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Résumé
L’étude d’un bassin versant de 586 km2 au Bénin (Afrique de l’Ouest) par des suivis hydrodynamiques et hydrochimiques, ainsi
que par reconnaissance géophysique de subsurface, a permis de déterminer les processus et le bilan des flux hydriques sur deux
années à pluviométrie contrastée. La recharge de la nappe phréatique s’effectue par infiltration directe des précipitations et
représente de 5 à 24 % de la pluviométrie. L’écoulement à l’exutoire, limité à la saison des pluies ainsi que la minéralisation faible
des eaux indiquent des flux nappe–rivière négligeables. Cette faible contribution de la nappe implique que les variations
interannuelles du coefficient d’écoulement (de 14 à 28 %) sont principalement gouvernées par des flux de surface et de subsurface.
Pour citer cet article : B. Kamagaté et al., C. R. Geoscience 339 (2007).
# 2007 Académie des sciences. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Hydrological processes and water balance of a tropical crystalline bedrock catchment in Benin (Donga, upper Ouémé
River). Hydrodynamic, geochemical, and subsurface geophysical investigations, for two consecutive years with contrasting rainfall
conditions, were used to characterize the hydrological processes occurring, and the water balance of a 586-km2 watershed in Benin
(Africa). The water table’s monitoring shows that recharge occurs by direct infiltration of rainfall, and represents between 5 to 24%
of the annual rainfall. Both surface water outflow, limited to the rainy season, and water chemistry indicate a weak groundwater
contribution to river discharge. This implies that the calculated variations in annual runoff coefficients (of 14 and 28%) are mainly
governed by surface and subsurface flows. To cite this article: B. Kamagaté et al., C. R. Geoscience 339 (2007).
# 2007 Académie des sciences. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (G. Favreau).
1631-0713/$ – see front matter # 2007 Académie des sciences. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.crte.2007.04.003
B. Kamagaté et al. / C. R. Geoscience 339 (2007) 418–429 419
needed to better constrain surface water–groundwater ont jusqu’à présent été menées à partir de données
relationships. hydrodynamiques acquises sur de grands bassins versants
The second approach, based on hydrograph decom- (de l’ordre de 10 000 à 100 000 km2), par des approches
position [2], was used to discriminate direct runoff and indirecte ou conceptuelle (tests statistiques ; calculs de
subsurface flow in river discharge. A two-component, coefficients de tarissement [23,24]). L’explication
one-tracer (EC) hydrograph separation model was proposée est que la diminution relativement plus
considered (EC being representative of the ionic load: importante des débits trouve son origine dans une
e.g., R2 of 0.91 between EC and Ca, Fig. 5A). The réduction durable des apports en eau souterraine. Si la
different signatures were assumed roughly constant in validation de cette hypothèse nécessite d’être effectuée
time and space; computations were done for the K station par une analyse des processus physiques, à une échelle
(Fig. 1). The end-members values (direct runoff and sub- comparable à celle des observations de surface (données
surface flux) were estimated to be of 10 and 55 mS cm 1, piézométriques disponibles sur plusieurs milliers de
with a standard-deviation of 2 and 6, respectively. A kilomètres carrés, sur la période pluridécennale des
Monte Carlo approach was used to estimate the observations de débits), des éléments de réponse peuvent
uncertainty; sub-surface flux makes up to 68 13 and cependant être apportés par la caractérisation des
83 13% of the stream flow in 2003 and 2004, processus physiques affectant les différents réservoirs
respectively. This suggests that the river flow deficit hydriques d’un bassin versant représentatif, étudié sur
has not a single origin, but results in a decrease in both des années à pluviométrie et écoulements contrastés. En
surface and subsurface flows. This conclusion differs Afrique subsaharienne, les rares études existant à fine
from those of other studies performed in the Sahel, where échelle (bassins versants expérimentaux de l’ordre du
Hortonian runoff was shown to have increased following kilomètre carré (e.g. [6]), montrent que la discrimination
soil crusting (e.g., [26]). des écoulements est améliorée par une approche
pluridisciplinaire des différents termes du bilan.
