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Mémoire M2 Langue

Master langue française

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Aborder les variétés

africaines du français face à


un public d’élèves allophones
nouvellement arrivés :
enjeux, moyens et résultats
Lea
KAUL

Sous la direction de Justine Delebarre

UFR LLASIC
Département Sciences du langage et Didactique du FLE
Section Didactique du FLE

Mémoire de master 2 mention Didactique des Langues (FLES) – 15 crédits

Parcours Français langue étrangère et seconde / présentiel


Année universitaire 2021-2022
Aborder les variétés
africaines du français face à
un public d’élèves allophones
nouvellement arrivés :
enjeux, moyens et résultats
Lea
KAUL

Sous la direction de Justine Delebarre

UFR LLASIC
Département Sciences du langage et Didactique du FLE
Section Didactique du FLE

Mémoire de master 2 mention Didactique des Langues (FLES) – 15 crédits


Parcours : Français Langue Étrangère et Seconde

Année universitaire 2021-2022


Remerciements

En premier lieu, je souhaite remercier tous les élèves ayant accepté de conduire des
entretiens avec moi et ayant participé au projet mis en place. Sans leur coopération et leur
accueil chaleureux, cette recherche et ce mémoire n’auraient pas pu voir le jour.

J’adresse également mes remerciements à tous les enseignants ayant répondu au


questionnaire, s’étant entretenus avec moi et m’ayant accueillie dans leur classe. Leur
bienveillance et leurs contributions m’ont permis de mener à bien mon stage. Je tiens
particulièrement à exprimer ma gratitude envers l’enseignante ayant accepté de mettre en place
le projet dans sa classe pour ses précieux conseils, sa gentillesse et son enthousiasme.

Un grand merci également à mes tutrices de stages Caroline Bois et Maryse Vincent, pour
leurs retours sur les outils conçus, ainsi que leur disponibilité et leurs encouragements tout au
long du stage.

Je tiens aussi particulièrement à remercier ma directrice de mémoire Justine Delebarre


pour ses précieuses annotations, ses conseils de lecture, ses nombreuses relectures, ainsi que
son engagement et son intérêt pour mon projet.

Merci aussi à toutes les personnes m’ayant donné des pistes de réflexion et de lecture tout
au long de la conception de ce mémoire. Vous avez enrichi mon point de vue.

Finalement, je tiens à exprimer ma reconnaissance envers mes proches qui sont toujours à
l’écoute. J’ai une immense chance de vous avoir autour de moi.
Déclaration anti-plagiat

DÉCLARATION

1. Ce travail est le fruit d’un travail personnel et constitue un document original.

2. Je sais que prétendre être l’auteur d’un travail écrit par une autre personne est une

pratique sévèrement sanctionnée par la loi.

3. Personne d’autre que moi n’a le droit de faire valoir ce travail, en totalité ou en partie,

comme le sien.

4. Les propos repris mot à mot à d’autres auteurs figurent entre guillemets (citations).

5. Les écrits sur lesquels je m’appuie dans ce mémoire sont systématiquement référencés

selon un système de renvoi bibliographique clair et précis.

NOM : KAUL

PRÉNOM : LEA

DATE : 02.09.2022 SIGNATURE :


Sommaire

Introduction ....................................................................................................................... 9

PARTIE 1 - CONTEXTE ET MÉTHODOLOGIE : LES ÉLÈVES ALLOPHONES ORIGINAIRES

D’UN PAYS D’AFRIQUE FRANCOPHONE SUBSAHARIENNE, LEUR PRISE EN

CHARGE DANS LES UNITÉS PÉDAGOGIQUES POUR ÉLÈVES ALLOPHONES

ARRIVANTS ET LA NAISSANCE DU PROJET SUR LES VARIÉTÉS AFRICAINES DU

FRANÇAIS….. ......................................................................................................... 13

Chapitre 1. Les élèves allophones nouvellement arrivés originaires


d’Afrique francophone subsaharienne - définition du public ............... 14

1. Les différents statuts du français en Afrique francophone subsaharienne ............ 14

2. Les élèves du public-cible sont-ils francophones ? ............................................... 15

3. Le public-cible au niveau national et académique ................................................ 17

Chapitre 2. Le terrain de stage – les unités pédagogiques dans l’académie


de Grenoble................................................................................................. 21

1. La structure d’accueil – organisation et missions ................................................. 21

2. Les missions du stage ............................................................................................ 21

3. La classe d’accueil et la mise en place du projet sur les variétés .......................... 23

Chapitre 3. L’élaboration du projet ............................................................................. 26

1. Les hypothèses de départ ....................................................................................... 26

2. La méthodologie du terrain – une recherche-action .............................................. 26

3. Pistes de réflexion et développement de la problématique ................................... 30

PARTIE 2 - CADRE THÉORIQUE : LA PLACE DES VARIÉTÉS AFRICAINES DU FRANÇAIS


EN AFRIQUE FRANCOPHONE SUBSAHARIENNE, À L’ÉCOLE FRANÇAISE ET EN

DIDACTIQUE DES LANGUES ..................................................................................... 32

Chapitre 4. La place du français dans les répertoires et les représentations


linguistiques du public cible ...................................................................... 33

1. Grandir dans un pays dans lequel le français est langue seconde ......................... 33

2. Les variétés africaines du français – genèse et implications ................................. 37

6
3. Le rapport diglossique entre les langues - attitudes et implications
didactiques............... .............................................................................................. 40

4. Synthèse – le rapport du public-cible au français langue de scolarisation ............ 43

Chapitre 5. Les places des langues et des variétés dans l’école française ................. 44

1. L’idéologie du standard : une barrière à la prise en compte des variétés et


des langues ? .................. ....................................................................................... 44

2. Des plaidoyers pour l’intégration des langues et variétés à l’école ...................... 46

3. Les langues des élèves à l’école : quelle est la place actuelle du


plurilinguisme......... .............................................................................................. 49

4. Synthèse – la nécessité de la prise en compte des répertoires langagiers ............. 52

Chapitre 6. Mettre en valeur les langues et les variétés, quelles approches ? .......... 54

1. Les créoles à l’école – une situation similaire ? .................................................... 54

2. Aborder le plurilinguisme : les approches plurielles à l’école .............................. 57

3. Aborder l’interculturalité et le plurilinguisme par la littérature ............................ 61

4. Synthèse – les approches à retenir ......................................................................... 63

PARTIE 3 - ANALYSE ET TRAITEMENT DES DONNÉES : LES RÉSULTATS DE LA

RECHERCHE-ACTION ET LEURS APPORTS AU PROJET SUR LES VARIÉTÉS

AFRICAINES DU FRANÇAIS........ .............................................................................. 64

Chapitre 7. Les enjeux du projet – état des lieux des besoins et pratiques en
unité pédagogique pour élèves allophones arrivants accueillant
le public-cible.............................................................................................. 65

1. L’unanimité des enseignants face à la variété : utile, mais en arrière-plan ........... 66

2. Le rapport au FLSco des élèves – perceptions d’enseignants et d’élèves ............. 68

3. La place donnée aux langues des apprenants en classe ......................................... 71

4. Synthèse – les enjeux du projet de mise en valeur des variétés ............................ 73

Chapitre 8. Conception d’un projet portant sur les variétés africaines du


français - description et analyse................................................................ 75

1. Le choix du support : Aya de Yopougon – un choix évident ................................ 75

7
2. Le choix des contenus et des compétences travaillés – multiplicité des
influences............................................................................................................... 78

3. Les approches choisies pour aborder la variété ..................................................... 80

4. Synthèse – les approches pour aborder les variétés africaines du français


en classe............................. .................................................................................... 85

Chapitre 9. Évaluation du projet – réussites, accrocs et influences sur les


attitudes des apprenants et des enseignants ............................................ 87

1. Déroulement du projet : accrocs et réussites ......................................................... 87

2. Un changement de perspective sur les variétés du français ?................................ 91

3. Les approches plurielles et leur conséquence sur la classe ................................... 96

4. Bilan réflexif – Synthèse ....................................................................................... 99

Conclusion ................................................................................................................... 101

Bibliographie ................................................................................................................. 104

Sitographie ................................................................................................................... 114

Liste des acronymes ...................................................................................................... 115

Table des illustrations et tableaux ............................................................................... 116

Table des annexes .......................................................................................................... 117

Table des matières ......................................................................................................... 118

8
Introduction

Selon l’organisation internationale de la Francophonie (à présent OIF), l’Afrique


subsaharienne et l’Océan Indien comptent le plus grand nombre de locuteurs quotidiens du
français, puisqu’ils représentent 47,4% d’entre eux (OIF, 2022). Cette présence du français sur
le continent africain est due à la colonisation de nombreux pays par la Belgique et la France et
à l’imposition de la langue française comme langue officielle et langue d’enseignement. Ces
pays anciennement colonisés sont aujourd’hui considérés comme l’Afrique francophone
subsaharienne et ne peuvent donc pas être négligés dans la recherche universitaire concernant
le français. Un domaine dans lequel l’Afrique francophone subsaharienne est en effet souvent
considérée est la sociolinguistique. Le continent africain y a été un terrain propice à l’étude des
variations linguistiques du français et des diverses variétés ayant émergé dans différents
contextes (Féral, 2010). Néanmoins, lors de mon master en didactique des langues (français
langue étrangère et seconde), ces variétés du français n’ont jamais été abordées. Cela m’a
surprise étant donné l’accent souvent mis sur l’inclusion de la francophonie en français langue
étrangère (à présent FLE). Cette absence m’a encore plus marquée lorsque j’ai été amenée à
découvrir plus en profondeur le public des élèves allophones nouvellement arrivés en France
(à présent EANA). C’est cette observation qui a motivé le sujet de ce mémoire.

L’appellation étrangers non-francophones est remplacée en 2002 (Circulaire 2002-100)


par élèves nouvellement arrivés en France (à présent ENAF) sans maîtrise suffisante de la
langue française ou des apprentissages, puis en 2012 (Circulaire 2012-141) par EANA. En
effet, ce terme posait un certain nombre de problèmes, l’un d’entre eux étant qu’un élève peut
être francophone à des degrés divers (Nicolas & Bergère, 2020). Cette nouvelle appellation
permet donc de prendre en compte les EANA originaires d’Afrique francophone subsaharienne
(à présent EANA-AFS). Depuis quelques années, les EANA-AFS sont de plus en plus
nombreux dans les unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants (à présent UPE2A).
En effet, selon leur socialisation avec le français, ces élèves ont différents niveaux de
compétences langagières qui sont parfois insuffisants pour intégrer directement une classe
ordinaire. Cette observation a déclenché de multiples questionnements en moi, puisque pour
ces élèves, étant donné leurs origines, le français faisait partie de leur répertoire langagier avant
leur arrivée en France. Il me semblait donc important de me pencher sur la prise en compte de
la particularité linguistique de ce public dans l’enseignement du français langue de
scolarisation (à présent FLSco). Pour mon stage de fin d’études, j’ai donc souhaité effectuer un
projet visant spécifiquement ce public. C’est ainsi que j’ai eu l’occasion de faire un stage au
9
sein du centre académique pour la scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés et
des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs de Grenoble (à présent CASNAV).
Lors de mon stage, ma mission consistait en l’élaboration d’outils à destination des enseignants
permettant de mieux comprendre les besoins des EANA-AFS. Parmi les outils élaborés se
trouve un projet de valorisation des variétés africaines du français. Ce projet est au cœur de ce
mémoire et a été mis en place dans une unité pédagogique pour élèves allophones arrivants
non-scolarisés antérieurement (à présent UPE2A-NSA). Il est basé sur le support Aya de
Yopougon, une bande dessinée (à présent BD) de l’auteure ivoirienne Marguerite Abouet et du
dessinateur français Clément Oubrerie. Les motivations et les raisons pour la création de ce
projet étaient multiples et nourries par des recherches dans le domaine universitaire, ainsi que
par mes convictions personnelles.

La première raison était mon hypothèse que tous les EANA-AFS ont été, à des degrés
divers, exposés à la langue française, mais pas forcément sous sa forme standardisée enseignée
à l’école en France. Ainsi, je pensais que les EANA-AFS avaient été en contact avec des
variétés régionales du français. Le fondement pour cette hypothèse se trouve dans la définition
même du terme variété. En effet, toute langue est utilisée sous des formes diversifiées par ses
locuteurs. Ce sont ces diverses formes qui sont, en sociolinguistique, appelées variations
(Gadet, 2007). Les variations peuvent avoir lieu aux niveaux phonétique, syntaxique ou lexical
(Ledegen & Léglise, 2013). Elles sont liées à différentes dimensions, ce qui a donné lieu à la
classification de Coseriu (1969) en variations diachronique (selon le temps), diatopique (selon
l’espace), diastratique (selon le groupe social) et diaphasique (selon l’individu et la situation
de communication). Le terme de variété, lui, n’est pas clairement défini, mais sert généralement
à différencier une pratique bien identifiée de la langue d’une autre pratique bien identifiée
(Féral, 2010). Ici, le terme variété sera utilisé pour différencier les pratiques existantes dans
plusieurs pays africains de la pratique du français standard. En parlant de variétés spécifiques
à une région, je m’inscris sur l’axe de la variation diatopique, puisque je souhaite évoquer :

« l’ensemble des actualisations de la langue remarquables par un certain nombre de traits


phonologiques, lexicaux, syntaxiques que l’on peut associer à l’usage d’un groupe de
locuteurs ayant une origine géographique commune » (Guerin, 2008 : 2307).

Cette définition montre que les EANA-AFS n’auront pas été au contact avec les mêmes variétés
que des élèves ayant grandi en France (ou dans d’autres régions francophones). Ces différences
sont alors, à mon avis, importantes à prendre en compte, puisqu’elles font partie du répertoire
langagier des élèves. Cela m’amène à la deuxième raison.

10
Lors de mes études en didactique des langues, il a été plusieurs fois mis en avant qu’une
langue ne s’apprend pas de manière isolée, mais qu’elle devient une partie du répertoire
langagier de l’apprenant. La notion de répertoire langagier a été introduite par le linguiste
américain Gumperz dans les années 70. Cette notion implique que toutes les langues avec
lesquelles une personne est en contact au cours de sa vie, que ce soit la langue parlée à la
maison, à l’école, au travail ou avec des groupes particuliers, se construisent les unes par
rapport aux autres et constituent une « compétence communicative à laquelle toutes les
connaissances et expériences langagières contribuent » (Auger & Picon-Vorstman, 2021 : 38).
Les variétés du français avec lesquelles ces élèves ont été en contact font donc partie de ce
répertoire et ont une influence sur les compétences langagières des apprenants. Aborder les
variétés en classe pourrait donc avoir des influences sur l’apprentissage du français par les
EANA-AFS en leur permettant de s’appuyer sur leurs compétences dans les variétés. Cela
permettrait également de sensibiliser les enseignants et les apprenants aux différences entre les
diverses variétés du français, puisque ces différences peuvent engendrer des incompréhensions
et être la source de malentendus ou de représentations vis-à-vis de la variété. Ce facteur est la
deuxième raison pour laquelle j’ai souhaité mettre en place ce projet.

Finalement, la troisième source de motivation est en rapport avec le facteur identitaire des
variétés. Par leur nature, ces variétés diatopiques ont une valeur identitaire, puisqu’elles sont
rattachées aux pays d’origine des apprenants. Ma conviction personnelle étant qu’une
implication personnelle des élèves peut motiver l’apprentissage, je pensais qu’il serait
intéressant d’aborder ces variétés en classe. Cela me semblait d’autant plus important face au
public EANA-AFS, puisque les variétés africaines du français ne sont que rarement
représentées de manière positive et sont victimes de nombreuses stigmatisations. Je me base
ici sur mon expérience à Madagascar, lors de laquelle j’ai observé des attitudes dévalorisantes
de Français face aux variétés régionales du français, mais aussi de représentations négatives
par les Malagasys eux-mêmes, qui considèrent le français standard comme supérieur à leurs
propres variétés. Cette stigmatisation continue en France et est amplifiée par le fait que les
langues africaines ne sont en général pas mises en avant dans le système scolaire. Ainsi, les
apprenants n’ont pas la possibilité d’aborder leur langue maternelle en milieu scolaire.
L’entièreté du répertoire langagier des EANA-AFS est alors mise à l’écart de leurs
apprentissages. Mettre en valeur les variétés me semblait alors un bon moyen de valoriser les
connaissances de ces élèves, mais aussi de leur permettre d’avoir une représentation positive
de leur langue et de leur identité.

11
Ce mémoire propose donc d’analyser la conception, ainsi que la mise en place de ce projet
qui avait pour but initial de sensibiliser aux variétés, de les utiliser comme ressource, mais
surtout de les mettre en valeur. Les objectifs principaux du mémoire sont de montrer les enjeux
liés à ce projet de mise en valeur des variétés africaines, d’analyser les approches sélectionnées
pour aborder ces dernières et finalement de montrer les influences qu’un tel projet peut avoir
au sein d’une classe UPE2A. Ce projet portant sur la BD Aya de Yopougon a été fortement
influencé par les données récoltées en amont de sa conception. Les contenus et les démarches
choisis pour le projet ont donc été guidés par les besoins exprimés tant par les enseignants que
par les EANA-AFS et se basent sur diverses approches plurielles. Sa mise en place a permis
d’en évaluer l’influence sur les EANA-AFS et les enseignants. Il s’inscrit donc dans une
dynamique de recherche-action lors de laquelle de nombreux questionnements ont émergé pour
finalement aboutir à la problématique suivante : Comment et dans quel(s) but(s) peut-on
aborder les variétés africaines du français face à un public d’élèves allophones nouvellement
arrivés originaires d’Afrique francophone subsaharienne en unité pédagogique pour élèves
allophones arrivants et quelles en sont les conséquences sur l’apprentissage du français langue
de scolarisation par les élèves et sur les pratiques des enseignants ?

Afin de traiter cette problématique, la première partie abordera le contexte du stage et la


méthodologie du terrain appliquée. J’y présenterai tout d’abord les spécificités du public
EANA-AFS en France, puis je décrirai le contexte des missions du stage, le projet, ainsi que la
classe d’UPE2A-NSA dans laquelle le projet a été mis en place. Finalement, je présenterai la
méthode de recherche-action mise en place et l’évolution de la problématique que celle-ci a
engendrée. Dans la deuxième partie du mémoire, je me concentrerai sur les aspects théoriques
ayant influencé cette recherche. Cette partie se penchera d’abord sur les particularités de la
place du français dans les pays d’Afrique francophone subsaharienne et sur leurs implications
quant au public d’EANA-AFS. Ensuite, j’y présenterai la place des différentes langues et
variétés dans le système scolaire français et les implications que cela a sur les EANA-AFS, les
enseignants et sur le projet. Puis, j’aborderai les différentes pistes didactiques existantes sur
l’intégration des langues et des variétés pour l’enseignement du français. La troisième et
dernière partie de ce mémoire sera entièrement consacrée à l’analyse des données. Elle
présentera donc les différentes phases de la recherche-action menée. J’y aborderai les enjeux
de ce projet, mis en lumière par le recueil de données initial, puis j’analyserai le projet proposé
en expliquant les approches choisies. Finalement, j’évaluerai le projet en prenant en compte les
objectifs énoncés.

12
Partie 1
-
Contexte et méthodologie :
les élèves allophones originaires d’un
pays d’Afrique francophone
subsaharienne, leur prise en charge
dans les unités pédagogiques pour
élèves allophones arrivants et la
naissance du projet sur les variétés
africaines du français

13
La première partie de ce mémoire est dédiée à la mise en contexte de la recherche-action
autour du projet de mise en valeur des variétés africaines du français se basant sur la BD Aya
de Yopougon. Dans ce but, je présenterai le cadre dans lequel ce projet a été conçu, ainsi que
la classe d’UPE2A dans laquelle il a été mis en place, avant de présenter la méthodologie du
terrain ayant permis de donner des réponses sur les enjeux ciblés, les moyens employés et les
résultats obtenus par ce projet. Cependant, avant d’aborder le contexte, il me semblait
important de présenter, dans un premier temps, le public des EANA-AFS.

Chapitre 1. Les élèves allophones nouvellement arrivés originaires


d’Afrique francophone subsaharienne - définition du public

Afin de présenter ce public, ce chapitre propose de définir les pays d’origine des EANA-
AFS. Ensuite, j’expliquerai le statut de locuteur francophone et finalement, je donnerai un
aperçu de la présence des EANA-AFS aux niveaux académique et national.

1. Les différents statuts du français en Afrique francophone subsaharienne

Dans ce mémoire, les pays d’Afrique francophone subsaharienne ne sont pas les pays
membres ou observateurs de l’OIF qui, dans le contexte subsaharien, incluraient par exemple
le Mozambique, le Ghana et la Gambie (OIF, s.d.). Les pays dont il est question ici sont ceux
dans lesquels le français a un statut de langue officielle et / ou langue de l’espace public et / ou
langue de scolarisation, en raison de la colonisation par la France ou la Belgique (Pöll, 2001).
Ces pays sont le Bénin, le Burkina Faso, le Burundi, le Cameroun, les Comores, le Congo, la
Côte d’Ivoire, Djibouti, le Gabon, la Guinée, Madagascar, le Mali, la Mauritanie, le Niger, la
République centrafricaine, la République Démocratique du Congo (à présent RDC), le
Rwanda, le Sénégal, le Tchad et le Togo (Poissonier, 2021). La place du français dans l’espace
public est certainement la plus dure à évaluer, puisque les données statistiques à ce sujet sont
rares. Il s’agit de l’utilisation du français par les médias et dans la communication quotidienne
et les données pour chaque pays sont très variables et dépendent de l’environnement rural ou
urbain (Pöll, 2001). Cet aspect sera approfondi dans la partie 2 (chapitre 4, section 1.2). Ici, je
préciserai surtout le rôle du français en tant que langue officielle et langue d’enseignement.

1.1. Le français langue officielle ou co-officielle

On qualifie de langue officielle « la langue utilisée par les institutions d’un état » (Dabène,
1994 : 41). Dans les pays d’Afrique francophone subsaharienne, le français est souvent la seule

14
langue officielle. Seulement quelques pays ont instauré une ou plusieurs langues locales
comme co-officielles. C’est le cas du Tchad et de Djibouti, où l’arabe est également langue
officielle, de la République centrafricaine ayant attribué ce rôle au sango, du Rwanda et du
Burundi dans lesquels le kinyarwanda et le kirundi sont également des langues officielles et
finalement de Madagascar et des Comores qui ont nommé respectivement le malagasy et le
comorien comme langues officielles. Au Cameroun, l’anglais est langue co-officielle en raison
du passé colonial franco-britannique. Finalement, le seul pays n’ayant pas gardé le français
comme langue officielle est la Mauritanie, où cette place est attribuée à l’arabe (Poissonier,
2021).

1.2. Le français langue d’enseignement

Le français est également langue d’enseignement dans ces pays, la seule exception étant
le Rwanda (Poissonier, 2021). Or, selon les pays, le français est soit l’unique langue de
scolarisation, soit endosse ce rôle aux côtés d’autres langues. Ainsi, au Tchad et en Mauritanie,
il est possible d’être scolarisé en arabe (ibid.). Selon le rapport du programme d’analyse des
systèmes éducatifs de la conférence des ministres de l’Éducation des États et gouvernements
de la Francophonie (à présent PASEC) de 2019, le Burundi et Madagascar proposent également
un enseignement dans les langues co-officielles du pays et au Cameroun l’anglais est une des
langues d’enseignement. Quelques rares pays proposent des programmes d’inclusion des
langues locales dans l’enseignement primaire dans la perspective d’une éducation bilingue. Il
s’agit notamment du Mali et du Bénin (Holtzer, 2005). Au total, il est estimé qu’en Afrique
subsaharienne et dans l’Océan Indien, 71,3 millions d’élèves ont été scolarisés en français en
2021. Cela représente 76,5% des élèves scolarisés en français dans le monde (OIF, 2022). Le
français occupe donc une place importante dans les pays d’Afrique francophone subsaharienne.
Cela soulève la question : les habitants de ces pays sont-ils francophones ?

2. Les élèves du public-cible sont-ils francophones ?

Au cours des décennies, plusieurs définitions d’un locuteur « francophone » ont été
proposées (Wolff, 2015). Cette section propose de donner un aperçu des différentes définitions
et de préciser que le terme « francophone » ne suffit pas à décrire la population de ces pays.

2.1. L’ambiguïté de la définition linguistique

Le critère linguistique qui définit un locuteur francophone comme « une personne capable
de s’exprimer en français, quel que soit son niveau ou sa maîtrise d’autres compétences comme

15
l’écriture ou la lecture » est généralement retenu (Wolff, 2015 : 4). D’après cette définition, le
niveau de français ou le contexte d’apprentissage ne devraient pas être pris en compte. Or,
plusieurs contre-exemples existent. Avant les années 1990, pour le recensement des locuteurs
francophones, chaque pays transmettait ses chiffres en distinguant les locuteurs ayant une
« connaissance partielle » de ceux ayant une « connaissance complète » du français, les
définitions de ces degrés de connaissance demeuraient cependant très floues (Auger, 2021 :
84). Dans la même optique, Chaudenson (1991, cité par Feussi, 2008) proposait un SMIC (seuil
minimum individuel de compétence) à partir duquel un individu serait considéré comme
francophone. D’autres compétences étaient parfois aussi prises en compte, ainsi, jusqu’en
2014, l’OIF comptait comme locuteurs francophones en Afrique uniquement les « personnes
alphabétisées en français » (OIF, 2014 : 15) et donc ayant une compétence en lecture / écriture.
Ce dernier critère semble particulièrement inapproprié en Afrique, où les compétences orales
dépassent souvent les compétences à l’écrit (Auger, 2021). Les critères linguistiques ne
semblant pas stables et pouvant inclure des réalités très différentes les unes des autres, il est
intéressant de présenter une autre approche à la définition de francophone.

2.2. Une galaxie de francophones : une réalité complexe

Le terme francophone recouvre un éventail de réalités et de dynamiques très différentes


les unes des autres (Wolff, 2015). Ces dernières sont souvent représentées comme trois
« planètes francophones » et donc trois types de locuteurs (ibid. ; Poissonier, 2021 : 16) :

- Ceux élevés avec le français par au moins un parent, on parle alors de langue première.
Ces francophones se trouvent surtout en France, en Belgique, en Suisse et au Canada ;
- Ceux pour qui le français est la langue de l’école et une langue de l’espace public du
pays, on parle alors de langue seconde. Il s’agit principalement des pays d’Afrique ;
- Ceux ayant appris le français par d’autres moyens, on parle alors de langue étrangère. Il
s’agit de locuteurs ayant notamment suivi des cours de langue ou appris par eux-mêmes.

Ainsi, les EANA-AFS s’inscrivent dans la deuxième définition du terme francophone. Ce


mémoire utilisera « francophone » pour décrire les réalités dans lesquelles les élèves ont évolué
et non pour leurs connaissances et compétences langagières. Comme Feussi (2008), je défends
l’avis que les compétences linguistiques ne peuvent pas rendre compte des situations sociales
hétérogènes des pays d’Afrique francophone subsaharienne. Les EANA-AFS seront considérés
comme francophones à partir du moment où ils ont été exposés au français. Leurs compétences
linguistiques en français dépendront entre autres de leur trajectoire de vie, de leur pays d’origine

16
et du contexte familial. Ces facteurs sont analysés plus en profondeur au chapitre 4 (section 1),
mais ont également une influence sur les autres langues connues par les EANA-AFS.

2.3. Des élèves francophones, mais surtout plurilingues

Même si le français joue un rôle dans tous les pays d’Afrique francophone subsaharienne,
ces derniers se caractérisent surtout par le plurilinguisme des individus. En effet, Holtzer (2005)
postule que le locuteur monolingue y fait figure d’exception, puisque la population maîtrise
généralement plusieurs langues africaines. Les différentes langues connues par l’individu sont
utilisées selon le contexte, ainsi un même individu n’utilisera pas forcément la même langue
dans sa famille, dans le quartier, à l’école et au travail (Poissonier, 2021). Les situations de
plurilinguisme demeurent tout de même très diverses sur le continent : chaque pays a ses
spécificités (Holtzer, 2005). D’ailleurs, lors du Sommet de Dakar en 1989, le français a été
redéfini comme une composante des plurilinguismes nationaux (ibid.). Avant d’être
francophone, les EANA-AFS sont donc surtout plurilingues. Ce profil linguistique à présent
défini, je souhaite me pencher sur la présence de ce public au niveau national et académique.

3. Le public-cible au niveau national et académique

3.1. Origines des élèves au niveau national et académique

Le nombre exact et les origines des EANA-AFS ne peuvent pas être publiés, mais le
questionnaire envoyé aux enseignants de l’académie de Grenoble (annexe 1, p. 51) a révélé que
la plupart sont des mineurs non-accompagnés (à présent MNA) et qu’une grande partie est
originaire de Côte d’Ivoire, de Guinée et du Mali, même si certains enseignants accueillent des
élèves du Cameroun, du Gabon, de la RDC et de la Mauritanie. Le rapport annuel du ministère
de la Justice (2020) confirme ces données, puisqu’il montre qu’en Auvergne-Rhône-Alpes, les
MNA sont surtout originaires de Guinée (26%), de Côte d’Ivoire (16%) et du Mali (12%). Au
niveau national, ces données sont similaires puisqu’en 2020 les Guinéens, Maliens et Ivoiriens
représentaient 45,45% des MNA (ibid.). Depuis 2014, le ministère de la Justice publie des
données sur les MNA arrivant sur le territoire français, ce qui permet de suivre les fluctuations
dans leur nombre. De 2014 à 2019, le nombre de MNA a augmenté de 4042 à 16760 (ibid.).
L’année 2020, la dernière dont les données sont accessibles actuellement, a vu chuter le nombre
de MNA à 9524, ce qui est certainement lié à la pandémie de la covid-19. Les EANA-AFS ont
toujours représenté une grande partie des MNA, puisqu’en 2014 ils représentaient plus de 61%

1
Dans ce mémoire, les pages des annexes font référence au volume supplémentaire d’annexes mis à disposition.

17
et en 2017 plus de 66% des MNA (ministère de la Justice, 2014 et 2018). Au fil des années, les
principaux pays d’origine restent la Guinée, le Mali et la Côte d’Ivoire, mais en 2014 les MNA
originaires de la RDC étaient aussi très présents (ibid.). Ce public est donc plutôt constant et le
statut de MNA mérite alors une attention particulière.

3.2. Le statut de mineur non-accompagné

Un MNA, appelé mineur isolé étranger (à présent MIE) jusqu’en 2016, est, selon la
définition du Haut-Commissariat des nations unies pour les réfugiés (1997 : 3), « une personne
âgée de moins de 18 ans […] qui est séparée de ses deux parents et n’est pas prise en charge
par un adulte ayant, de par la loi ou la coutume, la responsabilité de le faire ». Jusqu’à leurs 16
ans, les MNA sont soumis à une obligation scolaire, puis à partir de 16 ans ils ont le droit à
l’éducation et peuvent donc être scolarisés ou accéder à une voie qualifiante (Mendonça Dias
& Rigoni, 2020). L’accès des MNA au système scolaire, pourtant impliqué par le droit à
l’éducation, est ralenti par les procédures « d’examens d’âge et d’isolement » et de prise en
charge par l’aide sociale à l’enfance (à présent ASE) (Perrot, 2020 : 15). Ces ralentissements
rendent impossible la connaissance du nombre exact de MNA se trouvant en France, ainsi que
la proportion d’entre eux réellement scolarisée (Lemaire, 2010). Il est tout de même possible
de s’en faire une idée grâce au nombre de personnes déclarées MNA (chapitre 1, section 3.1).

Etiemble et Zanna (2013) proposent une typologie de MNA, dont les catégories sont trop
nombreuses pour toutes les présenter. Je me contenterai de préciser que les auteurs situent la
majorité des EANA-AFS dans la catégorie des MNA « mandatés » (ibid. : 10). Ces jeunes sont
envoyés en Europe par leurs proches pour aider financièrement ceux restés au pays. Bien qu’ils
soient en contact avec leur famille, ils sont tout de même isolés dans le pays d’arrivée (ibid.).
De plus, ils ont souvent sur leur route migratoire connu des discriminations ethniques,
religieuses ou sexuelles (Lemaire, 2012) et été victimes de violences physiques ou symboliques
des ruptures géographiques et affectives (Armagnague et. al., 2021). À leur arrivée en France,
leur situation empire souvent, puisque beaucoup commencent par vivre dans la rue, avant d’être
pris en charge par les ASE (Lemaire, 2012). En conséquence, ces élèves ont souvent un rapport
ambigu à l’école, accentué par le fait qu’ils ont souvent été peu scolarisés ou sont en rupture
scolaire depuis plusieurs années (Lemaire, 2013). Pour certains, le projet en France n’est pas
la scolarisation, mais le travail ce qui peut induire une attitude de rejet face à l’école (ibid.). Au
contraire, les MNA rêvant d’une scolarité sont souvent frustrés, puisque leurs perspectives sont
limitées. En effet, ils subissent la pression d’entrer rapidement sur le marché du travail afin
d’obtenir un titre de séjour à leur majorité (ibid.). Après leur année dans les dispositifs

18
linguistiques (chapitre 1, section 3.4), les élèves sont souvent orientés vers des certificats
d’aptitude professionnelle (à présent CAP) ou vers des alternances (ibid. ; Baltazard, 2014).
Étant donné que les EANA-AFS sont francophones, on peut tout de même se demander
pourquoi ils intègrent des dispositifs linguistiques.

3.3. Les élèves du public-cible ont-ils besoin d’un accompagnement linguistique ?

La circulaire 2012-141 marque le passage de la dénomination « élèves non-francophones »


à « élèves allophones » et inclut ainsi les EANA-AFS. Mendonça Dias et Rigoni (2020) précisent
d’ailleurs qu’être originaire d’un pays francophone ne fait pas de l’individu un expert du
français, ce qui engendre, comme l’indique Mendonça Dias (2012), qu’ils peuvent être dirigés
vers des dispositifs linguistiques. La diversité des statuts du français dans ces pays, les parcours
individuels et le niveau de scolarisation de chaque élève ont un fort impact sur les connaissances
du français par les EANA-AFS. Néanmoins, peu d’études montrent les différences de
compétence en français de ces élèves. Je me concentre donc sur la thèse de Mendonça Dias
(2012) qui s’intéresse aux compétences en français des EANA-AFS lors de leur arrivée en
France. Grâce aux données du diplôme d’études en langue française (à présent DELF) scolaire,
considérant le niveau à l’écrit et à l’oral, elle montre que les niveaux varient de A1 à B1. Ce
travail souligne aussi que certains EANA-AFS non-scolarisés antérieurement (à présent NSA)
ont des compétences orales de A1 à A2, alors qu’ils n’ont pas de compétence écrite en français
et que certains n’ont aucune compétence mesurable en langue française (ibid.). De plus, le français
parlé ou écrit de ces élèves n’est pas identique au français standard. Il y a des variations d’ordres
syntaxique, phonétique et lexical (Mendonça Dias & Rigoni, 2020). Les réponses des enseignants
de l’académie de Grenoble au questionnaire (annexe 1, p. 5) confirment ces observations : les
niveaux sont très hétérogènes (allant de A1.1 à plus que B1), les compétences orales sont
supérieures aux compétences à l’écrit et les variétés présentes dans leur pays ont une influence
sur leur français. Il faut alors se demander vers quels dispositifs les EANA-AFS sont dirigés.

