à travers diverses productions (chapitre 6,
section 1.3.1). Dans cette section, je présenterai la conception de ces activités. Il est important de
préciser que chaque séquence commence par une familiarisation avec le sujet et les personnages.
Les activités S1A2 et S3A1 (annexe 6, p. 71) en sont des exemples.
82
des EANA et la France pour y inscrire les traductions du lexique du français ivoirien dès S1A5 a
pour but de développer un lexique comparatif. Celui-ci est complété au fil des séances du projet,
mais peut également être alimenté tout au long de l’année. Ainsi, en affichant ces différenciations
en classe, l’enseignant pourra les utiliser lors d’activité corrective, comme cela est avancé par
Bellonie (2012, chapitre 6, section 1.3.2). Les deux séances sont ensuite clôturées par des activités
de mobilisation.
83
(chapitre 6, 2.3.2.). S’agissant d’une activité créative, les apprenants d’autres origines peuvent
également s’imaginer comment se dialogue se déroulerait s’ils calquaient exactement les règles de
politesse de leurs langues. La structure de chaque séquence a donc été influencée par l’EFMC,
cependant les approches plurielles ont également eu un impact important sur les activités proposées.
3.3. L’influence des approches plurielles – suivre les grandes lignes de l’éveil aux langues,
de la comparaison et de l’approche interculturelle
Si je m’en étais tenue à l’approche EFMC, cela aurait minimisé les autres langues du répertoire
des apprenants. Or, comme abordé dans le chapitre 7 (section 1.3), les UPE2A sont hétérogènes
quant aux pays d’origine des apprenants, et donc de leurs langues maternelles. Cette hétérogénéité
se retrouve aussi à l’intérieur du groupe d’EANA-AFS, puisqu’ils ont divers niveaux de maîtrise du
français, différentes langues maternelles et sont originaires de pays différents (chapitre 4, section
1.3 et tableaux 2, p. 24 et 4, p. 66). Ce facteur a été pris en compte par les approches plurielles.
84
(chapitre 8, section 2.3). Cette activité a pour but de faire observer aux apprenants, par la
comparaison des langues et variétés, que la politesse s’exprime de différentes manières dans les
différentes langues. Lors de sa mise en place (annexe 8, p. 101), les élèves ont endossé le rôle
d’expert et expliqué le fonctionnement de leurs langues aux autres apprenants ainsi qu’à
l’enseignante. Les apprenants non-EANA-AFS ont ainsi l’occasion de présenter leurs langues, ne
se sentent pas exclus de l’activité et surtout travaillent également leur compétence plurilingue
(chapitre 6, section 2.2.2). Cette approche donne également l’opportunité aux enseignants de
découvrir les langues des apprenants, ainsi que de s’initier à leur mode de fonctionnement. D’autres
moments d’échanges ont aussi eu lieu, notamment autour des pratiques culturelles de chaque pays.
4. Synthèse – les approches pour aborder les variétés africaines du français en classe
85
confrontés. Un autre moyen d’inclure tous les EANA est l’approche éveil aux langues qui a
également fortement influencé la conception de ce projet. Ainsi, l’utilisation de la littérature
jeunesse, des approches interculturelles et de l’éveil aux langues permettent de répondre à l’enjeu
de l’accessibilité.
Un autre enjeu formulé au chapitre 7 était la mise en valeur de la variété et l’éveil à la conscience
linguistique et aux compétences plurilingues. Lors de la conception, j’ai répondu à cet enjeu en
faisant appel à un support qui donne de la légitimité à la variété, mais aussi par l’approche EFMC.
Grâce à celle-ci, la variété n’est plus traitée comme une erreur, mais comme une variété distincte
du français standard (chapitre 6, section 1.2). De plus, les différentes activités proposées donnent
aux EANA-AFS la possibilité d’endosser le rôle d’expert, ce qui est également valorisant.
L’approche EFMC ainsi que l’approche « comparons nos langues » sont utilisées dans ce projet afin
de permettre aux apprenants de développer des comportements comparatifs qui permettent
d’éveiller la compétence plurilingue. Pour cela, j’ai décidé de me concentrer sur un acte de parole
qui s’inscrit directement dans le vécu des apprenants, à savoir les salutations et formes de politesse
au travail.
Le dernier enjeu qui vise le changement de perspective des enseignants n’influence pas
directement la conception. J’ai cependant fait exprès de choisir la BD Aya de Yopougon puisque
celle-ci permet à l’enseignant de se familiariser avec la variété grâce au « lexique » à la fin de
chaque volume. L’enseignant pourra donc se sentir sécurisé par rapport au fait qu’il n’est pas
forcément formé à la variété. De plus, ce support est attrayant de manière générale puisqu’il touche
à une multitude de thématiques. Finalement, je pense que l’éveil aux langues et l’approche
« comparons nos langues » peuvent également rassurer les enseignants et leur permettre de changer
leurs représentations. En effet, en donnant le rôle d’expert aux élèves, ses approches peuvent
permettre aux enseignants de se familiariser avec les différentes langues présentes en classe et leur
système. Le prochain et dernier chapitre de ce mémoire permet d’évaluer si les différents enjeux
formulés ont été atteints grâce au projet décrit ci-dessus.
86
Chapitre 9. Évaluation du projet – réussites, accrocs et influences sur les
attitudes des apprenants et des enseignants
Ce dernier chapitre est consacré à l’évaluation du projet conçu. En effet, l’un des objectifs de
cette recherche-action est d’analyser l’effet du projet sur les enseignants et les apprenants. Je
souhaite alors rappeler mes hypothèses de départ, selon lesquelles je considérais que donner une
place aux variétés en classe permettrait un changement de regard sur ces dernières, que cela
permettait de légitimer l’utilisation des variétés comme ressource pour l’apprentissage et d’ainsi
pallier l’insécurité linguistique que peuvent subir les élèves. Pour évaluer ce projet et tirer des
conclusions sur ces hypothèses, j’ai choisi de concevoir un tableau synoptique des séances,
comprenant les notes de mon carnet de bord (annexe 8, p. 101). Les différentes activités y sont
présentées selon la trame proposée en annexe 6 (p. 71). Le tableau permet de rendre compte de mes
observations personnelles sur les activités mises en place et d’ainsi proposer un bilan sur les parties
réussies et les points faibles du projet. J’ai aussi conduit un deuxième focus groupe avec les apprenants
de la classe d’UPE2A-NSA afin de recueillir leur vécu face à ce projet. La transcription conçue
pour l’analyse de ce focus groupe se trouve en annexe 9 (p. 112). Celle-ci me permet d’observer
d’éventuelles évolutions dans la perception des variétés par les apprenants depuis le premier focus
groupe (annexe 4, p. 55). Finalement, ce chapitre analyse également le discours de E10, l’enseignante
ayant participé au projet (tableau 3, p. 65). La transcription de l’entretien semi-directif conduit avec
elle me permet d’avoir un regard décentré sur le projet et sur son influence sur les élèves, mais aussi
d’évaluer la réception du projet par E10. Toutes ces données ont été analysées de manière qualitative
et les passages cités comme exemple dans ce chapitre sont surlignés dans les annexes respectives.