Conclusion Le programme international AMMA (Analyse
multidisciplinaire de la mousson africaine ; http://
In central tropical Benin, at the 586-km2 Donga amma-international.org) a été initié en vue d’améliorer
basin’s scale, runoff and subsurface flow are the main les connaissances sur la mousson ouest-africaine et de
contributors to stream flow, with little or no input from son impact hydrologique. Différents sites instrumentés
the aquifer. This result supplements previous studies font l’objet, depuis 2003, de suivis renforcés, dont celui
performed in smaller (30 km2) neighbouring catch- du bassin versant de la Donga (Ouémé supérieur) au
ments [14], where land clearance was shown to have Bénin (Fig. 1). Sa superficie (586 km2) en fait un objet
increased surface runoff, in accordance with the global
trend [25]. These results will first help in improving the
relevancy of the regional hydrological models
[3,20,27]; on a broader perspective, they will also
contribute to a better understanding of the origin of the
decrease in river discharge observed for the past
decades in West Africa [18,23].
1. Introduction
hydrologique intermédiaire entre les grands bassins supérieur et constituées de granites, de granito-gneiss et
régionaux et les bassins expérimentaux ; cette échelle de schistes [1,5]. Les altérites, principalement silteuses
rend possible une caractérisation des processus hydro- et argileuses sur une épaisseur de 10 à 25 m, constituent
logiques tout en permettant, en terme de bilan, une l’aquifère de la nappe libre. Localement et plus en
intégration suffisamment représentative des variations profondeur, des fractures du socle peuvent constituer un
spatiotemporelles naturelles. À l’échelle régionale, de réservoir pérenne, en continuité hydraulique avec la
même que l’analyse de la variation spatiotemporelle de couverture altérée du socle [16].
la pluviométrie [19] ou de la caractérisation spatiale des Les sols régionaux, de type « ferrugineux tropicaux
sols [14], la connaissance des processus surface– lessivés » [12] sont de nature variable en fonction de leur
souterrain est un élément fondamental pour appréhen- position topographique, de la nature des roches sous-
der la variabilité temporelle des ressources hydriques. jacentes ou de l’anthropisation du site (sols localement
Dans cette note, nous présentons les premiers hydromorphes, indurés, peu lessivés ou lessivés [11]). La
résultats des suivis hydrodynamiques (piézométrie et végétation climacique est constituée d’une savane à
débits) et hydrochimiques (physicochimie et ions Isoberlinia sp. à couvert herbacé continu (Andropogon
majeurs) réalisés sur le bassin versant de la Donga au sp., Hypparhenia sp.). Cette végétation naturelle est
cours de deux années à pluviométrie contrastée aujourd’hui largement dégradée en une mosaı̈que de
(1514 mm en 2003, 1140 mm en 2004). L’analyse champs (igname, manioc, sorgho, maı̈s, coton). À l’aval
des processus en jeu sur le bassin, appuyée par des des versants, les principaux axes de drainage sont bordés
mesures de géophysique de subsurface (résistivité), sur 10 à 20 m par une dense forêt-galerie.
permet d’obtenir une première estimation du bilan L’activité socio-économique, hormis la ville de
hydrologique. Le schéma des flux hydriques proposé Djougou (20 000 habitants) est essentiellement rurale
relativise, à l’échelle de l’étude, l’impact de l’aquifère et basée sur des cultures pluviales (absence d’irrigation).
sur les flux de surface et suggère une importance La densité de la population, proche de 30 hab km 2,
prépondérante des écoulements de surface et de connaı̂t une croissance annuelle de 4,9 % par an (1992–
subsurface comme facteurs de la variabilité interan- 2002) ; l’essentiel des ressources en eau à usage
nuelle des débits observés à l’exutoire. domestique provient d’une multitude de puits villageois,
disséminés sur l’ensemble du bassin. Des suivis de terrain
2. Zone d’étude des puisages quotidiens, effectués en 2003 dans six
villages représentatifs, indiquent une consommation
Le bassin de la rivière Donga est un affluent de domestique de l’ordre de 21 L hab 1 j 1, proche de celle
l’Ouémé, le plus grand fleuve du Bénin (523 km), dont la de 17 L hab 1 j 1 estimée pour l’ensemble du haut
haute vallée couvre une superficie de 14 300 km2 [17]. Il Ouémé [15]. Compte tenu de la population du bassin de la
se situe au Centre-Ouest du Bénin (Fig. 1), sous climat Donga, cela implique des prélèvements anthropiques
tropical de type soudano-guinéen, à saisons contrastées faibles, de l’ordre de 0,2 mm an 1.