3.4. Les unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants

D’après le ministère de la Justice (2020), 94,5% des MNA ont plus de 13 ans et 75,09%
ont dépassé les 16 ans. La quasi-totalité des MNA est donc dépendante du second degré. La
circulaire en vigueur (2012-141) sur l’organisation de la scolarité des EANA prévoit deux
dispositifs pour l’accueil de ces élèves en fonction de leur degré de scolarisation. Les élèves
ayant été scolarisés dans leur pays d’origine sont inscrits en classe ordinaire et bénéficient d’un
aménagement d’emploi du temps intégrant des cours de français dans des UPE2A en fonction

19
de leurs besoins et leurs connaissances préalables du français (circulaire 2012-141). Les EANA
très peu ou pas du tout scolarisés dans leur pays d’origine, comme cela est souvent le cas pour
les MNA, bénéficient d’une scolarisation en unité pédagogique à plein temps pour
l’apprentissage du français, de l’écriture et de la lecture (ibid.). Ce dispositif est appelé UPE2A-
NSA. Dans les deux cas, l’objectif est la maîtrise du français pour la communication courante
et pour les apprentissages dans les autres disciplines (Stratilaki-Klein & Nicolas, 2020). Mendonça
Dias (2012) indique que les EANA intégrant le dispositif UPE2A-NSA ont souvent suivi une
scolarité avant d’arriver en France, mais ont été peu ou « mal » scolarisés (dans ce dernier cas,
cela peut être lié aux pratiques pédagogiques des anciens enseignants et à des ruptures scolaires).
Dans l’académie de Grenoble, les EANA-AFS se trouvent dans des UPE2A classiques, mais
beaucoup sont dirigés vers les dispositifs UPE2A-NSA. Cela est lié à plusieurs facteurs :

- Ils viennent de pays où le taux d’alphabétisation est très faible (UNESCO, s.d.a) ;
- Ils sont pour la plupart peu ou pas du tout scolarisés. Ces pays ont souvent un fort taux
de décrochage scolaire avant la fin du primaire (UNESCO, s.d.a) ;
- Le niveau en fin d’école est souvent insuffisant (PASEC, 2019).

Il me semblait important d’évoquer ces facteurs, puisque la classe dans laquelle le projet de
mise en valeur des variétés africaines du français a été effectué est une classe d’UPE2A-NSA.
Tout ce chapitre sur le public EANA-AFS est important pour comprendre par la suite les enjeux
de ce projet. Le prochain chapitre décrira le contexte dans lequel ce dernier a été élaboré.

20
Chapitre 2. Le terrain de stage – les unités pédagogiques dans l’académie
de Grenoble

Ce chapitre a pour objectif de présenter le contexte dans lequel le projet portant sur les
variétés africaines du français a émergé, ainsi que de présenter les élèves auprès desquels il a
été mis en place. Ce projet était partie intégrante de mon stage de fin d’études au CASNAV de
Grenoble et ce chapitre proposera donc une description de la structure d’accueil. Ensuite, les
missions globales du stage et le projet portant sur les variétés africaines du français seront
exposées. Finalement, je présenterai la classe d’accueil, dans laquelle le projet a été mis en place.

1. La structure d’accueil – organisation et missions

Le stage a eu lieu au sein du CASNAV de Grenoble. Un CASNAV est « une structure


d’expertise auprès du recteur et des directeurs académiques » en ce qui concerne l’organisation
de la scolarité du public concerné (Circulaire 2012-143). Il s’agit donc d’un service du rectorat
fonctionnant au niveau académique qui accompagne l’inclusion dans le système scolaire et
l’apprentissage du français des EANA et des enfants issus de familles itinérantes et de
voyageurs (à présent EFIV). Le CASNAV de l’académie de Grenoble, créé en 2007, prend en
charge l’Ardèche, la Drôme, l’Isère, la Savoie et de la Haute-Savoie. Au niveau académique,
la coordination est actuellement assurée par Maryse Vincent et Caroline Bois est chargée des
missions pédagogiques (CASNAV de l’académie de Grenoble, 2022). Le CASNAV a trois
missions principales. Une des missions est de piloter la coopération entre les différents acteurs
impliqués dans la scolarisation des EANA et des EFIV. Il s’agit donc de médier entre les
différentes associations, les familles, les communes et les services académiques. Une seconde
mission consiste en l’apport d’une expertise pédagogique. Le CASNAV contribue donc à
l’organisation et au suivi des dispositifs et joue un rôle dans le suivi statistique et les évaluations
des EANA et EFIV. La troisième mission est celle de centre de ressources et formations à
destination du personnel, des enseignants et des écoles. Les ressources et formations proposées
peuvent prendre la forme de coordination de groupes de travail, de diffusion de supports
pédagogiques et de documentation (Éduscol, 2022). Mon stage se trouve au cœur de cette
troisième mission, puisqu’il consiste en l’élaboration d’outils à destination des enseignants.

2. Les missions du stage

La mission qui m’a été confiée était de nature ingénierique. Je n’étais donc pas affiliée à
un établissement scolaire en particulier, mais devais concevoir des ressources pour les

21
enseignants accueillant des EANA-AFS. Le projet sur les variétés africaines du français n’était
qu’une partie de ma mission. Pour mieux comprendre le contexte général, je propose donc de
présenter la mission initiale du stage et son évolution au cours des mois.

2.1. La mission initiale du stage et son évolution

La mission initiale m’ayant été confiée par le CASNAV de Grenoble portait l’intitulé
« Élaboration d'outils à destination des enseignants pour comprendre l'influence des différentes
variétés du français dans l'apprentissage du FLSco par les EANA originaires d’Afrique
francophone subsaharienne ». En effet, les EANA-AFS sont très présents dans l’académie de
Grenoble (chapitre 1, section 3.1). La mission se basait sur l’observation que ces élèves ont
souvent des compétences en français avant leur arrivée en France. Or, celles-ci sont très
hétérogènes, ce qui est lié aux statuts et aux variétés du français dans ces pays (chapitre 4,
section 1). Initialement, il était prévu d’élaborer des outils de sensibilisation sur les différences
lexicales entre les variétés du français, mais la mission a évolué au cours du stage en raison de
l’identification de besoins plus pressants. Le stage s’est déroulé en trois étapes : le recueil de
données, la conception pédagogique et l’évaluation des outils créés. C’est l’étape du recueil
des données, ayant pour but de cerner les besoins des enseignants face au public EANA-AFS,
ainsi que les difficultés rencontrées par ces élèves, qui a fait évoluer la mission. En effet, les
besoins exprimés par les enseignants et les élèves divergeaient de la commande initiale. Les
résultats montraient que les enseignants désiraient des supports plus orientés vers la
connaissance globale du public. Le CASNAV a donc opté pour la conception d’une mallette
pédagogique pour les enseignants accueillant des EANA-AFS qui contient :

- Des fiches pays pour la Guinée, la Côte d’Ivoire et le Mali comprenant des informations
sur la scolarisation et sur les spécificités du français dans ces pays ;
- Des fiches de phonétique contrastive entre différentes langues africaines (dont le bambara,
le soussou, le soninké et le peul) et le français, avec des pistes de remédiation aux
difficultés de prononciation de ces élèves ;
- Deux trames de projet : une sur l’entrée dans l’écrit pour ce public et une sur la mise en
valeur des variétés du français d’Afrique.

Ce mémoire se penchera sur le projet de mise en valeur des variétés du français d’Afrique
qui a été mis en place dans une classe d’UPE2A-NSA présentée dans la section 3 de ce chapitre.

22
2.2. Le projet de mise en valeur de la variété : séances basées sur Aya de Yopougon

Le projet de mise en valeur des variétés africaines du français prend la forme d’une trame
de quatre séances d’une heure et demie chacune, basée sur les BD (parues de 2005 à 2010) et
le film (paru en 2013) Aya de Yopougon de Marguerite Abouet et Clément Oubrerie. Cette
trame a été conçue dans le but de valoriser les variétés africaines du français et de sensibiliser
les EANA-AFS, mais aussi les enseignants, aux différences pouvant exister entre les variétés et
le français standard. Ces séances ont ensuite été mises en place dans une classe d’UPE2A-NSA
(chapitre 2, section 3.1), afin d’évaluer l’impact qu’elles ont sur les élèves et sur l’enseignante.
Ce sont le processus d’élaboration du projet, ainsi que sa réception par les élèves et l’enseignante
qui permettront de répondre à la problématique formulée en introduction. La trame des séances
élaborée est consultable en annexe 6 (p. 71) et sera analysée et évaluée dans la partie 3 du
mémoire. Désormais, je souhaite présenter la classe d’UPE2A-NSA qui a participé au projet.

3. La classe d’accueil et la mise en place du projet sur les variétés

Comme mentionné précédemment, j’ai eu l’occasion de mettre en place le projet auprès


d’une classe UPE2A-NSA. Cette étape était particulièrement importante afin d’évaluer le
projet créé. Ci-dessous, je présente les élèves de la classe ainsi que le programme des séances.

3.1. Les apprenants – des profils très hétérogènes

La classe dans laquelle le projet a été mis en place est composée de 14 élèves, dont 10 sont
originaires d’Afrique francophone subsaharienne (5 sont ivoiriens, 3 sont maliens et 2 sont
guinéens), deux sont pakistanais, une élève est somalienne et un élève est macédonien. Tous
les EANA-AFS de la classe sont MNA et il n’y a qu’une seule fille. Les niveaux de scolarisation
et la connaissance du français avant l’arrivée en France sont très hétérogènes. Tandis que
certains élèves (tels que Hamza, Amadou, Calaso, Seydou et Koffi) ont partiellement été
scolarisés (ils maîtrisent la graphie à des degrés divers), d’autres n’ont jamais été scolarisés,
c’est par exemple le cas de Manuella et Sekou. Le tableau 1 (p. 23) donne un aperçu des profils
des élèves de la classe (tous les prénoms ont été modifiés afin de garantir leur anonymat).

Tableau 1 : profils des élèves de la classe d'UPE2A-NSA

Prénoms Nationalité MNA Scolarisation antérieure


Manuella Côte d’Ivoire x NSA, ne maîtrisait pas la graphie ou le déchiffrage
Calaso Somalie Peu scolarisée antérieurement, maîtrisait la graphie des
lettres arabes et savait déchiffrer l’arabe.
Naila Pakistan NSA, ne maîtrisait pas la graphie ni les principes de lecture

23
Ousmane Mali x NSA, arrivé en fin d’année
Amadou Guinée x Peu scolarisé antérieurement, maîtrisait déjà la graphie et
avait un niveau A1 à l’écrit lors de son arrivée
Ismaël Côte d’Ivoire x NSA
Yacine Guinée x NSA
Issiaka Mali x NSA
Hamza Pakistan Scolarisé antérieurement, maîtrisait la graphie de l’urdu
Wilfried Côte d’Ivoire x NSA
Sekou Mali x NSA
Dimitar Macédoine Peu scolarisé antérieurement, savait un peu lire et écrire,
mais avait beaucoup de difficultés
Koffi Côte d’Ivoire x Scolarisé antérieurement, avait un niveau A1+ à l’écrit en
français, arrivé en fin d’année.
Seydou Côte d’Ivoire x Peu scolarisé antérieurement, avait un niveau A1.1 à l’écrit
en français, arrivé en fin d’année.

Il s’agit également d’une classe hautement plurilingue, puisqu’en dehors du français 16


langues sont présentes. Il faut également noter qu’aucun élève n'est unilingue. En ce qui
concerne les connaissances antérieures des élèves en français, les EANA pakistanais,
macédoniens et somaliens n’ont jamais été en contact avec le français avant leur arrivée. Les
EANA-AFS l’ont tous été à différents degrés. Certains EANA-AFS ont même un niveau
courant à l’oral, c’est notamment le cas d’Ismaël, de Manuella, d’Amadou, de Seydou et de
Koffi et certains avaient des compétences à l’écrit. Le tableau 2 (p. 24) récapitule les profils
linguistiques de la classe. Les tableaux 1 et 2 ont été renseignés grâce aux divers échanges avec
l’enseignante et grâce au focus groupe effectué (chapitre 3, section 2.2.3). À part Ousmane,
Seydou et Koffi, arrivés en fin d’année scolaire, tous ont obtenu le DELF scolaire A1 en juin.

Tableau 2 : répertoires langagiers des élèves avant leur arrivée en France

Prénoms Langues parlées Contact antérieur avec le français


Manuella malinké, bambara Manuella a grandi à Abidjan et a donc été en contact avec le
français avant d’arriver en France. Elle qualifie elle-même son
français à l’arrivée en France comme « petit français ».
Calaso somali, arabe, Calaso n’a jamais été en contact avec le français avant son
anglais arrivée en France.
Naila baloutchi, urdu Naila n’a jamais été en contact avec le français.
Ousmane soninké, bambara Il indique avoir entendu du français plusieurs fois, mais ne
jamais l’avoir parlé.

24
Amadou soussou Amadou avait un niveau A2 à l’oral et il maîtrisait la graphie
lors de son arrivée en France. Ces compétences de lecture /
écriture étaient à un niveau A1.1.
Ismaël malinké Il indique avoir déjà parlé français à son arrivée et que cette
langue fait partie de ses langues familiales
Yacine pulaar Il dit avoir souvent entendu le français et avoir des amis qui le
parlaient, mais ne pas l’avoir parlé avant son arrivée en France.
Issiaka malinké, bambara, Il indique avoir entendu le français et l’avoir parlé un tout petit
pulaar, anglais peu
Hamza urdu, anglais, turc, Hamza n’a jamais été en contact avec le français avant son
hindi arrivée en France
Wilfried bambara Il se présente comme francophone et a appris le français dans
la rue. Il avait un niveau A1+ à l’oral à son arrivée.
Sekou bambara, soninké, Il indique avoir été en contact avec des personnes parlant
kasonké, espagnol français et déjà le comprendre à l’oral quand il était au Mali
Dimitar macédonien Il n’a jamais été en contact avec le français avant.
Koffi bambara, arabe Koffi a un niveau A2+ à l’oral ainsi qu’un niveau A1+ à l’écrit.
Seydou bambara Seydou a un niveau A2 à l’oral lors de son arrivée en France.
Il maîtrise la graphie à un niveau A1.1.

3.2. L’emploi du temps et les heures accordées au projet.

Les élèves suivent des cours de français / alphabétisation, de mathématiques et d’éducation


physique et sportive. Ils ne sont pas en intégration, mais participent à certaines activités de
l’établissement. Initialement, il était prévu d’accorder quatre séances d’une heure et demie
chacune au projet de mise en valeur des variétés africaines du français. Cependant, trouver des
dates pour les séances était contraint par les semaines de stage en entreprise des apprenants,
par les jours fériés ainsi que par la période chargée qu’est la fin d’année scolaire. Les séances
ont finalement été mises en place en mai et en juin. Quatre séances ont été effectuées, cependant
elles n’ont pas duré une heure et demie comme prévu. La première séance et la dernière séance
ont duré 1 heure et 10 minutes, la séance 2 a duré 1 heure et 20 minutes et la séance 3, 1 heure
et 50 minutes. Les séances ont eu lieu en présence de l’enseignante, mais c’est moi-même qui
les ai animées. Les élèves n’étaient pas tous présents à chaque séance. La liste des élèves
présents ainsi que le déroulement des séances sont disponibles sous forme de tableau
synoptique en annexe 8 (p. 101). Maintenant que le contexte dans lequel ce projet a été conçu
et mis en place a été décrit, je souhaite mettre en avant la méthodologie de recherche qui permet
de donner des réponses aux questions des enjeux liés à ce projet, des moyens de répondre à ces
enjeux et des résultats obtenus.

25
Chapitre 3. L’élaboration du projet

Dans ce chapitre, la méthodologie appliquée pour l’élaboration et l’évaluation du projet


sur les variétés du français d’Afrique sera expliquée. Cette méthodologie se base sur des
hypothèses préexistantes et sur les besoins formulés par le CASNAV de Grenoble. Ensuite,
j’expliciterai les pistes de réflexion ayant émané de la collecte de données et la manière dont
celles-ci ont nourri le développement de ma problématique.

1. Les hypothèses de départ

Les EANA-AFS ont tous, à des degrés divers, été au contact avec le français. Certains en
ont même une maîtrise avancée. Cependant, le français avec lequel ils ont été en contact dans
leur pays d’origine n’est pas le même que celui enseigné à l’école en France (chapitre 1, section
3.3). Leur français est souvent stigmatisé en France, mais représente tout de même un grand
facteur identitaire pour ces élèves (Auger, 2021). Le fait que le français des EANA-AFS soit
considéré comme du « mauvais français » les met dans une position d’insécurité linguistique
(ibid.). L’insécurité linguistique est ici définie, comme le fait Dumont (2019 : 42), par la
« manifestation d’une quête de légitimité linguistique, vécue par un groupe social dominé » qui
mesure la différence entre la norme dont il a hérité et la norme dominant le marché linguistique.
Je me suis donc demandé si le fait d’aborder les variétés africaines du français en classe pouvait
permettre l’éveil d’une conscience linguistique et ainsi permettre de pallier l’insécurité
linguistique. Lors de mes différentes lectures de manuels, j’ai aussi remarqué la rareté des
prises en compte des français d’Afrique dans les méthodes de FLE ou de français langue
seconde (à présent FLS, ce concept sera approfondi plus tard). À ma connaissance, les seuls
manuels tenant compte de ces variétés sont les manuels de FLS spécifiques au contexte africain.
Cavalla et Diwersy (2016) ont recensé ces différents manuels dans leur article. Cette rareté est
d’ailleurs mise en avant par plusieurs auteurs (Shuming, 2020 ; Gruca, 2010). Mon hypothèse
était alors que les français d’Afrique étaient peu mis en valeur dans les cours de FLSco dans
les UPE2A et les UPE2A-NSA. Je me suis ainsi interrogée sur la manière d’intégrer ces
différentes variétés dans le contexte d’enseignement en UPE2A afin de les percevoir comme
des ressources d’apprentissage plutôt qu’en tant que « déviances à la norme ».

2. La méthodologie du terrain – une recherche-action

La méthodologie mise en place suit les grandes étapes de la recherche-action, telles


qu’elles ont été décrites par Catroux (2002). En effet, l’identification du « problème » présente

26
dans la commande du CASNAV de Grenoble a amené l’élaboration d’un plan d’action. Suite
à la mise en place du plan, une évaluation des effets de l’action a eu lieu. Les conclusions qui
en ont été tirées seront présentées dans la partie 3 de ce mémoire.

2.1. L’identification des besoins – la commande du stage

Lors de l’élaboration de ma mission avec le CASNAV, mes tutrices de stage ont évoqué
plusieurs besoins. Bien que ma mission ait évolué au fil du stage (comme décrit dans le chapitre
2, 2.1.), certains besoins initiaux exprimés ont été importants pour la mise en place du plan
d’action. Tout d’abord, un besoin de sensibilisation des enseignants aux différences existant
entre les variétés africaines du français et le français standard avait été identifié, celui-ci
semblait spécifiquement important pour les particularités lexicales. Mes tutrices avaient
observé que les EANA-AFS utilisaient parfois les unités lexicales françaises, mais en leur
attribuant un autre sens que celui attendu en français standard. Ces occurrences sont alors
souvent traitées comme des « erreurs fossilisées des apprenants » et non comme l’usage d’une
variété. Le besoin exprimé était donc de donner des pistes didactiques aux enseignants, afin
qu’ils puissent utiliser les connaissances en français des apprenants pour faciliter
l’apprentissage du FLSco. Ce besoin a influencé l’élaboration du plan d’action.

2.2. L’élaboration du plan d’action – collecte de données

Suite à l’identification des besoins, il s’agissait de récolter des données. Pour cette collecte,
j’ai pris appui sur plusieurs outils méthodologiques comprenant un questionnaire, des
entretiens semi-directifs avec des élèves et des enseignants et des observations de classe. Je me
dois de préciser que cette étape de recueil de données n’était pas dédiée à l’élaboration du plan
d’action sur le projet des variétés du français, mais sur l’intégralité des documents conçus pour
la mallette pédagogique évoquée au chapitre 2 (section 2.1). Dans cette section, je évoquerai
uniquement les méthodologies ayant donné des pistes pour le projet au cœur de ce mémoire.
Pour le projet sur la variété, mon but était de récolter les points de vue des enseignants, mais
aussi des apprenants, afin de cibler plus précisément le contenu des séances. Il me semblait
important de pouvoir recueillir ces deux points de vue afin de vraiment proposer un projet qui
correspond aux attentes des enseignants et aux besoins des élèves. D’un autre côté, je souhaitais
également observer les pratiques actuelles des enseignants face à ce public. Les choix
méthodologiques ont donc d’une part été influencés par ces objectifs et d’un autre côté par les
contraintes du terrain. Ci-dessous, je présente les différents outils utilisés lors de la collecte de
données.

27
2.2.1. Le questionnaire à l’attention des enseignants
Par l’intermédiaire du CASNAV, un questionnaire a été envoyé à tous les enseignants en
UPE2A de l’Académie de Grenoble. Ce questionnaire avait pour but de récolter la perspective
des enseignants sur le rapport des EANA-AFS au français et aux variétés du français. Il a aussi
servi à cerner les attentes que les enseignants ont vis-à-vis d’un projet sur les variétés du
français. Au total, 8 enseignants ont renseigné le questionnaire. Leurs réponses constituent
l’annexe 1 (p. 5). Le résultat de ce questionnaire met en évidence des retours d’expériences
personnelles des enseignants et donne des pistes intéressantes, même s’il ne permet pas de
produire des données quantitatives. Le questionnaire ayant été envoyé à tous les enseignants
UPE2A de l’académie, plus d’une vingtaine de réponses auraient pu être récoltées, ce qui aurait
permis un aperçu plus large des besoins.

2.2.2. Les échanges informels avec les enseignants


Au total, quatre échanges informels avec des enseignants ont été effectués. Deux d’entre
eux ont eu lieu en personne suite aux observations de classe décrites plus bas, et deux par
téléphone avec des enseignants m’ayant laissé leurs coordonnées dans les réponses au
questionnaire. Ces échanges ont permis de récolter des précisions sur le rapport des enseignants
aux variétés et sur la place qu’ils leur accordent dans leurs pratiques. Malheureusement, ces
échanges n’ont pas été enregistrés et ont seulement donné lieu à une prise de note de ma part,
puisqu’ils ont eu lieu de manière spontanée. Les notes prises lors de ces échanges considérées
comme importantes dans le cadre de ce mémoire se trouvent en annexe 2 (p. 31). Pour récolter
des informations plus précises sur le rôle des variétés du français, il aurait été intéressant de
faire de réels entretiens semi-directifs sur ce sujet.

2.2.3. Les entretiens semi-directifs avec des élèves du public cible


Les entretiens semi-directifs ont été effectués pour recueillir le point de vue des EANA-
AFS sur leurs représentations des variétés africaines du français, leurs difficultés face à
l’apprentissage du FLSco et leur vécu dans le dispositif UPE2A. Pour cela, mes coordinatrices
de stage m’ont mise en contact avec plusieurs anciens EANA-AFS et avec deux enseignantes
pouvant me mettre en contact avec des EANA-AFS actuels. Au total, j’ai donc effectué 7
entretiens semi-directifs individuels avec des EANA-AFS actuellement dans le dispositif
UPE2A, ainsi qu’avec des anciens EANA-AFS. Le fait de m’être entretenue avec des anciens
EANA-AFS était intéressant puisqu’ils avaient plus de recul sur leur situation. Certains élèves
m’ont autorisée à enregistrer l’entretien, pour ces entretiens-là des transcriptions sont mises à
disposition. D’autres élèves ont préféré ne pas être enregistrés. J’ai alors effectué une prise de
28
notes. Les transcriptions et les prises de notes sont consultables en annexe 3 (p. 34). Un
entretien semi-directif a également été conduit avec les élèves de la classe dans laquelle le
projet a été mis en place (chapitre 2, section 3.). Il a alors pris la forme d’un focus groupe et a
été conduit en présence de l’enseignante. La transcription constitue l’annexe 4 (p. 55).

2.2.4. Les observations de classe


Deux observations de classe ont été effectuées. L’une dans une classe UPE2A en lycée
professionnel, composée de 10 élèves au total (dont 2 sont Maliens, 1 est Guinéen, les autres
élèves ont des origines diverses) et l’autre dans la classe d’UPE2A-NSA décrite au chapitre 2
(section 3). Pour celles-ci, j’ai adopté une approche ethnographique sans grille d’observation
afin de rester la plus ouverte possible. Pendant les séances observées (de 3 heures chacune)
dans les deux établissements, j’ai pris des notes de mes observations dans un carnet de bord.
Quelques extraits de ce carnet de bord (ceux en rapport avec le sujet du mémoire) se trouvent
en annexe 5 (p. 69). Ces observations ont permis d’avoir une idée sur les pratiques de classe
vis-à-vis des langues des élèves, ainsi que sur le traitement de la variété par les enseignants.
Néanmoins, même si ces observations ont donné un bon premier aperçu, il aurait été intéressant
d’en faire sur une période plus longue, afin de réellement évaluer la place que prend la variété.

2.3. Mise en place et évaluation du projet

Suite au recueil de données, le projet sur les variétés du français par le support Aya de
Yopougon a été conçu. La trame des séances proposées est disponible en annexe 6 (p. 71).
Ensuite, le projet a été mis en place dans la classe d’UPE2A-NSA décrite au chapitre 2 (section
3). Après chaque séance, j’ai pris des notes de mes observations dans mon carnet de bord afin
de retranscrire au mieux le déroulement des séances et de pouvoir concevoir un tableau
synoptique (annexe 8, p. 101). Il faut cependant noter que le projet n’a pas pu être mis en place
dans sa totalité, en raison des changements d’emploi du temps de la classe (chapitre 2, section
3.2).

L’évaluation du projet a donc été faite à partir de la prise de notes citée ci-dessus (annexe
8, p. 101), mais aussi à partir d’un deuxième focus groupe avec les élèves, ainsi que d’un
entretien semi-directif avec l’enseignante de français de cette classe. Ce deuxième focus groupe
avec les élèves avait pour objectif d’analyser les éventuelles évolutions dans leur perception
des variétés. Il a aussi permis de récolter les impressions des élèves et de leur donner l’occasion
d’émettre des critiques ou des pistes d’amélioration. La transcription de ce deuxième focus
groupe se trouve en annexe 9 (p. 112). J’ai aussi choisi de faire un entretien semi-directif avec

29
l’enseignante. J’ai choisi cette approche pour plusieurs raisons : premièrement, cela m’a permis
de lui demander son avis sur la participation et la motivation des élèves, puisqu’elle est
consciente de leurs comportements habituels ; deuxièmement, l’enseignante avait une
perspective intéressante sur les points à améliorer ; et finalement, cela m’a permis de lui
demander si ces séances avaient changé sa perspective sur les variétés africaines du français.
La transcription de son entretien est disponible en annexe 10 (p. 118). Toutes ces différentes
étapes de la recherche-action ont nourri ma problématique et ont donc fait évoluer mes
hypothèses de départ.

3. Pistes de réflexion et développement de la problématique

Tout au long de cette recherche-action, des pistes de réflexion ont émergé, ont nourri mes
hypothèses initiales et ont ainsi permis de formuler une problématique incluant tous les
questionnements apparus au cours de cette recherche.

Une première piste de réflexion est l’hétérogénéité du public. En effet, ce projet s’adresse
aux EANA-AFS en particulier. Bien qu’étant originaires d’Afrique francophone
subsaharienne, ces élèves viennent de différents pays qui n’ont pas les mêmes situations
sociolinguistiques et dans lesquels différentes variétés du français sont parlées. La question se
posait alors de la conception d’un projet laissant la place de parler du répertoire linguistique de
tous les EANA-AFS. Ce questionnement va de pair avec un autre facteur d’hétérogénéité : il
est rare d’avoir une classe avec uniquement des EANA-AFS. Il faut donc s’interroger sur la
façon de présenter ce projet de manière à ce que les autres EANA ne se sentent pas exclus.

Les représentations qu’ont les élèves de leur français sont ambigües. D’un côté, dans
différentes situations les élèves se montrent fiers de leur variété, alors que dans le contexte
scolaire, ils la dévalorisent et ne la considèrent pas comme une forme légitime du français.
Cette ambigüité peut engendrer différentes réactions d’EANA-AFS face à un projet sur les
variétés du français d’Afrique. La question émergente de ce constat est alors : le projet portant
sur les variétés du français peut-il changer le regard des élèves sur leur français et comment
cette réaction peut-elle être provoquée ? Une autre piste de réflexion est celle des compétences
travaillées dans ce projet. En effet, le but premier du projet est de mettre en valeur les variétés
connues par ces élèves, mais également de leur montrer qu’ils peuvent utiliser les
connaissances qu’ils ont sur ces variétés pour faciliter leur apprentissage du FLSco. Je me suis
donc posé la question des compétences à travailler pour que les élèves puissent développer leur
compétence métalinguistique pour la mettre à profit de leur apprentissage.

30
Les hypothèses de départ et les différentes observations faites lors du recueil des données
et de la mise en place du projet ont ouvert plusieurs pistes de réflexion. Ainsi, ce mémoire
traitera la problématique suivante : comment et dans quel(s) but(s) peut-on aborder les variétés
africaines du français face à un public d’EANA-AFS en UPE2A et quelles en sont les
conséquences sur l’apprentissage du FLSco par les élèves et sur les pratiques des enseignants ?
Pour répondre à cette problématique, il faudra répondre à différentes questions : quels sont les
enjeux liés à l’intégration des variétés africaines du français face à ce public ? Quelles
approches peuvent être utilisées pour aborder ces variétés ? Comment intégrer l’hétérogénéité
des profils dans ces approches ? Le traitement de la variété en classe peut-il changer la
perception qu’en ont les EANA et les enseignants ? Donner une place à ces variétés permet-il
le développement d’une conscience linguistique ?

Afin de proposer des réponses à ces questions, je présenterai dans la partie suivante les
recherches faites sur la place du français en Afrique, sur la politique linguistique du système
scolaire français et sur les différentes approches permettant d’aborder les variétés.

31
Partie 2
-
Cadre théorique :
La place des variétés africaines du
français en Afrique francophone
subsaharienne, à l’école française et
en didactique des langues

32
La deuxième partie de ce mémoire est consacrée au cadre théorique dans lequel s’inscrit la
recherche-action menée. Pour mieux comprendre les enjeux, les moyens et les résultats de ce projet
sur la mise en valeur des variétés africaines du français face à un public EANA-AFS en UPE2A
quelques notions seront abordées. Ainsi, dans un premier chapitre, je me pencherai sur le répertoire
linguistique des EANA-AFS qui est fortement influencé par la situation sociolinguistique du pays
d’origine et qui permet de mieux saisir le rapport aux langues de ces élèves. Ensuite, j’aborderai les
politiques linguistiques du système éducatif français. Cet état des lieux sur les pratiques existantes
et leurs influences sur l’apprentissage du FLSco permettra d’exposer quelques enjeux du projet.
Enfin, dans le dernier chapitre de cette partie, je présenterai diverses approches permettant d’aborder
les langues et les cultures en classe, puisqu’elles ont fortement influencé la conception du projet.

Chapitre 4. La place du français dans les répertoires et les représentations


linguistiques du public cible

Ce chapitre vise la description des particularités linguistiques du public concerné. En effet, se


pencher sur le répertoire linguistique des EANA-AFS et sur leurs représentations de ce dernier, permet
de cerner plus précisément leurs besoins didactiques et pédagogiques. Cet aspect est important,
puisque ces élèves sont en situation de précarité (chapitre 5, section 3.3). Dans mon raisonnement, je
rejoins donc Delebarre (2022a : 215) qui rappelle l’importance de « considérer les aspects culturels et
identitaires des langues, mais également les contextes sociohistoriques et le rapport à la langue et au
pays d’accueil des élèves nouvellement arrivés » dans l’enseignement à ce public. Ce chapitre
abordera les différentes situations du FLS en Afrique subsaharienne, pour ensuite se pencher sur les
variétés du français et finalement présenter les situations diglossiques prévalentes dans ces pays.

1. Grandir dans un pays dans lequel le français est langue seconde

Cette section définira le terme FLS pour ensuite en présenter les différentes situations en Afrique.
Cela permettra de cerner les diverses socialisations possibles des EANA-AFS avec le français.

1.1. Avoir le français comme langue seconde, que cela signifie-t-il ?

Les précisions données dans le chapitre 1 (section 2.2) montrent que le français langue maternelle
(à présent FLM), le FLS et le FLE se définissent par le contexte sociolinguistique d’apprentissage
du français. Ici, je discuterai spécifiquement la notion de FLS. Celle-ci se caractérise, comme le
précisent Goï et Huvert (2012), par un consensus des auteurs de parler de FLS dans des contextes
où le français ne peut pas être appris ou enseigné comme une langue maternelle (parce qu’il n’est

33
pas la langue maternelle des apprenants), ni comme une langue étrangère, puisque le français y a
une importance en dehors du contexte d’apprentissage. Cuq (1991) définit les contextes du FLS
comme des aires où le français est une langue de nature étrangère, mais possède un statut particulier :

« il se distingue des autres langues étrangères […] par ses valeurs statutaires, soit
juridiquement, soit socialement, soit les deux, et par le degré d'appropriation que la communauté
qui l'utilise s'est octroyé ou revendiqué. Cette communauté est bi ou plurilingue » (ibid. : 139).

Dans cette définition, l’attribut second fait référence à la place privilégiée et / ou obligatoire du français
dans cette société. Cela correspond aux situations rencontrées en Afrique francophone subsaharienne,
car le français n’y est souvent pas la langue maternelle des locuteurs, mais qu’il est « partie intégrante
du processus de communication local appartenant au vécu quasi quotidien » (Pöll, 2001 : 155).