Dans un premier temps, je présenterai quelques accrocs et réussites repérés lors des séances, puis
j’analyserai l’évolution des représentations vis-à-vis de la variation et finalement, je mettrai en avant
les effets des approches plurielles et de l’EFMC sur la classe et sur les apprentissages.
Comme cela peut être constaté en observant le tableau synoptique mis à disposition (annexe 8,
p. 101), le projet n’a pas été mis en place dans son entièreté auprès de la classe d’UPE2A-NSA.
Cela est dû à plusieurs raisons, comme au temps réel mis à disposition lors des séances (chapitre 2,
section 3.2) ou encore à l’ajout d’activités (séance 2, annexe 8, p. 101). Les accrocs présentés ici
sont donc ceux remarqués sur les activités ayant été mises en place. Avant de proposer les pistes
d’amélioration, je souhaite souligner l’une des réussites du projet.
87
1.1. La réussite d’une représentation identitaire valorisante
Une grande réussite de ce projet est la représentation positive des cultures des EANA-AFS dans
la classe que les observations lors des séances et le discours de l’enseignante mettent en avant. En
effet, les apprenants étaient très intéressés par le support Aya de Yopougon. Manuella, Wilfried et
Ismael connaissaient déjà le film et étaient ravis de l’aborder en classe (annexe 8, p. 101). De plus,
E10 souligne cette représentation positive à plusieurs reprises, lors de l’entretien semi-directif :
« la réaction des élèves africains + euh + moi j’ai quand même senti le plaisir de se replonger
en Afrique […] tout d’un coup se retrouver à la maison + et puis ils faisaient des petites
blagues + ils rigolaient + et ils se parlaient dans leurs langues tu sais » (E10, annexe 9, p. 112).
« je pense que c’était très très très bien ciblé + euh donc par le contenu + de + environnement
familier + des personnages jeunes + comme eux adolescents » (E10, annexe 9, p. 112)
Cet enjeu n’a pas été formulé puisqu’il ne fait pas partie des objectifs principaux. Cependant,
puisque E1, E9 et E10 ont tout de même remarqué la perte des repères identitaires des MNA (annexe
1, p. 5 et 2, p. 31), il me semble important d’évoquer cet aspect. E10 remarque que ce support a
aussi été très intéressant pour les apprenants non EANA-AFS. En effet, elle indique qu’il a permis
de retrouver des repères culturels communs :
« je trouve qu’ils ont été très attentifs + très intéressés + très impliqués + ils ont beaucoup
aimé + bah ils ont découvert aussi + tu vois les costumes + les vêtements + euh ++ et puis
y’avait des choses qui + qui sont exactement ce qui se passe chez eux + tu vois le + la voiture
cassée + Hamza il disait + c’est pareil en Afghanistan + tu vois t’as un vieux monsieur qui
vient + tu sais tenir une clé à molette + bah allez viens répare la voiture » (annexe 10, p. 118).
Cette représentation identitaire ne met donc pas les EANA d’autres origines à l’écart, mais
permet au contraire de remarquer des similarités entre les cultures. L’aspect de la représentation
identitaire a donc été une réussite. Néanmoins, j’ai aussi pu constater quelques accrocs lors de la
mise en place de certaines activités qui pourraient donc être retravaillées.
Cette section se concentre sur les observations faites lors des deux premières séances. Les
élèves devaient alors créer un lexique plurilingue (S1A5, séance 2, annexe 8, p. 101). Lors de la
constitution de ce dernier (ibid.), j’ai remarqué des difficultés des apprenants lors de la traduction
de mots ou expressions isolés dans leurs langues. C’était notamment le cas pour l’expression « sortir
avec quelqu’un ». Les apprenants n’arrivaient pas à en donner l’équivalent. E10 a donc suggéré aux
apprenants de traduire la phrase « Ce soir, je sors avec mon fiancé ». Les apprenants n’avaient alors
88
pas de mal à traduire la phrase entière. E10 leur a ensuite proposé d’écrire la phrase entière en
dessous des drapeaux. Pour constituer un lexique plurilingue, je pense qu’il serait intéressant de
faire traduire des phrases aux apprenants, mais d’ajouter l’étape de demander quelle partie de la
phrase correspond à l’expression cherchée. Cela permettrait également de conscientiser que les mots
ne sont pas forcément au même endroit de la phrase dans chaque langue. L’intervention de
l’enseignante a permis aux apprenants de faire l’exercice de traduction, mais doit être adaptée afin
de réellement aboutir à la création d’un lexique plurilingue.