(alternance d’une saison sèche et d’une saison plu-
vieuse). Sur ce bassin versant, la pluviométrie moyenne 3. Données
annuelle observée à la station météorologique de
Djougou, sur la période 1950–2004, est de 1195 mm Des données préliminaires sur l’organisation de la
(1280 mm de 1950 à 1969, 1150 mm de 1970 à 2004) ; couverture d’altération ont été obtenues en mai 2003 par
l’essentiel des pluies (60 %) se concentre entre juillet et des prospections géophysiques basées sur la résistivité
septembre. L’évapotranspiration potentielle (ETP) cal- électrique [8]. Dans ce type de milieu, ce paramètre
culée par la méthode de Penman–Monteith [10] est de présente des contrastes importants en fonction de la
1390 mm an 1 (2002–2005) ; à l’échelle mensuelle, elle nature des roches, des teneurs en eau ou en argile. La
montre une faible variabilité saisonnière, avec un méthode de la tomographie électrique [22] a été mise en
maximum de 5 à 6 mm j 1 en saison sèche et un œuvre sur plusieurs versants du bassin, à une échelle
minimum de 3 à 4 mm j 1 en saison des pluies. pluri-hectométrique. En parallèle aux mesures, des
La topographie du bassin est vallonnée, avec des relevés géologiques ont été effectués pour contraindre
altitudes comprises entre 520 m à l’amont (ouest) et l’interprétation.
340 m à l’exutoire (est), avec une pente moyenne de la Les données hydrodynamiques sont issues de 16
rivière de 1,7 m km 1. Les roches sont essentiellement pluviomètres, de 26 puits suivis en piézométrie et de
des formations métamorphiques de la bordure est trois stations limnimétriques ; ces stations représentent,
du craton Ouest-Africain, datées du Protérozoı̈que d’amont en aval, des bassins emboı̂tés, de superficies
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croissantes (Ara-pont (A), 13 km2 ; Donga-Kolokondé été réalisées sur des eaux de pluie (18 analyses), de la
(K), 105 km2 ; et Donga-pont BV, 586 km2 ; Fig. 1). En nappe (23 puits et 15 forages), de sources temporaires (8
complément, à plus fine échelle, des données issues analyses) et du cours principal de la Donga (une douzaine
d’un site à l’amont du bassin où neuf piézomètres ont d’analyses par station limnimétrique). Pour les eaux de la
été crépinés à différentes profondeurs (2, 10 et 20 m) Donga, un échantillonnage à haute fréquence a égale-
sont disponibles depuis 2004 (Fig. 1). Les pluviomètres ment pu être effectué sur trois crues majeures en 2003.
enregistreurs permettent de discriminer les événements L’ensemble des échantillons, filtrés in situ, a été analysé
par cumuls de 0,5 mm. Les niveaux de la nappe libre ont avec une précision de 5 % par électrophorèse capillaire
été enregistrés à des pas de temps de 30 min (13 sites) (cations et SO42 , NO3 , Cl ) ou titration acide
et/ou par lectures tri-journalières (23 sites). Les trois (HCO3 ) au laboratoire HydroSciences de Montpellier
stations limnimétriques considérées, étalonnées, ont (France).
bénéficié d’enregistrements au pas de temps de 5 min
pour les deux stations à l’amont (A, K) et de 30 min 4. Résultats
pour la station à l’aval (exutoire). L’ensemble des
piézomètres et des échelles limnimétriques ont été 4.1. Géophysique de subsurface
nivelés par GPS différentiel pour caractériser la
distribution spatiale des potentiels hydrauliques [16]. Plusieurs profils de résistivité électrique transversaux
Les données hydrochimiques sont constituées de aux talwegs ont été réalisés par tomographie en différents
suivis mensuels à trimestriels des paramètres physico- points du bassin [8,16]. Un exemple typique de profil de
chimiques – température, pH, conductivité électrique résistivité, obtenu en amont du bassin, est présenté sur la
(CE, à 25 8C) – sur une vingtaine de puits et forages. Des Fig. 2 ; ce profil montre une hétérogénéité importante
mesures ont également été effectuées sur le cumul d’une de l’altération à une échelle hectométrique. Les
dizaine d’événements pluvieux sur cinq pluviomètres de formations argileuses et/ou argilo-sableuses électrique-
l’amont du bassin, ainsi que dans les eaux de surface, en ment conductrices sont organisées en lentilles parfois
divers points du bassin (sources, affluents et cours affleurantes ; cette distribution suggère que des nappes
principal de la Donga). La station limnimétrique de perchées peuvent se mettre en place, les formations
Donga-Kolokondé (K, Fig. 1) fait l’objet depuis juin argileuses constituant des niveaux imperméables. Des
2003 d’un suivi automatique de la CE à des pas de temps cuirasses superficielles se notent par de fortes résistivités
de 30 min ; sur les piézomètres du site expérimental de électriques. Le socle, électriquement résistant, se
l’amont du bassin, des enregistrements de la CE à pas de rencontre entre 15 et 25 m sous la surface. Son modelé
temps de 30 min sont également effectués depuis avril présente de faibles ondulations sans relation avec la
2004. En parallèle à ces mesures, des analyses de la topographie. Localement, des formations massives de
chimie des ions majeurs (Ca2+, Mg2+, Na+, K+ pour les plus forte résistance (par exemple, des quartzites),
cations, HCO3 , SO42 , NO3 , Cl pour les anions) ont propices au ruissellement, affleurent (Fig. 2).