Les auteurs sont également en consensus vis-à-vis de l’émergence du terme FLS en rapport
avec la situation coloniale. En effet, Vigner (2009) précise qu’avec l’enseignement primaire et
secondaire dispensé totalement (en Afrique subsaharienne) ou partiellement (dans les pays du
Maghreb) en français dans les pays anciennement colonisés par la France ou la Belgique, les
méthodes typiques du FLE butaient rapidement. Le terme FLS pour mettre en avant cette réalité a
gagné en popularité dans le monde académique dans les années 2000 (ibid.). Bien que Vigner (2001)
accepte les origines du concept comme telles, il attire l’attention sur le fait que les situations de FLS
prédatent largement le terme en faisant référence au plurilinguisme existant au début de l’éducation
en français en France. De plus, le FLS peut actuellement aussi s’appliquer en France dans ce qu’on
appelle « l’enseignement aux migrants » (Pochard, 2002). Ces aspects seront discutés plus en
profondeur dans le chapitre 5 (section 1.3) de ce mémoire. Ce sont les situations du FLS en Afrique
subsaharienne francophone qui seront discutées dans l’immédiat, qui s’inscrivent actuellement dans
un contexte plus large du contact entre les langues et les cultures (Spaëth, 2008).

1.2. Situations du français langue seconde en Afrique francophone subsaharienne

En effet, le FLS en France se distingue par le fait que le français y est la langue dominante
unique (Pochard, 2002), alors que dans les situations africaines, le français est une composante des
plurilinguismes nationaux (Holtzer, 2005). Pöll (2001) rejoint Manessy (1992) dans la définition de
deux configurations de base pour la place du français dans les paysages linguistiques des pays
d’Afrique francophone subsaharienne. Il précise néanmoins qu’il existe une multitude de variantes
intermédiaires. La première situation est celle où « le français est opposé à une (ou plusieurs)
langue(s) africaine(s) qui ser(ven)t de langue(s) véhiculaire(s) à une majorité de la population »
(Pöll, 2001 : 162). C’est notamment le cas au Burundi, au RDC et au Mali. Dans ces pays, une

34
langue locale est véhiculaire et le français est restreint à quelques domaines tels que l’administration,
l’éducation et la politique (ibid.). Dans la deuxième situation, le français est opposé à un nombre
plus ou moins important de langues africaines locales dont aucune n’est dominante et qui sont donc
peu utilisées au-delà d’une région (ibid). Le français peut alors faire office de langue véhiculaire et
pénétrer tous les domaines d’utilisation. Cette situation est observée au Cameroun, au Congo et en
Côte d’Ivoire (ibid.). Dans ce mémoire, je décrirai plus amplement les situations sociolinguistiques
des trois pays les plus représentés dans l’académie (la Guinée, la Côte d’Ivoire et le Mali) et
exposerai également les différences pouvant exister entre les milieux ruraux et urbains.

1.2.1. Situation 1 : le Mali et la Guinée


Au Mali et en Guinée, une ou plusieurs langues africaines font office de langue(s) véhiculaire(s) :
elles sont utilisées lors de communication entre locuteurs de langues maternelles différentes (Gadet,
2007). Ces langues africaines sont également des langues vernaculaires du pays, ce sont donc des
langues parlées entre proches (ibid.). Puisque le français n’est que rarement vernaculaire dans les pays
d’Afrique (ibid.), il faut s’interroger sur la place qu’il prend dans le quotidien des habitants.

Au Mali, la seule langue officielle est le français, mais le statut de langue nationale est attribué à
13 des 100 langues locales. Parmi ces 13 langues, l’une est la langue véhiculaire de 80% de la
population et la langue maternelle d’environ 40% des habitants. Il s’agit du bambara (Diarra, 2020).
Le français est donc en grande partie exclu des interactions quotidiennes et est restreint au domaine
politique et scolaire (ibid.). Même dans les médias, le français est peu présent : seuls les médias
officiels de l’État diffusent en français, les médias de proximité utilisent souvent les langues nationales
(ibid.). Pour les jeunes Maliens, le principal lieu de contact avec le français est donc l’école. Or, en
2018, le taux net de scolarisation au Mali atteint 55,9% pour l’école primaire et 29.9% pour le
secondaire (UNESCO, s.d.b). Il faut aussi signaler que les élèves allant à l’école auront certes été
en contact avec le français, mais cela ne signifie pas qu’ils en ont une compétence langagière élevée,
puisque selon le rapport du PASEC (2014) à la fin du primaire, 46% des élèves ont des difficultés
en compréhensions orales et écrites. En raison du contact entre les différentes langues, le français a
toutefois eu des influences linguistiques sur le bambara et les autres langues vernaculaires. On y
retrouve notamment de nombreux emprunts lexicaux issus du français (Tounkara, 2021).

En Guinée, le français est l’unique langue officielle et langue d’enseignement, mais n’est pas
très répandu dans l’usage quotidien. Contrairement au Mali, la Guinée n’a pas d’unique langue
véhiculaire, trois langues locales accomplissent ce rôle pour différentes régions : le pulaar (pour
environ 45% de la population), le malinka (pour 20%) et le soussou (pour 15%) (Barry, 2014). Les
médias guinéens utilisent généralement un mélange entre le français et les langues locales. L’usage
35
du français est donc réduit à un usage scolaire et l’école se retrouve être l’instance principale de
l’acquisition du français. Or, un rapport de l’UNICEF (2019) révèle que 40% des Guinéens de 5 à
16 ans n’ont jamais été scolarisés. De plus, une grande partie des élèves ne finissent pas le cycle
primaire. Cependant, comme cela est aussi le cas au Mali, dans la situation du contact des langues,
le français imprègne les langues guinéennes. Ainsi, il est rare de ne pas trouver des influences et
des emprunts du français dans les conversations quotidiennes des Guinéens (Barry, 2014.).

1.2.2. Situation 2 : la Côte d’Ivoire


La situation sociolinguistique de la Côte d’Ivoire appartient au deuxième type évoqué. Le
français y est la seule langue officielle, mais la Côte d’Ivoire se caractérise par une très grande
hétérogénéité, puisqu’on y compte au moins 60 langues (Boukari, 2017). Cependant à l’échelle
nationale aucune langue locale n’assume le rôle de langue véhiculaire, ce sont deux langues
exogènes qui endossent ce rôle : le dioula et le français (ibid.). Ici, c’est le cas du français qui sera
développé. En raison d’un manque de consensus sociolinguistique national après la colonisation,
l’ancienne langue coloniale fut apprivoisée et s’imposa ainsi comme véhiculaire (ibid.).
Aujourd’hui, le français est toujours l’unique langue de scolarisation de la Côte d’Ivoire, mais
contrairement à la Guinée et au Mali, le français est également beaucoup pratiqué en dehors de
l’école. De plus, le français y est également omniprésent dans les médias (ibid). Tous ces facteurs
engendrent, comme le met en avant Boukari (2017), que l’appropriation du français par la
population ivoirienne se fait dès la tendre enfance, aussi bien en milieu urbain que rural.

1.2.3. Prendre en compte les différences entre le milieu rural et urbain


Les situations sociolinguistiques décrites montrent que les habitants des pays d’Afrique
francophone subsaharienne n’ont pas tous la même socialisation avec le français en fonction de leur
pays d’origine. Cependant, le pays d’origine n’est pas le seul facteur, puisque le critère urbain / rural
se montre aussi important. Ainsi Feussi (2008) et Féral (1994) évoquent qu’en milieu urbain le
français est omniprésent. Féral (1994) développe cette idée en expliquant que chaque individu y est
au moins un auditeur passif du français en raison de sa diffusion dans les médias et de sa présence
dans les conversations et communications publiques. Cette observation est appuyée par les données
de l’OIF (2022) qui considère seulement 5 à 18% de la population malienne totale comme
« francophone » (selon le critère linguistique, chapitre 1, section 2.1), alors qu’elle estime qu’au Mali
34% des habitants en milieu urbain ont « un niveau maîtrisé » en français (ibid. : 11), sans pour
autant préciser quels en sont les critères. Ce facteur est donc à prendre en compte pour évaluer les
différentes socialisations avec le français des EANA-AFS. Il faut toutefois rester prudent quant aux
généralisations, puisque ces observations permettent uniquement de mettre en évidence des tendances.

36
1.3. Implications sur les différentes socialisations avec le français du public-cible

La description des situations linguistiques de ces trois pays montre que selon le pays dont est
originaire l’EANA-AFS, il n’aura pas la même socialisation avec le français. Ces situations
permettent de faire ressortir les tendances discutées ci-dessous. Néanmoins, celles-ci ne peuvent pas
être généralisées, puisque les formes de socialisation d’un individu ne se limitent pas au niveau
macro. En effet, au plan micro, il faut entre autres considérer les langues utilisées au sein de la famille,
le niveau de scolarisation des proches et le milieu socioprofessionnel, puisque selon Bourdieu
(1972) l’environnement familial est le premier lieu de socialisation d’un individu. Aborder les
situations sociolinguistiques est tout de même intéressant dans le cadre de ce mémoire, puisque j’ai
pu observer des tendances chez les EANA-AFS avec lesquelles je me suis entretenue. Ainsi, les
élèves ivoiriens avaient des compétences en français avant leur arrivée en France, même si celles-ci
étaient influencées par leur scolarisation antérieure. Les élèves guinéens et maliens présentaient des
compétences plus fortement liées à leur niveau de scolarisation. Ces observations sont basées sur
les tableaux 2 (p. 24) et 4 (p. 66) et s’appuient sur le fait que Bourdieu (ibid.) définit l’école comme
le deuxième lieu de socialisation. Il faut toutefois préciser que pour tous les pays d’Afrique
francophone subsaharienne, les individus ont été « contraints […] d’en [le français] être un auditeur
passif, d’en subir le "bruit" » (Féral, 1994 : 3). Feussi (2008) souligne d’ailleurs qu’une grande partie
de la population d’Afrique francophone a été exposée au français et a donc participé à sa construction.
Les EANA-AFS, quel que soit leur pays d’origine, auront donc été exposés à une ou plusieurs
variétés du français.

2. Les variétés africaines du français – genèse et implications

Dans les deux situations sociolinguistiques décrites, le français a fait et fera l’objet de variations
aux niveaux lexical, phonologique et syntaxique (Cuq, 2021), pouvant être les expressions d’une
norme endogène du français (Féral, 2010). Cette section discutera en priorité les variétés présentes
au Mali, en Guinée et en Côte d’Ivoire, puisqu’il s’agit des pays les plus représentés dans l’académie
de Grenoble. Occasionnellement, les variétés d’autres pays sont mentionnées pour illustrer mes
propos. Pour le Mali ou la Guinée, les auteurs parlent plutôt de « variations spécifiques » au pays,
c’est notamment le cas dans la thèse de Tounkara (2021). Pour la Côte d’Ivoire, les auteurs parlent
de « variété ». Cette distinction est liée à la définition même de ces termes, ainsi la notion de variété
désigne les différentes façons de parler, alors que la variation désigne « les phénomènes diversifiés
en synchronie » Gadet (2007 : 13). Ces dénominations ont donc émergé, puisque les variétés en
Côte d’Ivoire ont été nommées, alors que les variations au Mali et en Guinée ne sont, en recherche,

37
pas associées à des « façons de parler », mais à des interférences avec les langues locales. Dans ce
mémoire, cette distinction ne semble pas utile. Toutes les variations seront considérées comme
faisant partie de variétés diatopiques. Le terme variété sera utilisé pour différencier les pratiques
existantes dans plusieurs pays africains de la pratique du français standard, même si je suis
consciente que certaines variations transgressent les frontières qui permettent de délimiter les
variétés les unes des autres et que les variations s’inscrivent dans un continuum (Féral, 2010).

2.1. La naissance des variations

Les variations observables dans les variétés africaines du français naissent principalement du
contact entre les langues présentes sur le territoire, mais aussi d’un désir de s’approprier le français,
perçu comme une langue exogène (Boukari, 2017). Dumont (2019 : 55) reprend le discours de
l’auteur ivoirien Ahmadou Kourouma qui expliquait que « si son français n’est pas le même que
celui des Français, c’est qu’il correspond à un univers conceptuel différent, à une expérience du
monde autre ». Cette vision est également défendue par Holtzer (2005) qui met en avant que, même
inconsciemment, les façons d’organiser le discours et les schémas communicationnels des langues
maternelles des locuteurs imprègnent le français pratiqué. Les variétés africaines sont donc
fortement marquées culturellement. Décrire tous les mécanismes de variations présents n’est pas
possible dans ce mémoire. La revue Le français en Afrique (publiée depuis 1980) propose des
descriptions de différentes variétés et variations à l’œuvre sur le continent africain. Puisque le projet
développé se concentre sur les particularités lexicales, celles-ci seront décrites plus amplement.

2.2. Les particularités lexicales - un lieu d’expressions créatives et identitaires

Les phénomènes de variations lexicales en contexte africain ont pour la première fois été décrits
dans L’inventaire des particularités lexicales du français en Afrique noire paru en 1977. Celui-ci
recense des phénomènes observés autant à l’écrit (dans les textes littéraires et journalistiques) que
dans les usages oraux (Dumont, 2019). Le lexique des variétés africaines se caractérise par de
nombreux emprunts aux langues locales, surtout quand le lexique « français » est jugé insuffisant
pour décrire des « visions africaines » (Frey, 2008 : 20). D’autres procédés incluent l’ajout de
connotations socioculturelles à des mots. Dumont (2019) donne l’exemple de « charlatan » qui
prend une connotation positive dans certaines variétés africaines du français. Finalement, Kießling
et Mous (2004) proposent un inventaire des manipulations lexicales. Parmi elles, ils nomment les
manipulations sémantiques, en donnant l’exemple du mot « bateau » utilisé pour signifier « train »
dans quelques variétés. Ils nomment aussi l’affixation de morphèmes français à des mots d’origines
non-françaises, en donnant l’exemple du mot « djiboteur » (« sorcier » en français standard)

38
composé du mot dioula « jigbo » signifiant cérémonie auquel le suffixe « -eur » est attaché. Les
variations peuvent ainsi être le résultat d’une expression créative transportant une valeur identitaire.
Il est alors intéressant de se pencher sur les représentations qu’ont les locuteurs de ces variations.

2.3. Représentations des variétés africaines du français – une ambiguïté omniprésente

Pour la notion de représentation, je retiens la définition de Moore (2001 : 10) postulant que
celle-ci est « toujours une approximation, une façon de découper le réel pour un groupe donné en
fonction d’une pertinence donnée ». Or, ces représentations sont à la fois façonnées par les rapports
sociaux préexistants et jouent donc un rôle dans leur maintien (Billiez & Millet, 2001). Les variétés
africaines du français sont donc soumises à des représentations.

2.3.1. Représentations négatives des variétés du français


Longtemps, les variétés africaines du français ont subi une représentation négative, et ce même
en sociolinguistique. Dans le monde académique, elles étaient qualifiées de « français approximatif »
ou de « petit français » (Pöll, 2001 : 166-167). Les variétés ivoiriennes sont souvent appelées
« français populaire ivoirien » ou caricaturalement « le français de Moussa ». Manessy (1992 : 52).
Féral (2010) souligne que ces dénominations sont peu appropriées, puisque le terme « populaire »
implique qu’il s’agit du français des « non-lettrés » et est donc stigmatisé. Or, il remarque que ces
variétés sont aussi utilisées par des locuteurs ayant été scolarisés. Ces représentations négatives des
variétés africaines ne se limitent pas au monde académique. Auger (2021) précise que les locuteurs
francophones partagent l’idée d’une norme unique du français. En général, les locuteurs africains
situent le « bon usage » (chapitre 5, section 1.1.) en dehors de leur communauté (Dumont, 2019).
Ces variétés sont alors imprégnées d’un sentiment d’illégitimité (ibid.). Les représentations vis-à-
vis de ces dernières ne sont toutefois pas unilatérales, la variété présente aussi un facteur identitaire.

2.3.2. L’émergence des langues jeunes et des représentations identitaires


Dès les années 1960, des variétés spécifiques émergent dans les centres urbains africains. Ces
variétés ont d’abord été considérées comme des « youth languages », des pratiques urbaines associées
à des milieux de résistances (Kießling & Mous, 2004). Les deux variétés de ce type basées sur le
français ayant obtenu le plus d’attention sont le camfranglais (Cameroun) et le nouchi (Côte d’Ivoire)
(Féral, 2010). Ces variétés ont été progressivement adoptées par d’autres groupes sociaux, jusqu’à
se répandre dans tout le pays et d’en devenir une langue véhiculaire (Hollington & Nassenstein,
2017). Les médias, la musique, les réseaux sociaux, la littérature et la publicité sont responsables de
cette diffusion (ibid.). Les pratiques de transformation du français dans certaines variétés permettent,
en mettant à contribution les langues locales (chapitre 4, section 2.2), de symboliser une identité

39
nationale surtout dans les pays sans langue véhiculaire nationale (Féral, 2010). En Côte d’Ivoire, le
nouchi profite d’une réelle représentation valorisante et est parlé dans l’entièreté du pays (Boutin &
Kouadio N’Guessan, 2015). Ce déploiement et la normalisation des variétés peuvent aussi être
observés dans les entretiens des EANA-AFS. Ainsi, Francis, un jeune ivoirien ayant grandi en zone
rurale dans le nord du pays, indique qu’il utilisait le nouchi en milieu familial (annexe 3, p. 34).
Finalement, il est concevable que ces « parlers jeunes » existent aussi en Guinée et au Mali, mais
que les recherches y soient moins nombreuses. Un paradoxe se dessine entre la valeur identitaire
accordée aux variétés africaines du français et leur perception par les locuteurs eux-mêmes en tant
que « mauvais français ». Or, ce paradoxe peut s’expliquer par le rapport diglossique existant entre
le français standard et les variétés et langues africaines qui s’est installé depuis la colonisation.

3. Le rapport diglossique entre les langues – attitudes et implications didactiques

Les descriptions de la place du français dans ces pays ont permis de pressentir que ces situations
de plurilinguismes sont en fait inégalitaires. En effet, une relation hiérarchique, qui peut être qualifiée
comme situation de diglossie, s’établit entre les langues (Dabène, 1994). Ferguson est largement
considéré comme le fondateur de ce concept (ibid. ; Feussi, 2008 ; Holtzer, 2005). De base, celui-ci
prévoit une répartition relativement harmonieuse entre les langues en situation de diglossie, mais ce
concept a évolué. Aujourd’hui, la diglossie se caractérise surtout par la prise en compte « des aspects
conflictuels opposants nécessairement deux langues en présence dès lors qu’elles n’ont pas le même
statut dans la société et qu’elles occupent des fonctions inégalement valorisées » (Cuq, 2003 : 72).
Cette section présentera donc les aspects conflictuels entre le français et les langues africaines.

3.1. La langue en position haute : le français

Le statut de langue dominante est influencé par des facteurs politiques et économiques, mais
aussi par le lien affectif qui donne aux langues un statut formel ou informel (Monney, 2012). La
langue considérée comme plus prestigieuse est alors celle utilisée dans les administrations et les
institutions scolaires (ibid.). Comme précisé au chapitre 4 (section 2.3.), cette présence renforce alors
à son tour les représentations. Le français est donc en position haute par son statut officiel et son rôle
dans l’enseignement. Il se trouve également en position haute par les représentations que s’en font
les habitants. Le français standard jouit en Afrique francophone subsaharienne d’un certain prestige
(Pöll, 2001). Bien qu’il soit généralement ressenti comme exogène (Holtzer, 2005), il est tout de
même associé à l’ascension sociale et profite donc d’un statut valorisé. Le rapport de l’OIF (2022)
expose que les locuteurs du français en Afrique voient le français comme une opportunité de trouver
du travail, de s’informer, mais aussi d’avoir accès à d’autres cultures. Ceci démontre que le français

40
est associé au prestige et à l’ouverture au monde. De plus, le français est également la langue de l’écrit.
Les langues vernaculaires sont souvent des langues de tradition orale et même si elles possèdent
souvent un système d’écriture, celui-ci n’est que rarement enseigné (mis à part dans quelques écoles
du Mali) (Thiam, 2014). Cette quasi-exclusivité du français sur l’écrit renforce sa position haute,
puisqu’il a accès à des situations dont les langues vernaculaires sont quasi totalement absentes.

3.2. Les langues en position basse : langues vernaculaires et variétés

Les langues en position basse ne jouissent pas de la même attention au niveau institutionnel et sont
réduites au statut informel et donc aux usages personnels et familiaux (Monney, 2012). En Afrique
francophone subsaharienne, les langues vernaculaires et les variétés du français occupent cette position.

3.2.1. Les langues vernaculaires


« La promotion des langues nationales est […] évoquée dans la constitution de presque tous les
pays d’Afrique francophone » (Calvet, 2010 : 191). Or, cette « promotion des langues nationales »
n’a pas vraiment eu lieu, notamment parce que les langues sont souvent en compétition avec le
français, auquel une valeur plus importante est attribuée. Les langues nationales sont représentées
de façon marginale dans le système scolaire alors qu’elles ont une fonction identitaire forte (ibid.).
Dans quelques pays, les langues nationales ont brièvement été introduites dans le système éducatif.
Cela a notamment été le cas en Guinée et au Mali (ibid. ; Holtzer, 2005). Bien qu’elles soient
dominantes dans la vie de tous les jours, ces langues connaissent une réelle dévalorisation puisque,
contrairement au français, elles n’apportent « ni le prestige, ni la promotion sociale, ni le savoir, ni
le pouvoir » (Cissé, 2020 : 44). Il en est de même pour les variétés endogènes du français, elles
aussi mises à l’écart de l’enseignement et du monde juridique et politique.

3.2.2. Les variétés du français


Comme abordé dans la section précédente, les variétés du français, bien qu’ayant une valeur
identitaire, sont généralement perçues comme inférieures au français standard. En effet, la non-
valorisation des variétés africaines du français vient aussi du rôle ou plutôt « non-rôle » qui leur est
accordé à l’école. Les formes qui s’éloignent du standard sont souvent considérées comme des
« fautes » ou des « erreurs » par les enseignants (Cissé, 2020 : 49). Cissé (ibid.) souligne que cet
enseignement du français, qui ignore les variétés et transmet un français qui n’est pas représentatif
des situations de communications que peuvent rencontrer les élèves, peut engendrer des blocages
au niveau de l’apprentissage. Dumont (2019) aboutit à un raisonnement similaire en expliquant que
cette approche des variétés à l’école renforce l’insécurité linguistique des élèves. Il faut néanmoins
préciser que les rapports diglossiques peuvent s’inverser dans certaines situations.

41
3.3. Des basculements au plan micro-sociolinguistique

Le modèle diglossique est très utile pour rendre compte de mécanismes au niveau macro-
sociolinguistique. Cependant, il ne permet pas de témoigner de la complexité des situations
plurilingues (Dabène, 1994). En effet, dans son analyse des places que prennent les différentes langues
en contexte camerounais, Feussi (2008) remarque que chaque langue peut se retrouver dans une
position valorisée ou dévalorisée. Il plaide pour une vision contextuelle du rapport diglossique en
affirmant que des « locuteurs peuvent valoriser une langue dans un cadre interactionnel, laquelle
perd son prestige pour occuper la position défavorisée dans un autre contexte » (ibid. : 196). De
plus, Dumont (2019) précise que même si le français standard est globalement considéré comme
supérieur, l’utiliser dans certains contextes serait taxé d’élitisme et de déni des racines africaines,
ce qui exclurait les locuteurs d’un groupe. Toutefois, le rapport diglossique au niveau macro, même
s’il ne représente pas une réalité absolue, permet de prévoir quelques attitudes de la part des élèves.

3.4. Implications de la diglossie sur les attitudes linguistiques et l’apprentissage du français

Les sections précédentes soulignent ce que Dabène (1994) postulait : les langues et variétés
considérées comme inférieures au niveau macro ne sont pas vues comme des objets d’enseignement.
Or, le rapport diglossique étant fortement lié aux représentations des langues et à la culture scolaire,
il peut engendrer des attitudes linguistiques chez les locuteurs (Auger, 2021). Les attitudes sont ici
considérées comme la « dimension évaluative de la représentation » et font donc référence « aux
dispositions favorables ou défavorables qu’ont les individus envers les langues, la leur ou celles des
autres » (Moliner, 1996 : 47). Ces attitudes ne sont pas directement perceptibles, mais génèrent des
comportements linguistiques qui sont eux observables (Castellotti & Moore, 2002).

L’insécurité linguistique (chapitre 3, section 1) est l’une de ces attitudes. Celle-ci génère alors
des comportements dont l’hypercorrection et l’auto-dévaluation font partie (Rispail, 2017). Or, la
situation diglossique est l’élément fondamental du sentiment d’insécurité linguistique chez les
locuteurs africains (Dumont, 2019). Ce rapport de diglossie ancré dans le vécu linguistique des
EANA-AFS, tant par la représentation que par le rapport des langues en milieu scolaire, peut donc
les mettre dans des situations d’insécurité quand on leur demande d’utiliser une langue ou une
variété qu’ils considèrent comme peu prestigieuse. Les situations de diglossie créent alors des attitudes
de répulsion ou d’attraction aux langues en position basse ou haute (Monney, 2012). L’utilisation
par un alloglotte d’une langue ou variété considérée comme « basse » peut aussi être perçue comme
une attitude indiscrète ou moqueuse par les locuteurs de ces dernières (Dabène, 1994). Des tentatives
de valorisation de ces pratiques vues comme illégitimes peuvent aussi se heurter à la recherche de

42
sens : il est possible que les locuteurs demandent à apprendre la langue en position haute et ne voient
pas l’utilité d’aborder les langues ou variétés basses. La mise en place de séances de valorisation
peut alors avoir un facteur démotivant (ibid.). Ceci est aussi souligné par Moore (2006 : 113) :

« le statut informel d’une langue, et la dévalorisation dont celle-ci peut faire l’objet dans les
communautés en contact, peuvent rendre difficiles les efforts de revalorisation, même si le
nombre de locuteurs est suffisamment élevé pour pouvoir assurer démographiquement la
transmission des langues concernées, et leur enseignement dans le cadre scolaire »

Monney (2012 : 118) décrit d’ailleurs une expérience d’intégration d’une langue locale à l’école qui
se heurte au désintérêt des élèves, puisqu’ils sont n’en comprennent pas les enjeux « dans un système
scolaire qui […] ne valorise qu’une langue et dans lequel "la réussite" scolaire dépend de la maîtrise
du français ». Il sera donc crucial de considérer ces diverses attitudes dans le projet portant sur les
variétés.

4. Synthèse – le rapport du public-cible au français langue de scolarisation

Ce chapitre a permis de mettre en avant la socialisation que peuvent avoir les EANA-AFS avec
le français en prenant en compte plusieurs facteurs tels que le pays d’origine, les variétés du français
et le rapport diglossique. Obtenir un aperçu de cette socialisation est particulièrement important
pour tirer des conclusions quant à leur apprentissage du français en milieu scolaire. La socialisation
des EANA-AFS avec le français est entre autres influencée par leur pays d’origine, leur degré de
scolarisation, le milieu (urbain ou rural) dans lequel ils ont évolué et le milieu familial, même si ce
dernier n’a pas été développé en profondeur. Ces diverses influences ont un impact sur leur rapport
au français, puisque selon ces variables les EANA-AFS ont différents niveaux de compétences,
différentes variétés dans leur répertoire et des représentations différentes face au français standard.
Cette hétérogénéité sera à prendre en compte lors de la conception du projet et lors des
questionnements sur les représentations et attitudes que peuvent avoir les apprenants face à celui-
ci. Je souhaite finalement attirer l’attention sur deux aspects qui méritent une réflexion particulière :

- certains EANA-AFS n’ont pas de socialisation importante avec le français, il faut considérer
qu’ils ne se sentiront pas forcément concernés par le projet proposé ;
- les représentations et les attitudes envers les variétés sont extrêmement ambigües, celles-ci
devront donc être traitées avec finesse.

Il est important d’aborder ce rapport au français des EANA-AFS avant leur arrivée en France,
puisque celui-ci influence leur vécu linguistique. À présent, il est nécessaire d’aborder la politique
éducative française vis-à-vis des langues, afin de mieux comprendre les enjeux du projet mis en place.

43
Chapitre 5. Les places des langues et des variétés dans l’école française

Pour saisir les enjeux du projet portant sur les variétés africaines du français, il est important de
connaitre la politique linguistique de l’école face aux langues et aux variétés. Cela est indispensable,
puisque les EANA-AFS, comme précisé au chapitre précédent, ont un rapport conflictuel avec les
langues de leur répertoire avant leur arrivée en France. Celui-ci sera modifié ou accentué par leur
vécu scolaire. La première section de ce chapitre abordera l’unilinguisme français et ses répercussions
sur le système d’enseignement. Ensuite, j’évoquerai les politiques éducatives européennes actuelles
sur l’intégration des langues à l’école, ainsi que les développements dans la recherche universitaire.
Finalement, je présenterai la situation actuelle de l’intégration des langues dans le système scolaire
français, qui se trouve en opposition avec les évolutions académiques en didactique des langues.

1. L’idéologie du standard : une barrière à la prise en compte des variétés et des langues ?

La description de l’idéologie française face à la langue nationale et la langue d’enseignement


est indispensable, afin de comprendre le contexte dans lequel s’inscrit ce mémoire. Cette section
aborde donc l’impact de l’unilinguisme français sur l’école et la politique éducative face aux EANA.

1.1. L’unilinguisme en France – une longue tradition

Même si le français standard est souvent considéré comme une variété du français, cette
représentation est trop simpliste (Guerin, 2008). En effet, comme le met en avant Guerin (ibid. :
2305), le français standard est plus une « action sociale et non réalité linguistique ». Pour
comprendre cette affirmation, il faut se pencher sur l’histoire du français standard. En France,
l’adoption d’une langue nationale commune s’est faite par l’éradication des autres parlers sur le
territoire (Castellotti, 2008). Boyer (2001) met en avant que l’émergence du français standard est le
produit d’une politique linguistique de l’unilinguisme appliquée par l’État français monarchique,
puis républicain afin d’unifier le pays. Cette politique se résume par la formule « ni concurrence
(pour la langue nationale), ni déviance (par rapport à l’usage légitime) » (ibid. : 384). Elle a donc
instauré la langue française comme l’unique langue du territoire, écrasant ainsi les langues
régionales et les autres langues présentes dans les régions limitrophes, mais aussi uniformisé la
langue en une norme unique : le « bon usage » (ibid. : 385). C’est sur ces bases que le français
standard s’est construit. Pour rappel, l’idée d’une forme standard de la langue suppose que la
prononciation, la forme grammaticale et le lexique sont utilisés de la même manière par tous les
locuteurs (Milroy, 2007). En France, le processus de standardisation a été poussé jusqu’à atteindre
une forme de sacralisation et d’idéalisation de la norme standard, qui a été institutionnalisée et donc

44
solidifiée (Boyer, 2001). Or, comme souligné par Milroy (2007), une telle standardisation implique
des attitudes langagières basées sur une forte « idéologie du standard » qui valorise l’uniformité
comme l’état idéal de cette langue. Cette idéologie est particulièrement ancrée en France et présente
donc une forme d’élévation du français standard, induisant une dévalorisation des autres variétés
(Gadet, 2007). Le standard jouit alors d’un prestige social, culturel et politique (ibid.). Cette
idéologie est tellement ancrée en France que les Français adhèrent à cette représentation de langue
unique et immuable (ibid.). Or, cette vision homogénéisante, monolingue et puriste de la langue est
en contraste avec les pratiques sociales attestées telles que les compétences sociopragmatiques
plurielles et plurilingues nécessaires dans la vie sociale (Blanchet, 2007).

1.2. Le français standard à l’école – la reproduction d’une idéologie

Dès l’année 1881, l’école de la République a pour mission de propager le « seul bon français »,
dans l’idée de rendre la France unilingue (Escudé, 2020). Puisque l’école est un lieu de reproduction
des idéologies linguistiques (Blanchet et. al., 2014), elle constitue un outil primordial dans
« l’unification » langagière. En effet, elle a le pouvoir de mettre à l’écart les variations diatopiques
ou diastratiques (Castellotti, 2008). Ainsi, depuis la Révolution, le rôle de l’école est d’enseigner
« le » français et en français (ibid.). D’ailleurs, jusque dans les années 1950, l’utilisation de langues
régionales était punie dans le système scolaire français et même aujourd’hui ces dernières ne sont
que peu enseignées (Auger, 2021). L’idéologie du standard domine l’école française et laisse peu
de place aux autres langues et variétés (ibid.), ce qui rend difficile d’intégrer ces dernières dans les
pratiques pédagogiques (Bellonie, 2012). Blanchet (2007) souligne que cette idéologie linguistique
relayée par le système éducatif fait des ravages dans l’enseignement du français, puisqu’elle produit
des insécurités linguistiques, culturelles et identitaires qui sont d’autant plus graves dans le contexte
migratoire dans lequel se trouvent les EANA (chapitre 5, section 3.3). Ce monolinguisme joue un
rôle incontournable dans l’approche des langues par les programmes scolaires (Bertucci & Corblin,
2004) et ce dernier se retrouve également dans la politique scolaire vis-à-vis des langues des EANA.

1.3. L’unilinguisme et l’enseignement en unité pédagogique pour élèves allophones arrivants

Jusqu’en 1966, lors de la première mise en place de « classes expérimentales d’initiation pour
étrangers », il n’existait pas de réelle différenciation entre l’enseignement du français aux natifs et
non-natifs (Vigner, 2009 : 9-10). Il est donc concevable que jusqu’à ce moment-là, tous les
apprenants étaient soumis à l’idéologie du standard présente dans les écoles. À partir de 1970, des
circulaires précisant les buts et l’organisation des différents dispositifs sont publiées (Vigner, 2009).
En ce qui concerne l’enseignement du français, il a tout de même fallu attendre les années 2000

45
pour que l’appellation FLS soit acceptée dans l’éducation nationale (Auger, 2021). D’abord la
circulaire 2002-100, puis celle de 2012-141 mettent au premier plan que la maîtrise du français
visée doit être celle d’une langue de scolarisation. Comme le met en avant Vigner (2009), le FLSco
s’écarte fortement des usages communicatifs du quotidien. Cette directive donne alors des pistes
sur les méthodologies à employer, mais ne donne pas d’indications sur quel français enseigner.