S1A5 (annexe 8, p. 101) a également été source d’autres complications. Dans la trame du projet
proposé, le déroulement est décrit de la manière suivante :
« Pour finir, l’enseignant peut donner quelques mots en français ivoiriens (liste ci-
dessous) à traduire en français standard par les Ivoiriens, puis dans les autres langues par les
autres élèves de la classe. Attention à introduire ce vocabulaire en contexte, càd dans une
phrase, pour faciliter le fait de trouver la signification. L’enseignant peut par exemple
projeter des extraits de BD dans lesquels se trouvent ces mots ou créer lui-même des
phrases » (annexe 6, p. 71)
Le passage surligné en bleu n’était initialement pas prévu et cette partie s’est déroulée de la manière
suivante : je disais le mot en français de Côte d’Ivoire et les élèves ivoiriens devaient le traduire en
français standard. Or, les apprenants ne comprenaient pas les mots que je leur proposais. Suite à
cela, l’enseignante a animé une activité de traduction de mots simples du français vers toutes les
autres langues. À la fin du cours, Manuella a demandé à voir la liste de mots ivoiriens que j’avais
préparée. Elle lisait les mots, mais avait des difficultés à en comprendre le sens. Je lui ai alors donné
quelques phrases avec des expressions en français ivoirien. Elle comprenait alors les mots,
corrigeait ma prononciation et me donnait la signification en français standard. Pour l’expression
« en agouti » (en français standard « en cachette ») par exemple, Manuella a d’abord affirmé ne pas
en connaitre le sens. Je lui ai donc proposé la phrase : « hier soir, je suis sortie en agouti ». Elle a
alors immédiatement réagi en disant « Ah mais oui, on dit ça quand on fait une chose secrète »
(annexe 8, p. 101). Manuella connaissait donc cette expression, mais n’a pas tout de suite pu faire
le lien, ce qui est probablement lié au fait qu’elle est moins en contact avec le français de Côte
d’Ivoire depuis son arrivée en France. Cette observation rappelle les propos de Gaillat (2014)
présentés dans le chapitre 6 (section 1.3.1) sur l’importance d’introduire le lexique en contexte. Elle
est d’ailleurs appuyée par le fait que le lexique du français ivoirien présent dans l’extrait de BD lors
de cette même activité n’a pas posé de problèmes de compréhension aux élèves ivoiriens (annexe
8, p. 101). Il est alors important d’introduire tout le lexique en contexte, que ce soit en prenant un
89
extrait de la BD, en utilisant une scène du film ou en inventant soi-même une phrase. La partie sur
la construction d’un lexique comparatif mérite donc quelques modifications. Ceci est aussi le cas
pour d’autres activités qui nécessiteraient une plus grande différenciation pédagogique.
E10 et moi-même avons remarqué une certaine frustration chez quelques élèves que nous avons
toutes les deux attribuée à un manque de différenciation pédagogique.
« à faire mais chrono en main quoi + et peut-être pas les faire passer au tableau + faire juste
à l’oral + comment on dit ça + et comment chez toi ? + et toi tu écris vraiment grossièrement
au tableau + » (E10, annexe 10, p. 118)
E10 propose donc un autre fonctionnement pour cette activité. Je pense aussi que certaines
activités méritaient une plus grande attention au niveau de la différenciation pédagogique.
90
E10 qui a formé les binômes et a mélangé non seulement les EANA-AFS avec les autres élèves,
mais aussi les élèves en fonction des niveaux. Ainsi, les élèves les moins avancés se sont trouvés
en binôme avec les élèves déjà à l’aise à l’écrit. L’aspect de l’hétérogénéité des niveaux au sein de
la classe est donc passé à l’arrière-plan. Or, celle-ci avait bien été mise en avant par les enseignants
dans le questionnaire (annexe 1, p. 5). Les observations décrites m’amènent à la réflexion sur la
possibilité de constituer des binômes similaires pour d’autres activités. Une plus grande
différenciation pédagogique serait également atteinte en adaptant les documents de supports à
différents niveaux, comme E5 indique le faire : « Je monte toutes mes activités en différenciant sur
3 niveaux » (ibid.) et comme pratiqué par E9 (annexe 2, p. 31).
Les principaux défauts du projet sont donc le traitement du lexique et le manque de prise en
compte de l’hétérogénéité des niveaux au sein de la classe. Ces aspects pourront être améliorés en
retravaillant la trame de projet proposée au CASNAV. À présent, je souhaite me pencher sur les
points concrètement visés par ce projet, à savoir la valorisation des variétés, ainsi que la
consolidation d’une conscience linguistique.
91
place du français dans les différents pays des apprenants. Comme cela a été abordé dans le chapitre
4 (section 3.4), il se peut donc que Seydou et Koffi, ayant évolué dans une situation diglossique en
Côte d’Ivoire, ne voient pas l’utilité d’aborder cette variété du français dans le contexte scolaire.
Néanmoins, en mettant cette demande de « sens » en rapport avec la représentation dévalorisante
que Seydou a du français de Côte d’Ivoire, je peux aisément assumer qu’il trouve que le français de
Côte d’Ivoire n’a pas sa place dans une salle de classe, puisqu’il affirme « si tu parles français de
Côte d’Ivoire + comme moi tu parles pas bon français » (Seydou, annexe 9, p. 112). Comme cela a
été évoqué dans le chapitre 4 (3.4.), des activités de mises en valeur d’une langue ou d’une variété
en position basse peuvent engendrer que les apprenants considèrent qu'il est inutile d’aborder cette
variété. Certaines représentations négatives de la variété persistent d’ailleurs chez d’autres élèves.
« bah moi à mon avis + français de la Côte d’Ivoire + c’est pareil ++ c’est juste que ++ c’est
quand vous êtes pas scolarisés en Côte d’Ivoire + vous pouvez pas comprendre le bon
français + […] parce que du coup + le français que vous allez entendre dehors dans la rue ++
c’est ce qui va vous rester en mémoire comme le bon français » (Ismael, annexe 9, p. 112).
« les gens ils oublient quelque chose pour français de la Côte d’Ivoire + c’est le couper
décaler qui a gâté le français de la Côte d’Ivoire ++ sinon le français de la Côte d’Ivoire +
c’est pareil comme de la France […] vous trouvez les élèves qui ont passé le brevet et le bac
+ ils parlent le bon français + » (Ismael, annexe 9, p. 112)
Ismael dévalorise ici les variétés du français ivoirien en affirmant que le « bon français » est celui
de l’école, donc le français standard (chapitres 4, section 3.2 et 5, section 1.2). Il déclare aussi que
le français en Côte d’Ivoire a été « gâté ». Or, en Côte d’Ivoire, « gâter » est associé à la destruction5,
ce qui implique que pour Ismaël le français en Côte d’Ivoire est une version « détruite » de la langue
française qu’il considère comme le bon usage. Je remarque donc dans ces affirmations une forte
auto-dévaluation que j’associe à une insécurité linguistique (chapitre 4, section 3.4).