Fig. 2. Coupe de distribution des résistivités sur un versant représentatif du sous-bassin d’Ara, mai 2003 (localisée à « PG », Fig. 1). L’équivalence
entre résistivité et type de terrain est proposée sur la base de mesures de résistivité sur affleurement.
Fig. 2. Resistivity cross-section in the Ara watershed in May 2003 (located as ‘‘PG’’ in Fig. 1). The geological interpretation is based on resistivity
measurements made on different outcropping surfaces.
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Tableau 1
Bilan hydrologique pour les deux années de suivi à l’échelle du bassin versant (BV) ; la pluie (P) et le débit (Q) sont également calculés pour les deux
autres exutoires intermédiaires (A et K, cf. Fig. 1)
Table 1
Water balance for the two surveyed years at the basin scale (BV); rainfall (P) and outflow (Q) are also reported for the two intermediate outlets (A and
K, cf. Fig. 1)
P (mm) Q (mm), [Q/P] (%) R (mm), [R/P]% ETR (mm)
A K BV A K BV BV, n = 1 % BV, n = 5 % BV
2003 1634 1580 1514 480 437 429 74 370 1085
[29.4] [27.7] [28.3] [4.9] [24.4]
2004 1066 1095 1140 158 106 156 53 265 984
[14.8] [9.6] [13.7] [4.6] [23.2]
La recharge de la nappe (R) est estimée par la méthode des fluctuations piézométriques pour deux valeurs possibles de la porosité efficace de
l’aquifère (n = 1 %, n = 5 %) ; l’évapotranspiration réelle (ETR) est déduite par soustraction aux termes du bilan externe du bassin (P Q), en
négligeant le stockage interannuel dans l’aquifère (absence de tendance piézométrique) et les prélèvements anthropiques (0,2 mm an 1).
Groundwater recharge (R) is estimated by the water table fluctuation method for two possible values of the specific yield (n = 1 %, n = 5 %); effective
evapotranspiration (ETR) is deducted from the external terms of the balance (P Q), considering no groundwater storage at the interannual scale
and neglecting the human water consumption (0.2 mm yr 1).