D’après Auger (2008), l’unilinguisme français est encore très présent et cela également dans
l’enseignement aux EANA. Le français standard reste alors la norme enseignée à ces élèves et est
vu comme la variété du français que les élèves doivent acquérir. Les attitudes très normatives par
rapport au français et l’intériorisation de la dévalorisation des variations et des langues étrangères
en général sont le résultat de cette idéologie (ibid.). En conséquence, même aujourd’hui, les
représentations scolaires face aux langues de migration suivent la même logique que celles face aux
langues régionales. Il faut cependant préciser que même si selon les textes officiels, le français est
la seule langue de communication scolaire et extrascolaire (Chnane-Davin et. al., 2011), la circulaire
2002-100 ne vise plus l’exclusion des langues maternelles des EANA. Il faut alors se demander
comment est conçue cette intégration des langues des EANA dans leur cursus et quels en sont les
avantages. Pour cela, la section suivante est consacrée à l’exploration des directives existantes dans
l’Union européenne (à présent UE) et du regard de la recherche sur cette question.

2. Des plaidoyers pour l’intégration des langues et variétés à l’école

Depuis 2002, le programme du ministère de l’Éducation nationale, de l’enseignement et de la


recherche ne considère plus le plurilinguisme d’un enfant comme un handicap (Castellotti, 2008).
D’autres instances se sont aussi prononcées sur la question du plurilinguisme en contexte scolaire.
En effet, la construction de l’UE a directement contribué à l’émergence de questionnements autour
du bi- et plurilinguisme (Forlot, 2012). Ainsi, le cadre européen commun de référence pour les langues
(à présent CECRL) postule qu’il ne faut plus considérer l’apprentissage d’une langue dans le but de
former un « locuteur natif idéal », mais de « développer un répertoire langagier dans lequel toutes
les capacités linguistiques trouvent leur place » (Conseil de l’Europe, 2001 : 11). De même, le rapport
Migration, déplacement et éducation (UNESCO, 2019) préconise l’utilisation de supports représentant
la diversité des élèves pour former contre les stéréotypes (Auger, 2020). En ce sens, il faut aborder les
bénéfices que l’inclusion des différentes langues et variétés peut avoir pour l’enseignement du FLSco.

2.1. Les compétences plurilingues, pluriculturelles : de nouveaux horizons

Le CECRL insiste sur la nécessité de former à la compétence plurilingue ou pluriculturelle.


Cette compétence est définie comme « la compétence à communiquer langagièrement et à interagir

46
culturellement d’un acteur social qui possède, à des degrés divers, la maîtrise de plusieurs langues
et l’expérience de plusieurs cultures » (Conseil de l’Europe, 2001 : 129). Pour travailler cette
compétence, il faut d’abord accepter que les cultures et les langues avec lesquelles un individu a été
en contact n’évoluent pas côte à côte, mais se comparent, s’opposent et s’influencent mutuellement
(ibid.). L’enseignement unilingue, comme il est défini dans la section précédente, ne permet pas
aux apprenants de construire une compétence plurilingue. Or, travailler cette dernière semble crucial
puisqu’elle permet de prendre en compte les similitudes et les différences entre les langues (Nicolas
& Bergère, 2020). Intégrer plusieurs langues dans le contexte scolaire permet alors d’améliorer les
apprentissages en guidant les apprenants vers le développement d’une attention particulière aux
enjeux et à la structure de la langue (ibid.). En encourageant cette compétence plurilingue, les
apprenants pourront percevoir leurs langues comme des ressources potentielles à l’apprentissage.

2.2. Les langues, une « ressource potentielle » pour les enseignants et les apprenants

L’utilisation des langues de l’apprenant comme ressource dans l’enseignement / apprentissage


de la langue de scolarisation est un aspect également mis en avant dans le CECRL (Gouaïch &
Chnane-Davin, 2020 ; Conseil de l’Europe, 2001). Ces langues peuvent être utilisées comme
ressource tant par l’enseignant que par l’apprenant.

Donner une place aux langues des apprenants permet aux enseignants de comprendre les
répertoires linguistiques singuliers de chaque apprenant (Stratilaki-Klein & Nicolas, 2020). Pour un
enseignant, avoir un aperçu des langues connues par un élève et de son rapport à celles-ci lui permet
de mieux estimer les difficultés que l’élève va rencontrer au cours de son apprentissage (ibid.). Pour
cela, il est important que les enseignants aient une idée claire des situations sociolinguistiques dans
lesquelles se trouve l’élève qu’ils accueillent (ibid.). Dans un interview donné à Le français dans le
monde, Beacco (2015) affirme que la connaissance des langues des apprenants permet de prévoir
des erreurs récurrentes. Il est évident qu’un enseignant ne peut pas avoir des connaissances dans
toutes les langues (Vigner, 2009), cependant avoir des connaissances sur le répertoire linguistique
des élèves permet d’avoir recours à différents outils, tels que les fiches de grammaire ou de
phonétique contrastive (Beacco, 2015). L’important est donc d’avoir un esprit d’ouverture envers
les langues des apprenants. Prendre connaissance du répertoire linguistique permet aux enseignants
d’aborder des points de langue de manière contrastive, mais cela peut aussi permettre aux
apprenants de construire leurs connaissances dans la nouvelle langue à partir du connu (ibid.).

L’apprentissage d’une nouvelle langue est souvent conçu comme ayant lieu sur un terrain
linguistiquement inoccupé (Holtzer, 2005). Or, plusieurs auteurs dont Stratilaki-Klein et Nicolas

47
(2020) postulent que l’apprentissage du FLSco se fait à partir d’un existant dans les langues
premières. En effet, Auger (2008) précise que le système de la langue maternelle des apprenants est
ancré dans leurs pratiques. Elle ajoute qu’il n’est pas nécessaire d’avoir des compétences à l’écrit
pour accéder à ce système, puisque celui-ci est fixé dans la pratique orale. L’élève a donc des
capacités métalinguistiques, mais ne connait pas forcément les terminologies du métalangage (ibid.)
Les langues des répertoires des apprenants peuvent donc être utilisées pour faciliter l’apprentissage
de la langue de scolarisation, puisque, comme le souligne Gouaïch et Chnane-Davin (2020 : 241),

« l’éducation plurilingue et interculturelle a des bénéfices cognitifs […] quand toutes les
langues (apprises à l’école, acquises en milieu naturel) sont mises en synergie autour de la
langue de scolarisation ».

Or, il faut prendre en compte, comme précisé au chapitre 4 (section 3.4), que certains apprenants ne
se sentiront pas légitimes d’utiliser leurs langues en classe. Aborder les langues connues par les
élèves est alors d’autant plus important puisque cela permet d’instaurer un sentiment de valorisation
qui facilitera le transfert d’une langue à une autre (Auger & Pichon-Vorstman, 2021).

2.3. Pallier l’insécurité linguistique par l’intégration des langues et des variétés

Les élèves se sentent généralement plus en sécurité quand l’enseignant autorise, voire stimule,
l’utilisation des langues déjà connues. L’enseignant crée ainsi un espace sécurisant pour l’élève
(Auger & Pichon-Vorstman, 2021). Par la création de cet environnement, l’enseignant renforce la
motivation et l’implication tout en prenant en compte leurs besoins socioémotionnels (ibid.). En effet,
l’école joue un rôle particulièrement lourd dans l’instauration d’une insécurité ou sécurité linguistique
(Blanchet et. al., 2014). Dans l’institution scolaire, l’insécurité linguistique (chapitre 3, section 1)
peut donc être renforcée, puisque la langue de scolarisation est le moyen d’enseignement et
d’apprentissage dans toutes les disciplines, qu’elle fait l’objet d’une évaluation constante et qu’elle
est perçue comme le « bon usage » (ibid.), Blanchet et. al (ibid.) postulent alors que l’intégration
des langues et des variétés par des approches plurielles visant l’utilisation consciente de l’entièreté
du répertoire linguistique par l’apprenant permettrait de pallier cette insécurité et d’ainsi instaurer
un environnement propice à l’utilisation des langues et variétés comme ressource d’apprentissage.

Que ce soit en recherche ou dans les politiques éducatives, on remarque donc un passage à la
prise en compte du plurilinguisme. Or, comme le fait remarquer Forlot (2012), malgré ces
évolutions vis-à-vis de la pluralité des langues, l’enseignement à la française se cloisonne dans sa
tendance unifiante. La prochaine section se consacre donc à la description de la place actuelle
accordée aux langues dans le système éducatif français.

48
3. Les langues des élèves à l’école : quelle est la place actuelle du plurilinguisme ?

Tous les EANA, peu importe leur pays d’origine, vont accéder à un plurilinguisme dont le français
constitue une des langues en usage (Vigner, 2009). Comme précisé ci-dessus, la prise en compte des
répertoires des apprenants permettrait la création d’un espace sécurisant pour encourager les EANA
à s’appuyer sur des savoir-faire déjà disponibles. Or, les langues des EANA sont rarement exploitées
à l’école. Ici, j’aborderai donc la politique éducative face aux langues, le rôle des représentations
des langues dans ce contexte et l’impact de ce traitement du plurilinguisme sur les EANA.

3.1. La diversité linguistique dans le programme scolaire et ses implications pédagogiques

En France, c’est le Socle commun de connaissances, de compétences et de culture qui « identifie


les connaissances et compétences qui doivent être acquises à l'issue de la scolarité » (Eduscol 2021a).
Un domaine s’intitule « les langages pour penser et communiquer » (ibid.), il indique les attentes vis-
à-vis de l’enseignement des langues et influence donc la formation et les pratiques des enseignants.

3.1.1. Le socle commun et l’invisibilisation du plurilinguisme


Le socle est une ressource pour l’évaluation des compétences langagières en langues étrangères
et régionales, inspirée du CECRL (Eduscol, 2021b). Il se préoccupe également de l’apprentissage
du FLSco (Forlot, 2012). Cependant, selon mes observations et celles de Forlot (ibid.), il s’agit
plutôt d’une version tronquée du CECRL, puisque celui-ci reprend la démarche actionnelle et les
cinq compétences communicationnelles, mais ne fait pas référence aux compétences plurilingues
ou interculturelles. La seule occurrence de l’ouverture aux langues se trouve alors dans une
ressource dédiée aux CASNAV (ministère de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et
de recherche, 2012), qui conseille l’utilisation d’autres langues et du plurilinguisme pour favoriser
l’atteinte du palier 3 (et donc un niveau déjà assez avancé). Cette quasi-invisibilité du plurilinguisme
dans le programme n’encourage pas l’utilisation des langues et variétés dans les pratiques de classe.

3.1.2. La place accordée au plurilinguisme par les enseignants


En classe, les répertoires linguistiques des EANA, bien que riches et diversifiés sont souvent
ignorés (Stratilaki-Klein & Nicolas, 2020). De nombreux enseignants pensent que les difficultés
scolaires des EANA sont liées à la maîtrise insuffisante du français qui est accentuée par le fait que
les apprenants n’utilisent pas uniquement le français hors du contexte scolaire (ibid.). Les enseignants
voient rarement le plurilinguisme d’un élève comme un facteur positif, beaucoup l’accusent même en
cas de résultats scolaires non satisfaisants (Auger & Pichon-Vorstman, 2021). Il n’est donc ni vu
comme un atout, ni comme une ressource didactique (Gouaïch & Chnane-Davin, 2020). En réalité,
les enseignants sont souvent peu informés sur les répertoires langagiers des élèves (Chnane-Davin
49
et. al., 2011). En effet, le manque de formation au plurilinguisme (Auger, 2021) engendre la
perpétuation des conduites pédagogiques sur le modèle de l’unilinguisme (Forlot, 2012), qui a pour
conséquence que l’utilisation d’autres langues et de variétés est considérée comme déviant par
rapport à la langue objet d’apprentissage et est donc stigmatisée (Dabène, 1994). Ce manque de
formation induit une peur de la part des enseignants d’être dans la position de la personne « qui ne
sait pas » lors de pratiques plurilingues (Chnane-Davin et. al., 2011 : 41). En raison de l’hétérogénéité
des classes UPE2A, un enseignant ne peut en effet pas disposer de connaissances dans toutes les
langues des élèves (Vigner, 2009). Il doit donc accepter de donner la position d’expert aux élèves.
Cependant, ce manque de prise en compte du plurilinguisme dans les programmes et le manque de
formation des enseignants ne sont pas les uniques facteurs de mise à l’écart des langues des EANA.

3.2. Représentations et attitudes des enseignants par rapport aux langues des apprenants

Les représentations des enseignants sur les langues et variétés des apprenants ont un fort impact
sur la prise en compte du plurilinguisme de ces derniers. En théorie, tous les plurilinguismes sont
égaux et légitimes (Vigner, 2009). En réalité, comme l’affirme Castellotti (2008 : 240), il y a une
distinction entre « bon » et « mauvais plurilinguisme ». Ainsi, certaines langues sont plus valorisées
que d’autres dans le système scolaire (ibid.). L’enquête de Nante et Trimaille (2013 : 109) confirme
que les langues des pays africains sont généralement considérées comme des « plurilinguismes
dévalorisants ». Bien que cette enquête n’ait pas été faite avec des enseignants d’UPE2A, elle
montre la tendance de dévalorisation qui touche le répertoire langagier des EANA-AFS. D’un autre
côté, Vigner (2009) précise que le plurilinguisme en école internationale est quant à lui valorisé. Les
variétés sont aussi soumises à des représentations et les variétés africaines du français en particulier
sont considérées comme illégitimes (Auger, 2021). Ses locuteurs sont souvent perçus comme
« extérieurs » au groupe des francophones (ibid. : 101). Il n’est donc pas surprenant que les variétés
diatopiques parfois présentées dans les méthodes de FLE soient des variétés qui bénéficient tout de
même d’un certain prestige telles que le québécois ou le français de Belgique (Maizonniaux, 2019).
Les représentations que les enseignants se font des langues et variétés engendrent des attitudes face
à celles-ci. Le rejet ou la non-prise en compte du répertoire langagier des apprenants est donc
étroitement lié à ces représentations. Or, ces attitudes de la part des enseignants ont quant à elles à
nouveau une influence sur les constructions identitaires et les apprentissages des apprenants.

3.3. Impacts sur la construction identitaire des élèves allophones nouvellement arrivés

Cummins (2012) souligne que l’interdiction implicite ou explicite de la langue maternelle en


classe est motivée idéologiquement et n’a pas de justification empirique. Or, les apprenants

50
internalisent ce message, puisqu’il est instauré par une instance au pouvoir (ibid.). Cette interdiction
peut avoir un impact sur des jeunes apprenants en pleine construction identitaire.

3.3.1. Le contexte migratoire et la construction identitaire


Mettre à l’écart les langues et les variétés connues par les élèves peut avoir des effets négatifs
sur la construction identitaire des EANA. En effet, le contexte de migration révèle des « situations
de contacts de langues et de cultures où sont activés des conflits autour des "identités", construction
de l’identité personnelle et choc des identités collectives » (Chiss, 2010 : 110). Chiss (ibid.) poursuit
en expliquant que les questions identitaires ne peuvent pas être séparées de celles « sur le devenir
et le rôle des langues » ainsi que celles « sur les variations internes à chaque langue ». Ainsi, donner
une place aux langues des EANA, ainsi qu’aux variations (qu’elles soient au sein d’une langue ou
issues d’un mélange entre les langues) dans les pratiques pédagogiques « permet d’améliorer des
situations sociales perçues comme génératrices de difficultés » (Blanchet, 2007 : 208). Au contraire,
la négation des pratiques langagières peut avoir des conséquences graves sur la construction de
l’identité personnelle des apprenants, puisqu’en les excluant, celles-ci sont privées d’une certaine
légitimité (ibid.). Cette représentation d’illégitimité peut impacter la perception identitaire de l’EANA
qui donnera lieu à une multiplicité de stratégies d’adaptation conscientes ou inconscientes, telles
que la « valorisation de la langue d’accueil et [le] rejet de la langue d’origine » ou la « crispation
vis-à-vis de la langue "apprise" » (Chiss, 2010 : 110). Les oppositions langue dominante / langue
dominée et langue reconnue / langue ignorée jouent donc en défaveur de la préservation du
plurilinguisme des élèves (Vigner, 2009). Pour tous les EANA, l’absence de prise en compte des
langues d’origines gêne la construction identitaire, mais cet aspect est amplifié face à un public MNA.

3.3.2. L’identité – un enjeu crucial pour le public cible


La précarité du public MNA, représentant la majorité des EANA-AFS, est présentée au chapitre
1 (section 3.2). À cause de cette précarité, les MNA peinent parfois à (re)construire une identité
sociale ou scolaire (Armagnague et. al., 2021). Lemaire (2012 : 33) précise d’autres instances de
vulnérabilité :

« On ajoutera à cela le stress généré par la perte des repères une fois dans le pays-hôte,
l’inquiétude de ne pas savoir si le jeune pourra rester en France lorsqu’il deviendra majeur
ou encore la solitude ressentie en dépit de la communauté de pairs ».

Le maintien d’un contact avec les pays d’origine et donc avec le milieu familial semble alors crucial,
puisqu’il entraîne un meilleur équilibre psychoaffectif et une forme de sécurité (Moro, 1998 cité par
Castellotti, 2008). De plus, pour les EANA-AFS, un sentiment d’incompréhension peut également

51
émaner. Delebarre (2022a) précise que certains EANA-AFS vivent l’imposition du français dans leur
pays comme une injustice, puisque leur accueil en France est soumis à une grande insécurité sur leur
statut migratoire et leur droit de rester sur le territoire. Le français peut aussi être perçu comme la
langue du colon (ibid.). Les représentations dévalorisantes vis-à-vis du français connu par ces élèves
peuvent renforcer ce sentiment d’injustice. Certains élèves s’identifient comme francophones et se
sentiront davantage opprimés par l’absence de légitimation de leurs variétés du français à l’école,
alors que celles-ci sont déjà stigmatisées hors contexte scolaire (Auger, 2021). En effet, cette
stigmatisation renforce le sentiment d’illégitimité (ibid.). Accorder cette légitimité aux langues et
variétés semble alors d’autant plus pressant face à la précarité identitaire de ce public.

4. Synthèse – la nécessité de la prise en compte des répertoires langagiers

En premier lieu, ce chapitre s’est penché sur l’unilinguisme français et sur l’idéologie du
standard qui sont jusqu’aujourd’hui prédominants en France et plus précisément dans le système
scolaire français. Ainsi, les autres variétés, qu’elles soient diatopiques, diastratiques ou
diaphasiques sont généralement exclues de l’enseignement. Une variété du français de France
hexagonale a été choisie comme français standard et a été transmise à travers l’administration, les
médias et surtout l’école. En conséquence, dans ce mémoire, le terme « français standard » est
utilisé, puisqu’il s’agit de la variété du français à laquelle les pratiques langagières des EANA seront
comparées. Cet unilinguisme français a également des répercussions sur l’usage d’autres langues
dans l’enseignement aux EANA.

Ainsi, ce chapitre a aussi démontré que l’enseignement du français par intégration du


plurilinguisme est extrêmement important pour l’acquisition de compétences scolaires et
langagières par les EANA, mais que cette intégration reste tout de même en arrière-plan dans les
approches actuelles du FLSco. Cela est principalement lié aux « représentations du paysage
sociolinguistique des enfants allophones […] fondées sur une logique essentiellement monolingue »
(Castellotti, 2008 : 244). Ce manque de prise en compte du répertoire langagier des EANA est aussi
lié à d’autres facteurs décrits dans ce chapitre, tels que : les représentations des langues et des
variétés et le manque de formation des enseignants. Les recherches en didactique des langues
montrent toutefois que le refus de la prise en compte des langues des EANA par l’enseignant peut
être vécu comme un rejet des pratiques langagières. Accorder une place aux langues et aux cultures
des élèves au sein de la classe peut, au contraire, permettre de gagner la confiance des élèves et leur
permettre de comprendre que « leur(s) langue(s) est comme le français, dans le sens où elle(s)

52
réponde(nt) à un besoin de communication » (Thiam, 2014 : 180-181). Auger (2021 : 97) résume
très bien la situation actuelle :

« Malgré les travaux en didactique sur ces questions, afin de reconnaître les langues ou
variations du français pour coconstruire des apprentissages en français qui tiennent compte
de cette réalité, les représentations grèvent la mise en œuvre de ces recherches, tant dans
l’enseignement du français langue première, que seconde ou étrangère ».

Dans ce chapitre, j’ai aussi souligné l’importance particulière de la prise en compte des
répertoires linguistiques des EANA-AFS, puisque ce public est exposé à une grande précarité et vit
souvent une stigmatisation en raison de ses pratiques langagières (mais pas uniquement, puisqu’il
faut aussi évoquer les discriminations racistes que vivent ces élèves). Ce chapitre met donc en
lumière les éventuels enjeux de la prise en compte des variétés africaines du français en UPE2A.
Cummins (2012 : 44) résume bien ces enjeux :

« Groups that experience long-term educational underachievement tend to have experienced


material and symbolic violence at the hands of the dominant societal group over generations.
[…] in order to reverse this pattern of underachievement, educators, both individually and
collectively, must challenge the operation of coercive power relations in the classroom
interactions they orchestrate with minority or marginalized group students ».2

Le premier pas vers l’inversion de ces structures de pouvoir est alors la légitimation des pratiques
langagières des apprenants. Le prochain chapitre mettra en lumière les différentes approches
didactiques qui pourront être exploitées pour intégrer différentes variétés, mais aussi de façon plus
générale, différentes langues dans le contexte d’apprentissage.

2
Traduction personnelle : « Les groupes réalisant des performances scolaires insuffisantes à long terme sont
souvent ceux ayant vécu des violences physiques ou symboliques de la part du groupe social dominant au fil des
générations. […] afin d’inverser cette tendance de performance insuffisante, les éducateurs, autant individuellement
que conjointement, doivent remettre en question les fonctionnements des relations coercitives de pouvoir lors des
interactions qu’ils entretiennent avec les groupes d’apprenants marginalisés ou minoritaires au sein de la classe. »

53
Chapitre 6. Mettre en valeur les langues et les variétés, quelles approches ?

Ce dernier chapitre du cadre théorique est dédié au recensement des différentes approches de
mise en valeur et d’utilisation du plurilinguisme. Après avoir décrit le profil linguistique des EANA
et le contexte scolaire dans lequel ils se trouvent, il est important de se pencher sur la question du
« comment ? ». Pour cela, trois pistes didactiques vont être explorées : l’enseignement du français
en milieu créolophone (à présent EFMC), la didactique du plurilinguisme et l’interculturalité à
travers la littérature. Ce chapitre est particulièrement important pour l’analyse des séances
proposées dans la partie 3 (chapitre 8) de ce mémoire, puisque le projet se sert de ces trois approches
afin de mettre en valeur les variétés du français connues par les EANA-AFS.

1. Les créoles à l’école – une situation similaire ?

Les situations de FLS ne sont pas limitées aux anciennes colonies ou au contexte des migrants
en France. Elles s’appliquent aussi aux jeunes scolarisés dans les départements et régions d’outre-mer
(à présent DROM). En Martinique, en Guyane, en Guadeloupe, à la Réunion ou à Mayotte, de
nombreux Français sont scolarisés en français, alors que cette langue n’est pas leur langue maternelle
(Vigner, 2009). Dans tous les DROM, un créole est devenu la langue véhiculaire et vernaculaire de
la population (Véronique, 2021). Ces situations ressemblent alors à celles des EANA-AFS

1.1. Comparaison des situations dans les territoires d’outre-mer et celles du public-cible

Les créoles sont pour une grande partie de leurs traits linguistiques issus du français (Bellonie,
2012), ce qui est aussi le cas des variétés du français en Afrique. Quelles sont alors les différences
entre les créoles et les variétés ?

1.1.1. Une histoire commune, mais plus ancienne


Les créoles français ont émergé lors de l’expansion coloniale du 17ème et du 18ème siècle et sont
le résultat de la co-présence des langues des esclaves (surtout africains) et des colons français
(Véronique, 2021). Les créoles ont longtemps été perçus comme des « simplifications » du français
(ibid.). Ces représentations sont à présent rejetées, puisqu’elles sont considérées comme inadéquates
et comme des vestiges d’une instance linguistique racialiste et néocoloniale (ibid.). En réalité, tout
comme les variétés africaines du français, les créoles résultent de variations d’ordre phonologique,
morpho-syntaxique ou lexical. Le lexique des créoles réunionnais, par exemple, est issu à 80% du
français et la majorité a gardé le même sens dans les deux langues (Gaillat, 2014). Or, certains termes
ont développé des caractéristiques spécifiques d’ordre phonologique (prononciation différente, ajout
/ disparition de phonème), sémantique (spécialisation / généralisation du sens, changement de

54
référent) et morphosyntaxique (ibid.). Comme pour les variétés, on trouve donc des « faux amis »
et des différences de contenu sémantique (Bellonie, 2012 ; chapitre 4, section 2.2).

1.1.2. Une réelle prise en compte des créoles


De plus en plus, les créoles sont aujourd’hui, dans les DROM, intégrés au cursus scolaire
(Véronique, 2021) et donnent lieu à des didactiques adaptées telles que l’EFMC (Gaillat, 2014).
Cette didactique est intéressante dans la mesure où, comme démontré ci-dessus, les créoles et les
variétés du français en Afrique ont quelques points communs, mais ne pourra pas être appliquée
telle quelle. En effet, dans le contexte des DROM, les créoles constituent la langue véhiculaire
partagée par la majorité de la population en dehors de l’école (Véronique, 2021). Cela n'est pas le
cas pour les EANA-AFS dont les variétés du français n’ont ni une place attribuée dans le système
scolaire, ni à l’extérieur de l’école et qui, de plus, ne seront pas forcément les mêmes pour tous les
EANA-AFS en raison de l’hétérogénéité des classes. Même si ces situations ne sont pas identiques,
les fondements didactiques de l’EFMC sont intéressants pour la conception du projet sur les variétés.

1.2. Fondements didactiques de l’enseignement du français en milieu créolophone

Afin de comprendre en quoi l’EFMC peut être une approche didactique intéressante dans le
cadre de ce mémoire, il faut d’abord explorer ses buts et fondements didactiques. Bellonie (2012 :
113) définit l’objectif global de l’EFMC comme tel :

« La perspective didactique globale est une introduction de la notion de variation dans les
apprentissages et un enseignement s’appuyant sur les pratiques langagières des enfants à
partir des ressemblances et différences entre créoles et français ».

Pour cela, l’EFMC doit permettre aux élèves de développer une conscience linguistique et
identitaire positive des deux langues en présence (Gaillat, 2014). Par conscience linguistique,
j’entends « la faculté d’identifier les éléments qui composent son répertoire verbal ou celui des
personnes qui l’entourent comme appartenant à des ensembles différents » (Dabène, 1994 : 99).
C’est cette conscience qui permet aux locuteurs d’utiliser certaines formes plutôt que d’autres en
fonction des différentes situations de communication (ibid.). C’est aussi elle qui permettra aux
apprenants de « construire des corpus d’éléments lexicaux identifiés comme appartenant à telle ou
telle langue » (Gaillat, 2014 : 107), et par extension à telle ou telle variété. Cette distinction des
pratiques doit par la suite permettre aux apprenants de développer des compétences d’inférence
(ibid.). L’EFMC, les pratiques langagières et la variation jouent donc un rôle fondamental, afin
d’engendrer une approche comparative. Afin de vraiment permettre à l’élève de travailler ces
compétences, l’enseignant doit avoir des comportements encourageant ces pratiques.

55
Gaillat (2014) énonce six principes fondamentaux de l’EFMC que l’enseignant doit appliquer :
1) respecter l’objectif premier dans l’école : l’élève doit acquérir le français par la pratique et
l’imprégnation ; 2) respecter le créole et lui accorder une réelle place à l’école ; 3) prendre en
compte le contexte d’apprentissage et en développer une contextualisation didactique ; 4) prendre
en compte les représentations que l’élève a des langues ; 5) encourager une représentation positive
des langues en se basant sur les productions des élèves ; 6) proposer une approche qui permet la
distinction des variétés langagières produites par l’apprenant en favorisant une synergie entre elles.
Ces fondements encouragent donc l’enseignant à respecter les variétés et les langues connues par
l’apprenant, pour ainsi lui permettre de les distinguer tout en ayant une représentation positive de
ces dernières. Souhaitant acquérir un résultat similaire, cette approche peut donc apporter des pistes
didactiques à inclure dans le projet proposé aux EANA-AFS.

1.3. Pistes didactiques à exploiter

La recherche en EFMC s’est penchée sur deux types d’approches didactiques, à savoir la réelle
mise en place de séances de différenciation de code et le traitement de l’erreur.

1.3.1. La construction d’une séance type enseignement du français en milieu créolophone


Gaillat (2014) met en avant que les séances d’EFMC doivent suivre des buts précis, par
exemple : permettre aux apprenants de développer une conscience linguistique par rapport aux deux
codes ; valoriser les variétés propres aux régions dans le cadre d’une approche de type
interculturelle ; permettre aux apprenants d’éviter les confusions de sens qu’engendre la proximité
des deux codes ; donner aux élèves l’occasion de s’exprimer avec tout leur répertoire langagier ;
produire des énoncés en français incluant la variété locale de manière consciente. Pour atteindre ces
objectifs, Gaillat (ibid.) propose un déroulement précis de séquence comportant des activités : 1) de
prise de conscience de cette réalité plurilingue ; 2) d’identification avec constitution d’un corpus
qu’il est possible d’alimenter tout au long de la scolarité ; 3) de fixation (permettant d’intégrer le
sens du terme suivant le contexte linguistique) ; 4) de mobilisations à travers diverses productions ;
et finalement 5) de recherche. Pour ces dernières, Gaillat (ibid.) précise qu’elles sont intégrées plus
tard dans le processus d’apprentissage et qu’elles ne font pas tout de suite partie des séquences.
L’auteur souligne également que les activités doivent participer à la « distinction des codes, non en
termes de rapport hiérarchique, mais en termes de juxtaposition et de mise en lien » (ibid : 107).
Comme support de différenciation de code, il présente deux possibilités : faire usage de la littérature
jeunesse (section 3 de ce chapitre) ou rebondir sur les « erreurs » ou éléments langagiers rencontrés
en classe (ibid.). Ce dernier aspect est développé ci-dessous. Avant de l’aborder, je précise que

56
Gaillat (ibid.) met en avant l’importance d’aborder les mots ou expressions de façon non isolée et
de les traiter au sein d’un discours qui prend vie, c’est-à-dire en contexte langagier.

1.3.2. Enseignement du français en milieu créolophone et interactions didactiques


En effet, il est possible d’initier un travail sur la distinction des codes en rebondissant sur les
productions des élèves. Cet aspect peut être illustré par un exemple donné par Bellonie (2012). En
Martinique, un élève utilise l’expression créole « prendre sommeil » en contexte scolaire. Son
enseignant le reprend en corrigeant cette expression sans expliquer la différence entre les deux
formes. Bellonie (ibid.) avance alors que l’enseignant adopte une attitude « normative » face à la
variation, c’est-à-dire qu’il essaie de rapprocher l’apprenant de la « forme correcte », du « bon usage
de la langue » (Dabène, 1994 : 101). Bellonie (2012) postule qu’il serait plus intéressant de rebondir
sur cet usage en expliquant sa légitimité en dehors du contexte scolaire et de faire remarquer à
l’élève qu’il s’agit d’un calque depuis sa langue maternelle. L’auteur (ibid.) met donc en avant
l’importance de faire réfléchir l’élève à son utilisation de la langue en proposant une approche
comparative permettant à l’apprenant de remarquer les ressemblances et les différences entre le
créole et le français (ibid.). Ces deux approches permettant le développement de cette distinction
entre les pratiques langagières proposées dans l’EFMC semblent pertinentes pour aborder les
variétés du français. Cependant, il faut préciser que l’EFMC ne travaille qu’avec deux pratiques.
Or, dans le contexte de ce mémoire, les origines des élèves sont plus hétérogènes que dans l’EFMC.
Celle-ci ne peut donc pas être appliquée telle quelle, puisqu’en UPE2A il faudra prendre en compte
les différentes variétés des EANA-AFS, mais aussi les langues des EANA d’autres origines.

2. Aborder le plurilinguisme : les approches plurielles à l’école

Pour ouvrir cette section, je propose une définition didactique du plurilinguisme :

« le plurilinguisme ne renvoie pas forcément à la maitrise de plusieurs langues, mais se


définirait plutôt en termes de reconnaissance et d’acceptation des diverses langues dans
l’environnement social et de l’intérêt qu’il y aurait éventuellement à y recourir et / ou en faire
l’enseignement apprentissage » (Forlot, 2012 : 66).

En ce sens, les approches plurielles peuvent se définir à partir du Cadre de référence pour les
approches plurielles des langues et des cultures (à présent CARAP) comme « des approches
didactiques qui mettent en œuvre des activités d’enseignement-apprentissage qui impliquent à la
fois plusieurs (= plus d’une) variétés linguistiques et culturelles » (Candelier et. al., 2012 : 6). Dans
le cadre de cette recherche, je présenterai trois approches plurielles ayant pris une place importante
dans le projet présenté : l’éveil aux langues, l’approche comparative et l’approche interculturelle.

57
2.1. La conscientisation langagière par l’éveil aux langues – prise en compte de
l’hétérogénéité et reconnaissance des langues

Ce mémoire reprend le terme éveil aux langues tel qu’il est défini par Cuq (2003 : 92) :

« [l’éveil aux langues] est une démarche de mise en contact des élèves avec des langues
diverses, dans l’optique de favoriser chez eux une ouverture aux langues et à ceux qui les
parlent, de construire ou de consolider des stratégies de passage interlinguistique et de mieux
se préparer à apprendre une langue ».

Historiquement, l’éveil aux langues est rattaché aux approches de Language awareness développées
en Angleterre à partir des années 1970 (ibid.). Dans ce mémoire, cette approche est intéressante
puisqu’elle permet de prendre en compte l’hétérogénéité de la classe et de légitimer les langues de
l’apprenant en contexte scolaire. Contrairement à l’EFMC, l’éveil aux langues permet la prise en
compte de l’hétérogénéité de la classe, puisqu’il s’appuie sur des langues diverses. En effet,
Candelier (2007) met en avant ses avantages. Puisque, l’éveil aux langues permet de prendre en
compte toutes les langues en présence, il peut facilement s’appliquer à des classes linguistiquement
hétérogènes, et ce indépendamment du nombre de locuteurs des langues et du statut de ces dernières
(ibid.). Ainsi, toutes les langues connues par les apprenants peuvent être mises en avant, ce qui
permet une prise en compte complète de l’hétérogénéité. En faisant cela, l’éveil aux langues
reconnait, valorise et ainsi légitime les langues et aspects culturels, ce qui à son tour constitue une
étape vers la mise en œuvre d’un enseignement plurilingue plus systématique (ibid.).