Ces prises de parole d’Ismaël peuvent également être interprétées comme la réaction à
l’utilisation de la variété en cours. Comme mis en avant au chapitre 4 (section 3.4), l’utilisation de
langues en « position basse » peut être vécue comme une moquerie. En ce sens, Ismael a pu vivre
l’utilisation de cette variété comme une forme d’attaque envers le français de son pays. Pour pallier
5
Gâter (s.d.). Base de données lexicographiques panfrancophone. Consulté le. URL : https://www.bdlp.org/fiche/11724
92
cela, il précise que les Ivoiriens maîtrisent également le « bon français » et que la version présentée
ne correspond pas à la réalité. Il souhaiterait alors que la Côte d’Ivoire soit associée à ce qu’il perçoit
lui comme le « bon français ». Il s’agit ici d’une hypothèse qui aurait le mérite d’être vérifiée en
s’entretenant avec lui. Cette réaction de la part d’Ismael est particulièrement intéressante, puisqu’il
est également l’un des élèves les plus enthousiastes lors du premier focus groupe et lors des séances.
Les attitudes et représentations positives envers le français ivoirien peuvent être analysées à
travers le comportement des apprenants, mais aussi dans leur discours lors du second focus groupe
ou dans les observations de l’enseignante. Les attitudes et représentations qualifiées comme
positives sont la motivation et la participation des apprenants (chapitre 5, 2.3.), ainsi que les discours
valorisants sur la variété. Les passages dans lesquels ces dernières ont pu être observées sont
marqués en turquoise dans les annexes 8 (p. 101) et 9 (p. 112).
« si si moi je pense que ++ quelque part tu as semé une petite graine très valorisante + euh +
et puis moi ce qui m’a fait rigoler + c’est + c’est les petites bagarres entre eux quoi + quand
ils étaient pas d’accord sur les termes » (E10, annexe 10, p. 118)
De plus, certains élèves ont rallongé la liste de vocabulaire mise à disposition. Ismael, par exemple,
a ajouté ses propres mots de la variété à sa production (annexe 7, p. 99). Ces diverses formes
d’enthousiasme peuvent donc être interprétées comme des attitudes positives envers cette variété.
Cet aspect est renforcé par les représentations positives qu’ont les autres élèves de la classe.
93
dans les séances 1, 2 et 3 (annexe 8, p. 101). En effet, les élèves non-ivoiriens se sont amusés à
deviner la signification des mots et ont montré une certaine curiosité vis-à-vis des expressions.
Ainsi, Amadou demande à Ismael dès la première séance ce que signifie l’expression « go choc »
et Hamza s'interroge sur l’origine du français qui lui est présenté. J’ai remarqué un entrain similaire
lors de la découverte des mots ivoiriens à utiliser lors de l’activité S2A4 (séance 3, ibid.). Une
observation marquante est que les élèves non-ivoiriens, qu’ils soient EANA-AFS ou non, ont une
représentation soit neutre, soit valorisante du français de Côte d’Ivoire, après la mise en place du
projet. En effet, Sekou et Amadou trouvent que le français de Côte d’Ivoire est « bon » (annexe 9,
p. 112). Amadou exprime même qu’il a aimé utiliser le nouchi en cours (ibid.). La majorité des
autres élèves, tels que Hamza, Calaso, Yacine ou Issiaka ont exprimé qu’ils considèrent le français
ivoirien comme un français différent du standard (ibid.). Ces observations montrent que la valorisation
des variétés a tout de même eu un impact sur les représentations, même si des attitudes négatives
persistent. Ces attitudes et représentations positives sont liées à la légitimité donnée à cette variété.
« mais alors leur langue est rentrée dans la classe + je trouve que rien que ça euh ++ tiens on
va parler de votre langue à vous […] grande valeur ajoutée » (E10, annexe 10, p. 118)
« ils ont + dû être surpris par ce thème + tiens y’a quelqu’un qui vient + pour nous parler ++
de nous en fait […] nous encourager à parler notre français à nous + à l’écrire + tiens ça
s’écrit + tu te rends compte ? + parce que ça légitime une langue » (E10, annexe 10, p. 118)
Selon E10, cette légitimation a lieu par le simple fait d’accepter cette variété en classe et de
montrer qu’elle peut s’écrire. Même si les élèves préservent quelques attitudes négatives, cet aspect
est non-négligeable dans la situation dans laquelle se trouvent les EANA (chapitre 5, section 3.3.2).
De plus, les EANA-AFS ont endossé un rôle d’expert. Cela s’observe lors de l’activité S1A5 (séance
2, annexe 8, p. 118). Ismael a par exemple proposé des mots du français ivoiriens qui n’étaient pas
sur la liste. Ses connaissances ont donc été légitimées et son rôle d’expert pour cette variété a été
renforcé. Cette légitimation a aussi permis à E10 de questionner son point de vue sur les variétés.
E10 était dès le début intéressée par le projet sur les variétés du français et avait donc une
attitude positive envers ces dernières, même si elle avait également une attitude normative envers
son utilisation par les élèves en classe (chapitre 7, section 1.2). L’analyse de l’entretien semi-directif
met à jour son souhait accru de mise en valeur et sa réflexion sur le traitement des variétés en classe.
94
2.3.1. Le souhait de la mise en valeur
Même si E10 était très intéressée par le sujet de la variété, elle ne lui avait jamais accordé de
place particulière dans sa classe (chapitre 7, section 1.2). Lors de notre entretien semi-directif ayant
eu lieu après la mise en place du projet, elle souligne qu’elle a senti l’importance du projet et qu’elle
pense que cette mission de mise en valeur est particulièrement importante pour les EANA-AFS :
« aborder le français d’Afrique c’est vraiment particulier + parce que […] tu vois les
Pakistanais parlent ++ urdu + c’est une langue à part entière quoi ++ mais c’est pas la même
chose que de se dire + je viens d’Afrique je suis censé parler français + tu sais y’a quelqu’un
qui a dit + je me suis rendu compte que je ne parlais pas bien français en France […] et cette
expérience + d’arriver ici déjà dans une situation précaire + donc forcément + la langue va
être précaire + t’es vu comme précaire + donc + pour moi + c’était ça la priorité […] ce français
d’Afrique […] je pense que ta mission elle était vraiment là-dessus + et pour moi c’était
important […] que ce message-là passe » (E10, annexe 10, p. 118).
L’importance que l’enseignante accorde aux variétés est accentuée par son envie de mettre en
place un projet sur les variétés africaines du français. En effet, lors de l’entretien, elle déclare
souhaiter établir un lexique bilingue tout au long de l’année qui permettra aux EANA-AFS de faire
la différence entre les variétés (annexe 10, p. 118). Au-delà du souhait de mettre plus en valeur les
variétés africaines du français, E10 remet également en question sa pratique de correction.