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mesurées dans les piézomètres expérimentaux présentant observations réalisées à la station « A » montrent des CE
des amplitudes similaires à celles obtenues dans les puits. proches de celles de l’eau de pluie durant les pics de
L’influence des flux souterrains provenant de l’amont des crue (8 < CE < 17 mS cm 1), ce qui peut justifier de
points de mesure est considérée comme négligeable, les l’assimilation de la CE des pluies (10 2 mS cm 1) au
observations réalisées sur des transects piézométriques le pôle RR. En considérant les valeurs de CE mesurées aux
long de versants montrant de faibles différences de trois stations en période d’inter-crue, une valeur de
fluctuation saisonnière (<15 %). Pour quantifier l’impact 55 6 mS cm 1 a été fixée au pôle SS ; cette valeur est
du choix de n sur la recharge estimée, une gamme de 1 à dans la gamme de celles observées pour les nappes
5 % a été retenue pour la porosité efficace (Tableau 1), en perchées (75 30 mS cm 1). Les calculs se rapportent à
accord avec les valeurs généralement admises pour les la station K (Fig. 1), équipée d’un enregistreur de CE sur
altérites de socle en Afrique de l’Ouest [9,13]. La les deux années considérées, aux valeurs de CE proches
recharge déduite est de 74 à 370 mm an 1 (2003) et de 53 de celles de l’exutoire (53 8 et 65 7 mS cm 1
à 265 mm an 1 (2004), soit de 5 à 24 % du total respectivement, en période d’inter-crue). Pour tenir
pluviométrique. Ces coefficients de recharge sont compte de l’incertitude sur les pôles, une simulation a
compatibles avec la gamme de 20 à 30 % obtenue pour été réalisée par la méthode de Monte Carlo (tirage des
des aquifères en zone de socle et sous climat soudanien valeurs des pôles dans des lois normales de moyenne et
[13]. À l’échelle du bassin, ces chiffres apparaissent écart-type précédemment donnés). Les flux de subsurface
compatibles avec des flux d’exfiltration par évapotrans- représentent 68 13 % et 83 13 % de l’écoulement
piration pendant les cinq à six mois de la saison sèche. À total, respectivement en 2003 et 2004 ; à l’échelle intra-
l’échelle des versants (Fig. 6), une estimation des flux saisonnière, aucune évolution significative des contribu-
souterrains peut être effectuée par l’application de la loi tions n’est observée. Sur cette partie du bassin versant, les
de Darcy : sur la base des paramètres de l’aquifère sommes des écoulements rapides et de subsurface
(perméabilité de 10 5 m s 1, épaisseur saturée de 10 à peuvent donc être estimées respectivement à 140 et
20 m, gradients hydrauliques de l’ordre de 2 à 3 %), les 297 mm en 2003, et à 18 et 88 mm en 2004. Pour ces deux
flux parvenant aux talwegs sont de l’ordre de années à écoulement contrasté, ces calculs suggèrent que
0,3 m3 m 1 j 1. En considérant une largeur de forêts- la baisse des écoulements n’a pas une origine unique,
galeries de 20 m, un flux d’évapotranspiration de l’ordre mais résulte d’un déficit combiné des flux de surface et de
de 15 à 20 mm j 1 serait alors suffisant pour empêcher subsurface. Ce processus s’avère donc distinct de celui
toute contribution du souterrain au réseau hydrographi- observé plus au nord au Sahel, où le déficit pluviomé-
que. Selon [10], en raison de l’effet d’oasis et de leur trique combiné au déboisement a provoqué la seule
organisation linéaire, l’ETP des forêts galeries peut être augmentation du ruissellement Hortonien sur surfaces
d’au moins un facteur 2 supérieure à l’ETP de 5 à encroûtées (par exemple, [26]) ; en zone soudanienne, un
6 mm j 1 en saison sèche, calculée selon les seuls sol plus développé favorise l’infiltration locale et les flux
paramètres atmosphériques. En première approche, de subsurface, dont la réponse au déficit pluviométrique
l’ordre de grandeur des flux souterrains apparaı̂t donc peut être différente, en amplitude, de celle du ruisselle-
compatible avec des flux d’exfiltration gouvernés par ment.
évapotranspiration ; des études complémentaires seraient
cependant nécessaires pour mieux quantifier les flux 6. Conclusion
hydriques à l’aval des versants.
En accord avec les processus identifiés, une décom- Cette étude, basée sur une approche couplée
position de l’hydrogramme en deux écoulements hydrodynamique et hydrochimique des flux hydriques,
(ruissellement, RR, et flux de subsurface, SS) a été montre que l’origine des écoulements sur le bassin
retenue. Les hypothèses classiques [2] suivantes ont été versant de la Donga est à dominante superficielle. Ce
adoptées : (1) on a invariance spatiotemporelle de la résultat précise et complète, pour le haut Ouémé, des
signature des réservoirs contributeurs ; (2) la CE études antérieures sur un sous-bassin moins étendu
représente une valeur représentative de la charge ionique (30 km2), où l’impact de la mise en culture a engendré
issue de l’altération. Pour notre cas d’étude, des variations une augmentation du ruissellement et une réduction de
temporelles du chimisme sont cependant notées en l’évapotranspiration [14], en accord avec la tendance
subsurface (Fig. 4) et K+ évolue indépendamment de la observée à l’échelle globale [25]. À terme, par une
CE (Fig. 5A) ; ces écarts restent suffisamment mineurs meilleure prise en compte des processus hydrologiques
(par exemple, R2 de 0,91 entre CE et Ca, Fig. 5A) pour et de la variabilité interannuelle des flux, une
justifier, en première approche, les hypothèses. Des amélioration des modèles hydrologiques établis pour
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le haut Ouémé [3,20,27] est attendue ; en retour, ces [5] BRGM/OBM, Carte géologique au 1/200 000e, feuille de Djou-
modèles permettront de valider la cohérence des gou–Parakou–Nikki, Office béninois des mines, Cotonou, répu-
blique du Bénin, 1984.