Comme cela a été précisé au chapitre 4 (section 3.4), les apprenants dont les langues ou variétés
connues sont en « position basse » peuvent avoir une réticence à utiliser leur répertoire linguistique
en contexte scolaire. Cela est souvent le cas pour les élèves migrants, ce qui amène Cummins (2012)
à mettre en avant le rôle de valorisation des langues, cultures et identités des apprenants. Par le
simple fait d’autoriser l’utilisation des langues en classe et d’ainsi leur attribuer une réelle valeur,
l’enseignant permet à l’apprenant de percevoir son répertoire langagier comme un outil cognitif
(ibid.). Cette légitimation peut alors pallier la réticence de certains apprenants et leur permettre de
donner une place à leur connaissance antérieure en développant leur aptitude à observer, comparer
et analyser les langues (ibid. ; Colombel & Fillol 2012). Puisque l’éveil aux langues est applicable
peu importe le statut attribué aux différentes langues et variétés, il permet de « rendre visibles les
compétences plurilingues des élèves » et d’ainsi modifier les représentations et les attitudes des
enseignants face aux pratiques langagières des élèves (Colombel & Fillol 2012 : 87). Les séances
d’éveil aux langues peuvent alors avoir le même effet sur l’enseignant, qui en changeant sa
représentation peut s’ouvrir à la diversité et ainsi mettre en place des activités contrastives (ibid.).

58
2.2. Comparer les langues ? – les approches contrastives en contexte plurilingue

Dans le chapitre 5 (section 2.2.1), j’ai souligné que les répertoires langagiers des apprenants
peuvent être utilisés comme « ressource potentielle ». Cette affirmation se base sur le principe que
« l’appréhension d’une langue inconnue » s’effectue à travers « les catégories de la langue
première » (Beacco, 2015 : 50). La comparaison des langues et des variétés se base donc sur l’idée
que « le cerveau est capable de passer d’une langue à une autre, d’une norme à une autre » (Auger
& Pichon-Vorstman, 2021 : 65). Or, l’enseignant doit présenter des activités qui permettront aux
apprenants de comparer leurs langues et normes. Le but pour l’apprenant sera de comprendre ce qui
est attendu aux niveaux lexical, morphosyntaxique et phonologique selon les situations de
communication (ibid.) Des grammaires contrastives à cet effet existent, par exemple celles
élaborées dans le cadre du projet École et langues nationales en Afrique (à présent ELAN). Elles
sont cependant bilingues et ne permettent donc pas la prise en compte de toutes les langues présentes
en classe. Pour ce contexte précis, Auger (2005) a conçu l’approche « comparons nos langues ».

Auger & Pichon-Vorstman (2021) reprennent les étapes de l’approche « comparons nos
langues » publiée sur DVD par Auger en 2005. Cette approche s’organise en deux étapes principales
(ibid.). Dans la première étape, l’enseignant demande aux apprenants de traduire une phrase,
comportant le point de grammaire, de vocabulaire ou d’acte de parole qu’il souhaite faire travailler,
dans les langues connues par les apprenants. La deuxième étape consiste à mettre en perspective, à
comparer les langues qu’ils connaissent avec la langue de scolarisation. Ces activités renforcent les
capacités d’observation et d’analyse des apprenants. L’avantage de cette approche est qu’elle ne
nécessite pas de terminologie métalinguistique et que l’enseignant n’est pas obligé de maitriser les
langues des apprenants (ibid.). Les apprenants endossent le rôle d’expert pour leurs langues, alors
que l’enseignant détient l’expertise en français. Cela lui permet de proposer des activités au fur et à
mesure des difficultés qu’il remarque chez les apprenants (ibid.)

Cette approche s’applique également à l’enseignement du lexique. Il est tout à fait possible de
demander aux élèves de traduire les mots de français standard vers les langues présentes dans leur
répertoire langagier et de les inscrire au tableau (Gouaïch & Chnane-Davin, 2020). Le fait d’utiliser
une langue qu’ils maitrisent peut les encourager à la prise de parole (ibid.). Cette approche est aussi
envisageable avec le lexique des variétés. C’est d’ailleurs l’une des approches proposées par les
auteurs du Lexique du français au Sénégal (1979). Les auteurs souhaitaient sensibiliser les
enseignants sénégalais à l’écart entre leur propre usage et celui des Français (Dumont, 2019). Le
lexique était ainsi organisé de manière à donner le sens « sénégalais » et le sens « français » (ibid.).
Cette approche peut avoir un effet sécurisant sur l’élève, puisqu’elle le met en position d’expert,

59
que cela soit pour comprendre le fonctionnement de la langue ou simplement pour la partager
(Auger & Pichon-Vorstman, 2021). Si les approches décrites jusqu’à maintenant sont surtout
langagières, cela ne signifie aucunement que l’approche interculturelle est en arrière-plan.

2.3. L’approche interculturelle – l’incontournable des approches plurielles

Pourquoi une approche interculturelle est-elle indispensable ? Un cours de langue fait aussi
« découvrir le monde et comprendre le concept de citoyenneté » (Forlot, 2012 : 67). Or, pour cela
« les pratiques culturelles doivent être contextualisées et sortir des schémas stéréotypisants » (ibid.).
C’est ici que se trouve tout l’intérêt de l’approche interculturelle, qui comme l’indique son nom
invite à une rencontre et non à une simple cohabitation (Rispail, 2017). Pour cela, il est tout à fait
possible de céder la place des stéréotypes à des questions de diversité interculturelle, en veillant
bien sûr à ce que celles-ci aient du sens pour les jeunes apprenants (Forlot, 2012).

2.3.1. Définition d’une approche interculturelle


L’approche interculturelle est dans le CARAP définie comme reposant « sur des principes
didactiques préconisant l’appui sur des phénomènes relevant d’une ou plusieurs aire(s) culturelle(s)
pour en comprendre d’autres relevant d’une autre aire culturelle » (Candelier et. al., 2012 : 6). Les
cultures, tout comme les langues, sont soumises à des représentations, ainsi tout individu, élèves et
enseignants compris, ont des représentations de l’autre et de soi (Collès, 2006). Il est alors
indispensable de prendre connaissance de certains codes culturels propres à sa culture d’origine et
à la culture cible, afin d’éviter des possibles heurts lors de rencontre (ibid.). Dans une démarche
didactique, cela implique l’utilisation de la dissonance elle-même afin de « la réduire et parvenir à
un changement qui ne soit pas conflictuel pour le sujet, mais au contraire positif » (ibid. : 14). Afin
d’atteindre cela, le premier pas est de valoriser la culture et la langue de chacun afin de s’en servir
« comme outil de développement linguistique et vecteur de reconnaissance identitaire » (ibid. : 15).
Dans les classes hétérogènes, l’approche interculturelle est indispensable, puisqu’elle peut y être un
facteur de cohésion sociale (Rispail, 2017). Pour les EANA, l’interculturel peut également
permettre de se décentrer de la norme scolaire, ce qui est intéressant pour ce projet qui invite à la
conscience de plusieurs normes linguistiques (Fleuret & Auger 2021). La question se pose alors de
la façon dont il est possible de mêler l’aspect culturel et linguistique.

2.3.2. Comment aborder l’interculturalité ?


Afin de mettre en œuvre une réelle approche interculturelle, Collès (2006) met en avant qu’il
faut s’éloigner de l’enseignement d’un savoir culturel ou des descriptions de cultures. Il faut aborder
cette dimension par des questionnements sur les manifestations culturelles telles que les conventions

60
sociales ou encore les normes conversationnelles. Ainsi la langue est imprégnée par la culture,
puisqu’elle est une pratique sociale et un produit sociohistorique (Galisson, 1991). La langue est
donc à la fois véhicule, produit et producteur de culture et il ne faut donc pas artificiellement séparer
la langue et la culture (ibid.) Les aspects culturels imprègnent les différents comportements adoptés
en situation communicative et y sont donc observables (Collès, 2006 ; Rispail, 2017). Plus
précisément, deux approches de l’interculturel par les langues sont possibles : une approche par le
lexique et une approche par les implicites (Collès, 2006). Par le lexique, il est possible d’accéder à
la charge culturelle partagée des mots, mais aussi à des découpages différents de la réalité (Galisson,
1991). L’approche par l’implicite consiste elle à prévenir des malentendus qui « proviennent d’une
mauvaise interprétation des implicites contenus dans le message » (Collès, 2006 : 23). Ces deux
approches se complètent donc, puisqu’elles mettent d’un côté en avant les connotations associées
au lexique et de l’autre côté ceux du discours. Un autre moyen d’aborder l’interculturel est la
littérature (ibid.) qui, comme nous allons le voir dans la prochaine section, est également une porte
d’entrée pour le plurilinguisme.

3. Aborder l’interculturalité et le plurilinguisme par la littérature

Parmi les perspectives permettant de faciliter l’apprentissage par l’usage du répertoire langagier
des apprenants listées par Vigner (2009 : 45-48) se trouvent l’introduction d’œuvres d’expression
française d’autres horizons culturels et de films ou journaux télévisés des pays d’origine. Il explique
que l’introduction d’une représentation de la culture d’origine peut remédier aux sentiments de
rupture, de dissociation et de dévalorisation encouragés par un enseignement monolingue du
français (ibid.). Ces supports peuvent faciliter une « approche à la fois comparatiste et contrastive,
dans un traitement de nature interculturel » (ibid. : 48). Dans cette section, je décrirai donc les
différentes manières dont la littérature peut encourager les apprenants à avoir une approche
comparative et contrastive. Pour cela, les apports de la littérature en général seront mis en avant,
avant d’aborder les places respectives de la littérature francophone et de la littérature jeunesse dans
ce contexte.

3.1. Une représentation identitaire motivante permettant d’aborder l’interculturel

Gruca (2010) plaide pour octroyer une place plus grande à la littérature dans l’enseignement
des langues. D’après elle, la littérature permet de rencontrer l’autre, de se découvrir soi-même et de
construire un savoir-être aussi bien dans la langue-culture étrangère que maternelle. Collès (2006 :
15) rejoint ce raisonnement, en mettant en avant que « les textes littéraires constituent d’excellentes
passerelles entre les cultures puisqu’ils sont révélateurs privilégiés des visions du monde ». Gruca

61
(2010) précise l’importance d’un traitement pédagogique des textes littéraires permettant une
véritable prise en charge de l’interculturel. Celui-ci doit être fondé « sur la recherche de similitude,
sur des valeurs universelles […] et sur les caractéristiques propres à une culture » (ibid. : 77). Si
cette approche n’est pas mise en œuvre, « l’apprenant risque de projeter ses propres référents à partir
de son univers maternel » dû au possible manque de convergence avec sa culture d’origine et les
difficultés liées à l’aspect langagier (ibid.). L’approche interculturelle par la littérature permet alors
de provoquer des questionnements chez les élèves et d’ainsi les pousser à se décentrer (Chnane-
Davin & Cuq, 2021). Cet échange de points de vue peut alors permettre aux jeunes issus de
l’immigration de prendre leurs distances avec la culture d’origine, mais aussi de la réaborder de
manière positive (Collès, 1997). Finalement, pour Gruca (2010), la littérature francophone serait
particulièrement adaptée à la mise en place d’une pédagogie de l’interculturel, puisqu’elle permet
d’établir une entente entre la culture d’origine et l’expression francophone en littérature (ibid.).

3.2. La place de la littérature francophone – une ouverture sur le monde

L’utilisation de la littérature francophone pour un enseignement à la francophonie a été discutée


par Chnane-Davin & Cuq (2021). Cependant, la littérature francophone présente aussi l’avantage
d’aborder des cultures diverses à travers la langue française (ibid.). La littérature d’Afrique
francophone joue alors un rôle crucial dans le contexte de ce mémoire. Cette littérature, produite
par des auteurs africains, permet de raconter « l’Afrique de l’intérieur » (ibid. : 157). Pour les
EANA-AFS, la littérature francophone joue encore un tout autre rôle. En effet, celle-ci donne accès
à leur culture d’origine et met en plus en scène des variétés du français de leur pays d’origine. Thiam
(2014) montre d’ailleurs qu’en contexte scolaire africain, c’est la littérature francophone africaine
qui intéresse le plus les élèves. Il attribue cela au fait que cette littérature véhicule des valeurs
auxquelles ils s’associent et qu’elle est l’expression de leur culture. Par-dessus la valeur identitaire
que véhicule la littérature francophone, celle-ci permet également, par le biais de l’interculturalité,
un « accès démocratique à une langue française intercommunautaire » (Dumont, 2019 : 76). La
littérature francophone, faisant usage des différentes variétés du français, donne une légitimité et
une reconnaissance du droit d’exister à ces normes endogènes du français (ibid.). Après avoir
démontré l’utilité de la littérature francophone pour l’approche interculturelle, il est également
important d’aborder la littérature jeunesse.

3.3. La place de la littérature jeunesse – expression de la diversité en classe

Des projets de recherche sur l’utilisation de la littérature jeunesse pour exprimer la diversité de
la classe existent (Auger, 2020). Ces derniers mettent en avant que la multitude des formats et des

62
contenus de la littérature jeunesse permet de représenter la diversité réelle des classes (ibid.),
puisqu’elle rejoint les répertoires linguistiques des apprenants et peut même faire écho à leurs
histoires de vie (Fleuret & Sabatier, 2019). La littérature jeunesse, qu’elle soit sous forme d’album,
de bande dessinée ou de roman, est souvent illustrée et relie donc « concrètement les plans
graphiques et visuels pour une meilleure compréhension de la narration » (Auger, 2020 : 177). Ces
illustrations ont alors également une certaine valeur esthétique qui permet de faire écho aux vécus
des élèves (ibid.). Cette valorisation visuelle des expériences des apprenants permet de s’inscrire
plus amplement dans une démarche interculturelle et d’ainsi créer « des liens entre les élèves de la
classe et l’enseignant grâce à la reconnaissance des spécificités de chacun » (Auger, 2020 : 177).
Fleuret et Auger (2021) mettent alors en avant que la littérature jeunesse peut aussi amorcer un
travail sur les savoirs langagiers, ce qui va d’ailleurs être mis en pratique dans le projet présenté.

4. Synthèse – les approches à retenir

Cette dernière partie, plus didactique que les précédentes, a mis en avant les différentes
approches permettant d’intégrer les langues, mais aussi les cultures des apprenants au contexte
scolaire. Les différentes approches évoquées sont importantes dans le contexte de ce mémoire pour
différentes raisons. L’EFMC permet de réellement prendre en compte les variétés du français par
des approches de valorisation et de différenciation des pratiques langagières. Les approches
plurielles, que ce soit l’éveil aux langues ou l’approche « comparons nos langues », permettent de
prendre en compte l’hétérogénéité du public d’EANA, tout en développant leurs compétences
d’observation et d’analyse. Finalement, l’approche interculturelle permet d’aborder les aspects
culturels du langage, mais aussi de sécuriser l’apprenant et de favoriser son développement
identitaire. Tous les aspects énumérés ci-dessus sont des éléments clés pour le développement des
EANA. Ainsi, comme le dirait Cummins (2012) à propos de l’éveil aux langues, je pense que les
approches permettant l’intégration des langues, des variétés et des cultures des élèves représentent
des stratégies d’enseignement efficaces pour tous les apprenants, mais en particulier pour les EANA
et les autres élèves en situation de précarité. Finalement, ce chapitre m’a aussi permis de mettre en
lumière les avantages que peut avoir la littérature francophone, et en particulier la littérature
jeunesse, pour aborder ces questions de diversité, qu’elles soient d’ordre langagier ou culturel.

Toutes ces pistes sont d’une importance cruciale dans la prochaine partie du mémoire qui vise
l’analyse du projet portant sur les variétés africaines du français conçu et mis en place dans une
classe d’UPE2A-NSA

63
Partie 3
-
Analyse et traitement des données :
les résultats de la recherche-action et
leurs apports au projet sur les variétés
africaines du français

64
Cette dernière partie est consacrée à l’analyse du projet sur les variétés africaines du français
face à un public d’EANA-AFS en UPE2A-NSA. Elle suivra les étapes de la méthodologie de
recherche-action décrite dans le chapitre 3 (section 2). Le premier chapitre est consacré à l’élaboration
du plan d’action, j’y expliquerai comment les données récoltées ont permis de mieux cerner les
enjeux d’un tel projet. Le deuxième chapitre analysera précisément le projet créé, en décrivant le
support et les contenus sélectionnés, ainsi que les approches adoptées pour atteindre les objectifs
formulés. Le dernier chapitre évaluera le projet grâce aux retours faits par les élèves et l’enseignante
et aux observations effectuées lors de la mise en place du projet dans la classe d’UPE2A-NSA. Cette
approche permettra de faire un bilan réflexif sur mes choix didactiques et sur les approches choisies.

Chapitre 7. Les enjeux du projet : état des lieux des besoins et pratiques en unité
pédagogique pour élèves allophones accueillant le public-cible

Ce chapitre décrit comment les réalités du terrain ont influencé la conception du projet, puisque
les données récoltées ont permis d’en cerner plus précisément les enjeux. Il abordera le rapport que les
enseignants entretiennent avec ces variétés, puis je soulignerai les difficultés des EANA-AFS déclarées
par les enseignants et les élèves eux-mêmes, pour finalement discuter la place accordée aux pratiques
plurilingues en classe. Afin de faciliter la lecture du chapitre, je propose un récapitulatif des enseignants
interrogés ou observés dans le cadre du projet (tableau 3, p. 65 ; chapitre 3, section 2.2). Pour garantir
leur anonymat, je leur attribue une appellation composée d’un « E » et d’un chiffre représentant
l’ordre dans lequel j’ai obtenu leurs réponses ou me suis entretenue avec eux. E10 est l’enseignante
de la classe d’UPE2A-NSA dans laquelle le projet a été mis en place (chapitre 2, section 3).

Tableau 3 : les enseignants interrogés dans le cadre du projet


E1 E2 E3 E4 E5 E6 E7 E8 E9 E10
réponses au questionnaire x x x x x x x x
échanges informels x x x x
observations de classe x x

Pour compléter ces données, j’ai conduit des entretiens avec des EANA-AFS. Il s’agit d’entretiens
semi-directifs individuels (annexe 3, p 34) et d’un focus groupe (annexe 4, p. 55 ; chapitre 3, section
2.2). Les profils des apprenants de l’UPE2A-NSA ayant participé aux focus groupe se trouvent au
chapitre 2 (section 3.1) et ceux des EANA-AFS interrogés lors d’entretiens individuels sont présentés
dans le tableau 4 (p. 66). Parmi ces EANA-AFS, certains se trouvent actuellement dans le dispositif
UPE2A, d’autres l’ont déjà quitté (chapitre 3, section 2.2.3). Ces informations permettent d’aborder
différents aspects ayant émergé du recueil de données et pris en compte lors de l’élaboration du projet.

65
Tableau 4 : Profils des EANA-AFS interrogés

Prénoms 3 Pays Informations supplémentaires 4


Francis Côte Ancien EANA-AFS, partiellement scolarisé antérieurement (école franco-arabe),
d’Ivoire il indique parler une variété du français à la maison. Sa langue maternelle est le
mandingue, mais il indique parler encore 6 autres langues ivoiriennes et l’arabe.
Mamoudou Côte Ancien EANA-AFS, NSA, il parle bambara, mandingue, soninké et français. Il
d’Ivoire a grandi à Abidjan, il ne parlait pas français dans sa famille, mais il utilisait le
français au quotidien.
Lassa Mali Ancien EANA-AFS, il a été à l’école maternelle franco-arabe pendant 2 ans. Il
dit avoir été en contact avec le français au Mali, mais ne pas bien savoir parler.
Ses langues sont le bambara, le soninké et un peu l’arabe.
Mohamed Mali Ancien EANA-AFS, il était à l’école primaire française pendant un an. Sa langue
maternelle est le soninké, mais il parle aussi bambara. Il indique uniquement
connaître quelques mots en français avant son arrivée, mais avoir entendu le
français dans différents médias.
Adama Mali EANA-AFS, NSA. Il vient d’une zone rurale du Mali. Il dit avoir entendu du
français dans les médias, mais ne pas savoir parler avant son arrivée en France.
Sa langue maternelle est le bambara.
Bakary Mali EANA-AFS, NSA. Il parle soninké et bambara et connaissait déjà quelques mots
de français au Mali.
Alpha Guinée EANA-AFS, NSA. Sa langue maternelle est le pulaar, mais il indique aussi parler
sénégalais, italien et arabe. Il indique parler un tout petit peu français en Guinée.

1. L’unanimité des enseignants face à la variété : utile, mais en arrière-plan

Cette section analyse le rapport des enseignants à la variété. Elle se base sur le questionnaire,
les observations de classe et les échanges informels avec les enseignants. Dans les réponses au
questionnaire (annexe 1, p. 5) et lors des échanges informels (annexe 2, p. 31), je constate que les
enseignants s’intéressent à ces variétés, mais qu’ils ne semblent pas l’aborder en classe.

1.1. Un intérêt partagé pour la variété

Tous les enseignants interrogés par le biais du questionnaire indiquent qu’ils trouvent utile
d’aborder les variétés connues par les élèves en classe (annexe 1, p. 5). Certains d’entre eux souhaitent
les utiliser pour former les élèves à distinguer les variétés. Selon eux, cela permettrait de s’appuyer
sur les acquis des EANA-AFS (E1, E4, E5), de valoriser ces pratiques (E4, E8) et de les sensibiliser
aux différences (E4, E7, E8). Une enseignante (E6) pense qu’il est intéressant d’aborder ce thème
lors d’une séance sur la francophonie. De plus, tous les enseignants citent des variations qu’ils ont

3
Les prénoms ont tous été modifiés afin de préserver l’anonymat des élèves.
4
Les langues indiquées dans le tableau ont été reprises telles que nommées par les EANA-AFS.

66
perçues dans le français des EANA-AFS. Cela montre qu’ils y sont attentifs. Or, aucun enseignant
ne semble intégrer les variétés à leurs cours. D’ailleurs, seulement deux enseignants (E1 et E10)
(annexe 1, p. 5 et 2, p. 34) ont explicitement souhaité obtenir des trames de séances sur les variétés
africaines du français. Cela peut être lié au fait que les enseignants voient globalement les variétés
comme une source de difficulté pour l’apprentissage du FLSco. Cet aspect est discuté ci-dessous.

1.2. L’absence de la prise en compte de la variété

Même si la question n’a pas été directement posée, aucun enseignant ayant répondu au
questionnaire n’indique aborder les variétés du français en cours. Dans les échanges informels avec
les enseignants (annexe 2, p. 31), cette hypothèse est confirmée : E1, E7, E9 et E10 indiquent tous
ne pas prendre en compte les variétés du français dans leurs cours. Ces pratiques déclarées des
enseignants sont en quelque sorte appuyées par les observations. En effet, dans la séance observée
d’E9, ni les apprenants, ni l’enseignante n’utilisent des variations (annexe 5, p. 69). Lors de la
séance observée dans la classe de E10, les élèves utilisent plusieurs expressions issues des variétés.
Je citerai deux exemples notés dans le carnet de bord (ibid.) : Wilfried utilise l’expression « le
troisième mois » pour le mois de mars et Manuella utilise « la vieille » au lieu de « personne âgée ».
Pour ce deuxième exemple, il est important de préciser que le mot « vieille » est connoté
positivement en français ivoirien. Dans les deux cas, E10 a corrigé la formulation de l’élève, elle a
donc traité ces cas d’utilisation de la variété comme des erreurs et a ainsi endossé une attitude
normative (chapitre 6, section 1.3.2). Le traitement des variétés comme des « fautes de français »
semble assez récurent, puisque, comme évoqué au chapitre 3 (section 2.1), les tutrices du stage
avaient soulevé que les structures syntaxiques ou le lexique issus des variétés étaient généralement
perçus comme des erreurs. Cela est appuyé par cette observation, mais aussi par certaines réponses
données dans le questionnaire. Ainsi, E5 souligne cet aspect en faisant allusion aux variétés :

« la difficulté que nous avons à corriger les erreurs langagières qu'ils ont mémorisées et qu'ils
pensent être la bonne formulation (le moi au lieu du je par exemple !) » (annexe 1, p. 5)

Cet extrait met en lumière cette vision de la variété en tant qu’« erreur ». Cette représentation est sans
doute influencée par l’idéologie du standard régnant en France, ainsi qu’à la stigmatisation générale
des variétés du français d’Afrique (chapitre 5, sections 1.1 et 3.2). Un des enjeux du projet sur les
variétés africaines du français sera alors de changer les attitudes des enseignants envers les variétés,
afin de leur permettre de les voir comme une ressource pour les apprenants. Ces représentations ne
sont cependant pas les seules raisons de cette absence de prise en compte des variétés.

67
1.3. Les craintes exprimées par les enseignants – des facteurs à considérer

Certains enseignants ont exprimé des craintes face à l’utilisation des variétés en classe. En effet,
dans le questionnaire, E2 affirme penser qu’aborder ce sujet risque de mettre « en exergue certains
élèves francophones au détriment des autres élèves non francophones et non africains » (annexe 1,
p. 5). Cette crainte est justifiée, puisque les EANA ont des origines très diverses, cela peut notamment
s’observer dans les réponses au questionnaire, mais aussi dans le tableau 1 (p. 23) montrant les
origines des élèves de la classe UPE2A-NSA participant au projet. Au facteur d’hétérogénéité des
origines s’ajoute également le facteur d’hétérogénéité dans les compétences en français et dans la
socialisation avec cette langue (chapitre 4, section 1.3, tableaux 2, p. 24 et 4, p. 66). Il se peut que
certains EANA-AFS ne s’identifient pas ou ne connaissent tout simplement pas les variétés utilisées
dans leur pays / région. Il est donc indispensable de trouver une façon d’inclure tous les élèves au
projet. De plus, un enseignant (E3) met en avant son manque de connaissances sur le sujet, cette
dimension est à prendre en compte, puisque le projet se veut accessible à un grand nombre
d’enseignants. Ces craintes permettent de formuler d’autres enjeux : le projet doit garantir
l’inclusion de tous les élèves de la classe et de l’enseignant. Avant de passer à la prochaine section
qui présentera les difficultés des EANA-AFS à prendre en compte lors de la conception du projet,
je tiens à préciser que les observations de classe et les discours des enseignants analysés ne
permettent pas de généraliser ces enjeux. Il serait intéressant de faire une étude plus concrète sur
les pratiques déclarées et les attitudes en classe face aux variétés. Ceci nécessiterait un questionnaire
plus orienté vers cet aspect, ainsi que des observations de classe plus nombreuses et plus variées.

2. Le rapport au FLSco des élèves – perceptions d’enseignants et d’élèves

Deux types de difficultés ont été identifiés comme dominants dans le discours des enseignants.
Tous remarquent une difficulté face à l’écrit et une majorité nomme l’influence des variétés. Plusieurs
enseignants indiquent que la culture scolaire peut aussi être source de difficultés, cet aspect ne sera
toutefois pas abordé, puisqu’il a été traité par un autre outil de la mallette pédagogique (chapitre 2,
section 2.1). Cette section se penchera sur les difficultés des élèves en présentant les perspectives
des enseignants et des EANA-AFS, puis abordera les représentations qu’ont les EANA-AFS des
variétés, puisque celles-ci peuvent influencer leurs attitudes d’apprentissage.

2.1. Le rapport à l’écrit

Tous les enseignants ayant répondu au questionnaire ont remarqué des difficultés des EANA-
AFS face à l’écrit. Cela se dessine dans le décalage entre le niveau à l’oral et le niveau à l’écrit
renseigné par chaque enseignant, mais aussi dans leur discours. E1 parle d’un sentiment « unanime

68
de difficulté face à l’écrit » (annexe 1, p. 5). Si cette difficulté semble logique quand il s’agit d’EANA-
AFS NSA, comme souligné par E5 qui indique que « tous ont des difficultés à rédiger, car ils n’ont
pas été scolarisés dans leurs pays », elle apparaît aussi pour ceux scolarisés antérieurement :

« à l'oral ils communiquent en français, mais ils sont vite en difficulté, car l'écrit est
omniprésent dans le système scolaire français » (E3, annexe 1, p. 5).

« pour ceux qui n'ont jamais été à l'école : écrire et lire. pour ceux qui ont été à l'école : la
compréhension fine écrite » (E4, annexe 1, p. 5)

Certains EANA-AFS signalent aussi cette difficulté. Mamoudou, Adama et Mohamed indiquent
avoir du mal à l’écrit, surtout pour les productions libres (annexe 3, p. 34). Dans la classe d’UPE2A-
NSA, seul Issiaka affirme avoir du mal à l’écrit, mais presque tous indiquent vouloir s’entrainer à
l’écrit. De plus, lors des observations de classe (annexe 5, p. 69), j’ai observé un certain blocage
des apprenants face aux productions écrites libres. Le rapport à l’écrit de ces élèves ne sera pas
longuement discuté dans ce mémoire, Delebarre (2022b) explore ce sujet en profondeur dans sa
thèse. Je préciserai néanmoins que dans cette analyse, les difficultés semblent surtout être liées aux
productions écrites libres (voir ci-dessus), mais également au fait que les apprenants ne sont pas
forcément investis dans l’apprentissage de la lecture. En effet, E9 précise que certains élèves ne
voient pas l’intérêt des exercices proposés (annexe 2, p. 31), alors que E6 et E8 notent que les
supports d’alphabétisation ne sont ni adaptés à l’âge, ni aux capacités réflexives des apprenants
(annexe 1, p. 5). Un des enjeux du projet est alors de contourner ces difficultés pour permettre aux
élèves de se concentrer sur les variétés qui sont au cœur des séances proposées.

2.2. La conscience linguistique des élèves par rapport aux variétés

La section précédente (chapitre 7, section 1.2) a mis en lumière que l’influence des variétés est
perçue comme une source de difficultés. Ici, je présente les types de difficultés engendrées. La
majorité des enseignants (E1, E3, E4, E5) précisent que les différences entre le français connu par
les apprenants et le français de l’école induisent des « incompréhensions », « quiproquos » ou
« amalgames » (annexe 1, p. 5). Deux enseignants (E1 et E5) font aussi part de leurs difficultés à
remédier aux mélanges des variétés africaines du français avec le français standard. Ainsi E1 observe :

« ils sont parfois conscients de ces écarts par rapport à la norme métropolitaine du français,
mais ils savent aussi en voir la limite. je veux dire qu'ils s'approchent de la norme, mais dès
qu'ils constatent l'intercompréhension, il est long et laborieux d'aller au delà » (annexe 1, p. 5)

E5 met lui en avant que la « fossilisation de ces erreurs est difficile à corriger » et précise que les
apprenants pensent qu’il s’agit de « la bonne formulation » (ibid.). En général, les enseignants

69
semblent percevoir divers niveaux de conscience linguistique chez les EANA-AFS. E3 et E5
précisent que les EANA-AFS qu’ils accueillent ont différents niveaux de conscience linguistique.
Un autre enseignant (E2) affirme que les élèves n’en ont pas du tout développé. Ces exemples
montrent que les apprenants ne sont pas tous conscients de la coprésence des variétés du français.

Les observations des enseignants coïncident avec le discours des EANA-AFS interrogés. Ainsi,
certains élèves, dont Manuella, Francis, Ismael, Lassa, Mamoudou et Alpha sont conscients des
différences entre le français standard et les variétés de leur pays. D’autres le sont moins, c’est
notamment le cas d’Amadou et Mohammed. Dans les annexes 3 (p. 34) et 4 (p. 55), les passages
permettant ces affirmations sont surlignés en vert. Que leur conscience linguistique à propos des
variétés soit développée ou non, beaucoup d’EANA-AFS utilisent inconsciemment les variétés.
Ainsi, lors de l’entretien, Francis utilise « entendre » comme synonyme parfait de « comprendre ».
Ismael et Wilfried utilisent « ramasser » comme synonyme de « s’approprier ». Mamoudou et
Wilfried disent respectivement « cinquième mois » et « troisième mois » pour signifier « mai » et
« mars ». Durant le projet, Amadou utilise également le mot « palabre » pour « ragot ». Ce dernier
exemple est particulièrement intéressant, puisqu’Amadou a annoncé qu’il n’y a pas de variété du
français en Guinée. Tous les mots cités sont recensés comme particularités lexicales, soit par le
Dictionnaire des francophones, soit par Le lexique français de Côte d’Ivoire et surlignés en rouge
dans les annexes 3 (p. 31), 4 (p. 55), 5 (p. 69) et 8 (p. 101). Ce lexique issu des variétés montre que
les apprenants ne sont pas complètement conscients de la distinction entre ces dernières. E10
indique aussi que les EANA-AFS ont des difficultés avec le vouvoiement. Cet aspect est intéressant
puisque les apprenants indiquent que cette difficulté est issue des différences entre les variétés. Ce
point sera davantage discuté au chapitre 8 (section 2.3), puisqu’il constitue l’un des objectifs du
projet. Ces observations mettent en évidence le besoin de travailler la conscience linguistique qui
est, dans une certaine mesure, le fruit des représentations des élèves par rapport aux variétés.

2.3. Les représentations des élèves face aux variétés du français

2.3.1. Les représentations négatives et l’insécurité linguistique


Lors des divers entretiens avec les EANA-AFS, j’ai remarqué de nombreuses dévalorisations
des variétés africaines. Les représentations négatives des EANA-AFS face aux variétés sont
marquées en bleu dans les annexes 3 (p. 34) et 4 (p. 55). Mamoudou déclare par exemple qu’il
trouve que « le français de France c’est mieux » (annexe 3, p. 34). Lors du focus groupe avec la
classe d’UPE2A-NSA, les élèves ivoiriens ont aussi exprimé qu’ils trouvent que leur français n’est
pas au même niveau que les français des autres pays africains. Je cite ici Ismael :

70
« Guinée aussi c’est plus fort que la Côte d’Ivoire + Mali pareil + en Côte d’Ivoire le français
c’est trop bas + parce que nous + les mots nouchi + les mots nouchi » (annexe 4, p. 55).

Cette déclaration d’Ismael est largement approuvée par les autres élèves ivoiriens présents. Il est
cependant clair qu’Ismael et les autres élèves ivoiriens conçoivent les niveaux de français en
fonction de la distance avec le français standard. Cette auto-dévaluation de leur variété du français
peut donc être considérée comme une forme d’insécurité linguistique (chapitre 4, section 3.4). Cela
se remarque aussi chez d’autres EANA-AFS. Lors des entretiens semi-directifs (annexe 3, p. 34),
Bakary, Adama, Mohamed et Alpha montrent une attitude négative envers les variétés. Tous disent
qu’ils trouvent « mauvais » quand le français est mélangé à d’autres langues, ce qu’ils mettent en
lien avec les variétés de leur pays. Les rapports diglossiques (chapitre 4, section 3) ont donc en effet
une influence sur leurs représentations, même si celles-ci peuvent aussi être positives.