« je me rends compte + qu’il y a peut-être quelque chose qui passe dans ma manière
d’enseigner le français + à savoir + ici on vous enseigne le français correct ++ et ça j’pense
que + c’est le danger peut-être pour nous les profs ++ euh à corriger corriger + mais non ça
se dit pas comme ça ça se dit comme ça nanana + est-ce que eux ils ont pas l’impression
finalement ++ de parler un français mauvais + ce qui n’est pas du tout le message qu’on veut
véhiculer ++ mais valorisez votre français + qui est exactement aussi + tout à fait +
linguistiquement ++ qui a + est à égalité + mais que le contexte fait que géographiquement
on peut pas » (E10, annexe 10, p. 118).
Cette affirmation de sa part rend compte d’une prise de conscience sur ses pratiques vis-à-vis
de la variété et de l’unilinguisme prévalent (chapitre 5, section 1.3). Elle souligne qu’elle traitait
souvent la variété comme une erreur, alors que ce n’est pas le message qu’elle souhaite faire passer.
95
Ce projet a donc impacté ses pratiques et attitudes face à la variété, puisqu’elle considère un
traitement de l’erreur comme il est recommandé par Bellonie (2012, chapitre 6, section 1.3.2).
Néanmoins, les représentations face à la variété ne sont pas le seul aspect à être analysées dans le
cadre de ce mémoire. En effet, pour répondre entièrement à la problématique, je me dois aussi
d’aborder les autres effets observés ou abordés par les élèves ou l’enseignante.
L’analyse de la conception du projet au chapitre 8 montre qu’il s’est largement inspiré des
approches plurielles et de l’EFMC. Celles-ci ont pris la forme de moments d’échanges sur les
langues et les cultures, mais aussi de comparaison entre les langues. Les approches mises en place
ont alors eu des conséquences observables sur la classe. Parmi ces conséquences se trouvent une
motivation accrue, un effet de cohésion de groupe, l’émergence d’une prise de conscience
plurilingue, ainsi qu’une attitude positive envers le plurilinguisme de la part de l’enseignante.
Les notes du carnet de bord, retranscrites dans le tableau synoptique (annexe 8, p. 101),
montrent que les apprenants ont beaucoup participé lors des séances. J’ai noté une volonté de
participer très grande, ainsi que beaucoup de rires et d’intérêt pour le contenu. Les passages du
carnet de bord qui ont été interprétés comme des signes de motivation sont les rires, la participation,
mais aussi les échanges, ils sont surlignés en vert (ibid.). Ces signes de motivation sont
intrinsèquement liés à des activités de plurilinguisme et à l’approche interculturelle. Je cite ici
l’exemple de l’activité S1A5 (séance 2, ibid.) : lorsque les élèves découvrent leur drapeau et
lorsqu’ils traduisent les mots et phrases dans leurs langues, j’ai remarqué un réel plaisir de partager.
De plus, l’enseignant a également répété les phrases et mots de chacun. Cette action a provoqué une
grande joie chez les élèves. Lors de ces observations, je me suis tout de même demandé, si les
apprenants étaient motivés de manière générale. Le retour de l’enseignante lors de l’entretien semi-
directif m’a alors confirmé qu’elle aussi a observé un réel changement chez les apprenants :
« l’interview de la miss […] qu’est-ce qu’on a rigolé + et puis ils ont innové + ils ont allongé
+ ils se sont amusés + et là tu retrouves ton côté culturel + moi c’est ça qui m’a beaucoup
plu dans ce que tu as fait ++ c’est que + ils se sont vraiment lâchés ++ est-ce que c’est le fait
d’utiliser sa propre langue qui fait qu’on se détend + qu’on détend ses muscles et + le corps
et l’esprit + et qu’on donne libre cours à l’imagination + mais + mais ils flottaient quoi +
vraiment + y’avait de la fluidité + ça a été génial » (E10, annexe 10, p. 118).
96
L’enseignante parle ici de l’activité S2A3 (séance 3, annexe 8, p. 101), qui consiste en un jeu
de rôle pour devenir miss ou mister Yopougon. Lors de cette activité, les élèves sont libres d’utiliser
les langues et les variétés, mais elle incite également à une dimension culturelle. Ce rapport entre
les activités plurilingues et interculturelles et la motivation accrue des apprenants est alors
clairement observable et s’étend à l’effet de cohésion de groupe repéré.
Un autre effet de ce projet a été une réelle cohésion de groupe. Cet aspect est particulièrement
important, puisque l’un des enjeux de ce projet était de réussir à mettre en avant les variétés du
français, sans pour autant mettre à l’écart les élèves qui ne les connaissent pas. Cette cohésion de
groupe a pu être observée lors de la mise en place des différentes séances, mais aussi dans les
témoignages des élèves et de l’enseignante. Lors des séances, il est évident que les apprenants ont
un grand respect envers les langues et le travail des autres élèves. En effet, lors des moments de
plurilinguisme, par exemple S1A5 ou S3A3, lorsque les élèves présentent leurs langues, les autres
sont toujours très attentifs et donnent un feedback positif ou applaudissent à la fin (annexe 8, p.
101). De plus, les apprenants s’entraident énormément. Lorsque les apprenants devaient écrire les
mots de leur langue sous le drapeau, les élèves plus avancés à l’écrit aidaient les autres élèves à
transcrire leur langue en alphabet latin, même s’il ne s’agissait pas de la même langue que la leur.
Cela peut être constaté en reprenant les observations notées dans le tableau synoptique (ibid.). Les
moments de feedbacks positifs ainsi que les moments de coopération y sont surlignés en bleu clair.
Lors du deuxième focus groupe, ayant eu lieu après la mise en place du projet, les apprenants
ont tous mis en avant que les séances leur ont plu, parce qu’elles leur ont permis de découvrir les
langues de leurs camarades. Voici quelques exemples des affirmations des élèves :
« ça me fait plaisir pour moi + bah + j’ai avant je pas comprendre la langue des Ivoiriens +
mais maintenant ça va quoi + là je comprends quoi […] bah soussou pareil + soussou + pulaar
+ ouais + et Pakistan + Somalie + maintenant ça va quoi + ouais » (Sekou, annexe 9, p. 112).