gammes de valeurs estimées pour les différents [6] P. Chevallier, O. Planchon, Hydrological processes in a small
paramètres du bilan hydrologique du bassin. humid savannah basin (Ivory Coast), J. Hydrol. 151 (1993)
Ces résultats constituent une première étape dans 173–191.
l’étude hydrologique de ce bassin versant. Dans le cadre [7] R.S. Crosbie, P. Binning, J.D. Kalma, A time series approach to
inferring groundwater recharge using the water table fluctuation
du programme AMMA, un suivi à plus long terme
method, Water Resour. Res. 41 (2005), doi:10.1029/
permettra de préciser encore davantage l’importance 2004WR003077.
respective du ruissellement et des écoulements de [8] M. Descloitres, M. Wubda, Y. Le Troquer, Prospections géo-
subsurface dans la variabilité interannuelle des débits. physiques sur le bassin versant d’Ara : électrique 2D et électro-
Dans une perspective plus large, cette étude représente magnétisme EM34 ; Compte- rendu de mission du 5 au 14 mai
également une contribution à une meilleure connais- 2003, Rapport technique IRD, Ouagadougou, Burkina-Faso,
2003 (15 p.).
sance de la variabilité spatiotemporelle des flux surface- [9] M. Engalenc, Méthode d’étude et de recherche de l’eau souter-
souterrain et de son impact sur l’hydrologie de l’Afrique raine des roches cristallines de l’Afrique de l’Ouest, CIEH,
tropicale [18,23]. Maisons-Alfort, France, 1978 (318 p.).
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Remerciements water requirements. FAO Irrigation and Drainage paper, 56,
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X0490E/X0490E00.htm.
Une part importante de l’acquisition de données de [11] P. Faure, Carte pédologique de reconnaissance au 1:200 000e,
terrain a été assurée par S. Afouda, M. Arjounin, J.-M. feuille de Djougou, Orstom Éd., Paris, France, 1977.
Bouchez, F. Jacquin, F. Malinur et T. Ouani, techniciens [12] P. Faure, B. Volkoff, Some factors affecting regional differentia-
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de l’IRD au Bénin. Les traitements des données
32 (1998) 281–306.
pluviométriques et hydrométriques ont été coordonnés [13] C. Filippi, F. Milville, D. Thiery, Évaluation de la recharge
respectivement par L. Le Barbé et C. Peugeot (IRD). La naturelle des aquifères en climat soudano-sahélien par modéli-
direction de l’hydraulique de Djougou (MMEH, Bénin) sation hydrologique globale : application à 10 sites au Burkina-
a permis l’accès aux données et aux infrastructures Faso, J. Sci. Hydrol. 35 (1990) 29–48.
hydrauliques du bassin. Les villageois de la zone [14] S. Giertz, B. Junge, B. Diekkrüger, Assessing the effects of land
use change on soil physical properties and hydrological pro-
étudiée sont remerciés pour leur accueil et leur cesses in the sub-humid tropical environment of West Africa,
participation active à certains suivis. Ce travail a été Phys. Chem. Earth. 30 (2005) 485–496.
rendu possible par une bourse de thèse de la Côte [15] K. Hadjer, T. Klein, M. Schopp, Water consumption embedded
d’Ivoire (B. Kamagaté), par les financements institu- in its social context, north-western Benin, Phys. Chem. Earth 30
(2005) 357–364.
tionnels des programmes français ECCO-PNRH (2003–
[16] B. Kamagaté, Fonctionnement hydrologique et origine des
2006) et ORE (2002–2010), ainsi que par le soutien du écoulements sur un bassin versant en milieu tropical de socle
projet européen AMMA-EU (2005–2009). au Bénin : bassin versant de la Donga (haute vallée de l’Ouémé),
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