2.3.2. Les représentations et attitudes positives face à la variété


Je considère ici comme représentation positive la légitimité que certains élèves accordent à leur
variété. Cela se remarque par exemple chez Ismaël qui compte le nouchi parmi les langues qu’il
parle, chez Manuella qui dit que le nouchi « c’est français » ou même chez Wilfried qui déclare être
francophone (annexe 4, p. 55). Bien qu’ils dévalorisent leur variété du français, ils lui attribuent une
certaine légitimité. De plus, Lassa, un ancien EANA-AFS originaire du Mali, déclare que c’est
« cool » de mélanger le français à d’autres langues au Mali (annexe 3, p. 34). Ces représentations
positives se voient également dans les attitudes de certains EANA-AFS. Ainsi, Francis, Mamoudou
et Ismael mettent en avant leur connaissance du nouchi et en parlent de manière enthousiaste. Ces
représentations et attitudes positives (surlignées en rose dans les annexes 3, p. 34 et 4, p. 55) montrent
que les variétés peuvent être utilisées comme source de motivation, mais aussi comme outil de la
construction identitaire. Néanmoins, étant données les représentations négatives, il semble nécessaire
de faire une valorisation des variétés en classe avant de pouvoir les utiliser comme ressource pour
l’apprentissage (chapitre 5, section 2.3). Cette valorisation est alors un enjeu primaire du projet et
peut être atteinte par l’utilisation d’approches plurielles (chapitre 6, section 2.1.). Il est donc
intéressant de se pencher sur la place accordée au plurilinguisme dans les classes d’UPE2A.

3. La place donnée aux langues des apprenants en classe

Cette section s’intéresse aux pratiques existantes pour intégrer les langues des apprenants au
contexte scolaire. J’analyserai d’abord la place donnée aux approches plurielles par les enseignants,
puis j’aborderai les perceptions que les apprenants ont de certaines pratiques plurilingues.

71
3.1. La place accordée par les enseignants

Seuls deux enseignants (E1 et E5) indiquent activement faire usage des langues des apprenants
pour faciliter l’apprentissage du français. Ainsi, E5 indique : « Je m'appuie toujours sur la langue
d'origine de mes élèves pour leur faire comprendre le français » (annexe 1, p. 5) et E1 explique utiliser
la grammaire contrastive pour donner de la place aux langues des apprenants (annexe 2, p. 31).
D’autres enseignants accordent moins de place à ces langues, mais mettent en place des activités
plurilingues. Ainsi, E9 a animé un atelier d’écriture plurilingue et E7 met à disposition des contes
en différentes langues (ibid.). Dans ces cas, les langues des apprenants ont une place à l’école. Il est
pourtant plus courant que ces langues soient utilisées seulement quand les enseignants demandent
aux apprenants de s’expliquer des notions entre eux. Lors des entretiens semi-directifs (annexe 3,
p. 34), tous les EANA-AFS sauf Alpha ont précisé qu’ils utilisaient leur langue maternelle dans ce
but. Néanmoins, lors de l’échange informel, E9 précise que certains enseignants sont réticents à ces
pratiques (annexe 2, p. 31). Cette section confirme ce qui est souligné au chapitre 5 (3.1) et montre
que le plurilinguisme des élèves n’est pas beaucoup et surtout pas systématiquement pris en compte.
Cela est intéressant, puisque d’un autre côté E1, E4, E5 et E10 parlent de leur difficulté de faire
comprendre la structure du français et de l’impossibilité d’utiliser le métalangage (annexes 1, p. 5
et 2, p. 31). Or, dans le chapitre 6 (section 2.2), j’ai mis en avant les apports des approches plurielles
à ce sujet. Mettre en place un projet les utilisant pourrait encourager les enseignants à élargir la place
donnée à ces langues. Cela est d’autant plus important en raison des attitudes positives des EANA-
AFS envers l’utilisation de leurs langues maternelles qui sont abordées dans la prochaine section

3.2. Perception de l’utilisation des langues par les apprenants

Les EANA-AFS semblent apprécier la présence de leurs langues à l’école. Ainsi, Mamoudou
indique avoir participé à une activité d’écriture plurilingue qui lui a beaucoup plu. De même, tous
les EANA-AFS interrogés en entretien individuel à part Alpha ont indiqué aimer utiliser les langues
de leur répertoire pour communiquer avec leurs pairs (annexe 3, p. 34). De plus, dans leurs pratiques
d’apprentissage, plusieurs EANA-AFS affirment utiliser la traduction. C’est notamment le cas de
Mohamed, Mamadou, Lassa et Adama. Plusieurs élèves ont aussi l’air intéressés par une approche
comparative (Mamadou, Adama). Au contraire, d’autres ne semblent pas vouloir utiliser leur langue
maternelle en cours (Alpha et Amadou), puisqu’ils pensent qu’il est plus utile de communiquer
uniquement en français pour l’apprendre (annexe 3, p. 34 et 4, p. 55). Ces observations montrent
donc des attitudes majoritairement positives des élèves envers leurs langues. Les passages montrant
l’utilisation des langues des apprenants à l’école et leurs attitudes face aux pratiques comparatives
sont surlignés en jaune dans les annexes (ibid.). Néanmoins, je souhaite souligner l’attention

72
particulière à accorder à la manière d’introduire les pratiques comparatives. En effet, E10 avait
essayé de lancer spontanément une activité comparative lors du premier focus groupe (annexe 4, p.
…). J’ai alors remarqué des réactions négatives fortes des élèves, puisque ces derniers insistaient
fortement sur le fait que leurs langues fonctionnent exactement comme le français. Il se peut que
les élèves se soient sentis attaqués, comme si E10 et moi-même voulions impliquer que le français
est supérieur aux autres langues. Ainsi, la réaction d’Amadou à ma question visant une réflexion
sur la syntaxe dans différentes langues est : « on peut dire ça aussi + chacun peut dire ça » (ibid.).
Cette réponse indique qu’Amadou pense que j’insinuais qu’il n’est pas possible d’exprimer les
mêmes choses en français et dans leurs langues, alors que mon objectif était de montrer qu’ils
peuvent exprimer la même chose, mais pas de forcement de la même manière. Cet exemple montre
que même si les apprenants sont généralement ouverts aux pratiques plurilingues et enthousiastes
vis-à-vis de leurs langues, il faut faire attention à la façon dont ces notions sont abordées. Travailler
la compétence plurilingue doit donc se faire de manière à ne pas outrer les apprenants.

4. Synthèse – les enjeux du projet de mise en valeur des variétés

Ce chapitre a permis d’évoquer plusieurs enjeux du projet portant sur les variétés africaines du
français, je me permets de les synthétiser ici en les regroupant en trois points. Premièrement, ce
projet a pour enjeu de valoriser les variétés africaines du français et d’ainsi permettre aux apprenants
d’éveiller leur conscience linguistique et leurs compétences plurilingues. Cette hypothèse initiale
présentée au chapitre 3 (section 3) est appuyée par les données récoltées en amont de la conception.
Il a été démontré que les EANA-AFS ont une représentation ambigüe des variétés africaines du
français, d’un côté celles-ci peuvent être source de motivation, d’un autre côté les attitudes négatives
envers ces dernières sont très ancrées. Comme présenté au chapitre 4 (section 3.4) du cadre théorique,
il faudra donc réussir à valoriser ces variétés tout en donnant un sens à leur utilisation en classe pour
éviter d’engendrer d’autres attitudes négatives. Cet enjeu est renforcé par le fait que les apprenants
ont rarement été confrontés à la valorisation de leur répertoire linguistique, puisque leurs langues
sont rarement abordées par les enseignants. Ces élèves peuvent donc avoir un certain rejet envers
l’utilisation des langues et variétés en cours. L’objectif du projet est alors de permettre aux élèves
de voir les variétés et les langues de leur répertoire comme des ressources pour leur apprentissage.

Un deuxième enjeu est l’accessibilité de ce projet à tous les EANA. Il a été mis en avant dans
ce chapitre, ainsi que dans le contexte (chapitre 2, section 3.1) que les classes d’UPE2A sont rarement
homogènes. En effet, cela se constate dans la diversité des origines, des situations de scolarisation
antérieures et des niveaux en français. Il est alors important de concevoir un projet inclusif pour

73
tous les EANA. De plus, il faut prendre en compte les difficultés des élèves, pour ne pas proposer
un projet dont le contenu n’est pas accessible aux apprenants. Afin d’atteindre le premier objectif
présenté, il est donc indispensable de prendre en compte les spécificités du contexte et du public.

Le dernier enjeu présenté concerne les attitudes et représentations des enseignants. En effet, ce
chapitre a permis de confirmer les points présentés dans le cadre théorique : les enseignants ont
souvent une attitude normative et négative envers les variétés du français et les approches plurielles
restent en arrière-plan dans les pratiques déclarées. En utilisant des approches plurielles pour mettre
en avant leur utilité et en valorisant les pratiques langagières des apprenants, ce projet peut donc
permettre de faire évoluer les attitudes des enseignants face à la variété et au plurilinguisme en
général. Ces trois enjeux ont orienté toute l’étape de conception décrite dans le prochain chapitre et
l’évaluation du projet au chapitre 9 permettra de sonder si ces objectifs ont bien été atteints.

74
Chapitre 8. Conception d’un projet portant sur les variétés africaines du
français - description et analyse

Ce chapitre se concentrera sur la description du projet proposé. Pour rappel, le projet comprend
des trames pour quatre séances d’une heure et demie chacune sur la mise en valeur et l’utilisation
des variétés africaines du français avec des EANA-AFS. Il se base sur la BD Aya de Yopougon.
Dans les différentes sections, je mettrai en avant les choix ingénieriques qui ont été faits, en les
mettant en relation avec les enjeux énoncés dans le chapitre 7, ainsi qu’avec les aspects théoriques
soulevés dans la deuxième partie du mémoire. Ce chapitre fournit donc des éléments sur les moyens
à employer pour mettre en œuvre un tel projet. Pour répondre à cette partie de la problématique,
j’expliquerai en premier lieu le choix du support, puis des contenus pour finalement me concentrer
sur les différentes approches considérées pour la mise en valeur des variétés. La trame du projet
telle qu’elle a été soumise au CASNAV se trouve en annexe 6 (p. 71). Afin de parler des différentes
activités proposées, celles-ci sont numérotées de la manière suivante : S – le numéro de la séance –
A – le numéro de l’activité. Si je parle donc de S2A4, il s’agit de l’activité 4 de la séance 2.

1. Le choix du support : Aya de Yopougon – un choix évident

Les BD Aya de Yopougon ont été choisies pour plusieurs raisons. Elles ont été écrites par
Marguerite Abouet, auteure ivoirienne ayant grandi à Abidjan, et illustrées par Clément Oubrerie.
Comme évoqué dans la partie théorique (chapitre 6, section 3.2), je pense que la littérature francophone
représente une réelle ouverture vers l’approche interculturelle et plurilingue. De plus, quatre
enseignants interrogés ont demandé de la littérature francophone comme ressource (annexe 1, p. 5).
Avant de choisir Aya de Yopougon, j’ai considéré plusieurs options telles que les romans Petit
Piment de l’auteur congolais Alain Mabanckou et Temps de chien de l’auteur camerounais Patrice
Nganang, la BD Ch@peau noir du duo ivoirien-malagasy Nary et Rafally, ainsi que quelques contes
africains comme La belle histoire de Leuk le lièvre des auteurs sénégalais Léopold Sédar Senghor
et Abdoulaye Sadji. Le choix final d’utiliser Aya de Yopougon a été influencé par plusieurs facteurs.

1.1. Un thème motivant pour les apprenants

Le premier attrait de la BD est son sujet. Aya de Yopougon suit la vie quotidienne de plusieurs
adolescents dans un quartier populaire d’Abidjan : Yopougon. L’auteure raconte avec humour les
histoires de famille et de cœur des personnages. Dans un interview donné à Libération, l’auteure a
d’ailleurs mis en avant que « l’Afrique est en général représentée par la pauvreté, le sida, la guerre.
Cela occulte une autre réalité, celle de la vie quotidienne, celle d’une Afrique heureuse » (Roussel,

75
2009). C’est cette réalité qui me semblait intéressante pour aborder l’interculturalité avec les EANA-
AFS, afin de commencer le projet par une représentation positive des pays africains. Cela me
semblait d’autant plus important face à des MNA pour lesquels, comme précisée au chapitre 5
(section 3.3.2), la question de la recherche identitaire est primordiale. Le fait que les personnages
soient des adolescents âgés de 16 à 19 ans est également attrayant. En effet, plusieurs enseignants
ont évoqué le manque de ressources écrites adaptées à l’âge des apprenants. Ainsi, E6 a souhaité
avoir à disposition « des supports écrits adaptés au niveau des élèves qui prennent en compte leur
âge » et E8 note que les « thématiques des supports d’alphabétisation sont souvent en dessous de
leurs [les EANA-AFS] capacités réflexives » (annexe 1, p. 5). Ce support semble donc répondre à
ce besoin, puisqu’il s’inscrit dans la littérature jeunesse qui comporte aussi d’autres avantages.

1.2. Un support écrit, mais multimodal – un tremplin pour l’entrée dans l’écrit

1.2.1. Les apports de la bande dessinée face aux difficultés par rapport à l’écrit
Comme mis en avant dans le chapitre 6 (section 3.3), la littérature jeunesse et en particulier
l’association d’images et de graphies permettent une meilleure compréhension de la narration. La
BD me paraissait alors particulièrement adaptée pour son approche à l’écrit. En effet, dans le
chapitre 7 (section 2.1), j’ai présenté les difficultés du public EANA-AFS face à l’écrit. La BD
constitue alors une réelle aide que ce soit pour la compréhension ou la production écrite (Boutin,
2010). La structure même d’une planche de BD, ainsi que les textes souvent assez brefs sont de
réels facilitateurs pour les apprentis lecteurs-scripteurs (ibid.). Le but premier de ce projet n’étant
pas l’entrée dans l’écrit, mais la mise en valeur des variétés africaines du français, il était important
de proposer une littérature francophone accessible à ce public afin de ne pas les mettre en difficulté.
Les romans évoqués ci-dessus me semblaient alors moins accessibles. De plus, le support BD est
aussi particulièrement adapté pour instaurer une approche interculturelle.

1.2.2. Les avantages liés à la multimodalité du support


Dans le chapitre 6 (section 3.3) de ce mémoire, j’ai mis en avant les avantages de la littérature
jeunesse pour une approche interculturelle. Cela est notamment dû aux représentations visuelles qui
permettent de mettre en valeur le vécu des apprenants. La BD Aya de Yopougon semble alors
parfaite, puisqu’elle est constituée de nombreuses illustrations qui représentent justement le
quotidien des jeunes en Côte d’Ivoire. Ces illustrations permettront donc de développer plus
amplement une approche interculturelle. De plus, la BD a été adaptée en dessin animé en 2013 par
ses auteurs. Ceci permet d’alterner entre l’oral et l’écrit et donne la possibilité d’aborder les
particularités lexicales ou la variété en général par deux entrées distinctes. Ces raisons m’ont

76
amenée à choisir Aya de Yopougon plutôt que La belle histoire de Leuk le lièvre ou Ch@peau noir,
dont les thématiques représentent moins la vie quotidienne. De plus, par le choix de la variété
utilisée dans Aya de Yopougon l’auteure donne de la légitimité aux variétés ivoiriennes du français.

1.3. L’utilisation de la variété : légitimer les parlers des apprenants

Dans la BD Aya de Yopougon, l’auteure accorde une grande place à la variété du français en
Côte d’Ivoire et plus précisément au lexique. Cela peut tout simplement être illustré par le « Bonus
ivoirien » à la fin de chaque tome qui recense toutes les particularités lexicales présentes dans la
BD (illustration 1, p. 77). Cette approche rappelle en quelque sorte le Lexique du français au
Sénégal évoqué au chapitre 6 (section 2.2) et constitue une possibilité de création d’un lexique
comparatif des variétés. Ce lexique peut aussi avoir un effet rassurant sur les enseignants, puisqu’il
leur permet une certaine connaissance de la variété. De plus, grâce au caractère dialogal de la BD,
ce « lexique ivoirien » est introduit en discours, mais aussi en contexte langagier grâce aux images.
Comme cela a été abordé dans le chapitre 6 (section 1.3.1), ces facteurs sont importants afin de
permettre aux apprenants de distinguer les deux variétés. Or les illustrations positionnent de suite
les apprenants dans le contexte ivoirien et leur permettent ainsi une distinction immédiate.

Illustration 1 : Le Bonus ivoirien dans la BD Aya de Yopougon, Tome intégrale 1, p. 344-345

En plus de permettre cette distinction claire entre les variétés, la BD donne une légitimité au
français ivoirien. Montrer aux élèves que cette variété du français s’écrit, ainsi que le fait de l’aborder
au sein de la classe la rend légitime (chapitre 5, section 2.3). Cela permet donc de faire entrer la
variété dans un contexte dans lequel les élèves n’ont pas l’habitude de l’entendre et dans lequel ils

77
ne lui accordaient pas de place en raison de leur parcours linguistique (chapitre 4, section 3.2). Cette
valorisation, par le biais d’un support motivant, constitue donc le premier pas pour pallier
l’insécurité linguistique. De plus, le fait que l’auteure est ivoirienne rend légitime l’usage de la
variété et peut permettre de contourner le risque que l’utilisation de la variété par un locuteur
alloglotte soit vécue comme une moquerie (chapitre 4, section 3.4). Aya de Yopougon répond donc
à de nombreux besoins exprimés dans le chapitre précédent, notamment à la difficulté face à l’écrit
et à la valorisation des variétés. Une fois ce support sélectionné, il était indispensable de fixer les
objectifs précis du projet.

2. Le choix des contenus et des compétences travaillés – multiplicité des influences

Pour le projet proposé, il était important de définir quelles compétences travailler. Pour cela, je
me suis appuyée sur le support, sur la mission de mise en valeur de la variété et de conscientisation
linguistique et sur l’une des difficultés énoncées par les enseignants et les apprenants.

2.1. Travailler les codes discursifs de la BD – contrainte du support

La première compétence à travailler est celle de la convention de lecture de la BD. En effet, il


s’agit d’un support auquel les apprenants ne sont pas habitués. En l’occurrence, dans la classe
UPE2A-NSA, un seul apprenant (Amadou) connaissait le format BD (annexe 8, p. 101). Or, la
lecture d’une BD n’est pas intuitive, puisqu’il faut se familiariser avec le lien existant entre les
illustrations et l’écriture (Boutin, 2010). Au cours du projet, plusieurs moments d’appropriation des
conventions sont donc prévus. C’est notamment le cas pour S1A3 qui part de questionnements
généraux sur le format pour faire découvrir les différentes composantes de la BD (annexe 6, p. 71).
De petites révisions des conventions de lecture sont proposées tout au long du projet, notamment
lors de S2A2 ou de S3A4. Un des objectifs principaux sur les conventions de lecture de la BD était
de préciser le lien entre l’oral et l’écrit. Cet objectif est notamment travaillé avec les questions du
type : « que représentent les bulles ? », « est-ce que les bulles ont toutes la même forme ? »,
« pourquoi certaines lettres sont-elles écrites plusieurs fois ? » (S1A3 et S2A2, annexe 6, p. 71).
Toutes ces questions ont pour but de faire réaliser aux apprenants que l’écrit dans les bulles d’une
BD correspond à la parole des personnages et donc que ce qu’ils voient écrit est le langage oral. J’ai
essayé d’appuyer cette dimension en demandant aux élèves de lire les extraits en endossant un des
rôles, c’est le cas dans les activités S1A4, S2A2, S3A4 et S4A2 (annexe 6, p. 71). Cette lecture a
pour but de renforcer le caractère dialogal de la BD et de permettre aux apprenants de prendre plus
amplement conscience du fait qu’il s’agit d’un échange entre différents personnages. Les autres

78
objectifs d’apprentissage ont été influencés par les besoins exprimés par les enseignants et les
apprenants ou ceux que j’ai observés.

2.2. Travailler la conscience linguistique – l’aspect évident

En raison de la proximité entre les deux variétés que sont le français ivoirien et le français
standard, il me semblait indispensable de travailler la conscience linguistique. Le chapitre précédent
(chapitre 7, section 2.2) montre qu’en effet, les EANA-AFS ont différents niveaux de conscience
linguistique, ce qui engendre le mélange des deux variétés. L’objectif est alors d’éveiller la
conscience pour ces deux variétés. En effet, pour permettre la comparaison de ces deux pratiques,
les apprenants doivent d’abord en réaliser l’existence et prendre conscience de leur légitimité
respective. Ces observations ont renforcé l’idée d’aborder la variété en la mettant en valeur et en
mettant en place des activités permettant de travailler la conscience linguistique. L’approche choisie
pour travailler ces deux aspects est l’EFMC (chapitre 6, section 1). Celle-ci sera décrite plus en
détail dans la section 3.2 de ce chapitre.

2.3. Travailler les termes d’adresse et de politesse : la compétence sociolinguistique et


plurilingue – pour aller plus loin

Un élément supplémentaire émergeant de l’analyse des besoins est la nécessité de travailler la


compétence sociolinguistique des apprenants, surtout au niveau des marqueurs sociaux et règles de
politesse en vigueur dans le français standard. Cette difficulté est exprimée par les apprenants, mais
aussi par les enseignants. Du côté des apprenants, je cite le témoignage de Mamoudou :

« on mélange tout + comment s’adresser à une grande personne + comment s’adresser +++
déjà à une personne qu’on connait pas tu vois […] pour nous en Côte d’Ivoire grande
personne petite personne + nous on dit tout le monde tu » (annexe 3, p. 34).

Mamoudou met ici en avant que les règles de politesse ne sont pas les mêmes en français ivoirien
et en français standard. Cette conscience linguistique est associée à une représentation dévalorisante :
la phrase « on mélange tout » peut signifier que Mamoudou n’éprouve pas cette pratique comme
« juste ». Plusieurs élèves de la classe d’UPE2A-NSA (annexe 4, p. 55) ont évoqué avoir du mal à
différencier les situations dans lesquelles ils doivent utiliser « vous » de celles où il faut utiliser
« tu ». Ils affirment eux-mêmes que cela est lié au fait qu’en Côte d’Ivoire, le « vous » est
uniquement utilisé pour le pluriel (annexe 4, p. 55). Comme pour Mamoudou, on remarque que
cette façon de parler est connotée négativement. Ainsi Wilfried déclare : « ceux qui font l’école
quand même + il sait un peu plus respecter les gens », en insinuant que les jeunes ayant été à l’école
maîtrisent le vouvoiement. Les élèves ivoiriens soulignent ainsi leurs difficultés avec les termes

79
d’adresse en français standard. De plus, lors des interactions informelles avec leur enseignante (E10,
annexe 2, p. 31), celle-ci a aussi abordé les difficultés que les apprenants ont à utiliser le « vous » et
le « tu » dans le contexte approprié. Elle explique que certains élèves ont tutoyé leur patron ou les
clients durant les stages en entreprise et que cela peut engendrer de réels problèmes. Travailler cet
aspect sociolinguistique semble alors être l’accroche idéale pour éveiller la compétence plurilingue,
en montrant aux apprenants que les marqueurs de politesse peuvent être différents dans chaque
langue et chaque variété. La compétence plurilingue est alors travaillée en appui sur un réel besoin
d’apprentissage exprimé. Les approches utilisées pour aborder cet aspect, sont décrites ci-dessous.

3. Les approches choisies pour aborder la variété

Cette section est dédiée aux approches mises en œuvre pour atteindre une conscience
linguistique et une compétence plurilingue. Je présenterai d’abord l’enchainement et l’organisation
des séances, puis me pencherai spécifiquement sur les approches EFMC et plurielles.

3.1. L’enchainement des séances – une nécessité d’entrée en la matière douce

Pour travailler la conscience linguistique et les termes d’adresse, j’ai divisé le projet en deux
séquences, suivant chacune un objectif précis. La première séquence (composée des séances 1 et 2)
vise le développement de la compétence interculturelle et de la conscience linguistique, alors que
la deuxième (séances 3 et 4) vise une compétence sociolinguistique et plurilingue. Les deux
séquences sont clôturées par une tâche finale, comme décrite dans le CECRL, afin de rendre les
apprenants acteurs de leur apprentissage. J’expliquerai en premier lieu le choix de l’enchainement
de ces deux séquences.

3.1.1. Séquence 1 : les séances 1 et 2 - un éveil à la conscience linguistique


La première séquence a pour objectif la prise de conscience de l’existence de plusieurs variétés
du français. Ainsi, dans S1A5 (annexe 6, p. 71), lorsque les apprenants doivent expliquer sous quel
drapeau il faut placer les expressions « freshnie », « rouler en parisien » et « claclos », le but est la
prise de conscience de l’existence de deux variétés distinctes du français. Comme précisé dans le
chapitre 7 (section 2.2), les apprenants ivoiriens de la classe avaient déjà largement conscience de
l’existence de ces variétés différentes. Cependant, j’ai remarqué que des expressions non standards
se faufilent dans leurs productions. Cette conscience existe donc, mais nécessite un
approfondissement. Cette séquence sert donc au développement de cette conscience. Cette première
distinction entre les variétés permet également d’atteindre un autre objectif, qui me parait
indispensable face à ce public : il s’agit de créer une représentation positive de la variété.

80
En effet, développer des attitudes positives envers les variations linguistiques est un enjeu
principal de la séquence. Il est primordial de commencer par cette étape en raison des
représentations négatives prévalentes sur les variétés africaines du français (chapitre 5, section 3.2).
Après les entretiens avec les différents EANA-AFS, la remédiation aux représentations négatives a
été repérée comme l’un des principaux enjeux du projet (chapitre 7, section 2.3.1.), puisque comme
précisé au chapitre 4 (section 3.4), ces représentations, ainsi que les situations diglossiques dans
lesquelles ont évolué les EANA-AFS, peuvent engendrer des attitudes de rejet envers la variété.
Ainsi, la découverte de particularités lexicales du français ivoirien, porteuses d’une valeur
identitaire (chapitre 4, section 2.2), vise la légitimation de l’usage des variétés en contexte scolaire.
En palliant les représentations négatives, je souhaite exploiter l’aspect motivant des variétés, mis
en lumière par plusieurs EANA-AFS (chapitre 7, section 2.3.2) qui est intrinsèquement lié à la
valeur identitaire des variétés (chapitre 4, section 2.3.2). Ces séances sont prévues afin de
développer cette attitude positive, mais aussi de renforcer la conscience linguistique des apprenants.
Ces deux aspects sont des éléments clés pour que les élèves puissent considérer la variété comme
une ressource d’apprentissage (chapitre 5, section 2.3.).

3.1.2. Séquence 2 : les séances 3 et 4 - comparer les systèmes


La deuxième séquence poursuit également plusieurs objectifs. Elle vise principalement une
compétence sociolinguistique, puisqu’elle aborde les termes d’adresse dans le monde professionnel.
Pour traiter ce point, j’ai décidé d’utiliser la variété ivoirienne du français et les autres langues des
apprenants, afin de présenter les différentes formes de politesse qui existent dans les langues. Cet
aspect permet donc de travailler la compétence plurilingue. En analysant par exemple la scène entre
Hervé et son employeur (S3A3, annexe 6, p. 71), les élèves peuvent constater qu’il existe une forme
de politesse en français ivoirien qui consiste en l’appellation de « tonton » ou « tata ». Cet aspect
est important, puisque lors des entretiens, j’ai constaté que les EANA-AFS voient le manque de
vouvoiement dans les variétés comme un manque de forme de politesse en général (chapitre 8,
section 2.3). Or, en comparant les langues, les apprenants peuvent remarquer que la politesse
s’exprime différemment selon les langues. Développer cette observation est important, puisque cela
permet aux apprenants de prendre conscience de l’utilité de comparer les systèmes de différentes
langues à laquelle ils ne sont pas tous sensibilisés (chapitre 7, section 3.2.). Cette étape pourra les
encourager à faire usage de l’entièreté de leur répertoire linguistique pour apprendre le FLSco. Pour
atteindre ces divers objectifs, les séquences 1 et 2 s’inspirent largement de l’EFMC.

81
3.2. La structure des séquences – une approche issue de l’EFMC

Pour aborder la variété, l’approche sélectionnée est l’EFMC. Chacune des séquences intègre
alors des activités de prise de conscience de la réalité plurilingue, des activités d’identification avec
constitution d’un corpus, des activités de fixation (permettant d’intégrer le sens du terme suivant le
contexte linguistique) et des activités de mobilisation à travers diverses productions (chapitre 6,
section 1.3.1). Dans cette section, je présenterai la conception de ces activités. Il est important de
préciser que chaque séquence commence par une familiarisation avec le sujet et les personnages.
Les activités S1A2 et S3A1 (annexe 6, p. 71) en sont des exemples.

3.2.1. Activités de prises de conscience de la réalité plurilingue


Dans la première séquence, la prise de conscience d’une réalité plurilingue se fait avec le
premier extrait de BD (S1A5 ; annexe 6 p. 71). Cette activité permet de découvrir l’existence de
différentes variétés du français. Le contexte présenté dans la BD et l’activité autour des
significations du lexique ivoirien introduit permettent aux élèves de comprendre qu’il y a différents
français. Dans la deuxième séquence (séances 3 et 4), les activités de prise de conscience de la
réalité plurilingue sont S3A2 et S3A3 (ibid.). Ces activités autour des différents termes d’adresse
permettent aux apprenants de remarquer que la politesse ne s’exprime pas de la même manière selon
les langues ou les variétés (chapitre 8, section 3.1.2.). Comparer les variétés avec d’autres langues
permet alors de remarquer que la politesse peut être exprimée par une multitude de manières. Les
élèves prennent alors conscience des différents fonctionnements qu’une langue peut avoir. Suite à
ces activités de prise de conscience de la réalité plurilingue, les étapes d’identification et de
constitution de corpus ont lieu.

3.2.2. Activités d’identification et de constitution d’un corpus


Des activités d’identification et de constitution de corpus se trouvent dans les deux séquences.
Les activités d’identification sont en arrière-plan, mais sont notamment représentées par S2A2,
S3A4 et S4A2 (annexe 6, p. 71). S2A2 demande aux apprenants d’identifier une variation
phonologique à partir d’un questionnement sur la graphie du « r » (illustration 2, p. 83.), alors que
S3A4 et S4A2 proposent aux apprenants de repérer des variations dans les termes d’adresse. Ainsi,
S3A4 vise l’identification de la variété par une situation de malentendu (chapitre 6, section 2.3.2.).
En effet, la raison pour l’énervement de la dame dans l’extrait de BD présenté dans cette activité
est le fait que la politesse ne s’exprime pas de la même manière en français ivoirien qu’en français
standard. Les activités de constitution de corpus sont quant à elles omniprésentes dans le projet. Le
fait d’accrocher des feuilles de papier vierges en dessous de drapeaux représentant les pays d’origine

82
des EANA et la France pour y inscrire les traductions du lexique du français ivoirien dès S1A5 a
pour but de développer un lexique comparatif. Celui-ci est complété au fil des séances du projet,
mais peut également être alimenté tout au long de l’année. Ainsi, en affichant ces différenciations
en classe, l’enseignant pourra les utiliser lors d’activité corrective, comme cela est avancé par
Bellonie (2012, chapitre 6, section 1.3.2). Les deux séances sont ensuite clôturées par des activités
de mobilisation.

Illustration 2 : Extrait de la BD permettant l'identification de la variation phonologique,


S2A3, annexe 6, p. 71
3.2.3. Des activités de fixation et de mobilisation
Les activités de fixation et de mobilisation sont en grande partie couvertes par les tâches finales.
Les deux tâches proposées demandent aux élèves d’utiliser du lexique issu du français ivoirien. La
tâche finale de la séquence 1 (S2A4, annexe 6, p. 71) consiste en une production écrite créative. Les
apprenants sont amenés à remplir les bulles d’une BD en binôme. Puisque l’histoire se joue en Côte
d’Ivoire, les apprenants sont encouragés à utiliser du lexique du français ivoirien. Cette production
fait donc mobiliser cette variété aux apprenants. En annexe 7 (p. 99) se trouvent des exemples de
production des apprenants. Les mots de variété utilisés sont surlignés en bleu et jaune. La tâche
finale de la séquence 2 prévoit la création d’un dialogue qui met en scène les différences dans les
termes d’adresse et les malentendus que cela peut engendrer. Un des apprenants doit alors
représenter la variété ivoirienne (ou celle d’un autre pays francophone, dont la variété a été abordée
en cours), alors que l’autre représente le français standard. Cette différenciation permet de distinguer
les variétés, mais aussi les enjeux que cela représente d’utiliser la variété attendue dans une situation
particulière. Cette activité mobilise alors les deux variétés et en permet une réelle distinction. De
plus, cette tâche finale est également influencée par l’approche interculturelle, puisqu’elle permet
de mettre à profit une situation de malentendu et donc de sensibilisation à la culture de l'autre

83
(chapitre 6, 2.3.2.). S’agissant d’une activité créative, les apprenants d’autres origines peuvent
également s’imaginer comment se dialogue se déroulerait s’ils calquaient exactement les règles de
politesse de leurs langues. La structure de chaque séquence a donc été influencée par l’EFMC,
cependant les approches plurielles ont également eu un impact important sur les activités proposées.

3.3. L’influence des approches plurielles – suivre les grandes lignes de l’éveil aux langues,
de la comparaison et de l’approche interculturelle

Si je m’en étais tenue à l’approche EFMC, cela aurait minimisé les autres langues du répertoire
des apprenants. Or, comme abordé dans le chapitre 7 (section 1.3), les UPE2A sont hétérogènes
quant aux pays d’origine des apprenants, et donc de leurs langues maternelles. Cette hétérogénéité
se retrouve aussi à l’intérieur du groupe d’EANA-AFS, puisqu’ils ont divers niveaux de maîtrise du
français, différentes langues maternelles et sont originaires de pays différents (chapitre 4, section
1.3 et tableaux 2, p. 24 et 4, p. 66). Ce facteur a été pris en compte par les approches plurielles.