« j’ai découvert la langue des Somaliens + des Maliens + Côte d’Ivoire pareil + avec Yacine
aussi + malgré on est le même pays » (Amadou, annexe 9, p. 112)
« moi je vous remercie + parce qu’on a passé un bon moment avec vous + et puis j’apprends
plusieurs langues différentes […] bah c’était génial » (Issiaka, annexe 9, p. 112)
« ça m’a fait du bien parce que […] à part le français et le malinké ++ j’ai jamais entendu
autres langues + par exemple soussou + pulaar non […] mon coéquipier ils m’ont appris à +
à parler plein de langues + et + et plein de trucs dans les langues » (Ismael, annexe 9, p. 112)
97
Par ces témoignages, il est indéniable que les apprenants ont aimé découvrir les langues de leurs
camarades et que cela renforce le sentiment d’appartenance à un groupe. L’enseignante a aussi souligné
l’entraide observée au sein du groupe lors de ses commentaires après la séance 2 (annexe 8, p. 101).
Plutôt que de mettre à l’écart les apprenants non EANA-AFS, ce projet a permis, grâce à l’influence
de l’éveil aux langues et de l’approche interculturelle (chapitre 6, sections 2.1 et 2.3) de donner une
place à toutes les langues des élèves. Comme précisé au chapitre 5 (section 2.1.2), ces approches
ont aussi permis l’émergence d’une conscience linguistique et d’une compétence plurilingue.
Même si dans la section précédente, j’ai avancé que certains apprenants ont eu une forme de
rejet par rapport à la variété, le projet a tout de même eu un impact sur la compétence plurilingue
des apprenants. Comme évoqué dans le chapitre 5 (section 2.2), le prérequis pour travailler la
compétence plurilingue est d’être conscient que les langues se comparent et s’opposent. Or, comme
cela a été analysé au chapitre 7 (sections 2.2 et 3.2), ces prérequis n’étaient pas forcément présents
chez les élèves de la classe UPE2A-NSA. Pendant les séances mises en place, cette conscience a
émergé chez quelques apprenants. Ainsi, pendant l’activité de traduction à la fin de la séance 2
(annexe 8, p. 101), les apprenants prennent conscience du fait qu’il y a aussi des variétés à l’intérieur
de leurs langues. J’ai aussi remarqué une prise de conscience très claire d’Ismael sur les différentes
prononciations du « r » en français lors de la séance 3 (ibid.). Lors de l’activité S3A3 (ibid.), les
apprenants ont remarqué par eux-mêmes que dans beaucoup de leurs langues le terme d’adresse
exprimant la politesse désigne un membre de la famille. Les apprenants prennent aussi conscience
lors de la présentation de Calaso que la deuxième personne du singulier n’existe pas en somali. Les
apprenants commencent alors à avoir un regard comparatif sur les langues. Cela est d’autant plus
important, puisque lors du premier focus groupe, certains élèves avaient une sorte de rejet pour la
comparaison (chapitre 7, section 3.2). Cette approche a donc, sans vouloir extrapoler, permis de
poser certaines bases de la compétence plurilingue chez les élèves, mais aussi chez l’enseignante.
Comme cela a été souligné dans la section précédente, le projet a eu un impact sur la prise en
compte de la variété par l’enseignante. Or, elle a également eu une influence sur sa perception des
langues des élèves en général. Ainsi, j’ai remarqué un réel intérêt de sa part pour les langues des
apprenants. Comme précisé dans le tableau synoptique, E10 répétait les mots dans les différentes
langues et prenait du plaisir à découvrir de nouveaux sons. De plus, en parlant de S3A3 (séance 4,
annexe 8, p. 101), elle accentue avoir appris des choses sur les langues des apprenants :
98
« moi par exemple + je ne savais pas que […] en somalien [...] le mot tu + le mot vous +
n’existent pas ++ donc maintenant je comprends mieux + pourquoi Calaso elle a des
difficultés avec le tu et le vous […] on se rend compte que + y’a des mots qui existent dans
une langue + mais qui n’existent pas dans une autre langue ++ donc c’est difficile pour la
personne d’apprendre » (E10, annexe 9, p. 112)
Cette remarque montre que même si cette activité peut être améliorée (chapitre 7, section 1.2),
elle a le mérite de faire comprendre certaines différences entre les langues qu’elle peut elle-même
intégrer à sa manière d’enseigner, puisqu’elle affirme :
« ça m’a encouragée à peut-être plus réfléchir sur […] sur la langue et pourquoi ils font ces
erreurs-là […] au niveau de la musique + de l’intonation […] appréhender où ça risque de
coincer l’année prochaine + tu vois + par rapport à la grammaire » (E10, annexe 10 p. 118)
Ces affirmations de E10 permettent d’émettre l’hypothèse qu’une expérience positive avec les
approches plurielles peut encourager les enseignants à être plus ouverts aux pratiques plurilingues.
Ce dernier chapitre avait pour but l’évaluation du projet. Il s’agissait de présenter des pistes
d’amélioration, mais aussi de répondre à la question : quelles influences le projet sur les variétés
africaines du français peut-il avoir sur les EANA-AFS, les EANA en général et sur les enseignants.
En ce qui concerne le projet proposé, quelques pistes d’amélioration ont pu être détectées.
Ainsi, pour atteindre un meilleur fonctionnement des séances et une utilisation plus aisée de l’outil,
il faudra insister sur une différenciation pédagogique adressant les différents niveaux à l’écrit et en
français des apprenants, mais aussi penser à présenter le lexique dans son contexte. Ce deuxième
point permettra alors de constituer un réel lexique comparatif plurilingue. Ces pistes d’amélioration
pourront donc être suivies, pour donner encore plus de sens à ce projet. En effet, cette évaluation a
également permis de mettre en lumière le réel potentiel de ces séances sur les variétés, notamment
sur la représentation identitaire des apprenants, mais aussi pour la prise en compte des variétés et
langues connues par les apprenants en général.
Même si certains EANA-AFS ont toujours une représentation ou des attitudes négatives envers
les variétés, celles-ci ont tout de même été valorisées et légitimées. Les EANA-AFS ont été
enthousiastes et les pairs ont également développé une représentation positive de la variété. De plus,
le projet a permis d’approfondir la cohésion de groupe, de motiver les apprenants et d’éveiller une
conscience linguistique et une compétence plurilingue. Le projet a donc répondu à plusieurs enjeux,
dont l’accessibilité à tous les EANA, la valorisation des variétés et l’éveil des compétences
99
plurilingues. De plus, les représentations et attitudes de l’enseignante face aux variétés ainsi que
face aux approches plurielles semblent avoir évolué de manière positive. Même si le projet n’a pas
éliminé les représentations négatives, celui-ci peut donc tout de même être qualifié de succès.
Cependant, il aurait été intéressant de faire une évaluation plus en profondeur.
La mise en place et l’évaluation du projet ont permis de mettre en exergue les points forts et les
points faibles de celui-ci. Des pistes de réflexion qui pourraient être approfondies dans de futures
recherches ont ainsi surgi. Le projet aurait effectivement le mérite d’être présenté dans d’autres
UPE2A et face à d’autres EANA-AFS, afin de mieux pouvoir évaluer son influence. L’évaluation
de l’influence de ce projet sur les perceptions des EANA-AFS pourrait alors se faire sous forme
d’entretiens semi-directifs avec chaque apprenant. En effet, les deux focus groupe n’ont pas permis
de réellement comparer les représentations et attitudes des apprenants avant et après le projet,
puisque certains EANA étaient plus en retrait et je n’ai donc pas eu l’occasion d’approfondir mon
questionnement pour chaque élève. Finalement, il serait aussi intéressant de réfléchir à mettre en
avant d’autres variétés que celle de Côte d’Ivoire, puisque les EANA-AFS non ivoiriens ont tous
préféré utiliser leurs langues maternelles (même Amadou, qui avait déjà un niveau de français A2
lors de son arrivée).
100
Conclusion
La première partie du mémoire avait pour vocation de présenter le contexte dans lequel
s’ancrait le projet. Il a alors été évoqué que les EANA-AFS sont un public particulier pour lequel
peu de ressources existent. Étant donné le contexte dans lequel ce projet a été mis en place, plusieurs
questions ont vu le jour : comment introduire ces variétés dans le contexte scolaire ? Quel(s)
objectif(s) peuvent être atteint(s) grâce à l’introduction de ces variétés ? Quelle(s) influence(s) ce
projet peut-il avoir sur les élèves et les enseignants ? La deuxième partie de ce mémoire a permis
d’aborder le cadre théorique dans lequel s’inscrivait cette recherche. En effet, le premier chapitre a
permis de mettre en lumière le contexte dans lequel grandissent les EANA-AFS et d’ainsi mettre
en avant l’importance de la prise en compte des variétés du français face à un public ayant évolué
en situation diglossique. Le deuxième chapitre a montré que les variétés ainsi que les langues
d’origine des élèves n’ont que très rarement une place dans le système scolaire français. Cela est
fortement lié à l’idéologie du standard qui pousse les acteurs éducatifs à voir le plurilinguisme
comme une source de difficulté. Finalement, ce chapitre a aussi mis en avant l’importance de la
prise en compte de la variété et du plurilinguisme pour l’apprentissage des langues, mais également
pour la construction identitaire de l’élève. Cela justifie de leur donner une place au sein de ce projet.
Le dernier chapitre du cadre théorique a mis en avant les différentes approches existantes et leurs
apports vis-à-vis de la manière d’aborder les langues et les variétés dans le contexte de
l’apprentissage du FLSco. La dernière partie de ce mémoire a permis d’apporter des réponses aux
questions en analysant les données recueillies et la trame du projet conçu.
101
avaient une représentation négative de la variété. Un premier enjeu est donc sa mise en valeur. Le
deuxième enjeu repéré était la nécessité de s’adapter aux « contraintes » du terrain, c’est-à-dire de
proposer un projet permettant d’inclure tous les EANA d’une classe, mais aussi de faire face aux
difficultés face à l’écrit de ce profil d’apprenants. Finalement, ce chapitre a aussi mis en avant
l’importance de travailler la conscience linguistique et les pratiques comparatives. Le deuxième
chapitre présente les approches et outils utilisés pour répondre à ces enjeux. Parmi eux se trouvent
la littérature jeunesse (notamment la BD Aya de Yopougon), l’EFMC, l’éveil aux langues, les
pratiques comparatives et les approches interculturelles. Le troisième chapitre permet d’évaluer
l’efficacité de ce projet et donc de donner des pistes d’amélioration, mais aussi de mettre en avant
l’influence que ce projet a eue sur l’enseignante et sur les élèves. Ainsi, même si les représentations
négatives de la variété n’ont pas disparu, les variétés et langues des apprenants ont tout de même
été valorisées. Ce projet a également eu un effet motivant et un effet de cohésion de groupe sur tous
les élèves de la classe. De plus, l’émergence d’une conscience linguistique ainsi que d’une
compétence plurilingue a pu être constatée. Finalement, ce projet a aussi permis une réflexion de la
part de l’enseignante sur ses attitudes face aux variétés et aux approches plurielles. Ce projet a donc
permis de confirmer quelques-unes des hypothèses formulées en amont.
Ce mémoire donne un aperçu du réel intérêt d’aborder les variétés africaines du français face à
un public d’EANA-AFS. Cependant, ce projet, ainsi que l’analyse des données, auraient pu être
plus précis grâce à une méthodologie plus ciblée. En effet, puisque le recueil de données en amont
de la conception était trop large, celui-ci n’a pas permis de creuser plus précisément le sujet des
représentations des enseignants par rapport à la variété. Des observations de classe plus nombreuses
auraient également permis de tisser un lien plus étroit entre les pratiques déclarées des enseignants
et les réalités du terrain. De plus, lors de l’analyse des données recueillies, j’ai pu constater que les
données récoltées grâce aux entretiens individuels avec les EANA-AFS sont beaucoup plus précises
que celles des focus groupe. Je pense donc qu’il aurait été intéressant de faire des entretiens semi-
directifs avec tous les apprenants ayant participé aux projets en amont et en aval de la mise en place
des séances. Finalement, pour pouvoir généraliser les résultats obtenus, il aurait été intéressant de
mettre en place le projet dans d’autres classes, notamment face à des EANA-AFS déjà scolarisés.