3.3.1. L’influence de l’éveil aux langues


Comme décrit dans le chapitre 6 (section 2.1), l’éveil aux langues permet la prise en compte de
toutes les langues, peu importe leur statut ou le nombre de locuteurs. Les activités influencées par
cette approche sont donc celles qui demandent aux élèves d’utiliser leurs langues. Il s’agit
notamment de S1A5 et de S3A3 (annexe 6, p. 71). Lors de ces activités, les apprenants traduisent
des mots et expressions vers leurs langues. Ces activités prennent en compte l’hétérogénéité de la
classe et permettent ainsi de valoriser tout le répertoire langagier de la classe et de légitimer toutes
les pratiques, pas uniquement les langues en position haute. En effet, lors de la mise en place de ces
activités dans la classe d’UPE2A (annexe 8, p. 101), ces activités ont permis de présenter des
langues telles que le baloutchi, le pulaar ou le soninké qui sont en position basse dans le pays
d’origine des élèves. Quelques EANA-AFS de la classe ont d’ailleurs préféré utiliser leurs langues
maternelles plutôt qu’une variété du français. Cette mise en valeur et surtout cette considération
égale pour toutes les langues des élèves permettent alors de les légitimer aux yeux des élèves et de
l’enseignant, ainsi que de les utiliser (chapitre 6, section 2.1).

3.3.2. Une introduction à « comparons nos langues »


L’activité S3A3 (annexe 6, p. 71) évoquée ci-dessus en rapport avec l’éveil aux langues a aussi
été inspirée par l’approche « comparons nos langues » (chapitre 6, section 2.2.2.). Ainsi, comme
décrit en section 2.3, j’ai choisi un acte de parole à travailler avec les apprenants : « saluer son
employeur / son employé ». Cet acte de parole a été sélectionné, puisque l’enseignante ainsi que
plusieurs apprenants ont déclaré avoir des difficultés avec l’usage du « vous » pour la politesse

84
(chapitre 8, section 2.3). Cette activité a pour but de faire observer aux apprenants, par la
comparaison des langues et variétés, que la politesse s’exprime de différentes manières dans les
différentes langues. Lors de sa mise en place (annexe 8, p. 101), les élèves ont endossé le rôle
d’expert et expliqué le fonctionnement de leurs langues aux autres apprenants ainsi qu’à
l’enseignante. Les apprenants non-EANA-AFS ont ainsi l’occasion de présenter leurs langues, ne
se sentent pas exclus de l’activité et surtout travaillent également leur compétence plurilingue
(chapitre 6, section 2.2.2). Cette approche donne également l’opportunité aux enseignants de
découvrir les langues des apprenants, ainsi que de s’initier à leur mode de fonctionnement. D’autres
moments d’échanges ont aussi eu lieu, notamment autour des pratiques culturelles de chaque pays.

3.3.3. Des moments de partage interculturel


Comme précisé au chapitre 6 (section 2.3.1), les moments de partage interculturel ne consistent
pas à transmettre des « savoirs culturels », mais à provoquer des questionnements. Cette approche
est importante puisqu’elle permet de valoriser les cultures des apprenants, mais aussi de renforcer
leur rôle d’expert. Une première influence de l’approche interculturelle a été évoquée lors du choix
du support (chapitre 8, section 1), mais d’autres activités s’en inspirent aussi. Ainsi, l’activité S2A3
(annexe 6, p. 71) invite les apprenants à partager des plats de leur pays et S3A2 (ibid.) leur demande
de présenter les procédures de formation de mécanicien dans les différents pays. Ces questionnements
ont pour objectif de mettre les identités des apprenants au centre de la classe et de légitimer leurs
pratiques (chapitre 5, section 3.3.). Une dernière activité à mentionner est l’activité S3A4 (annexe
6, p. 71) invitant les apprenants à se questionner sur la dimension culturelle du langage, puisque le
passage de la BD met en scène un malentendu linguistique et culturel (chapitre 6, section 2.3.2).

4. Synthèse – les approches pour aborder les variétés africaines du français en classe

Ce chapitre permet de répondre à la partie « comment aborder les variétés ? » de la


problématique. En effet, alors que le chapitre 7 précise les enjeux du projet, celui-ci se concentre
sur les approches mises en place pour traiter les variétés et les autres langues connues par les élèves.

Premièrement, pour répondre à l’enjeu de l’accessibilité de ce projet aux EANA-AFS, aux


EANA en général et aux enseignants, plusieurs facteurs ont été considérés. D’abord, j’ai choisi un
support facilitant l’entrée dans l’écrit afin de contourner une des grandes difficultés de ce public.
De plus, ce support est issu de la littérature jeunesse qui, grâce à ses nombreuses illustrations, facilite
des approches interculturelles qui à leur tour permettent d'intégrer tous les élèves de la classe. En
effet, le support utilisé présente un contexte qui est signifiant pour tous les adolescents, puisqu’ils
présentent des adolescents, mais également des situations quotidiennes auxquelles ils sont tous

85
confrontés. Un autre moyen d’inclure tous les EANA est l’approche éveil aux langues qui a
également fortement influencé la conception de ce projet. Ainsi, l’utilisation de la littérature
jeunesse, des approches interculturelles et de l’éveil aux langues permettent de répondre à l’enjeu
de l’accessibilité.

Un autre enjeu formulé au chapitre 7 était la mise en valeur de la variété et l’éveil à la conscience
linguistique et aux compétences plurilingues. Lors de la conception, j’ai répondu à cet enjeu en
faisant appel à un support qui donne de la légitimité à la variété, mais aussi par l’approche EFMC.
Grâce à celle-ci, la variété n’est plus traitée comme une erreur, mais comme une variété distincte
du français standard (chapitre 6, section 1.2). De plus, les différentes activités proposées donnent
aux EANA-AFS la possibilité d’endosser le rôle d’expert, ce qui est également valorisant.
L’approche EFMC ainsi que l’approche « comparons nos langues » sont utilisées dans ce projet afin
de permettre aux apprenants de développer des comportements comparatifs qui permettent
d’éveiller la compétence plurilingue. Pour cela, j’ai décidé de me concentrer sur un acte de parole
qui s’inscrit directement dans le vécu des apprenants, à savoir les salutations et formes de politesse
au travail.

Le dernier enjeu qui vise le changement de perspective des enseignants n’influence pas
directement la conception. J’ai cependant fait exprès de choisir la BD Aya de Yopougon puisque
celle-ci permet à l’enseignant de se familiariser avec la variété grâce au « lexique » à la fin de
chaque volume. L’enseignant pourra donc se sentir sécurisé par rapport au fait qu’il n’est pas
forcément formé à la variété. De plus, ce support est attrayant de manière générale puisqu’il touche
à une multitude de thématiques. Finalement, je pense que l’éveil aux langues et l’approche
« comparons nos langues » peuvent également rassurer les enseignants et leur permettre de changer
leurs représentations. En effet, en donnant le rôle d’expert aux élèves, ses approches peuvent
permettre aux enseignants de se familiariser avec les différentes langues présentes en classe et leur
système. Le prochain et dernier chapitre de ce mémoire permet d’évaluer si les différents enjeux
formulés ont été atteints grâce au projet décrit ci-dessus.

86
Chapitre 9. Évaluation du projet – réussites, accrocs et influences sur les
attitudes des apprenants et des enseignants

Ce dernier chapitre est consacré à l’évaluation du projet conçu. En effet, l’un des objectifs de
cette recherche-action est d’analyser l’effet du projet sur les enseignants et les apprenants. Je
souhaite alors rappeler mes hypothèses de départ, selon lesquelles je considérais que donner une
place aux variétés en classe permettrait un changement de regard sur ces dernières, que cela
permettait de légitimer l’utilisation des variétés comme ressource pour l’apprentissage et d’ainsi
pallier l’insécurité linguistique que peuvent subir les élèves. Pour évaluer ce projet et tirer des
conclusions sur ces hypothèses, j’ai choisi de concevoir un tableau synoptique des séances,
comprenant les notes de mon carnet de bord (annexe 8, p. 101). Les différentes activités y sont
présentées selon la trame proposée en annexe 6 (p. 71). Le tableau permet de rendre compte de mes
observations personnelles sur les activités mises en place et d’ainsi proposer un bilan sur les parties
réussies et les points faibles du projet. J’ai aussi conduit un deuxième focus groupe avec les apprenants
de la classe d’UPE2A-NSA afin de recueillir leur vécu face à ce projet. La transcription conçue
pour l’analyse de ce focus groupe se trouve en annexe 9 (p. 112). Celle-ci me permet d’observer
d’éventuelles évolutions dans la perception des variétés par les apprenants depuis le premier focus
groupe (annexe 4, p. 55). Finalement, ce chapitre analyse également le discours de E10, l’enseignante
ayant participé au projet (tableau 3, p. 65). La transcription de l’entretien semi-directif conduit avec
elle me permet d’avoir un regard décentré sur le projet et sur son influence sur les élèves, mais aussi
d’évaluer la réception du projet par E10. Toutes ces données ont été analysées de manière qualitative
et les passages cités comme exemple dans ce chapitre sont surlignés dans les annexes respectives.
Dans un premier temps, je présenterai quelques accrocs et réussites repérés lors des séances, puis
j’analyserai l’évolution des représentations vis-à-vis de la variation et finalement, je mettrai en avant
les effets des approches plurielles et de l’EFMC sur la classe et sur les apprentissages.

1. Déroulement du projet : accrocs et réussites

Comme cela peut être constaté en observant le tableau synoptique mis à disposition (annexe 8,
p. 101), le projet n’a pas été mis en place dans son entièreté auprès de la classe d’UPE2A-NSA.
Cela est dû à plusieurs raisons, comme au temps réel mis à disposition lors des séances (chapitre 2,
section 3.2) ou encore à l’ajout d’activités (séance 2, annexe 8, p. 101). Les accrocs présentés ici
sont donc ceux remarqués sur les activités ayant été mises en place. Avant de proposer les pistes
d’amélioration, je souhaite souligner l’une des réussites du projet.

87
1.1. La réussite d’une représentation identitaire valorisante

Une grande réussite de ce projet est la représentation positive des cultures des EANA-AFS dans
la classe que les observations lors des séances et le discours de l’enseignante mettent en avant. En
effet, les apprenants étaient très intéressés par le support Aya de Yopougon. Manuella, Wilfried et
Ismael connaissaient déjà le film et étaient ravis de l’aborder en classe (annexe 8, p. 101). De plus,
E10 souligne cette représentation positive à plusieurs reprises, lors de l’entretien semi-directif :

« la réaction des élèves africains + euh + moi j’ai quand même senti le plaisir de se replonger
en Afrique […] tout d’un coup se retrouver à la maison + et puis ils faisaient des petites
blagues + ils rigolaient + et ils se parlaient dans leurs langues tu sais » (E10, annexe 9, p. 112).

« je pense que c’était très très très bien ciblé + euh donc par le contenu + de + environnement
familier + des personnages jeunes + comme eux adolescents » (E10, annexe 9, p. 112)

Cet enjeu n’a pas été formulé puisqu’il ne fait pas partie des objectifs principaux. Cependant,
puisque E1, E9 et E10 ont tout de même remarqué la perte des repères identitaires des MNA (annexe
1, p. 5 et 2, p. 31), il me semble important d’évoquer cet aspect. E10 remarque que ce support a
aussi été très intéressant pour les apprenants non EANA-AFS. En effet, elle indique qu’il a permis
de retrouver des repères culturels communs :

« je trouve qu’ils ont été très attentifs + très intéressés + très impliqués + ils ont beaucoup
aimé + bah ils ont découvert aussi + tu vois les costumes + les vêtements + euh ++ et puis
y’avait des choses qui + qui sont exactement ce qui se passe chez eux + tu vois le + la voiture
cassée + Hamza il disait + c’est pareil en Afghanistan + tu vois t’as un vieux monsieur qui
vient + tu sais tenir une clé à molette + bah allez viens répare la voiture » (annexe 10, p. 118).

Cette représentation identitaire ne met donc pas les EANA d’autres origines à l’écart, mais
permet au contraire de remarquer des similarités entre les cultures. L’aspect de la représentation
identitaire a donc été une réussite. Néanmoins, j’ai aussi pu constater quelques accrocs lors de la
mise en place de certaines activités qui pourraient donc être retravaillées.

1.2. Revoir l’approche lexicale

Cette section se concentre sur les observations faites lors des deux premières séances. Les
élèves devaient alors créer un lexique plurilingue (S1A5, séance 2, annexe 8, p. 101). Lors de la
constitution de ce dernier (ibid.), j’ai remarqué des difficultés des apprenants lors de la traduction
de mots ou expressions isolés dans leurs langues. C’était notamment le cas pour l’expression « sortir
avec quelqu’un ». Les apprenants n’arrivaient pas à en donner l’équivalent. E10 a donc suggéré aux
apprenants de traduire la phrase « Ce soir, je sors avec mon fiancé ». Les apprenants n’avaient alors

88
pas de mal à traduire la phrase entière. E10 leur a ensuite proposé d’écrire la phrase entière en
dessous des drapeaux. Pour constituer un lexique plurilingue, je pense qu’il serait intéressant de
faire traduire des phrases aux apprenants, mais d’ajouter l’étape de demander quelle partie de la
phrase correspond à l’expression cherchée. Cela permettrait également de conscientiser que les mots
ne sont pas forcément au même endroit de la phrase dans chaque langue. L’intervention de
l’enseignante a permis aux apprenants de faire l’exercice de traduction, mais doit être adaptée afin
de réellement aboutir à la création d’un lexique plurilingue.

S1A5 (annexe 8, p. 101) a également été source d’autres complications. Dans la trame du projet
proposé, le déroulement est décrit de la manière suivante :

« Pour finir, l’enseignant peut donner quelques mots en français ivoiriens (liste ci-
dessous) à traduire en français standard par les Ivoiriens, puis dans les autres langues par les
autres élèves de la classe. Attention à introduire ce vocabulaire en contexte, càd dans une
phrase, pour faciliter le fait de trouver la signification. L’enseignant peut par exemple
projeter des extraits de BD dans lesquels se trouvent ces mots ou créer lui-même des
phrases » (annexe 6, p. 71)

Le passage surligné en bleu n’était initialement pas prévu et cette partie s’est déroulée de la manière
suivante : je disais le mot en français de Côte d’Ivoire et les élèves ivoiriens devaient le traduire en
français standard. Or, les apprenants ne comprenaient pas les mots que je leur proposais. Suite à
cela, l’enseignante a animé une activité de traduction de mots simples du français vers toutes les
autres langues. À la fin du cours, Manuella a demandé à voir la liste de mots ivoiriens que j’avais
préparée. Elle lisait les mots, mais avait des difficultés à en comprendre le sens. Je lui ai alors donné
quelques phrases avec des expressions en français ivoirien. Elle comprenait alors les mots,
corrigeait ma prononciation et me donnait la signification en français standard. Pour l’expression
« en agouti » (en français standard « en cachette ») par exemple, Manuella a d’abord affirmé ne pas
en connaitre le sens. Je lui ai donc proposé la phrase : « hier soir, je suis sortie en agouti ». Elle a
alors immédiatement réagi en disant « Ah mais oui, on dit ça quand on fait une chose secrète »
(annexe 8, p. 101). Manuella connaissait donc cette expression, mais n’a pas tout de suite pu faire
le lien, ce qui est probablement lié au fait qu’elle est moins en contact avec le français de Côte
d’Ivoire depuis son arrivée en France. Cette observation rappelle les propos de Gaillat (2014)
présentés dans le chapitre 6 (section 1.3.1) sur l’importance d’introduire le lexique en contexte. Elle
est d’ailleurs appuyée par le fait que le lexique du français ivoirien présent dans l’extrait de BD lors
de cette même activité n’a pas posé de problèmes de compréhension aux élèves ivoiriens (annexe
8, p. 101). Il est alors important d’introduire tout le lexique en contexte, que ce soit en prenant un

89
extrait de la BD, en utilisant une scène du film ou en inventant soi-même une phrase. La partie sur
la construction d’un lexique comparatif mérite donc quelques modifications. Ceci est aussi le cas
pour d’autres activités qui nécessiteraient une plus grande différenciation pédagogique.

1.3. Nécessité d’une différenciation pédagogique plus grande

E10 et moi-même avons remarqué une certaine frustration chez quelques élèves que nous avons
toutes les deux attribuée à un manque de différenciation pédagogique.

1.3.1. Frustration des élèves sur la durée de certains exercices


Pendant plusieurs activités, j’ai remarqué que l’attention de certains apprenants baissait, car
l’activité prenait trop longtemps et qu’ils devaient attendre que les autres élèves aient fini. C’est le
cas de S1A1 (séance 1, annexe 8, p. 101) et de S3A3 (séance 4, ibid.). L’activité S1A1 consiste au
repérage des personnages de la BD par un exercice de compréhension orale. Puisqu’il s’agit d’une
classe UPE2A-NSA, l’activité était adaptée pour des petits lecteurs-scripteurs. Cependant, certains
apprenants (les plus avancés : Manuella, Hamza et Amadou) ont fini l’activité cinq minutes avant
les autres et s’ennuyaient donc. Cela s’est reproduit lors de l’activité S3A3 (séance 4, ibid.) : tous
les élèves étaient très attentifs lorsque les apprenants présentaient les règles de politesse dans leurs
langues, cependant un temps était prévu après chaque présentation pour que les apprenants notent
les expressions sur la fiche comparative. Les élèves ayant différents niveaux à l’écrit, certains
s’impatientaient lors de cette étape. Ces observations ont été confirmées par l’enseignante, puisque
lors de l’entretien elle m’a confié à propos de S3A3 :

« à faire mais chrono en main quoi + et peut-être pas les faire passer au tableau + faire juste
à l’oral + comment on dit ça + et comment chez toi ? + et toi tu écris vraiment grossièrement
au tableau + » (E10, annexe 10, p. 118)

E10 propose donc un autre fonctionnement pour cette activité. Je pense aussi que certaines
activités méritaient une plus grande attention au niveau de la différenciation pédagogique.

1.3.2. Nécessité d’une différenciation des niveaux au sein de la classe


En prenant en compte les observations présentées ci-dessus, il semble évident que le projet ne
prend pas assez en compte l’hétérogénéité de la classe en elle-même. Pendant la conception, j’étais
concentrée sur l’adaptation du projet de manière à ce qu’il puisse être mis en place avec un public
d’UPE2A et d’UPE2A-NSA et qu’il prenne en compte l’hétérogénéité linguistique de la classe.
Cependant, je ne me suis pas suffisamment penchée sur l’aspect de l’hétérogénéité des compétences
de français et en lecture / écriture à même la classe. Cet aspect a seulement été pris en compte lors
de la création de binômes pour la production écrite (S2A4 séance 3, annexe 8, p. 101). C’est alors

90
E10 qui a formé les binômes et a mélangé non seulement les EANA-AFS avec les autres élèves,
mais aussi les élèves en fonction des niveaux. Ainsi, les élèves les moins avancés se sont trouvés
en binôme avec les élèves déjà à l’aise à l’écrit. L’aspect de l’hétérogénéité des niveaux au sein de
la classe est donc passé à l’arrière-plan. Or, celle-ci avait bien été mise en avant par les enseignants
dans le questionnaire (annexe 1, p. 5). Les observations décrites m’amènent à la réflexion sur la
possibilité de constituer des binômes similaires pour d’autres activités. Une plus grande
différenciation pédagogique serait également atteinte en adaptant les documents de supports à
différents niveaux, comme E5 indique le faire : « Je monte toutes mes activités en différenciant sur
3 niveaux » (ibid.) et comme pratiqué par E9 (annexe 2, p. 31).

Les principaux défauts du projet sont donc le traitement du lexique et le manque de prise en
compte de l’hétérogénéité des niveaux au sein de la classe. Ces aspects pourront être améliorés en
retravaillant la trame de projet proposée au CASNAV. À présent, je souhaite me pencher sur les
points concrètement visés par ce projet, à savoir la valorisation des variétés, ainsi que la
consolidation d’une conscience linguistique.

2. Un changement de perspective sur les variétés du français ?

Cette section abordera la question du changement des représentations de l’enseignante et des


élèves face à la variété. Dans un premier temps, je présenterai la ténacité des attitudes négatives
face à la variété. Ensuite, je mettrai en lumière les attitudes et représentations positives engendrées
par le projet, pour finalement analyser le point de vue de l’enseignante sur l’utilisation des variétés.

2.1. La persistance de la dévalorisation de la variété

Dans un premier temps, je présenterai les données impliquant la persévérance de la


dévalorisation de la variété par les élèves. Celle-ci s’observe, comme avancé au chapitre 4 (section
3.4) dans la recherche de sens, l’auto-dévaluation et la répulsion envers les variétés observées soit
lors de la mise en place du projet, soit dans le discours des apprenants lors du second focus groupe.

2.1.1. Une recherche de sens


Les apprenants originaires de Côte d’Ivoire présentent une attitude négative vis-à-vis de leur
variété. En effet, lors des séances, ces élèves posent la question du « sens ». Koffi et Seydou me
demandent pourquoi le sujet du français de Côte d’Ivoire est traité en cours, ce passage est surligné
en gris (annexe 8, p. 101). Cela peut être lié au fait qu’ils ne pensent pas que ce français a sa place
dans l’environnement scolaire. Il est aussi possible qu’ils posent cette question, puisqu’à l’inverse
des autres élèves ivoiriens, ils n’étaient pas présents lors du premier focus groupe qui portait sur la

91
place du français dans les différents pays des apprenants. Comme cela a été abordé dans le chapitre
4 (section 3.4), il se peut donc que Seydou et Koffi, ayant évolué dans une situation diglossique en
Côte d’Ivoire, ne voient pas l’utilité d’aborder cette variété du français dans le contexte scolaire.
Néanmoins, en mettant cette demande de « sens » en rapport avec la représentation dévalorisante
que Seydou a du français de Côte d’Ivoire, je peux aisément assumer qu’il trouve que le français de
Côte d’Ivoire n’a pas sa place dans une salle de classe, puisqu’il affirme « si tu parles français de
Côte d’Ivoire + comme moi tu parles pas bon français » (Seydou, annexe 9, p. 112). Comme cela a
été évoqué dans le chapitre 4 (3.4.), des activités de mises en valeur d’une langue ou d’une variété
en position basse peuvent engendrer que les apprenants considèrent qu'il est inutile d’aborder cette
variété. Certaines représentations négatives de la variété persistent d’ailleurs chez d’autres élèves.

2.1.2. Une variété considérée comme illégitime


Ismael partage cette représentation négative. Pendant le second focus groupe, il prend la parole
afin d’exprimer son point de vue sur le français de Côte d’Ivoire. Voici quelques exemples :

« bah moi à mon avis + français de la Côte d’Ivoire + c’est pareil ++ c’est juste que ++ c’est
quand vous êtes pas scolarisés en Côte d’Ivoire + vous pouvez pas comprendre le bon
français + […] parce que du coup + le français que vous allez entendre dehors dans la rue ++
c’est ce qui va vous rester en mémoire comme le bon français » (Ismael, annexe 9, p. 112).

« les gens ils oublient quelque chose pour français de la Côte d’Ivoire + c’est le couper
décaler qui a gâté le français de la Côte d’Ivoire ++ sinon le français de la Côte d’Ivoire +
c’est pareil comme de la France […] vous trouvez les élèves qui ont passé le brevet et le bac
+ ils parlent le bon français + » (Ismael, annexe 9, p. 112)

Ismael dévalorise ici les variétés du français ivoirien en affirmant que le « bon français » est celui
de l’école, donc le français standard (chapitres 4, section 3.2 et 5, section 1.2). Il déclare aussi que
le français en Côte d’Ivoire a été « gâté ». Or, en Côte d’Ivoire, « gâter » est associé à la destruction5,
ce qui implique que pour Ismaël le français en Côte d’Ivoire est une version « détruite » de la langue
française qu’il considère comme le bon usage. Je remarque donc dans ces affirmations une forte
auto-dévaluation que j’associe à une insécurité linguistique (chapitre 4, section 3.4).

Ces prises de parole d’Ismaël peuvent également être interprétées comme la réaction à
l’utilisation de la variété en cours. Comme mis en avant au chapitre 4 (section 3.4), l’utilisation de
langues en « position basse » peut être vécue comme une moquerie. En ce sens, Ismael a pu vivre
l’utilisation de cette variété comme une forme d’attaque envers le français de son pays. Pour pallier

5
Gâter (s.d.). Base de données lexicographiques panfrancophone. Consulté le. URL : https://www.bdlp.org/fiche/11724

92
cela, il précise que les Ivoiriens maîtrisent également le « bon français » et que la version présentée
ne correspond pas à la réalité. Il souhaiterait alors que la Côte d’Ivoire soit associée à ce qu’il perçoit
lui comme le « bon français ». Il s’agit ici d’une hypothèse qui aurait le mérite d’être vérifiée en
s’entretenant avec lui. Cette réaction de la part d’Ismael est particulièrement intéressante, puisqu’il
est également l’un des élèves les plus enthousiastes lors du premier focus groupe et lors des séances.

2.2. Représentations et attitudes positives des apprenants envers les variétés

Les attitudes et représentations positives envers le français ivoirien peuvent être analysées à
travers le comportement des apprenants, mais aussi dans leur discours lors du second focus groupe
ou dans les observations de l’enseignante. Les attitudes et représentations qualifiées comme
positives sont la motivation et la participation des apprenants (chapitre 5, 2.3.), ainsi que les discours
valorisants sur la variété. Les passages dans lesquels ces dernières ont pu être observées sont
marqués en turquoise dans les annexes 8 (p. 101) et 9 (p. 112).

2.2.1. L’enthousiasme et l’intérêt partagé des élèves ivoiriens


Les cinq élèves ivoiriens présents lors des différentes séances, à savoir Koffi, Seydou, Ismael,
Manuella et Wilfried ont tous montré un grand enthousiasme face à la variété. Lors de l’activité
S1A5 (séance 2, annexe 8, p. 101), les élèves ivoiriens étaient très impatients à l’idée de présenter
le vocabulaire aux autres élèves. De même, ils n’ont pas hésité à rallonger la liste des mots à faire
découvrir aux autres élèves en rajoutant des expressions telles que « môgô » (« garçon » en français
standard). Cela s’est reproduit lors de l’activité de production écrite (S2A4, séance 3, ibid). Les
élèves ivoiriens n'étaient parfois pas d’accord avec les termes ivoiriens proposés, cela a abouti à de
vives discussions entre eux, sur quels termes étaient les plus appropriés. Ces discussions ont été
interprétées par moi-même et par E10 comme une sorte de plaisir de retrouver cette langue :

« si si moi je pense que ++ quelque part tu as semé une petite graine très valorisante + euh +
et puis moi ce qui m’a fait rigoler + c’est + c’est les petites bagarres entre eux quoi + quand
ils étaient pas d’accord sur les termes » (E10, annexe 10, p. 118)

De plus, certains élèves ont rallongé la liste de vocabulaire mise à disposition. Ismael, par exemple,
a ajouté ses propres mots de la variété à sa production (annexe 7, p. 99). Ces diverses formes
d’enthousiasme peuvent donc être interprétées comme des attitudes positives envers cette variété.
Cet aspect est renforcé par les représentations positives qu’ont les autres élèves de la classe.

2.2.2. Une attitude et des représentations valorisantes de la part des pairs


Lors des diverses séances, j’ai remarqué un réel intérêt des élèves face aux variations. Tous les
apprenants ont été enthousiastes à l’idée de découvrir la signification du lexique ivoirien présenté

93
dans les séances 1, 2 et 3 (annexe 8, p. 101). En effet, les élèves non-ivoiriens se sont amusés à
deviner la signification des mots et ont montré une certaine curiosité vis-à-vis des expressions.
Ainsi, Amadou demande à Ismael dès la première séance ce que signifie l’expression « go choc »
et Hamza s'interroge sur l’origine du français qui lui est présenté. J’ai remarqué un entrain similaire
lors de la découverte des mots ivoiriens à utiliser lors de l’activité S2A4 (séance 3, ibid.). Une
observation marquante est que les élèves non-ivoiriens, qu’ils soient EANA-AFS ou non, ont une
représentation soit neutre, soit valorisante du français de Côte d’Ivoire, après la mise en place du
projet. En effet, Sekou et Amadou trouvent que le français de Côte d’Ivoire est « bon » (annexe 9,
p. 112). Amadou exprime même qu’il a aimé utiliser le nouchi en cours (ibid.). La majorité des
autres élèves, tels que Hamza, Calaso, Yacine ou Issiaka ont exprimé qu’ils considèrent le français
ivoirien comme un français différent du standard (ibid.). Ces observations montrent que la valorisation
des variétés a tout de même eu un impact sur les représentations, même si des attitudes négatives
persistent. Ces attitudes et représentations positives sont liées à la légitimité donnée à cette variété.

2.2.3. Une certaine forme de légitimité – l’abord en classe et le rôle d’expert


L’aspect de légitimité a surtout été mis en avant par E10, qui en parle à plusieurs reprises :

« mais alors leur langue est rentrée dans la classe + je trouve que rien que ça euh ++ tiens on
va parler de votre langue à vous […] grande valeur ajoutée » (E10, annexe 10, p. 118)

« ils ont + dû être surpris par ce thème + tiens y’a quelqu’un qui vient + pour nous parler ++
de nous en fait […] nous encourager à parler notre français à nous + à l’écrire + tiens ça
s’écrit + tu te rends compte ? + parce que ça légitime une langue » (E10, annexe 10, p. 118)

Selon E10, cette légitimation a lieu par le simple fait d’accepter cette variété en classe et de
montrer qu’elle peut s’écrire. Même si les élèves préservent quelques attitudes négatives, cet aspect
est non-négligeable dans la situation dans laquelle se trouvent les EANA (chapitre 5, section 3.3.2).
De plus, les EANA-AFS ont endossé un rôle d’expert. Cela s’observe lors de l’activité S1A5 (séance
2, annexe 8, p. 118). Ismael a par exemple proposé des mots du français ivoiriens qui n’étaient pas
sur la liste. Ses connaissances ont donc été légitimées et son rôle d’expert pour cette variété a été
renforcé. Cette légitimation a aussi permis à E10 de questionner son point de vue sur les variétés.

2.3. L’enseignante face à la variété

E10 était dès le début intéressée par le projet sur les variétés du français et avait donc une
attitude positive envers ces dernières, même si elle avait également une attitude normative envers
son utilisation par les élèves en classe (chapitre 7, section 1.2). L’analyse de l’entretien semi-directif
met à jour son souhait accru de mise en valeur et sa réflexion sur le traitement des variétés en classe.

94
2.3.1. Le souhait de la mise en valeur
Même si E10 était très intéressée par le sujet de la variété, elle ne lui avait jamais accordé de
place particulière dans sa classe (chapitre 7, section 1.2). Lors de notre entretien semi-directif ayant
eu lieu après la mise en place du projet, elle souligne qu’elle a senti l’importance du projet et qu’elle
pense que cette mission de mise en valeur est particulièrement importante pour les EANA-AFS :

« aborder le français d’Afrique c’est vraiment particulier + parce que […] tu vois les
Pakistanais parlent ++ urdu + c’est une langue à part entière quoi ++ mais c’est pas la même
chose que de se dire + je viens d’Afrique je suis censé parler français + tu sais y’a quelqu’un
qui a dit + je me suis rendu compte que je ne parlais pas bien français en France […] et cette
expérience + d’arriver ici déjà dans une situation précaire + donc forcément + la langue va
être précaire + t’es vu comme précaire + donc + pour moi + c’était ça la priorité […] ce français
d’Afrique […] je pense que ta mission elle était vraiment là-dessus + et pour moi c’était
important […] que ce message-là passe » (E10, annexe 10, p. 118).

L’importance que l’enseignante accorde aux variétés est accentuée par son envie de mettre en
place un projet sur les variétés africaines du français. En effet, lors de l’entretien, elle déclare
souhaiter établir un lexique bilingue tout au long de l’année qui permettra aux EANA-AFS de faire
la différence entre les variétés (annexe 10, p. 118). Au-delà du souhait de mettre plus en valeur les
variétés africaines du français, E10 remet également en question sa pratique de correction.

2.3.2. Une réflexion sur le traitement de l’erreur


Dans le chapitre 7 (section 1.2), j’ai mis en lumière les attitudes normatives envers les variétés
(chapitre 5, section 1.2). Or, en demandant à E10 si le projet avait changé son point de vue sur les
variétés africaines du français, elle a répondu :

« je me rends compte + qu’il y a peut-être quelque chose qui passe dans ma manière
d’enseigner le français + à savoir + ici on vous enseigne le français correct ++ et ça j’pense
que + c’est le danger peut-être pour nous les profs ++ euh à corriger corriger + mais non ça
se dit pas comme ça ça se dit comme ça nanana + est-ce que eux ils ont pas l’impression
finalement ++ de parler un français mauvais + ce qui n’est pas du tout le message qu’on veut
véhiculer ++ mais valorisez votre français + qui est exactement aussi + tout à fait +
linguistiquement ++ qui a + est à égalité + mais que le contexte fait que géographiquement
on peut pas » (E10, annexe 10, p. 118).

Cette affirmation de sa part rend compte d’une prise de conscience sur ses pratiques vis-à-vis
de la variété et de l’unilinguisme prévalent (chapitre 5, section 1.3). Elle souligne qu’elle traitait
souvent la variété comme une erreur, alors que ce n’est pas le message qu’elle souhaite faire passer.

95
Ce projet a donc impacté ses pratiques et attitudes face à la variété, puisqu’elle considère un
traitement de l’erreur comme il est recommandé par Bellonie (2012, chapitre 6, section 1.3.2).
Néanmoins, les représentations face à la variété ne sont pas le seul aspect à être analysées dans le
cadre de ce mémoire. En effet, pour répondre entièrement à la problématique, je me dois aussi
d’aborder les autres effets observés ou abordés par les élèves ou l’enseignante.

3. Les approches plurielles et leur conséquence sur la classe

L’analyse de la conception du projet au chapitre 8 montre qu’il s’est largement inspiré des
approches plurielles et de l’EFMC. Celles-ci ont pris la forme de moments d’échanges sur les
langues et les cultures, mais aussi de comparaison entre les langues. Les approches mises en place
ont alors eu des conséquences observables sur la classe. Parmi ces conséquences se trouvent une
motivation accrue, un effet de cohésion de groupe, l’émergence d’une prise de conscience
plurilingue, ainsi qu’une attitude positive envers le plurilinguisme de la part de l’enseignante.

3.1. Une motivation accrue

Les notes du carnet de bord, retranscrites dans le tableau synoptique (annexe 8, p. 101),
montrent que les apprenants ont beaucoup participé lors des séances. J’ai noté une volonté de
participer très grande, ainsi que beaucoup de rires et d’intérêt pour le contenu. Les passages du
carnet de bord qui ont été interprétés comme des signes de motivation sont les rires, la participation,
mais aussi les échanges, ils sont surlignés en vert (ibid.). Ces signes de motivation sont
intrinsèquement liés à des activités de plurilinguisme et à l’approche interculturelle. Je cite ici
l’exemple de l’activité S1A5 (séance 2, ibid.) : lorsque les élèves découvrent leur drapeau et
lorsqu’ils traduisent les mots et phrases dans leurs langues, j’ai remarqué un réel plaisir de partager.
De plus, l’enseignant a également répété les phrases et mots de chacun. Cette action a provoqué une
grande joie chez les élèves. Lors de ces observations, je me suis tout de même demandé, si les
apprenants étaient motivés de manière générale. Le retour de l’enseignante lors de l’entretien semi-
directif m’a alors confirmé qu’elle aussi a observé un réel changement chez les apprenants :

« l’interview de la miss […] qu’est-ce qu’on a rigolé + et puis ils ont innové + ils ont allongé
+ ils se sont amusés + et là tu retrouves ton côté culturel + moi c’est ça qui m’a beaucoup
plu dans ce que tu as fait ++ c’est que + ils se sont vraiment lâchés ++ est-ce que c’est le fait
d’utiliser sa propre langue qui fait qu’on se détend + qu’on détend ses muscles et + le corps
et l’esprit + et qu’on donne libre cours à l’imagination + mais + mais ils flottaient quoi +
vraiment + y’avait de la fluidité + ça a été génial » (E10, annexe 10, p. 118).

96
L’enseignante parle ici de l’activité S2A3 (séance 3, annexe 8, p. 101), qui consiste en un jeu
de rôle pour devenir miss ou mister Yopougon. Lors de cette activité, les élèves sont libres d’utiliser
les langues et les variétés, mais elle incite également à une dimension culturelle. Ce rapport entre
les activités plurilingues et interculturelles et la motivation accrue des apprenants est alors
clairement observable et s’étend à l’effet de cohésion de groupe repéré.

3.2. L’effet de cohésion de groupe

Un autre effet de ce projet a été une réelle cohésion de groupe. Cet aspect est particulièrement
important, puisque l’un des enjeux de ce projet était de réussir à mettre en avant les variétés du
français, sans pour autant mettre à l’écart les élèves qui ne les connaissent pas. Cette cohésion de
groupe a pu être observée lors de la mise en place des différentes séances, mais aussi dans les
témoignages des élèves et de l’enseignante. Lors des séances, il est évident que les apprenants ont
un grand respect envers les langues et le travail des autres élèves. En effet, lors des moments de
plurilinguisme, par exemple S1A5 ou S3A3, lorsque les élèves présentent leurs langues, les autres
sont toujours très attentifs et donnent un feedback positif ou applaudissent à la fin (annexe 8, p.
101). De plus, les apprenants s’entraident énormément. Lorsque les apprenants devaient écrire les
mots de leur langue sous le drapeau, les élèves plus avancés à l’écrit aidaient les autres élèves à
transcrire leur langue en alphabet latin, même s’il ne s’agissait pas de la même langue que la leur.
Cela peut être constaté en reprenant les observations notées dans le tableau synoptique (ibid.). Les
moments de feedbacks positifs ainsi que les moments de coopération y sont surlignés en bleu clair.

Lors du deuxième focus groupe, ayant eu lieu après la mise en place du projet, les apprenants
ont tous mis en avant que les séances leur ont plu, parce qu’elles leur ont permis de découvrir les
langues de leurs camarades. Voici quelques exemples des affirmations des élèves :

« ça me fait plaisir pour moi + bah + j’ai avant je pas comprendre la langue des Ivoiriens +
mais maintenant ça va quoi + là je comprends quoi […] bah soussou pareil + soussou + pulaar
+ ouais + et Pakistan + Somalie + maintenant ça va quoi + ouais » (Sekou, annexe 9, p. 112).

« j’ai découvert la langue des Somaliens + des Maliens + Côte d’Ivoire pareil + avec Yacine
aussi + malgré on est le même pays » (Amadou, annexe 9, p. 112)

« moi je vous remercie + parce qu’on a passé un bon moment avec vous + et puis j’apprends
plusieurs langues différentes […] bah c’était génial » (Issiaka, annexe 9, p. 112)

« ça m’a fait du bien parce que […] à part le français et le malinké ++ j’ai jamais entendu
autres langues + par exemple soussou + pulaar non […] mon coéquipier ils m’ont appris à +
à parler plein de langues + et + et plein de trucs dans les langues » (Ismael, annexe 9, p. 112)

97
Par ces témoignages, il est indéniable que les apprenants ont aimé découvrir les langues de leurs
camarades et que cela renforce le sentiment d’appartenance à un groupe. L’enseignante a aussi souligné
l’entraide observée au sein du groupe lors de ses commentaires après la séance 2 (annexe 8, p. 101).
Plutôt que de mettre à l’écart les apprenants non EANA-AFS, ce projet a permis, grâce à l’influence
de l’éveil aux langues et de l’approche interculturelle (chapitre 6, sections 2.1 et 2.3) de donner une
place à toutes les langues des élèves. Comme précisé au chapitre 5 (section 2.1.2), ces approches
ont aussi permis l’émergence d’une conscience linguistique et d’une compétence plurilingue.

3.3. L’émergence d’une compétence plurilingue

Même si dans la section précédente, j’ai avancé que certains apprenants ont eu une forme de
rejet par rapport à la variété, le projet a tout de même eu un impact sur la compétence plurilingue
des apprenants. Comme évoqué dans le chapitre 5 (section 2.2), le prérequis pour travailler la
compétence plurilingue est d’être conscient que les langues se comparent et s’opposent. Or, comme
cela a été analysé au chapitre 7 (sections 2.2 et 3.2), ces prérequis n’étaient pas forcément présents
chez les élèves de la classe UPE2A-NSA. Pendant les séances mises en place, cette conscience a
émergé chez quelques apprenants. Ainsi, pendant l’activité de traduction à la fin de la séance 2
(annexe 8, p. 101), les apprenants prennent conscience du fait qu’il y a aussi des variétés à l’intérieur
de leurs langues. J’ai aussi remarqué une prise de conscience très claire d’Ismael sur les différentes
prononciations du « r » en français lors de la séance 3 (ibid.). Lors de l’activité S3A3 (ibid.), les
apprenants ont remarqué par eux-mêmes que dans beaucoup de leurs langues le terme d’adresse
exprimant la politesse désigne un membre de la famille. Les apprenants prennent aussi conscience
lors de la présentation de Calaso que la deuxième personne du singulier n’existe pas en somali. Les
apprenants commencent alors à avoir un regard comparatif sur les langues. Cela est d’autant plus
important, puisque lors du premier focus groupe, certains élèves avaient une sorte de rejet pour la
comparaison (chapitre 7, section 3.2). Cette approche a donc, sans vouloir extrapoler, permis de
poser certaines bases de la compétence plurilingue chez les élèves, mais aussi chez l’enseignante.

3.4. L’enseignante et la découverte plus ample du plurilinguisme de la classe

Comme cela a été souligné dans la section précédente, le projet a eu un impact sur la prise en
compte de la variété par l’enseignante. Or, elle a également eu une influence sur sa perception des
langues des élèves en général. Ainsi, j’ai remarqué un réel intérêt de sa part pour les langues des
apprenants. Comme précisé dans le tableau synoptique, E10 répétait les mots dans les différentes
langues et prenait du plaisir à découvrir de nouveaux sons. De plus, en parlant de S3A3 (séance 4,
annexe 8, p. 101), elle accentue avoir appris des choses sur les langues des apprenants :

98
« moi par exemple + je ne savais pas que […] en somalien [...] le mot tu + le mot vous +
n’existent pas ++ donc maintenant je comprends mieux + pourquoi Calaso elle a des
difficultés avec le tu et le vous […] on se rend compte que + y’a des mots qui existent dans
une langue + mais qui n’existent pas dans une autre langue ++ donc c’est difficile pour la
personne d’apprendre » (E10, annexe 9, p. 112)

Cette remarque montre que même si cette activité peut être améliorée (chapitre 7, section 1.2),
elle a le mérite de faire comprendre certaines différences entre les langues qu’elle peut elle-même
intégrer à sa manière d’enseigner, puisqu’elle affirme :

« ça m’a encouragée à peut-être plus réfléchir sur […] sur la langue et pourquoi ils font ces
erreurs-là […] au niveau de la musique + de l’intonation […] appréhender où ça risque de
coincer l’année prochaine + tu vois + par rapport à la grammaire » (E10, annexe 10 p. 118)

Ces affirmations de E10 permettent d’émettre l’hypothèse qu’une expérience positive avec les
approches plurielles peut encourager les enseignants à être plus ouverts aux pratiques plurilingues.

4. Bilan réflexif – Synthèse

Ce dernier chapitre avait pour but l’évaluation du projet. Il s’agissait de présenter des pistes
d’amélioration, mais aussi de répondre à la question : quelles influences le projet sur les variétés
africaines du français peut-il avoir sur les EANA-AFS, les EANA en général et sur les enseignants.

En ce qui concerne le projet proposé, quelques pistes d’amélioration ont pu être détectées.
Ainsi, pour atteindre un meilleur fonctionnement des séances et une utilisation plus aisée de l’outil,
il faudra insister sur une différenciation pédagogique adressant les différents niveaux à l’écrit et en
français des apprenants, mais aussi penser à présenter le lexique dans son contexte. Ce deuxième
point permettra alors de constituer un réel lexique comparatif plurilingue. Ces pistes d’amélioration
pourront donc être suivies, pour donner encore plus de sens à ce projet. En effet, cette évaluation a
également permis de mettre en lumière le réel potentiel de ces séances sur les variétés, notamment
sur la représentation identitaire des apprenants, mais aussi pour la prise en compte des variétés et
langues connues par les apprenants en général.

Même si certains EANA-AFS ont toujours une représentation ou des attitudes négatives envers
les variétés, celles-ci ont tout de même été valorisées et légitimées. Les EANA-AFS ont été
enthousiastes et les pairs ont également développé une représentation positive de la variété. De plus,
le projet a permis d’approfondir la cohésion de groupe, de motiver les apprenants et d’éveiller une
conscience linguistique et une compétence plurilingue. Le projet a donc répondu à plusieurs enjeux,
dont l’accessibilité à tous les EANA, la valorisation des variétés et l’éveil des compétences

99
plurilingues. De plus, les représentations et attitudes de l’enseignante face aux variétés ainsi que
face aux approches plurielles semblent avoir évolué de manière positive. Même si le projet n’a pas
éliminé les représentations négatives, celui-ci peut donc tout de même être qualifié de succès.
Cependant, il aurait été intéressant de faire une évaluation plus en profondeur.

La mise en place et l’évaluation du projet ont permis de mettre en exergue les points forts et les
points faibles de celui-ci. Des pistes de réflexion qui pourraient être approfondies dans de futures
recherches ont ainsi surgi. Le projet aurait effectivement le mérite d’être présenté dans d’autres
UPE2A et face à d’autres EANA-AFS, afin de mieux pouvoir évaluer son influence. L’évaluation
de l’influence de ce projet sur les perceptions des EANA-AFS pourrait alors se faire sous forme
d’entretiens semi-directifs avec chaque apprenant. En effet, les deux focus groupe n’ont pas permis
de réellement comparer les représentations et attitudes des apprenants avant et après le projet,
puisque certains EANA étaient plus en retrait et je n’ai donc pas eu l’occasion d’approfondir mon
questionnement pour chaque élève. Finalement, il serait aussi intéressant de réfléchir à mettre en
avant d’autres variétés que celle de Côte d’Ivoire, puisque les EANA-AFS non ivoiriens ont tous
préféré utiliser leurs langues maternelles (même Amadou, qui avait déjà un niveau de français A2
lors de son arrivée).

100
Conclusion

En conclusion, je souhaite surtout souligner que la recherche-action effectuée et décrite dans


ce mémoire a en effet montré le potentiel d’aborder le répertoire linguistique des EANA lors de leur
apprentissage du FLSco. En effet, ce mémoire avait pour but d’analyser la conception et les résultats
d’un projet sur la mise en valeur des variétés africaines du français, basé sur la BD Aya de Yopougon
auprès d’EANA. Ce projet, conçu et mis en place dans le cadre d’un stage au CASNAV de
Grenoble, relève d’une importance particulière en raison des nombreux EANA-AFS présents dans
cette académie. Ce mémoire présente alors les différentes pistes suivies lors de la conception, mais
décrit aussi les enjeux et la réception de ce projet et permet ainsi de répondre à la problématique
formulée en introduction.

La première partie du mémoire avait pour vocation de présenter le contexte dans lequel
s’ancrait le projet. Il a alors été évoqué que les EANA-AFS sont un public particulier pour lequel
peu de ressources existent. Étant donné le contexte dans lequel ce projet a été mis en place, plusieurs
questions ont vu le jour : comment introduire ces variétés dans le contexte scolaire ? Quel(s)
objectif(s) peuvent être atteint(s) grâce à l’introduction de ces variétés ? Quelle(s) influence(s) ce
projet peut-il avoir sur les élèves et les enseignants ? La deuxième partie de ce mémoire a permis
d’aborder le cadre théorique dans lequel s’inscrivait cette recherche. En effet, le premier chapitre a
permis de mettre en lumière le contexte dans lequel grandissent les EANA-AFS et d’ainsi mettre
en avant l’importance de la prise en compte des variétés du français face à un public ayant évolué
en situation diglossique. Le deuxième chapitre a montré que les variétés ainsi que les langues
d’origine des élèves n’ont que très rarement une place dans le système scolaire français. Cela est
fortement lié à l’idéologie du standard qui pousse les acteurs éducatifs à voir le plurilinguisme
comme une source de difficulté. Finalement, ce chapitre a aussi mis en avant l’importance de la
prise en compte de la variété et du plurilinguisme pour l’apprentissage des langues, mais également
pour la construction identitaire de l’élève. Cela justifie de leur donner une place au sein de ce projet.
Le dernier chapitre du cadre théorique a mis en avant les différentes approches existantes et leurs
apports vis-à-vis de la manière d’aborder les langues et les variétés dans le contexte de
l’apprentissage du FLSco. La dernière partie de ce mémoire a permis d’apporter des réponses aux
questions en analysant les données recueillies et la trame du projet conçu.

Retracer le processus de la recherche-action a permis de répondre aux trois aspects clés de la


problématique. Ainsi, le premier chapitre de l’analyse permet de montrer les enjeux d’un tel projet.
En analysant les discours des enseignants et des EANA-AFS, j’ai donc remarqué que tous deux

101
avaient une représentation négative de la variété. Un premier enjeu est donc sa mise en valeur. Le
deuxième enjeu repéré était la nécessité de s’adapter aux « contraintes » du terrain, c’est-à-dire de
proposer un projet permettant d’inclure tous les EANA d’une classe, mais aussi de faire face aux
difficultés face à l’écrit de ce profil d’apprenants. Finalement, ce chapitre a aussi mis en avant
l’importance de travailler la conscience linguistique et les pratiques comparatives. Le deuxième
chapitre présente les approches et outils utilisés pour répondre à ces enjeux. Parmi eux se trouvent
la littérature jeunesse (notamment la BD Aya de Yopougon), l’EFMC, l’éveil aux langues, les
pratiques comparatives et les approches interculturelles. Le troisième chapitre permet d’évaluer
l’efficacité de ce projet et donc de donner des pistes d’amélioration, mais aussi de mettre en avant
l’influence que ce projet a eue sur l’enseignante et sur les élèves. Ainsi, même si les représentations
négatives de la variété n’ont pas disparu, les variétés et langues des apprenants ont tout de même
été valorisées. Ce projet a également eu un effet motivant et un effet de cohésion de groupe sur tous
les élèves de la classe. De plus, l’émergence d’une conscience linguistique ainsi que d’une
compétence plurilingue a pu être constatée. Finalement, ce projet a aussi permis une réflexion de la
part de l’enseignante sur ses attitudes face aux variétés et aux approches plurielles. Ce projet a donc
permis de confirmer quelques-unes des hypothèses formulées en amont.

Ce mémoire donne un aperçu du réel intérêt d’aborder les variétés africaines du français face à
un public d’EANA-AFS. Cependant, ce projet, ainsi que l’analyse des données, auraient pu être
plus précis grâce à une méthodologie plus ciblée. En effet, puisque le recueil de données en amont
de la conception était trop large, celui-ci n’a pas permis de creuser plus précisément le sujet des
représentations des enseignants par rapport à la variété. Des observations de classe plus nombreuses
auraient également permis de tisser un lien plus étroit entre les pratiques déclarées des enseignants
et les réalités du terrain. De plus, lors de l’analyse des données recueillies, j’ai pu constater que les
données récoltées grâce aux entretiens individuels avec les EANA-AFS sont beaucoup plus précises
que celles des focus groupe. Je pense donc qu’il aurait été intéressant de faire des entretiens semi-
directifs avec tous les apprenants ayant participé aux projets en amont et en aval de la mise en place
des séances. Finalement, pour pouvoir généraliser les résultats obtenus, il aurait été intéressant de
mettre en place le projet dans d’autres classes, notamment face à des EANA-AFS déjà scolarisés.
Malgré ces quelques remarques, la recherche-action présentée a tout de même permis de mettre en
lumière l’importance d’une prise en compte de ces variétés, mais aussi la possibilité de le faire dans
une classe hétérogène sans exclure les EANA d’autres origines. Les différentes approches
présentées dans ce mémoire permettent réellement d’encourager l’utilisation d’approches plurielles

102
et la création d’une représentation positive des différentes pratiques, que ce soit chez l’enseignant
ou l’apprenant.

Le succès de ce projet m’encourage à continuer ma réflexion quant à l’importance de la prise


en compte des variétés africaines du français face à ce public, mais aussi dans la didactique du FLE
et FLS en général. Je rejoins donc Dumont (2019 : 75) dans son plaidoyer pour la « reconnaissance
d’une langue française enfin adaptée aux spécificités de ces locuteurs (linguistiques, culturelles,
identitaires, etc.) ». Pour cela, je pense que les approches plurielles sont d’excellents outils et que
celles présentées dans ce mémoire ne doivent pas se limiter au lexique ou aux compétences
sociolinguistiques, mais peuvent aussi s’étendre aux comparaisons de la syntaxe et de la phonologie.
Je pense alors comme Dumont (2019) que ces approches peuvent permettre des attitudes tolérantes
et intelligentes face à toutes les variétés du français et ainsi permettre une véritable interculturalité
en FLE et FLS. Ce type de projet est donc à élargir et à mettre en place dans différents contextes
d’apprentissage.

Pour finir, je souhaite souligner que ce projet s’inscrit dans ma conviction personnelle forte
d’intégration des pays francophones, et surtout des pays francophones africains dans la didactique
du FLE, FLS ou FLM. Cette francophonie est trop souvent considérée comme moins importante et
moins bonne que les autres, alors que dans les faits, elle représente la majeure partie des locuteurs
francophones et se caractérise par une importante richesse culturelle et linguistique. Non seulement
ces attitudes envers cette francophonie s’inscrivent dans des représentations coloniales d’infériorité
du continent africain, mais les perpétuent. Un travail systématique de l’intégration de la
francophonie africaine dans tous les domaines de la didactique du français est alors nécessaire, afin
de faire contrepoids à ces représentations et attitudes.

103
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114
Liste des acronymes

ASE – aide sociale à l’enfance


BD – Bande dessinée
CAP – certificat d’aptitude professionnelle
CARAP – Cadre de référence pour les approches plurielles des langues et des cultures
CASNAV – centre académique pour la scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés et
des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs
CECRL – cadre européen commun de référence pour les langues
CONFEMEN – Conférence des ministres de l’Éducation des États et gouvernements de la
Francophonie
DELF – diplôme d’études en langue française
DROM – départements et régions d’outre-mer
EANA – élève allophone nouvellement arrivé
EANA-AFS – élève allophone nouvellement arrivé originaire d’Afrique francophone
subsaharienne
ELAN – Ecole et langues nationales en Afrique
ENAF – élèves nouvellement arrivés en France
EFIV – enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs
EFMC – Enseignement du français en milieu créolophone
FLE – Français langue étrangère
FLM – Français langue maternelle
FLS – Français langue seconde
FLSco – Français langue de scolarisation
MIE – Mineur isolé étranger
MNA – Mineur non-accompagné
PASEC - Programme d’analyse des systèmes éducatifs de la CONFEMEN
NSA – non scolarisé antérieurement
OIF – Organisation internationale de la Francophonie
UE – Union Européenne
UPE2A – unité pédagogique pour élèves allophones arrivants
UPE2A-NSA – unité pédagogique pour élèves allophones arrivants non scolarisés antérieurement
RDC – République Démocratique du Congo

115
Table des illustrations et tableaux

Tableau 1 : Profils des élèves de la classe d'UPE2A-NSA ............................................................. 23

Tableau 2 : Répertoires langagiers des élèves avant leur arrivée en France ................................... 24

Tableau 3 : Les enseignants interrogés dans le cadre du projet ...................................................... 65

Tableau 4 : Profils des EANA-AFS interrogés ............................................................................... 66

Illustration 1 : Le Bonus ivoirien dans la BD Aya de Yopougon, Tome intégrale 1, p. 344-345 .. 77

Illustration 2 : Extrait de la BD permettant l'identification de la variation phonologique, S2A3,


annexe 6, p. 71......................................................................................................... 83

116
Table des annexes

Toutes les annexes de ce mémoire se trouve dans un deuxième volume séparé. Dans le corps
du mémoire, les pages indiquées sont donc celles du deuxième volume.

VOLUME D’ANNEXES

117
Table des matières

Remerciements .................................................................................................................. 4

Sommaire.... ....................................................................................................................... 6

Introduction ....................................................................................................................... 9

PARTIE 1 - CONTEXTE ET MÉTHODOLOGIE : LES ÉLÈVES ALLOPHONES ORIGINAIRES D’UN

PAYS D’AFRIQUE FRANCOPHONE SUBSAHARIENNE, LEUR PRISE EN CHARGE DANS

LES UNITÉS PÉDAGOGIQUES POUR ÉLÈVES ALLOPHONES ARRIVANTS ET LA

NAISSANCE DU PROJET SUR LES VARIÉTÉS AFRICAINES DU FRANÇAIS ..................... 13

Chapitre 1. Les élèves allophones nouvellement arrivés originaires d’Afrique


francophone subsaharienne - définition du public ................................. 14

1. Les différents statuts du français en Afrique francophone subsaharienne ............ 14

1.1. Le français langue officielle ou co-officielle .................................................................. 14

1.2. Le français langue d’enseignement................................................................................. 15

2. Les élèves du public-cible sont-ils francophones ? ............................................... 15

2.1. L’ambiguïté de la définition linguistique........................................................................ 15

2.2. Une galaxie de francophones : une réalité complexe ..................................................... 16

2.3. Des élèves francophones, mais surtout plurilingues ....................................................... 17

3. Le public-cible au niveau national et académique ................................................ 17

3.1. Origines des élèves au niveau national et académique ................................................... 17

3.2. Le statut de mineur non-accompagné ............................................................................. 18

3.3. Les élèves du public-cible ont-ils besoin d’un accompagnement linguistique ? ............ 19

3.4. Les unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants ............................................ 19

Chapitre 2. Le terrain de stage – les unités pédagogiques dans l’académie de


Grenoble...................................................................................................... 21

1. La structure d’accueil – organisation et missions ................................................. 21

2. Les missions du stage ............................................................................................ 21

2.1. La mission initiale du stage et son évolution .................................................................. 22

2.2. Le projet de mise en valeur de la variété : séances basées sur Aya de Yopougon ......... 23

118
3. La classe d’accueil et la mise en place du projet sur les variétés .......................... 23

3.1. Les apprenants – des profils très hétérogènes ................................................................. 23

3.2. L’emploi du temps et les heures accordées au projet. .................................................... 25

Chapitre 3. L’élaboration du projet ............................................................................. 26

1. Les hypothèses de départ ....................................................................................... 26

2. La méthodologie du terrain – une recherche-action .............................................. 26

2.1. L’identification des besoins – la commande du stage .................................................... 27

2.2. L’élaboration du plan d’action – collecte de données .................................................... 27

2.3. Mise en place et évaluation du projet ............................................................................. 29

3. Pistes de réflexion et développement de la problématique ................................... 30

PARTIE 2 - CADRE THÉORIQUE : LA PLACE DES VARIÉTÉS AFRICAINES DU FRANÇAIS EN

AFRIQUE FRANCOPHONE SUBSAHARIENNE, À L’ÉCOLE FRANÇAISE ET EN

DIDACTIQUE DES LANGUES ..................................................................................... 32

Chapitre 4. La place du français dans les répertoires et les représentations


linguistiques du public cible ...................................................................... 33

1. Grandir dans un pays dans lequel le français est langue seconde ......................... 33

1.1. Avoir le français comme langue seconde, que cela signifie-t-il ? .................................. 33

1.2. Situations du français langue seconde en Afrique francophone subsaharienne ............. 34

1.3. Implications sur les différentes socialisations avec le français du public-cible ............. 37

2. Les variétés africaines du français – genèse et implications ................................. 37

2.1. La naissance des variations ............................................................................................. 38

2.2. Les particularités lexicales - un lieu d’expressions créatives et identitaires................... 38

2.3. Représentations des variétés africaines du français – une ambiguïté omniprésente....... 39

3. Le rapport diglossique entre les langues – attitudes et implications didactiques .. 40

3.1. La langue en position haute : le français......................................................................... 40

3.2. Les langues en position basse : langues vernaculaires et variétés .................................. 41

3.3. Des basculements au plan micro-sociolinguistique ........................................................ 42

119
3.4. Implications de la diglossie sur les attitudes linguistiques et l’apprentissage du
français 42

4. Synthèse - le rapport du public-cible au français langue de scolarisation............. 43

Chapitre 5. Les places des langues et des variétés dans l’école française ................. 44

1. L’idéologie du standard : une barrière à la prise en compte des variétés et des


langues ?................... ............................................................................................. 44

1.1. L’unilinguisme en France – une longue tradition ........................................................... 44

1.2. Le français standard à l’école – la reproduction d’une idéologie ................................... 45

1.3. L’unilinguisme et l’enseignement en unité pédagogique pour élèves allophones


arrivants. .......................................................................................................................... 45

2. Des plaidoyers pour l’intégration des langues et variétés à l’école ...................... 46

2.1. Les compétences plurilingues, pluriculturelles : de nouveaux horizons ........................ 46

2.2. Les langues, une « ressource potentielle » pour les enseignants et les apprenants......... 47

2.3. Pallier l’insécurité linguistique par l’intégration des langues et des variétés ................. 48

3. Les langues des élèves à l’école : quelle est la place actuelle du


plurilinguisme ?....... .............................................................................................. 49

3.1. La diversité linguistique dans le programme scolaire et ses implications


pédagogiques.. ................................................................................................................ 49

3.2. Représentations et attitudes des enseignants par rapport aux langues des apprenants ... 50

3.3. Impacts sur la construction identitaire des élèves allophones nouvellement arrivés ...... 50

4. Synthèse – la nécessité de la prise en compte des répertoires langagiers ............. 52

Chapitre 6. Mettre en valeur les langues et les variétés, quelles approches ? .......... 54

1. Les créoles à l’école – une situation similaire ? .................................................... 54

1.2. Fondements didactiques de l’enseignement du français en milieu créolophone ............ 55

1.3. Pistes didactiques à exploiter .......................................................................................... 56

2. Aborder le plurilinguisme : les approches plurielles à l’école .............................. 57

2.1. La conscientisation langagière par l’éveil aux langues – prise en compte de


l’hétérogénéité et reconnaissance des langues ................................................................ 58

120
2.2. Comparer les langues ? – les approches contrastives en contexte plurilingue ............... 59

2.3. L’approche interculturelle – l’incontournable des approches plurielles ......................... 60

3. Aborder l’interculturalité et le plurilinguisme par la littérature ............................ 61

3.1. Une représentation identitaire motivante permettant d’aborder l’interculturel .............. 61

3.2. La place de la littérature francophone – une ouverture sur le monde ............................. 62

3.3. La place de la littérature jeunesse – expression de la diversité en classe ....................... 62

4. Synthèse – les approches à retenir ......................................................................... 63

PARTIE 3 - ANALYSE ET TRAITEMENT DES DONNÉES : LES RÉSULTATS DE LA RECHERCHE-

ACTION ET LEURS APPORTS AU PROJET SUR LES VARIÉTÉS AFRICAINES DU

FRANÇAIS...... ......................................................................................................... 64

Chapitre 7. Les enjeux du projet – état des lieux des besoins et pratiques en unité
pédagogique pour élèves allophones arrivants accueillant le public-
cible.............................................................................................................. 65

1. L’unanimité des enseignants face à la variété : utile, mais en arrière-plan ........... 66

1.1. Un intérêt partagé pour la variété ................................................................................... 66

1.2. L’absence de la prise en compte de la variété ................................................................ 67

1.3. Les craintes exprimées par les enseignants – des facteurs à considérer ......................... 68

2. Le rapport au FLSco des élèves – perceptions d’enseignants et d’élèves ............. 68

2.1. Le rapport à l’écrit .......................................................................................................... 68

2.2. La conscience linguistique des élèves par rapport aux variétés ...................................... 69

2.3. Les représentations des élèves face aux variétés du français .......................................... 70

3. La place donnée aux langues des apprenants en classe ......................................... 71

3.1. La place accordée par les enseignants ............................................................................ 72

3.2. Perception de l’utilisation des langues par les apprenants .............................................. 72

4. Synthèse – les enjeux du projet de mise en valeur des variétés ............................ 73

Chapitre 8. Conception d’un projet portant sur les variétés africaines du


français - description et analyse................................................................ 75

1. Le choix du support : Aya de Yopougon – un choix évident ................................ 75

121
1.1. Un thème motivant pour les apprenants ......................................................................... 75

1.2. Un support écrit, mais multimodal – un tremplin pour l’entrée dans l’écrit .................. 76

1.3. L’utilisation de la variété : légitimer les parlers des apprenants ..................................... 77

2. Le choix des contenus et des compétences travaillés – multiplicité des


influences…........................................................................................................... 78

2.1. Travailler les codes discursifs de la BD – contrainte du support.................................... 78

2.2. Travailler la conscience linguistique – l’aspect évident ................................................. 79

2.3. Travailler les termes d’adresse et de politesse : la compétence sociolinguistique et


plurilingue – pour aller plus loin..................................................................................... 79

3. Les approches choisies pour aborder la variété ..................................................... 80

3.1. L’enchainement des séances – une nécessité d’entrée en la matière douce ................... 80

3.2. La structure des séquences – une approche issue de l’EFMC ........................................ 82

3.3. L’influence des approches plurielles – suivre les grandes lignes de l’éveil aux
langues, de la comparaison et de l’approche interculturelle ........................................... 84

4. Synthèse – les approches pour aborder les variétés africaines du français en


classe………………………………………………………………………...85

Chapitre 9. Évaluation du projet – réussites, accrocs et influences sur les


attitudes des apprenants et des enseignants ............................................ 87

1. Déroulement du projet : accrocs et réussites ......................................................... 87

1.1. La réussite d’une représentation identitaire valorisante ................................................. 88

1.2. Revoir l’approche lexicale .............................................................................................. 88

1.3. Nécessité d’une différenciation pédagogique plus grande ............................................. 90

2. Un changement de perspective sur les variétés du français ?................................ 91

2.1. La persistance de la dévalorisation de la variété............................................................. 91

2.2. Représentations et attitudes positives des apprenants envers les variétés ...................... 93

2.3. L’enseignante face à la variété........................................................................................ 94

3. Les approches plurielles et leur conséquence sur la classe ................................... 96

3.1. Une motivation accrue .................................................................................................... 96

122
3.2. L’effet de cohésion de groupe ........................................................................................ 97

3.3. L’émergence d’une compétence plurilingue................................................................... 98

3.4. L’enseignante et la découverte plus ample du plurilinguisme de la classe .................... 98

4. Bilan réflexif – Synthèse ....................................................................................... 99

Conclusion...................................................................................................................... 101

Bibliographie ................................................................................................................. 104

Sitographie… ................................................................................................................. 114

Liste des acronymes ...................................................................................................... 115

Table des illustrations et tableaux ............................................................................... 116

Table des annexes .......................................................................................................... 117

Table des matières ......................................................................................................... 118

123
MOTS-CLÉS : élèves allophones nouvellement arrivés, Afrique francophone subsaharienne,
variétés du français, plurilinguisme, approches plurielles

RÉSUMÉ

Ce mémoire traite des particularités des élèves allophones nouvellement arrivés originaires d’un
pays d’Afrique francophone subsaharienne (EANA-AFS), public très présent dans les unités
pédagogiques pour élèves allophones arrivants (UPE2A) en France. Ces apprenants viennent de pays
dans lesquels le français est langue seconde. Ce contexte socioculturel et le contact entre les langues
et les cultures font émerger des variétés du français. Ce mémoire explore le rapport des EANA-AFS
au français dans une démarche de recherche-action visant à valoriser les variétés africaines du
français en contexte scolaire. Par la mise en place d’un projet basé sur la bande dessinée ivoirienne
Aya de Yopougon dans une classe d’UPE2A de l’académie de Grenoble, ce travail étudie les enjeux,
les moyens et les résultats d’une valorisation du répertoire linguistique des apprenants. Ce mémoire
présentera alors les représentations qu’ont les EANA-AFS et les enseignants des variétés africaines
du français, les approches plurielles mises en œuvre pour valoriser ces pratiques langagières, ainsi
que l’effet d’un tel projet sur l’apprentissage du français langue de scolarisation par ce public.

KEYWORDS: allophone learners with recent migration background, francophone sub-Saharan


Africa, varieties of French, language, plurilingualism, pluralistic approaches to languages and cultures.

ABSTRACT

This dissertation discusses the characteristics of the target group consisting of allophone
learners with recent migration background coming from francophone sub-Saharan Africa (also
called EANA-AFS) who integrate French as a second language teaching units (also called UPE2A)
in schools all around France. These learners have grown up in countries where French is a dominant
language, without it being the population’s native language. In this specific context of contact
between different languages and cultures, varieties of the French language have emerged. This
dissertation investigates this relationship between EANA-AFS and the French language by
conducting action research which intends to motivate the use of African varieties of the French
language in the learning environment at school. To study the stakes, the means and the impact of
such an initiative, a project based on the Ivorian comic series Aya de Yopougon has been carried out
with students in a UPE2A class in the south-eastern region of France. Therefore, this dissertation
will discuss the perception that EANA-AFS and their teachers have of those varieties, as well as the
use of pluralistic approaches to languages and cultures used in the project and their impact on the
learning process of French as a second language by the target group.

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