Malgré ces quelques remarques, la recherche-action présentée a tout de même permis de mettre en
lumière l’importance d’une prise en compte de ces variétés, mais aussi la possibilité de le faire dans
une classe hétérogène sans exclure les EANA d’autres origines. Les différentes approches
présentées dans ce mémoire permettent réellement d’encourager l’utilisation d’approches plurielles
102
et la création d’une représentation positive des différentes pratiques, que ce soit chez l’enseignant
ou l’apprenant.
Pour finir, je souhaite souligner que ce projet s’inscrit dans ma conviction personnelle forte
d’intégration des pays francophones, et surtout des pays francophones africains dans la didactique
du FLE, FLS ou FLM. Cette francophonie est trop souvent considérée comme moins importante et
moins bonne que les autres, alors que dans les faits, elle représente la majeure partie des locuteurs
francophones et se caractérise par une importante richesse culturelle et linguistique. Non seulement
ces attitudes envers cette francophonie s’inscrivent dans des représentations coloniales d’infériorité
du continent africain, mais les perpétuent. Un travail systématique de l’intégration de la
francophonie africaine dans tous les domaines de la didactique du français est alors nécessaire, afin
de faire contrepoids à ces représentations et attitudes.
103
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114
Liste des acronymes
115
Table des illustrations et tableaux
Tableau 2 : Répertoires langagiers des élèves avant leur arrivée en France ................................... 24
116
Table des annexes
Toutes les annexes de ce mémoire se trouve dans un deuxième volume séparé. Dans le corps
du mémoire, les pages indiquées sont donc celles du deuxième volume.
VOLUME D’ANNEXES
117
Table des matières
Remerciements .................................................................................................................. 4
Sommaire.... ....................................................................................................................... 6
Introduction ....................................................................................................................... 9
3.3. Les élèves du public-cible ont-ils besoin d’un accompagnement linguistique ? ............ 19
2.2. Le projet de mise en valeur de la variété : séances basées sur Aya de Yopougon ......... 23
118
3. La classe d’accueil et la mise en place du projet sur les variétés .......................... 23
1. Grandir dans un pays dans lequel le français est langue seconde ......................... 33
1.1. Avoir le français comme langue seconde, que cela signifie-t-il ? .................................. 33
1.3. Implications sur les différentes socialisations avec le français du public-cible ............. 37
119
3.4. Implications de la diglossie sur les attitudes linguistiques et l’apprentissage du
français 42
Chapitre 5. Les places des langues et des variétés dans l’école française ................. 44
2.2. Les langues, une « ressource potentielle » pour les enseignants et les apprenants......... 47
2.3. Pallier l’insécurité linguistique par l’intégration des langues et des variétés ................. 48
3.2. Représentations et attitudes des enseignants par rapport aux langues des apprenants ... 50
3.3. Impacts sur la construction identitaire des élèves allophones nouvellement arrivés ...... 50
Chapitre 6. Mettre en valeur les langues et les variétés, quelles approches ? .......... 54
120
2.2. Comparer les langues ? – les approches contrastives en contexte plurilingue ............... 59
FRANÇAIS...... ......................................................................................................... 64
Chapitre 7. Les enjeux du projet – état des lieux des besoins et pratiques en unité
pédagogique pour élèves allophones arrivants accueillant le public-
cible.............................................................................................................. 65
1.3. Les craintes exprimées par les enseignants – des facteurs à considérer ......................... 68
2.2. La conscience linguistique des élèves par rapport aux variétés ...................................... 69
2.3. Les représentations des élèves face aux variétés du français .......................................... 70
121
1.1. Un thème motivant pour les apprenants ......................................................................... 75
1.2. Un support écrit, mais multimodal – un tremplin pour l’entrée dans l’écrit .................. 76
3.1. L’enchainement des séances – une nécessité d’entrée en la matière douce ................... 80
3.3. L’influence des approches plurielles – suivre les grandes lignes de l’éveil aux
langues, de la comparaison et de l’approche interculturelle ........................................... 84
2.2. Représentations et attitudes positives des apprenants envers les variétés ...................... 93
122
3.2. L’effet de cohésion de groupe ........................................................................................ 97
Conclusion...................................................................................................................... 101
123
MOTS-CLÉS : élèves allophones nouvellement arrivés, Afrique francophone subsaharienne,
variétés du français, plurilinguisme, approches plurielles
RÉSUMÉ
Ce mémoire traite des particularités des élèves allophones nouvellement arrivés originaires d’un
pays d’Afrique francophone subsaharienne (EANA-AFS), public très présent dans les unités
pédagogiques pour élèves allophones arrivants (UPE2A) en France. Ces apprenants viennent de pays
dans lesquels le français est langue seconde. Ce contexte socioculturel et le contact entre les langues
et les cultures font émerger des variétés du français. Ce mémoire explore le rapport des EANA-AFS
au français dans une démarche de recherche-action visant à valoriser les variétés africaines du
français en contexte scolaire. Par la mise en place d’un projet basé sur la bande dessinée ivoirienne
Aya de Yopougon dans une classe d’UPE2A de l’académie de Grenoble, ce travail étudie les enjeux,
les moyens et les résultats d’une valorisation du répertoire linguistique des apprenants. Ce mémoire
présentera alors les représentations qu’ont les EANA-AFS et les enseignants des variétés africaines
du français, les approches plurielles mises en œuvre pour valoriser ces pratiques langagières, ainsi
que l’effet d’un tel projet sur l’apprentissage du français langue de scolarisation par ce public.
ABSTRACT
This dissertation discusses the characteristics of the target group consisting of allophone
learners with recent migration background coming from francophone sub-Saharan Africa (also
called EANA-AFS) who integrate French as a second language teaching units (also called UPE2A)
in schools all around France. These learners have grown up in countries where French is a dominant
language, without it being the population’s native language. In this specific context of contact
between different languages and cultures, varieties of the French language have emerged. This
dissertation investigates this relationship between EANA-AFS and the French language by
conducting action research which intends to motivate the use of African varieties of the French
language in the learning environment at school. To study the stakes, the means and the impact of
such an initiative, a project based on the Ivorian comic series Aya de Yopougon has been carried out
with students in a UPE2A class in the south-eastern region of France. Therefore, this dissertation
will discuss the perception that EANA-AFS and their teachers have of those varieties, as well as the
use of pluralistic approaches to languages and cultures used in the project and their impact on the
learning process of French as a second language by the target group.
124